Rapport d'information n° 746 (2015-2016) de MM. Jean BIZET , Pascal ALLIZARD et François MARC , fait au nom de la commission des affaires européennes, déposé le 30 juin 2016

Disponible au format PDF (418 Koctets)


N° 746

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2015-2016

Enregistré à la Présidence du Sénat le 30 juin 2016

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des affaires européennes (1) sur la mission en Pologne des 16 et 17 juin 2016 ,

Par MM. Jean BIZET, Pascal ALLIZARD et François MARC,

Sénateurs.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Bizet, président ; MM. Michel Billout, Michel Delebarre, Jean-Paul Emorine, André Gattolin, Mme Fabienne Keller, MM Yves Pozzo di Borgo, André Reichardt, Jean-Claude Requier, Simon Sutour, Richard Yung, vice-présidents ; Mme Colette Mélot, M Louis Nègre, Mme Patricia Schillinger, secrétaires , MM. Pascal Allizard, Éric Bocquet, Philippe Bonnecarrère, Gérard César, René Danesi, Mme Nicole Duranton, M. Christophe-André Frassa, Mmes Joëlle Garriaud-Maylam, Pascale Gruny, MM. Claude Haut, Mmes Sophie Joissains, Gisèle Jourda, MM. Claude Kern, Jean-Yves Leconte, François Marc, Didier Marie, Robert Navarro, Georges Patient, Michel Raison, Daniel Raoul, Alain Richard et Alain Vasselle.

AVANT-PROPOS

Une délégation de la commission des affaires européennes du Sénat s'est rendue à Varsovie les 16 et 17 juin 2016. Conduite par M. Jean Bizet, président, elle était composée de MM. Pascal Allizard et François Marc.

Répondant à l'invitation du Sénat polonais qu'elle tient à remercier chaleureusement pour son accueil en tout point remarquable, cette mission a pu être réalisée à un moment particulièrement opportun, dans la mesure où :

- d'une part, nous souhaitions pouvoir prendre, sur place, la mesure de la situation politique de la Pologne depuis les élections de 2015. En effet, certaines décisions des autorités polonaises étaient, depuis quelques mois, de nature à nourrir des interrogations s'agissant en particulier du respect de l'État de droit ;

- d'autre part, le contexte créé par le référendum britannique appelle une intensification des échanges, en particulier avec les plus grands États membres de l'Union, afin de participer, au plan parlementaire, à l'indispensable relance du projet européen ;

- enfin, notre mission a eu lieu quelques jours après des prises de position opposées de nos assemblées respectives sur le sujet du détachement des travailleurs et au moment où le Sénat français s'est exprimé sur l'avenir des sanctions envers la Russie. Cette mission constituait une occasion très appréciable d'échanger directement avec nos homologues polonais sur ces sujets très sensibles.

Ces objectifs ont été atteints grâce à l'excellent accueil qui a nous a été réservé et à la franchise des échanges que nous avons beaucoup appréciés, tant de la part de M. Stanisaw Karczewski, président du Sénat polonais, de M. Konrad Szymañski, secrétaire d'État aux affaires européennes, que de M. Marek Roci, président de la commission des affaires étrangères et européennes du Sénat, et de ses collègues, membres de la majorité gouvernementale comme de l'opposition.

I. LA POLOGNE, UN GRAND PAYS DE L'UNION EUROPÉENNE, AUJOURD'HUI TRÈS OBSERVÉ

A. UNE FORTE ADHÉSION À L'UNION EUROPÉENNE ET AU CAMP OCCIDENTAL

a) Un désir d'Europe manifesté dès le début des années 1990

Le rapprochement de la Pologne avec l'Union européenne a été entamé très rapidement à la suite de l'effondrement du bloc communiste. Ce processus répondait à deux nécessités : économique et politique.

D'un point de vue économique, la dissolution du bloc soviétique a entraîné pour la Pologne la perte de ses clients traditionnels. Afin de répondre à ce bouleversement, la Pologne a décidé d'opérer une transition totale vers une économie ouverte, caractérisée par l'adoption d'une « thérapie de choc » dès janvier 1990 . L'adhésion aux communautés européennes constituait un objectif affirmé et un puissant vecteur de développement économique pour la Pologne.

Le processus d'adhésion présentait aussi une dimension politique et identitaire. Elle devait acter le retour de la Pologne dans le concert européen et mettre un point final à l'expérience communiste vécue comme le fruit d'une contrainte extérieure, comme en témoigne M. Jan Kulakowski, premier ambassadeur polonais auprès des Communautés européennes déclarant : « La Pologne, au même titre que les autres pays d'Europe centrale et orientale, a toujours fait partie de la famille des nations européennes. C'est pourquoi nous parlons aujourd'hui plus volontiers d' un retour à l'Europe , en nous référant aux structures et aux institutions européennes, à la création desquelles nous n'avons malheureusement pas pu participer ».

L'européanisation de la Pologne répondait ainsi à un double enjeu de modernisation économique et d'affirmation identitaire de la Pologne comme partie intégrante du projet européen.

Forte de cette double volonté, la coopération entre la Pologne et les institutions européennes s'est très rapidement engagée. Dès décembre 1989, fut créé par la Communauté européenne le programme Phare 1 ( * ) , programme d'assistance technique apportant à la Pologne et à la Hongrie un appui économique pour qu'elles puissent opérer une transition rapide vers une économie de marché fondée sur la libre entreprise et l'initiative privée.

Dès le Conseil européen d'Essen en décembre 1994, le programme Phare est devenu le principal instrument financier en faveur de l'adhésion des pays d'Europe centrale et orientale par le relèvement à 25 % du plafond de cofinancement des grands travaux d'infrastructures nécessaires à la transition économique de ces pays. Toutefois, les aides européennes restaient relativement faibles au regard du coût important des réformes. La mise en oeuvre efficace de ces dernières témoigne donc d'une attitude volontariste de la Pologne en faveur de l'adhésion à l'Union européenne.

En quelques années, la Pologne a progressivement affirmé sa volonté d'adhésion à l'Union européenne, d'abord par la signature d'un accord d'association (décembre 1991) puis par la demande officielle d'adhésion de la Pologne en avril 1994 à la suite du Conseil de Copenhague (1993) qui a entrouvert la porte à l'adhésion des PECO (pays d'Europe et orientale) en instaurant trois critères préalables : des institutions stables et démocratiques, une économie de marché, et la capacité d'assumer les obligations résultant de l'adhésion. Renforcées dans leur conviction par un avis favorable de la Commission à l'adhésion de la Pologne, les autorités nationales polonaises ont adopté en 1997 un calendrier global des réformes .

Malgré cette attitude volontariste, le processus d'adhésion a été long et complexe pour la Pologne qui a dû adopter de très nombreuses réformes pour adapter ses institutions et son économie à l'acquis communautaire. Des sujets tels que l'agriculture polonaise ou les frontières ont notamment constitué de sérieux points d'achoppement lors des négociations. À l'issue d'un processus effréné de réformes visant à transposer le droit de l'Union européenne dans l'ordre juridique national (150 textes de loi adoptés par an au Parlement en 1998 et 1999), la Pologne rejoint finalement l'Union européenne en 2004 suite à un référendum au cours duquel les Polonais se sont exprimés à 77,41 % en faveur de l'adhésion.

Il convient de noter que la façon dont la Pologne s'est engagée dans le processus d'adhésion a constitué une référence pour d'autres pays d'Europe centrale et orientale . La « stratégie nationale d'intégration », préparée en 1997 par l'Office pour l'intégration dans l'Union européenne, fixa les grandes lignes de la stratégie polonaise et préconisa l'adhésion comme le meilleur choix pour la Pologne plutôt qu'une participation sélective à tel ou tel programme. Cette méthode, ainsi que les travaux de l'Office polonais, ont fortement inspiré d'autres pays de l'Est de l'Europe pour les conduire, eux aussi, à adhérer à l'Union le 1 er mai 2004. Ce fut en particulier le cas en République tchèque, en Slovaquie et en Lituanie.

