UN ACCORD EST-IL ENVISAGEABLE ?

Les premières discussions au Conseil, niveau COREPER (Représentants permanents) organisées avant même la parution du texte ont mis en évidence l'opposition de fond de plusieurs pays (Hongrie, Lettonie, Pologne et République tchèque) à un nouveau texte. Ces Etats rappellent au préalable que la transposition de la directive d'exécution n'est pas achevée. Ils insistent sur le fait que les propositions de la Commission éliminent un avantage compétitif et réfutent l'assimilation à un quelconque dumping social, celui-ci étant défini comme un prix de prestation inférieur au prix de revient. La révision ciblée est, de fait, envisagée par eux comme une mesure de discrimination à leur encontre, susceptible de créer des obstacles à la libre prestation de service, dans la lignée de l'arrangement négocié avec le Royaume-Uni. Ces pays regrettent par ailleurs la dissociation du texte d'avec celui prévu sur la coordination des régimes de sécurité sociale, ainsi que la faiblesse de l'étude d'impact accompagnant la proposition.

Les parlements de onze pays (Bulgarie, Croatie, Danemark, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Pologne, Roumanie, Slovaquie, République tchèque), soit plus d'un tiers des parlements nationaux, ont, par ailleurs jugé, le texte contraire au principe de subsidiarité et émis des avis motivés. Aux termes du protocole sur l'application des principes de subsidiarité et de proportionnalité, annexé au Traité de Lisbonne, dans le cas où les avis motivés sur le non-respect par un projet d'acte législatif du principe de subsidiarité représentent au moins un tiers de l'ensemble parlements nationaux, le projet doit être réexaminé (procédure dite du «carton jaune») 30 ( * ) . La Commission peut décider, soit de maintenir le projet en l'état, soit de le modifier, soit de le retirer, en motivant cette décision. Il existe un précédent déjà lié à la question du détachement des travailleurs. En 2012, la Commission européenne a dû retirer une proposition qui tendait à subordonner le droit de grève des travailleurs détachés aux libertés économiques 31 ( * ) . À l'initiative de la commission des affaires européennes, le Sénat avait alors estimé, comme onze autres chambres, que le texte était contraire au principe de subsidiarité atteignant ainsi le seuil du carton jaune 32 ( * ) . La Commission européenne a, pour l'heure, réagi de manière informelle en indiquant que la révision ciblée respectait le principe de subsidiarité.

L'Allemagne et le Royaume-Uni ont exprimé pour l'heure une position d'attente, réservant de fait leur avis après le résultat du référendum britannique. L'Autriche, le Danemark et la Suède ont estimé que le texte était juste et équilibré. Les objectifs de la proposition de la Commission ont été également salués par l'Espagne, l'Italie et le Portugal qui souhaitent cependant que la transposition de la directive d'exécution soit achevée et que le Conseil puisse disposer de la proposition de révision du règlement de coordination des régimes de sécurité sociale.

En tout état de cause, deux minorités de blocage apparaissent aujourd'hui au Conseil. Un texte moins ambitieux que celui proposé actuellement par La Commission européenne ne pourrait recevoir l'assentiment de la France et des cosignataires de la lettre de juin 2015, ce qui rendrait impossible son adoption. A l'inverse, les opposants au texte actuel constituent également une minorité de blocage.

C'est dans ce contexte que votre rapporteur vous propose d'adopter une proposition de résolution européenne destinée à saluer la démarche de la Commission européenne et à appuyer les demandes du Gouvernement lors des négociations. Cette résolution sera doublée d'un avis politique qui en reprendra les termes et sera transmis directement à la Commission européenne, dans le cadre du dialogue politique noué avec elle depuis 2005.


* 30 Article 7 du Protocole n°2 sur l'application des principes de subsidiarité et de proportionnalité.

* 31 Proposition de règlement relatif à l'exercice du droit de mener des actions collectives dans le contexte de la liberté d'établissement et de la libre prestation des services (COM (2015) 128 final).

* 32 Résolution européenne portant avis motivé n°119 (2011-2012) sur la conformité au principe de subsidiarité de la proposition de règlement du Conseil relatif à l'exercice du droit de mener des actions collectives.

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