B. LA CONDUITE D'UNE RÉFLEXION PROSPECTIVE SUR L'ORGANISATION DU TERRITOIRE DÉPARTEMENTAL

La refonte des SDCI résultant du relèvement du seuil intercommunal a nécessairement conduit les élus à « repenser » l'organisation intercommunale de leur département puisque les communautés de communes de moins de 15 000 habitants exclues du bénéfice des dérogations prévues par le législateur devaient s'élargir.

1. Une démarche « proactive »

Le législateur a relevé les seuils, les projets préfectoraux s'y sont conformés et les CDCI devaient les respecter.

Cependant, leur travail est allé au-delà en impliquant les intercommunalités conforme au critère démographique, soit pour accueillir des petites communautés, soit en conséquence des projets ambitieux de certains préfets.

Ce chantier, en outre, s'est inscrit dans le cadre de la réforme de la carte régionale qui a beaucoup irrigué les travaux des CDCI, les élus en prenant acte et dessinant, selon les territoires, des projets en tenant compte.

C'est ainsi que les élus, conscients de l'évolution inéluctable des cartes intercommunales, se sont inscrits dans cet exercice en amendant parfois le projet préfectoral pour retenir des périmètres plus vastes. Un exemple : en Haute-Savoie, ce qui n'était qu'envisagé par le projet, lequel ne proposait que le rattachement de Thonon-les-Bains, à la CC des Collines du Léman, a été inscrit au SDCI : par 41 voix pour et 3 voix contre, le schéma prévoit la constitution d'une CA réunissant la commune de Thonon, les CC du Bas-Chablais et des Collines du Léman.

Conscients aussi de dessiner l'organisation locale pour les deux ou trois prochaines décennies, les élus ont parfois complété les schémas par l'adoption de voeux traduisant l'engagement de construire, lors de la prochaine révision des SDCI en 2020, des communautés plus importantes par la fusion de certaines d'entre elles qui ne pourraient se réaliser immédiatement, faute souvent de pouvoir bénéficier d'un délai supplémentaire d'une année.

Notre ancien collègue Ambroise Dupont, membre de la CDCI du Calvados, résumait ainsi la responsabilité présente des élus de son département : « au seuil d'une étape historique de l'organisation de l'administration du territoire », permettre à la Basse-Normandie de « conserver une place éminente au sein de la Grande Normandie, à l'horizon des trente prochaines années » 4 ( * ) . Quelques mois plus tard, rencontrant vos rapporteurs, il observait que la Normandie réunifiée avait conduit à la consolidation de la situation de Caen.

Si les projets préfectoraux ont été établis le plus souvent selon la technique du bloc à bloc, les CDCI ont été plus « audacieuses » en procédant à des extensions de périmètre par la scission de communautés existantes. Cet exercice n'est cependant pas dominant : outre les conséquences qu'elles impliquent sur les EPCI concernés, ces recompositions par communes s'avèrent des opérations complexes à mener. M. Philippe Barry, président de la CC du Val de Vienne, indiquait à vos rapporteurs, le 24 juin dernier, que le règlement du retrait d'une des communes membres de sa communauté pour rejoindre Limoges Métropole cinq ans auparavant, venait de s'achever.

2. Les enseignements généraux des travaux des CDCI

En résumé, la construction des cartes par les CDCI repose sur trois piliers principaux :

1. le souci de respecter la volonté des élus pour permettre la construction du projet de territoire et favoriser la réussite des nouveaux groupements.

De nombreuses interventions en ce sens figurent dans les travaux de la CDCI d'Ille-et-Vilaine par exemple.

Comment envisager de fonder une nouvelle communauté contre l'avis de ceux qui seront chargés de la mettre en place et de la gérer ? Cette circonstance, hélas, n'est pas une simple hypothèse. Certaines prescriptions de SDCI prévoient des intercommunalités pourtant rejetées sur le terrain. C'est le cas en Ardèche où les élus s'étaient déjà opposés au cours de l'élaboration du schéma à la fusion de trois CC -Pays de Lamastre, Val d'Ay et Pays de Saint-Félicien, seule cette dernière communauté étant légalement contrainte à évoluer puisqu'elle recense aujourd'hui 3 829 habitants. Saisis de l'arrêté de périmètre, les 28 communes et les trois EPCI concernés ont renouvelé leur opposition en votant contre cette fusion ;

2. le souci de la proximité .

Celui-ci est souvent à l'origine des avis défavorables des collectivités sur les projets préfectoraux. C'est notamment le cas dans la Manche ;

3. le regret d'une réforme trop rapide .

Même si certains élus s'opposent à un report, le calendrier fixé par la loi NOTRe et la date-butoir du 1 er janvier 2017 sont généralement dénoncés, parfois vivement ; vos rapporteurs ont pu le constater dans la Marne lors d'une réunion avec des exécutifs intercommunaux. Ces délais ont finalement entravé l'éclosion de divers projets de périmètres dessinés par les préfets, la CDCI retenant les arguments des collectivités concernées, la difficulté dans ce délai contraint de pouvoir conduire dans des conditions satisfaisantes certaines fusions qui - convenons-en - sont toujours des opérations délicates à mener, qu'il s'agisse de l'harmonisation des compétences ou de la fiscalité notamment. Il faut y ajouter le choix du nouveau siège de l'intercommunalité, qui peut constituer un point de blocage, ainsi qu'y est confronté M. Christophe Giroir, président de la CC des Feuillardiers dans la Haute-Vienne. Parfois, ces projets avortés ont été retenus avec un caractère prospectif.

Il est certainement dommageable que le Gouvernement se soit opposé à la faculté, votée par le Sénat le 7 avril 2016, à l'initiative de notre collègue Jacques Mézard et sur le rapport du sénateur Patrick Masclet, de pouvoir disposer, dans ces opérations importantes, d'une année supplémentaire pour permettre aux projets de mûrir et de se réaliser dans des conditions sereines et plus cohérentes 5 ( * ) . Le dispositif voté par la Haute assemblée qui ne s'appliquerait qu'aux fusions, l'aurait nécessairement été au cas par cas. Le Gouvernement n'a pas souhaité qu'il soit adopté, la proposition de loi est donc bloquée à l'Assemblée nationale.

Or, la lecture des travaux des CDCI indique que loin de s'opposer aux projets préfectoraux, de nombreux élus demandaient simplement un peu plus de temps pour mieux préparer les fusions. C'est le cas dans la Meuse : la CDCI a adopté un amendement du président de la communauté de communes du Pays de Revigny-sur-Ornain pour refuser la fusion proposée par le préfet de celle-ci avec la communauté d'agglomération de Bar-le-Duc-Sud Meuse au motif que le calendrier fixé par la loi Notre ne permettait pas un travail suffisamment approfondi pour établir le projet de territoire ; en revanche, les exécutifs s'engagent sur une fusion au 1 er janvier 2018 6 ( * ) . Dans la Mayenne, la CDCI a souhaité que le projet de fusion entre la CA de Laval et la CC du pays de Loiron puisse bénéficier d'une année de plus.


* 4 Cf . compte rendu de la séance du 12 octobre 2015.

* 5 Cf . proposition de loi modifiant la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République pour permettre , à titre exceptionnel , de différer d'un an la création d'une nouvelle intercommunalité (TA n° 112, 2015-2016).

* 6 Cf. procès-verbal de la réunion du 14 mars 2016.

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