Encore aujourd'hui, il apparaît que les autorités polonaises se considèrent d'une certaine façon comme appelées à exercer une responsabilité particulière vis-à-vis des États d'Europe centrale et orientale. Notre délégation a pu s'en rendre compte au cours de ses échanges sur différents sujets 2 ( * ) .

Cette attitude proactive de la Pologne pour rallier le bloc occidental ne s'est pas limitée à son adhésion à l'Union européenne.

(1) L'ancrage dans le camp occidental

En parallèle de sa démarche d'intégration européenne , la Pologne a rejoint l'OTAN en mars 1999 .

Officiellement exprimée pour la première fois dès 1992 par la Première ministre Hanna Suchocka devant le Conseil de l'Atlantique-nord, l'adhésion de la Pologne à l'OTAN fut approuvée à plus de 70 % par les Polonais. Elle répondait à trois objectifs qui recouvraient les raisons pour lesquelles le pays souhaitait aussi rejoindre l'Europe : remédier au vide sécuritaire lié à la fin de la guerre froide et à la dislocation du Pacte de Varsovie, se protéger de la Russie et ancrer le pays dans le monde occidental.

Membre depuis plus de quinze ans, la Pologne accueillera le prochain sommet de l'Organisation à Varsovie les 8 et 9 juillet 2016 . Ce sommet est regardé comme d'autant plus important par la Pologne et ses voisins qu'il devrait, d'une part, être l'occasion d'« évaluer les incidences à long terme de la crise des relations de l'OTAN avec la Russie » et d'envisager « les mesures à prendre par la suite », et, d'autre part, donner lieu à des décisions « concernant une présence avancée multinationale renforcée dans la partie orientale du territoire de l'Alliance ».

L'ordre du jour du sommet de l'OTAN de Varsovie les 8 et 9 juillet

(principaux points de l'ordre du jour)

- L'évaluation des incidences à long terme de la crise sur les relations de l'OTAN avec la Russie et des mesures à prendre par la suite ;

- L'amélioration des mécanismes de renseignement et d'alerte lointaine ainsi que de l'intégration de ses forces ;

- Le renforcement des moyens de cyberdéfense ;

- L'intensification de la coopération de l'Organisation avec l'Union européenne et avec des partenaires tels que la Suède et la Finlande.

Il ne s'agirait cependant pas de décider de l'implantation de bases permanentes de l'Organisation, mais plutôt d'aménager un régime de rotations d'unités militaires en particulier en Pologne. Sans démonstration de force excessive, l'objectif visé est de témoigner, à destination de la Russie, de la grande vigilance de l'Organisation quant à la sécurité de cette partie de l'Europe.

Les autorités polonaises sont ainsi très attachées à la cohésion de l'Union européenne comme à celle de l'OTAN, qui constituent deux ancrages forts pour la Pologne contemporaine. Ceci se traduit notamment par une inquiétude, tant vis-à-vis de la perspective d'un Brexit désormais acté à la suite du référendum du 23 juin, que vis-à-vis d'une victoire de Donald Trump aux États-Unis, Hilary Clinton semblant davantage être un gage de stabilité dans l'engagement américain en Europe.

b) Un nouveau « grand » de l'Union européenne

La Pologne est le sixième pays de l'Union européenne par son poids démographique. Avec 38 millions d'habitants, elle fait figure de « sixième » grand dans la mesure 3 ( * ) où :

- si la population de la Pologne est assez proche de celle de l'Espagne 4 ( * ) , elle est en revanche du double de l'État membre qui la suit immédiatement (la Roumanie, qui compte 19 millions d'habitants), marquant ainsi une césure démographique entre les six « grands » 5 ( * ) et les autres États membres ;

- la Pologne est le seul des « grands pays » situé dans la partie orientale de l'Union , ce qui lui donne sa position particulière.

De plus, la Pologne est l'un des pays d'Europe centrale les plus dynamiques. De toutes les anciennes démocraties populaires européennes, la Pologne présente sans aucun doute le bilan le plus satisfaisant en matière de transition économique d'un système centralisé et planifié vers une économie de marché :

Elle a été la première démocratie populaire à retrouver, en 1995, son niveau de production de 1989 et a engrangé les plus forts taux de croissance de la zone jusque dans les années 2000 (5,5 % de croissance en moyenne). Seul pays de l'Union européenne à ne pas avoir connu de récession lors de la crise de 2009, la Pologne occupe la 8 ème place en termes de production économique avec un PIB de 427,737 milliards d'euros en 2015 (plus que le Danemark, l'Autriche ou la Belgique). Grâce à la force de son économie et à sa démographie, la Pologne est un pays incontournable de la scène politique européenne.

Au-delà de ses avantages intrinsèques d'ordre démographique, économique et géographique, la place croissante que la Pologne a prise dans le processus décisionnel européen relève aussi de sa stratégie offensive d'influence à Bruxelles et à Strasbourg . Elle a su habilement profiter de son appartenance à l'Union européenne pour atteindre ses objectifs nationaux, notamment en négociant une augmentation des fonds qui lui sont versés par l'Union malgré les coupes budgétaires ou en freinant les initiatives en matière d'énergie de la Commission européenne qui heurtaient ses intérêts.

Le rôle actif que la Pologne souhaite jouer au sein de l'Union européenne se traduit également par la présence de responsables polonais à des postes-clés des institutions européennes. M. Jerzy Buzek a occupé la présidence du Parlement de 2009 à 2012 ; M. Janusz Lewandowksi a été commissaire européen au budget aux côtés de M. José Manuel Barroso entre 2010 et 2014 ; enfin, la présidence du Conseil européen est assurée par M. Donald Tusk depuis 2014.

Au Parlement européen, la Pologne dispose actuellement de trois présidences de commissions (contre deux pour la France 6 ( * ) ) dans des domaines regardés comme particulièrement importants 7 ( * ) . Elle est ainsi devenue un véritable acteur, voire un initiateur des politiques publiques de l'Union. À titre d'exemple, la diplomatie polonaise a été décisive dans la mise en oeuvre du Partenariat oriental ou du fonds européen pour la démocratie 8 ( * ) . Cette capacité d'influence s'explique en partie par les relations que la Pologne a su tisser avec ses partenaires européens.

La Pologne entretient en premier lieu des relations poussées avec les pays limitrophes, notamment par le biais du groupe de Visegràd . Initialement créé en 1991 par la Pologne, la Tchécoslovaquie et la Hongrie, le groupe de Visegràd avait pour ambition de mettre en place une stratégie de coopération entre ces différents États pour accélérer le processus d'intégration européenne. Depuis la scission de la Tchécoslovaquie en 1993, le groupe de Visegràd réunit, dans un cadre informel, quatre pays membres pour discuter des moyens d'avancer leurs intérêts respectifs par la coopération transfrontalière.

Malgré les défis qui ont pu ébranler sa stabilité (notamment la scission de la Tchécoslovaquie en 1993 et l'arrivée de M. Viktor Orban à la tête de la Hongrie), le groupe de Visegràd a engrangé plusieurs succès qui confirment son efficacité dans l'influence du processus décisionnel européen.

Si les prises de position de ses membres ont pu diverger sur certains sujets majeurs - notamment l'adhésion de l'Ukraine, de la Croatie et de la Turquie, ou la position vis-à-vis de la Russie 9 ( * ) -, le groupe de Visegràd fonctionne comme un bloc efficace au plan économique : les dirigeants polonais, hongrois, tchèque et slovaque se retrouvent parfois avant les séances du Conseil européen pour s'accorder sur les positions que chacun défendra. Le groupe de Visegràd s'est ainsi opposé avec succès à l'harmonisation fiscale dans l'Union, a milité pour un accroissement de la mobilité sur le marché du travail européen, et pesé pour la sauvegarde du Fonds social européen.

La stratégie polonaise en matière d'affaires européennes ne se limite cependant pas à une coopération avec les anciens pays de l'Est. La Pologne parvient à adapter ses partenariats en fonction de ses intérêts et elle entretient aussi des relations fortes avec les moteurs de la construction européenne, notamment la France et l'Allemagne dans le cadre du triangle de Weimar . Créé en 1991 par MM. Roland Dumas, Hans Dietrich Genscher et Krzysztof Skubiszewski, le triangle de Weimar est un forum de coopération trilatérale informelle entre les responsables politiques français, allemands et polonais. S'il répondait initialement à l'idée que ces trois pays partageaient une vision commune de l'avenir de l'Europe et avaient vocation à appuyer la réconciliation germano-polonaise en promouvant l'adhésion de la Pologne à l'Union européenne, le triangle de Weimar est devenu, dès après 2004, un lieu privilégié de coopération étroite entre les trois gouvernements sur les échéances européennes. Il réunit régulièrement les chefs d'État, les ministres ou les parlementaires 10 ( * ) .

Il s'agit d'une structure informelle dont le succès réside dans le maintien de bonnes relations entre les responsables politiques de ces trois pays. Malgré un bilan mitigé dû à l'inconstance des volontés politiques respectives de la France, de l'Allemagne et de la Pologne à faire vivre le triangle de Weimar, ce dernier a tout de même permis d'obtenir des résultats tangibles sur la scène européenne, notamment dans les domaines de la sécurité et de la défense. Son action a ainsi permis de relancer l'idée d'une Europe de la défense à travers la création d'un centre d'opération et de planification sous le mandat de Mme Catherine Ashton (2011), et l'initiative conjointe des ministres Fabius, Steinmeier et Sikorski a permis de négocier une solution de sortie de crise entre le président Ianoukovitch et l'opposition à l'occasion de la crise ukrainienne (le 20 février 2014).

Il n'est enfin pas possible d'évoquer le poids de la Pologne en Europe ni l'importance de l'Europe pour la Pologne sans évoquer la question budgétaire. La Pologne reste le plus grand bénéficiaire en volume des fonds européens parmi les nouveaux États membres. Les deux plus gros postes d'affectation des fonds européens sont la politique de cohésion (72,8 milliards d'euros pour le cadre financier 2014-2020, soit une augmentation de 5 milliards par rapport à 2007-2013) et la politique agricole commune (28 milliards d'euros en 2014-2020, soit + 1,5 milliard). La Pologne a particulièrement bien réussi sa négociation du nouveau cadre financier 2014-2020 puisqu'elle est le seul pays européen qui voit ses financements européens augmenter par rapport au précédent budget .

B. LA POLOGNE EN JUIN 2016

1. La nouvelle donne introduite par les élections depuis 2015

L'année 2015 marque un tournant en Pologne avec le retour aux affaires du très conservateur parti « Droit et justice » (PiS 11 ( * ) ) qui a remporté les élections présidentielles (en mai) puis législatives et sénatoriales (en octobre).

Le Parti Droit et Justice, créé en 2001 par les frères Lech et M. Jaroslaw Kaczynski, était déjà arrivé en tête aux élections législatives de 2005 avec 155 députés (la Diète polonaise en compte 460 au total). Il était alors parvenu à former un gouvernement de coalition avec le parti populiste Auto-défense de la République polonaise et le parti nationaliste de la Ligue des familles polonaises. Compte tenu de la fragilité de la coalition, le Premier ministre Jaroslaw Kaczynski fut contraint de démissionner en août 2007, moins de deux ans après son accession au pouvoir. Depuis les élections qui ont suivi la démission du gouvernement Kaczynski, la Pologne était gouvernée par le parti de centre droit, Plate-forme civique (PFC), en coalition avec le parti des paysans polonais (dit aussi parti agrarien).

Dès 2014, le mécontentement populaire à l'endroit du gouvernement et du Président de la République Bronislaw Komorowski (élu en 2011 des rangs du PFC), augmenta fortement, alimenté par un scandale lié au dévoilement de propos tenus par des ministres placés sur écoute. Ce climat favorisa un regain de vigueur du parti Droit et Justice qui emporta l'élection présidentielle du 24 mai et les élections parlementaires du 25 octobre 2015.

a) L'élection présidentielle des 10 et 24 mai 2015

Le président sortant, M. Bronislaw Komorowski, a été devancé au premier tour et battu au second par le jeune candidat du PiS, M. Andrzej Duda , qui a recueilli 51,55 % des suffrages. Âgé de 43 ans et député européen depuis 2014, M. Andrzej Duda avait été élu député de sa ville natale, Cracovie, en 2011. M. Andrzej Duda a bénéficié du report des voix qui s'étaient portées au premier tour sur le candidat antisystème, M.  Pawel Kukiz (20,8 % des voix).

b) Les élections législatives et sénatoriales du 28 octobre 2015

La Pologne a donné, lors des élections législatives du 25 octobre 2015, au PiS la majorité absolue des sièges à la Diète (235 sièges sur 460), avec 37,58 % des suffrages, et au Sénat polonais, élu au suffrage universel direct (61 sièges sur 100). Il s'agit d'une victoire d'une ampleur sans précédent depuis 1989 . La Plate-forme civique a obtenu 138 sièges à la Diète, avec 24,09 % des voix, et 34 sièges au Sénat. La gauche n'est plus représentée au Parlement polonais, ce qui constitue une autre première depuis la chute du communisme .

Résultats des élections législatives (25 octobre 2015)


• Droit et Justice (PiS), droite conservatrice, eurosceptique et sociale :

37,6 %, 235 sièges (en 2011 : 29,9 % et 157 sièges)


• Plate-forme civique (PO), centre droit, pro-européen et libéral :

24,1 %, 138 sièges (en 2011 : 39,2% et 207 sièges)


• Kukiz'15 (parti « antisystème ») :

8,8%, 42 sièges


• Nowoczesna (droite libérale) :

7,6 %, 28 sièges


• Parti populaire polonais (PSL), centre droit :

5,1 %, 16 sièges (en 2011 : 8,4 % et 28 sièges)


• Minorité allemande de Pologne :

1 siège (en 2011 : 1 siège)

Résultats des élections sénatoriales (25 octobre 2015)


• Droit et Justice (PiS), droite conservatrice, eurosceptique et sociale :

61 sièges (en 2011 : 29 sièges)


• Plate-forme civique (PO), centre droit, pro-européen et libéral :

34 sièges (en 2011 : 63 sièges)


• Parti populaire polonais (PSL), centre droit :

1 siège (en 2011 : 2 sièges)


• 4 sénateurs indépendants (comme en 2011)

c) La formation du nouveau gouvernement

M. Jarosaw Kaczyñski, président-fondateur du PiS (aujourd'hui officiellement simple député) a choisi Mme Beata Szydo pour occuper le poste de Premier ministre. Elle succède à Mme Ewa Kopacz (Plate-forme civique), qui avait elle-même pris la suite de M. Donald Tusk, président du Conseil européen depuis le 1 er décembre 2014. Le nouveau gouvernement est entré en fonction le 16 novembre 2015.

Dans son discours de politique générale tenu le 18 novembre devant la Diète, Mme Beata Szydo a mis l'accent sur les questions sociales 12 ( * ) , économiques 13 ( * ) et culturelles, avec, pour ce dernier point, la volonté de renforcer le sentiment patriotique des Polonais.

L'analyse par le PiS de sa première expérience gouvernementale (2005-2007) peut contribuer à la compréhension des réformes engagées par le gouvernement depuis octobre 2015. Selon ses leaders, le PiS a été contraint à la démission pour deux raisons principales : le comportement hostile des médias à son égard, et l'attitude du tribunal constitutionnel qui bloquait les lois au motif qu'elles violaient les droits garantis par la Constitution. La direction prise par le gouvernement Szydlo dès son entrée en fonction semble fortement inspirée par cette expérience et suscite de vives inquiétudes parmi les responsables européens.

2. La Pologne sujet de préoccupations

Ces derniers mois, la réforme du tribunal constitutionnel et la loi sur la nomination des directeurs de l'audiovisuel public ont alimenté un débat sur la remise en question de l'État de droit et sur l'affaiblissement des contre-pouvoirs en Pologne. En outre, le discours du PiS a alimenté des interrogations sur l'engagement européen du pays notamment à Bruxelles, dans les médias et parmi les chancelleries de ses partenaires.

Ces sujets ont bien entendu été les premiers que notre délégation a souhaité aborder lors de chacune de ses rencontres avec des autorités polonaises : lors du dîner informel du 16 juin avec les sénateurs de la commission des affaires étrangères et européennes du Sénat présidée par M. Marek Rocki (sénateur de l'opposition), mais aussi lors des entretiens officiels avec MM. Konrad Szymañski, secrétaire d'Etat aux affaires européennes et M. Stanisaw Karczewski, maréchal (président) du Sénat, accompagnés de M. Micha Seweryñski, président de la commission des droits de l'homme, tous trois membres de la nouvelle majorité.

a) L'affaire du tribunal constitutionnel

Adopté le 22 décembre 2015, l'amendement à la loi du 25 juin 2015 sur le tribunal constitutionnel a été l'une des premières dispositions adoptées par le nouveau gouvernement .

Le 25 juin 2015, le précédent gouvernement, qui anticipait une victoire du PiS aux élections législatives d'octobre, avait adopté une loi controversée sur le tribunal constitutionnel lui permettant de remplacer cinq de ses juges avant la fin de leur mandat . Cette loi lui a ouvert la possibilité de désigner cinq nouveaux juges par une résolution adoptée le 8 octobre 2015. Ces juges devaient ainsi remplacer par anticipation ceux dont les mandats expiraient en novembre et en décembre 2015.

À son arrivée au pouvoir, le gouvernement nouvellement élu a fortement contesté ces dispositions.

Par le biais de cinq résolutions adoptées le 25 novembre par les députés du PiS et du Kukiz', le gouvernement a annulé ces nominations avant de procéder, le 2 décembre 2015, à la désignation des juges constitutionnels qu'il souhaitait voir succéder à ceux dont le mandat touchait à sa fin.

En outre, la Première ministre polonaise a décidé de suspendre la publication au Journal officiel de la décision rendue le 3 décembre 2015 par le tribunal constitutionnel qui reconnaissait la constitutionnalité de la nomination de trois des cinq juges par le précédent gouvernement . Cette manoeuvre a suscité une opposition du tribunal constitutionnel dont la publication des décisions est une obligation en vertu de l'article 190, alinéa 2 de la Constitution, comme rappelé par son président dans une réponse du 11 décembre 2015.

C'est donc dans un contexte très tendu que le gouvernement a présenté à la Diète l'amendement à la loi du 25 juin sur le tribunal constitutionnel .

L'amendement à la loi du 25 juin, adopté par le PiS, introduit plusieurs éléments nouveaux :

- tout d'abord, il instaure une majorité qualifiée difficile à réunir (13 juges sur 15) pour statuer sur les affaires les plus importantes. Par conséquent, le président du tribunal constitutionnel polonais est désormais obligé de prendre en compte, lors du délibéré, les voix des cinq juges nommés par le PiS ;

- ensuite, elle oblige le tribunal constitutionnel à traiter les dossiers dans un délai d'au moins trois mois contre 14 jours auparavant. Cette disposition est susceptible d'aboutir à l'entrée en application d'une loi inconstitutionnelle avant que le tribunal constitutionnel ne puisse s'en saisir ;

- enfin, elle dispose que le Président de la République et le ministre de la justice possèdent le droit d'ouvrir la procédure disciplinaire concernant les juges du tribunal constitutionnel, sauf si son président la considère sans fondement.

Le tribunal constitutionnel polonais a rejeté cette nouvelle loi au titre de son incompatibilité avec les dispositions constitutionnelles polonaises . Tandis que de nombreuses manifestations de soutien au tribunal constitutionnel ont été organisées par la société civile polonaise, ces réformes ont suscité de vives réactions de la part de la communauté internationale : la commission de Venise du Conseil de l'Europe a invité le Parlement polonais à « trouver une solution sur la base de l'État de droit, respectant le jugement du tribunal constitutionnel ».

Cette dernière avait été saisie à la demande de M. Frans Timmermans, premier vice-président de la Commission européenne, dans le cadre de la procédure de dialogue au titre du « cadre pour l'État de droit » que la Commission de Bruxelles a engagé avec la Pologne depuis le 13 janvier 2016. Les autorités polonaises ont certes demandé une appréciation juridique à la commission de Venise (le 23 décembre 2015), mais elles ont mené leur processus législatif à terme avant de recevoir cet avis.

À ce jour, le problème n'est pas résolu, comme en témoigne l'avis adopté par la Commission européenne le 1 er juin dernier, qui s'inscrit toujours dans la phase I dans la procédure prévue par le « cadre pour l'État de droit ».

Le cadre pour l'État de droit

Le cadre pour l'État de droit, adopté le 11 mars 2004, permet à la Commission d'entamer préventivement un dialogue avec un État membre afin d'empêcher « les menaces systémiques envers l'État de droit » qui pourraient se muer en « risque clair de violation grave » , susceptibles d'entraîner le recours à la procédure de sanction prévue à l'article 7 du traité sur l'Union européenne.

Le cadre pour l'État de droit comprend trois étapes :

1°) L'évaluation de la Commission : dans un premier temps, la Commission rassemble et examine toutes les informations utiles et apprécie s'il existe des indices clairs d'une menace systémique envers l'État de droit.

2°) L'édiction d'une recommandation : dans un deuxième temps, si le problème n'a pas trouvé de solution satisfaisante, la Commission peut adresser à l'État membre une « recommandation sur l'État de droit ».

3°) Le suivi de la recommandation de la Commission : dans un troisième temps, la Commission contrôle le suivi donné à sa recommandation par l'État membre. Faute de suite satisfaisante donnée dans le délai imparti, la Commission, le Parlement européen ou un groupe de dix États membres pourra recourir à la procédure prévue l'article 7 du traité sur l'Union européenne. Cette dernière peut déboucher in fine sur la prise de sanctions par le Conseil européen à l'issue d'une nouvelle procédure spécifique (cf infra).

b) La loi sur les médias publics

En écho à l'opposition dont faisaient preuve les médias face à la coalition menée par le PiS entre 2005 et 2007, le gouvernement de Mme Beata Szydlo a entrepris une réforme perçue comme portant atteinte à l'indépendance des médias vis-à-vis du pouvoir politique.

Dès le 8 janvier 2016, le président Duda a promulgué une loi qui prévoit notamment :

- la nomination des dirigeants de l'audiovisuel public par le ministre du Trésor ;

- la suppression des concours pour désigner les patrons des médias, jusqu'alors organisés sous la surveillance du Conseil national de la radio et de la télévision (équivalent du CSA) et des universités polonaises ;

- et la révocabilité des dirigeants de l'audiovisuel public.

En outre, le gouvernement envisage d'adopter une grande loi portant réforme des médias dans le courant de l'année 2016 qui prévoirait :

- la possibilité d'un limogeage de tous les journalistes qui pourront être réembauchés « après vérification 14 ( * ) » ;

- la transformation des médias publics - actuellement sociétés de droit commercial - en « médias nationaux », ce nouveau statut juridique traduisant un rapprochement par rapport à l'État accompagné d'une redéfinition de leur mission de service public.

Selon la même procédure qu'à propos du tribunal constitutionnel, le vice-président Timmermans a adressé aux autorités polonaises une lettre, en date du 30 décembre 2015, dans le but d'obtenir des informations complémentaires au sujet des projets de réforme dans le domaine de la gouvernance des organismes de l'audiovisuel public.

À l'occasion d'un débat en séance plénière au Parlement européen consacré à la situation en Pologne, le 19 janvier dernier, soit quelques jours après la première réforme de l'audiovisuel, la Commission a entamé un dialogue avec les autorités polonaises sur cette situation.

Ce dialogue a ouvert une première phase d'évaluation qui a donné lieu à l'avis publié du 1 er juin 2016 (cf supra), par lequel la Commission constate que la situation n'a pas été résolue par les autorités polonaises. La deuxième étape consisterait pour la Commission, si elle le décide, en la formulation de recommandations en vue de résoudre la situation de risque en Pologne.

c) Une Pologne eurosceptique ?

Le parti Droit et Justice a été volontiers qualifié d'eurosceptique par les observateurs, notamment à l'aune des discours tenus lors de la campagne mais aussi à l'occasion de la crise des migrants. Le rapprochement des nouvelles autorités avec la Hongrie de M. Viktor Orban fait aussi craindre la constitution d'un nouveau bloc eurosceptique au sein de l'Union européenne. D'une façon plus générale, c'est sans doute la mise en avant de discours sur la souveraineté et l'identité nationales (celles de la « Pologne éternelle » invoquée par le PiS) qui nourrit ces appréhensions.

3. Les enseignements de votre délégation
a) Sur l'État de droit

La majeure partie de nos discussions se sont concentrées sur la question du Tribunal constitutionnel qui place aujourd'hui les institutions polonaises en situation de blocage systématique, empêchant le contrôle de constitutionnalité des lois.

Nous retenons principalement que :

- tout d'abord, il s'agit d' une affaire essentiellement politique de manoeuvres et de contre-manoeuvres de l'ancienne et de la nouvelle majorité. On ne peut que regretter qu'un tribunal constitutionnel soit l'otage de tels enjeux ;

- ensuite, et tout en respectant pleinement l'autonomie institutionnelle de la Pologne, il nous semble que, de ce que nous en avons compris, le système actuel présente certains facteurs de vulnérabilité qui ont facilité ces blocages. D'une part, il soumet au contrôle du tribunal constitutionnel des lois portant sur son propre fonctionnement et sa composition et, d'autre part, il subordonne la valeur juridique des décisions du tribunal constitutionnel à leur publication par le chef de l'État ;

- enfin, au-delà du règlement de la question spécifique de juges nommés en 2015, la délégation a bien pris note des propos du président du Sénat sur les travaux d'un groupe d'experts qui devraient déboucher sur un retour aux règles initiales de fonctionnement du tribunal, c'est-à-dire celles mises en place en 1997, ce qui pourrait contribuer à apaiser le conflit. Il est souhaitable qu'en toute hypothèse le format qui sera retenu apporte toutes les garanties d'indépendance des juges et préserve le Tribunal constitutionnel de toute interférence politique.

S'agissant des médias, les échanges que nous avons eus sont restés très généraux. La Commission européenne s'étant montrée très réactive dans le lancement de la procédure d'évaluation, on peut espérer que ceci porte ces fruits s'agissant du projet de loi sur les médias en préparation. Le dialogue est à privilégier, ne serait-ce que parce que la procédure prévue par l'article 7 du traité sur l'Union européenne rend la prise des sanctions très peu probable.

La procédure instituée par l'article 7 du TUE

Pour constater l'existence d'une violation grave et persistante de l'État de droit, le Conseil européen doit statuer à l'unanimité, après approbation du Parlement européen. L'État membre concerné doit d'abord être invité à présenter ses observations.

Pour sanctionner un État membre pour violation grave et persistante de l'État de droit, le Conseil européen doit statuer à la majorité qualifiée. Pour annuler ou modifier ces sanctions, le Conseil doit aussi statuer à la majorité qualifiée.

Conformément à l'article 354 du TFUE, le membre du Conseil européen ou du Conseil représentant l'État membre en cause ne prend pas part au vote et l'État membre en cause n'est pas pris en compte dans le calcul des majorités nécessaires à ces constatations.

Cette procédure n'a jamais été utilisée à ce jour.

Sur un autre plan, la délégation tient à observer qu'elle a eu, dans ses échanges officiels et informels avec des sénateurs de la majorité et de l'opposition, le sentiment que le débat politique polonais était tout à fait conforme à ce que l'on peut imaginer d'une démocratie européenne. Les règles de la sociabilité parlementaire et la liberté dans l'expression des différentes opinions sont tout à fait comparables à ce que nous pouvons connaître. Les échanges présentent même une certaine vigueur tant le discours du PiS est bien entendu de nature à accuser le clivage entre majorité et opposition.

b) Sur la Pologne en Europe

De nos entretiens sur la vision de l'Europe par les nouvelles autorités polonaises, en particulier avec le secrétaire d'Etat Konrad Szymañski, nous retenons principalement les éléments suivants :

- d'une part, nos interlocuteurs n'ont cessé de répéter et de manifester leur attachement à l'Europe , nous rappelant que la Pologne était le pays où l'Union était la plus populaire. À ce titre, ils ont exprimé leurs inquiétudes de voir l'Europe se fracturer à l'issue du référendum britannique. Ils nous ont rappelé que c'est précisément cette inquiétude qui a conduit leur pays à consentir beaucoup d'efforts pour aboutir au compromis de Bruxelles le 19 février avec M. David Cameron.

On pourrait bien entendu ne lire, derrière cette demande d'Europe, que l'intérêt financier bien compris d'un pays très bénéficiaire des financements européens mais, plus profondément, l'appartenance à l'Union européenne (comme à l'OTAN) constitue aussi pour la Pologne contemporaine un élément fondamental de son identité notamment en ce qu'elle l'éloigne de la sphère d'influence russe. Ces réalités n'ont à ce jour pas été remises en cause par l'alternance. C'est pourquoi il est sans doute excessif d'assimiler les nouvelles autorités polonaises aux « eurosceptiques » au sens habituel , c'est-à-dire aux opposants à la construction européenne dont l'idéal serait le plus souvent de voir leur pays quitter l'Union ;

- d'autre part, la nouvelle majorité polonaise défend toutefois une conception de la construction européenne assez éloignée de celle mise en avant traditionnellement par la France .

Après avoir exprimé de différentes façons leur souci de voir la souveraineté nationale mieux respectée au sein de l'Union, nos interlocuteurs ont résumé leur point de vue de la façon suivante : « L'Europe devrait faire un demi-pas en arrière dans l'intégration politique et aurait dû aller plus loin dans l'intégration économique ». Il n'est pas nécessaire ici de rappeler qu'à nos yeux, il est difficile d'avancer dans l'intégration économique sans une plus forte capacité à fixer des règles communes par une forme d'intégration politique. Nous retenons surtout que les nouvelles autorités de Varsovie se posent, au sein de l'Union européenne, comme les défenseurs d'une autre conception du fonctionnement de l'Union dont elles pensent qu'elle finira par s'imposer , notamment à la faveur des crises.

Cette conception, centrée sur la souveraineté des États membres, est défendue avec constance et cohérence. Ceci conduit par exemple le secrétaire d'État aux affaires européennes à l'appliquer aussi aux difficultés de la zone euro 15 ( * ) . À ses yeux, il est difficile d'imposer à certains pays de la zone des réformes ou une discipline dont leurs peuples ne veulent fondamentalement pas et, à l'inverse, il est tout aussi problématique de vouloir imposer à d'autres pays de la zone une solidarité financière plus grande si leurs peuples souverains ne l'acceptent pas non plus.

Lorsque votre délégation a soumis l'idée d'une possible nouvelle méthode dans la construction européenne passant par la constitution d'un « noyau dur ouvert », le ministre polonais a admis que certains pays pouvaient librement décider d'avancer plus vite dans un certain nombre de domaines (il a cité la monnaie, les migrations et aussi, de façon plus surprenante, ...le climat). Il a toutefois exprimé ses craintes de voir les pays fondateurs ou les membres de la zone euro faire cavaliers seuls.

Une certaine lecture pourrait conduire à interpréter ce discours comme la simple expression des intérêts nationaux de la Pologne consistant à ne pas être dans toutes les politiques qu'elle ne souhaite pas, sans perdre aucun des bénéfices liés à l'appartenance à l'Union.

Il convient toutefois de ne pas perdre de vue le poids de l'histoire .

Après avoir été rayée de la carte pendant 123 ans, la Pologne a recouvré son existence comme État souverain en 1919 avant d'être, juste vingt ans plus tard, soumise au joug du Troisième Reich puis à celui de l'Union soviétique. Ensuite, c'est moins de 15 ans après la chute du Mur de Berlin que la Pologne est devenue membre d'une Union européenne dont elle a dû reprendre l'acquis. Dans un tel contexte, il n'est pas incompréhensible que l'attachement à la souveraineté nationale dans ses différentes dimensions puisse s'exprimer de façon particulièrement aiguë.

Ceci ne signifie évidemment nullement que tous les pays d'Europe centrale et orientale - dont l'histoire est assez proche - sont nécessairement appelés à faire le même type de choix que les Polonais, ni même que le PiS constitue la seule façon d'exprimer l'attachement à une souveraineté somme toute récente. De façon pragmatique, votre délégation en tire surtout comme conséquence la nécessité de dialoguer de façon franche avec les autorités polonaises , notamment pour leur faire valoir :

- tout le bénéfice que représente le choix européen pour leur pays ;

- que si tous les États membres (en particulier les contributeurs nets au budget) hésitaient eux aussi à accepter toutes les contraintes liées à cette appartenance, la Pologne perdrait probablement ces bénéfices ;

- enfin et surtout, qu'un repli sur soi ou une trop grande prévention face aux risques qu'implique nécessairement une aventure collective ne constitue pas l'attitude la plus utile pour qui est appelé à jouer pleinement le rôle d'un grand pays au sein de l'Union européenne.

Les échanges que nous avons eus lors des sessions de travail thématiques n'ont fait que confirmer cet intérêt des échanges avec nos homologues polonais.

II. LE DIALOGUE PARLEMENTAIRE FRANCO-POLONAIS SUR LES GRANDS SUJETS DE L'ACTUALITÉ EUROPÉENNE

La délégation a participé à quatre sessions de travail conjointes avec ses homologues de la commission des affaires étrangères et européennes du Sénat polonais présidée par M. Marek Rocki. Ces réunions ont porté sur le défi migratoire (A), le partenariat oriental (B), l'Union de l'énergie (C) et le numérique (D), ce à quoi se sont ajoutés, en dehors des réunions formelles, des échanges particulièrement éclairants sur un autre thème, celui du détachement des travailleurs (E).

A. LE DÉFI MIGRATOIRE

1. La Pologne et la crise des migrants

Face à la crise migratoire, la position de la Pologne a été, pour le moins, extrêmement sceptique avec des inflexions sensibles jusqu'au mois dernier.

En effet, dès l'été 2015, la Pologne a, comme les trois autres pays du groupe de Visegràd (Hongrie, République tchèque et Slovaquie) exprimé ses réserves de principe sur une fixation, au niveau européen, du nombre de réfugiés à accueillir par les différents États membres 16 ( * ) .

Le gouvernement polonais participa néanmoins aux mécanismes de « relocalisation » adoptés par le Conseil les 14 septembre 17 ( * ) et le 22 septembre 2015 18 ( * ) . Sur un total de 160 000 personnes à relocaliser au sein de l'Union, il est ainsi prévu que la Pologne doive en accueillir 7 000. La forte opposition d'une partie de l'opinion polonaise à ces décisions s'exprima toutefois dans des manifestations et pesa incontestablement sur la campagne en vue des élections parlementaires.

À l'issue de ces élections, sans remettre en cause formellement les décisions du Conseil prises sous le gouvernement de M. Ewa Kopacz, les nouvelles autorités gouvernementales se sont exprimées à de multiples occasions pour insister sur les dangers du mécanisme de relocalisation , indiquant clairement que la priorité devrait être donnée à l'action dans les pays d'origine des migrants. C'est dans cet esprit que la Pologne a annoncé un programme d'aide aux réfugiés syriens hébergés dans des camps au Liban, dans le cadre duquel elle financera l'hébergement et la nourriture de 6 000 à 10 000 personnes.

Cependant, la Pologne annonçait au mois de janvier que, dans le cadre du programme européen de relocalisation, elle était prête à accueillir 400 personnes sur son territoire en 2016.

Puis, suite aux attentats de Bruxelles, un durcissement du ton de Varsovie s'est fait ressentir . Dès le lendemain (le 23 mars), la présidente du Conseil des ministres, Mme Beata Szydo, annonça que son pays n'accueillerait finalement pas de migrants sur son sol dans le cadre du programme de répartition de l'Union.

Le 9 mai, les transferts vers la Pologne des 100 premiers demandeurs d'asile (s'imputant sur les quotas des 7 000) furent annulés pour des raisons techniques 19 ( * ) . Néanmoins, sans qu'il s'agisse d'une remise en cause de la participation de la Pologne au mécanisme, cet incident s'est accompagné d'une intensification des critiques émanant de l'ensemble des pays de Visegràd. Si, depuis le mois d'avril, ces critiques se concentrent sur les sanctions financières 20 ( * ) envisagées par la Commission à l'encontre des États qui refuseraient de respecter leurs obligations, les propos à l'encontre du principe même des relocalisations demeurent très durs. Le 7 mai dernier, le ministre des affaires étrangères polonais, M. Witold Waszczykowski, déclarait ainsi sur la chaîne privée d'information en continu polonaise TVN24 que : « 70 ans après la Deuxième guerre mondiale, quelqu'un, dans cette partie civilisée et prétendument progressiste de l'Europe, propose des déportations massives vers des pays où les réfugiés ne veulent pas aller ».

C'est dans ce contexte que la délégation avait souhaité qu'une des tables rondes soit consacrée aux migrations, de façon à mieux comprendre la position de ses homologues polonais.

2. Les enseignements de notre rencontre

Le premier message que nos interlocuteurs, y compris de la nouvelle majorité, ont tenu à nous envoyer est l'attachement de la Pologne au respect du droit européen en matière d'immigration .

Ces affirmations peuvent laisser supposer qu'il n'y aura pas de remise en cause formelle des décisions prises par le Conseil concernant des quotas de migrants. À l'inverse, il est très probable que ce principe de « respect du droit européen » s'entende de manière stricte, c'est-à-dire excluant toute modification des règles actuelles qui permettraient, comme l'envisage la Commission européenne, d'instaurer un mécanisme de relocalisation obligatoire des demandeurs d'asile qui soit permanent, contrairement à celui mis en oeuvre en septembre 2015 à titre transitoire et dans des circonstances exceptionnelles. Il ne nous semble en revanche pas du tout à exclure que les autorités polonaises appliquent le programme actuel de relocalisation en se montrant très exigeantes quant au respect de l'ensemble des conditions. Des situations telles que l'annulation intervenue il y a quelques semaines concernant les 100 premiers demandeurs d'asile pourrait alors se reproduire. En effet, plusieurs parlementaires nous ont confirmé qu'ils n'adhéraient pas au principe même de la relocalisation obligatoire dans la mesure où il contredit celui de la souveraineté nationale .

Outre le principe de souveraineté, nos interlocuteurs ont aussi évoqué l'obligation qui incombe à chaque État d'assurer la sécurité de sa population . Cet argument n'est pas surprenant puisqu'il reprend les propos officiels tenus par le gouvernement dès le lendemain des attentats de Bruxelles.

La délégation a toutefois trouvé particulièrement intéressant qu'en allant plus loin dans la discussion avec ces interlocuteurs polonais, d'autres motifs soient apparus pour expliquer la position du pays face à la crise migratoire actuelle .

D'une part, l'argument économique a été invoqué s'appuyant notamment sur le fait que les migrants ne constituent aucunement une ressource pour la Pologne dans la mesure où, immédiatement après leur arrivée, ces derniers n'ont pour seul objectif que de rejoindre d'autres pays, principalement l'Allemagne 21 ( * ). Ainsi, la Pologne assumerait des coûts quand l'Allemagne bénéficierait des emplois.

D'autre part, et d'une façon que la délégation a ressenti comme particulièrement profonde, les sénateurs 22 ( * ) ont estimé que la société polonaise n'était en quelque sorte pas préparée à accueillir une immigration massive venue du Proche-Orient ou d'Afrique du Nord . Il en va non seulement des traditions d'un pays, davantage habitué aux migrations de l'Est (plus d'un million d'Ukrainiens seraient arrivés ces dernières années) mais aussi d'une question de choix de société. Nos interlocuteurs estiment que si l'Allemagne a le droit de choisir l'immigration pour répondre à son déficit démographique, et si la France a opté pour un certain modèle d'intégration, chaque autre État membre doit pouvoir faire souverainement ses choix en la matière.

Les réponses à une question posée par notre collègue François Marc quant au rôle joué par le catholicisme, très prégnant dans la société polonaise, ont, dans leur diversité, exprimé à quel point la crise migratoire européenne est bien perçue par la Pologne comme susceptible de toucher à son identité.

La délégation du Sénat français, et en particulier le président Jean Bizet, a fait valoir qu'au nom de la sécurité, il pouvait précisément être nécessaire de partager une part de la souveraineté. Ainsi en est-il par exemple de la mise en place tant attendue de garde-frontières et de garde-côtes européens dans le cadre du renforcement des moyens de Frontex. Il s'agit, pour un État membre qui ne parviendrait pas à assurer la sécurité des frontières extérieures de l'Europe, de pouvoir déléguer à l'Union la mise en oeuvre de ses compétences. Ce principe de « souveraineté partagée » entre l'Union et les États membres n'a pas semblé entraîner de réaction de rejet de la part de la délégation polonaise.

Enfin, les entretiens ont aussi porté sur le volet extérieur de la gestion de la crise migratoire . Conformément aux propos du secrétaire d'État et dans la droite ligne des autorités polonaises qui estiment que la solution à la crise se trouve hors de l'Union, les sénateurs polonais se sont montrés très favorables à l'accord avec la Turquie , qu'ils jugent équilibré. La délégation française a rappelé toutefois que seule une partie des 72 conditions posées à la libéralisation des visas étaient aujourd'hui remplies.

Un certain consensus s'est fait jour pour une action en amont sur le continent africain dans le sens des conclusions du sommet de La Valette (novembre 2015), ce à quoi notre collègue Pascal Allizard a ajouté la nécessité de sécuriser, dans le cadre de l'ONU, 400 kilomètres de la côte libyenne.

Nos interlocuteurs ont tenu à évoquer le jeu de la Russie qui consiste, d'une part, à se rendre indispensable à la résolution du conflit syrien et, d'autre part, à plaider la thèse d'un front commun avec des pays comme la France dans la lutte contre le terrorisme de façon à en tirer de grandes contreparties. Selon nos interlocuteurs polonais, ces contreparties pourraient porter sur la Crimée ou le Donbass.

B. LE PARTENARIAT ORIENTAL

1. La Pologne, un acteur majeur du partenariat oriental depuis les origines

C'est à l'initiative conjointe de la Pologne et de la Suède qu'a été instituée, en 2009, la politique de « partenariat oriental » destinée à six pays, anciennement parties à l'URSS : l'Arménie, l'Azerbaïdjan, la Biélorussie, la Géorgie, la Moldavie et l'Ukraine. Le partenariat oriental visait à soutenir les évolutions des pays concernés en matière de réformes politiques, sociales et économiques, en vue de renforcer la démocratisation et la bonne gouvernance, la sécurité énergétique, la protection de l'environnement et le développement économique et social, selon une logique d'efforts réciproques des pays concernés et de l'Union européenne à leur endroit (principe du « more for more » ). Il constitue aujourd'hui l'un des deux volets de la politique européenne de voisinage (PEV), l'autre étant le partenariat euro-méditerranéen.

C'est dans ce cadre que la Géorgie, la Moldavie et l'Ukraine ont conclu avec l'Union européenne des accords d'association, comprenant notamment la mise en place de zones de libre-échange.

Il convient de noter que nos interlocuteurs polonais ont confirmé qu'ils se sentaient comme responsables des politiques menées en direction de l'ensemble des États situés dans la sphère d'influence de la Russie et ce, alors même que l'heure est à la différenciation du partenariat. Cette orientation, qui semble faire consensus pour nos deux délégations, a été récemment formalisée dans une communication du Service européen pour l'action extérieure et de la Commission du 18 novembre 2015 intitulée « Réexamen de la politique européenne de voisinage ». Il s'agit de tenir compte en fait de réalités nationales très hétérogènes.

En Ukraine , c'est précisément une manifestation pro-européenne en réaction à l'incapacité du gouvernement à faire progresser l'accord d'association avec l'Union européenne, paraphé en juillet 2012, qui fut au commencement des événements qui affectent le pays depuis novembre 2013. Dans le cadre du conflit qui s'en est suivi, l'Union européenne a lié les sanctions économiques qu'elle a imposées à la Russie au respect intégral par Moscou des accords de Minsk.

En plein conflit, l'Union européenne a adopté des mesures de soutien au pays et, le 27 juin 2014, l'Union et l'Ukraine ont signé l'accord d'association. Les chapitres portant sur le dialogue politique, la justice, la liberté et la sécurité ainsi que la coopération économique, financière et sectorielle sont entrés en vigueur à titre provisoire le 1 er novembre 2014, tandis que l'entrée en vigueur du volet commercial et économique 23 ( * ) a été suspendue jusqu'au 31 décembre 2015.

Le 18 décembre 2015, La Commission a adopté le sixième rapport d'étape sur le plan d'action sur la libéralisation des visas pour l'Ukraine qui indique que l'Ukraine remplit tous les critères. Une proposition de libéralisation du régime des visas était attendue en février 2016, mais l'absence de système effectif de déclaration des revenus et du patrimoine des fonctionnaires a amené la Commission à reporter cette proposition. Le secrétaire d' État polonais a estimé que nous étions « à un pas » d'un accord sur cette question des visas .

Les pourparlers trilatéraux sur le commerce ont été rompus en décembre 2015 et la Russie a suspendu, à dater du 1 er janvier 2016, les préférences commerciales accordées à l'Ukraine au titre de l'accord de libre-échange de la Communauté d'États indépendants. La partie commerciale de l'accord d'association est entrée en vigueur à titre provisoire à cette date, dans l'attente de la ratification de tous les États membres .

Avec la Moldavie , l'Union européenne a signé, le 27 juin 2014, un accord d'association prévoyant une zone de libre-échange , qui est appliqué à titre provisoire depuis septembre 2014. En avril 2014, la Moldavie est en outre devenue le premier partenaire de l'Union à bénéficier d'un régime d'exemption de visa.

Dès la ratification par l'Assemblée nationale moldave de l'accord d'association avec l'Union, la Russie a adopté une série de mesures à l'encontre des importations en provenance de Moldavie et a supprimé les préférences commerciales accordées au pays au titre de l'accord de libre-échange de la Communauté d'États indépendants.

De graves scandales de corruption ont provoqué des manifestations, qui se poursuivent encore, rassemblant des milliers de personnes dans les rues de Chisinau. Depuis les élections de novembre 2014, quatre gouvernements se sont succédé, démontrant l'instabilité politique qui règne dans le pays.

Le 4 mars 2016, la Cour constitutionnelle de Moldavie a rétabli l'élection du Président de la République au suffrage universel, abrogeant la loi de juillet 2000 qui prévoyait son élection par le Parlement. L'élection présidentielle, initialement fixée au 16 mars, a été reportée à l'automne 2016. Dans cette attente, il convient de préciser que la signature d'un protocole bilatéral, la zone de libre-échange a été étendue à la région séparatiste Transnistrie à dater du 1 er janvier 2016.

Vis-à-vis de la Biélorussie , l'Union européenne a adopté une attitude de « dialogue critique » depuis le début du Partenariat oriental. Le 25 février 2016, un récent rapprochement entre la Biélorussie et l'Union a incité cette dernière à assouplir les sanctions (gel des avoirs, interdiction de voyage, restrictions commerciales et financières) qu'elle impose au pays. Le Conseil a ainsi décidé de ne pas proroger les mesures restrictives pour 170 personnes et trois entreprises dont l'inscription sur la liste avait déjà été suspendue. Il a en revanche prolongé d'un an les mesures existantes, notamment l'embargo sur les armes, ainsi que le gel des avoirs et l'interdiction de voyager institués à l'encontre de quatre personnes impliquées dans les disparitions non élucidées de deux personnalités politiques de l'opposition, d'un homme d'affaires et d'un journaliste.

L'Union a cependant envoyé des signes d'encouragement à la Biélorussie. Ainsi, les conclusions récemment adoptées à l'issue du sommet du Partenariat oriental, qui s'est tenu à Riga en mai 2015, font état des progrès accomplis en matière de réadmission et d'assouplissement du régime de visas et indiquent que ces avancées ouvrent la voie à la reprise du dialogue sur les droits de l'homme entre l'Union européenne et la Biélorussie. Ce dialogue, qui s'est déroulé en 2012 et 2013, consistait en un échange de vues entre l'Union et les représentants de la société civile biélorusse. En 2014, le dialogue a été remplacé par un projet axé sur la mise en oeuvre des réformes proposées.

Un partenariat pour la mobilité a été mis en place en juin 2015 et la coopération en matière de migration sera étendue au cours des prochaines années. En revanche, la Biélorussie ne négocie pas actuellement d'accord d'association avec l'Union.

En Géorgie , les élections législatives de 2012 et les élections présidentielles de 2013 ont vu la victoire de la nouvelle coalition « Rêve géorgien » et la confirmation de l'orientation euro-atlantique du pays. Sur la base de l'accord d'association, la zone de libre-échange est entrée en vigueur à titre provisoire en septembre 2014. La Géorgie a consenti de grands efforts pour aligner sa législation sur les normes de l'Union, par exemple en ce qui concerne la libéralisation du régime des visas.

La Commission a présenté une proposition sur cette libéralisation au Conseil de l'Union et au Parlement européen le 9 mars 2016. Le secrétaire d'État polonais s'est montré plutôt optimiste sur l'aboutissement de cette démarche.

Notons toutefois que la démocratie géorgienne souffre toujours des tensions persistantes entre la coalition au pouvoir et le Mouvement national uni de l'ancien Président Mikheil Saakachvili. Dans ce contexte, le climat politique ne devrait pas s'améliorer à la veille des élections législatives d'octobre 2016.

Les relations avec la Russie restent problématiques en dépit d'une embellie des échanges commerciaux. Les actions répétées de délimitation des frontières avec les deux régions séparatistes (l'Abkhazie et l'Ossétie du Sud), ainsi que la ratification des deux «traités» entre la Russie et comme avec l'Ossétie du Sud alimentent ces tensions.

L'Arménie entretient pour sa part des relations ambivalentes avec l'Union.

D'une part, en septembre 2013, le Président arménien a déclaré que le pays adhérerait à l'Union économique eurasiatique (UEE) avec la Russie, la Biélorussie et le Kazakhstan. L'Arménie a signé le traité d'adhésion à l'UEE le 10 octobre 2014, peu avant l'entrée en vigueur de cette union le 1 er janvier 2015.

D'autre part, des négociations sur un nouvel accord UE-Arménie ont été ouvertes en décembre 2015. L'attitude pragmatique dont ont fait preuve les deux parties ne devrait pas être remise en cause et ceci devrait déboucher sur la conclusion rapide d'un accord-cadre fondé sur les valeurs de l'Union mais compatible avec les nouvelles obligations d'Erevan vis-à-vis de l'UEE.

Parallèlement au constat d'un certain nombre d'améliorations dans le domaine des droits de l'homme et de l'État de droit, il convient de rappeler qu'un conflit oppose depuis plus de vingt ans l'Arménie à l'Azerbaïdjan au sujet du statut de la région du Haut-Karabakh, et les tensions sont actuellement au plus haut depuis 1994.

2. Les échanges avec les sénateurs polonais
a) Le Partenariat oriental vu par chacune des délégations

La séance de travail sur le Partenariat oriental a tout d'abord permis à chacune des deux délégations d'exprimer sa vision d'ensemble.

D'entrée, nos interlocuteurs ont toutefois rappelé que dans leur esprit de co-fondateurs du Partenariat oriental, celui-ci n'a jamais été conçu comme une forme d'opposition à la Russie mais plutôt, bien que la Russie ait refusé d'y participer, comme une façon d'établir une zone de stabilité et de bien-être à l'Est de l'Union européenne.

S'agissant du contenu de ce partenariat, nos interlocuteurs ont pris pour référence l'Ostpolitik menée par l'Allemagne vis-à-vis de l'Europe centrale et orientale à partir des années 70. Il s'agit, en fait, de multiplier des coopérations dans le domaine économique et social qui soient profitables aux deux parties. L'objectif poursuivi est que ceci débouche sur des interdépendances propices à un rapprochement politique. Ils ont enfin considéré que ce partenariat avait permis d'obtenir des résultats concrets, en particulier en Ukraine, en Géorgie et en Moldavie.

La délégation française s'exprimant en particulier par la voix de notre collègue Pascal Allizard, a indiqué qu'elle partageait cette philosophie tout en rappelant la nécessité d'avoir vis-à-vis de la Russie une attitude de fermeté mais aussi de dialogue . Nous considérons en effet la Russie comme un partenaire incontournable à la relance du processus, comme en témoigne le poids de la crise ukrainienne sur l'ensemble des relations entre l'Union européenne et la région et comme l'atteste aussi l'influence russe dans de très nombreux domaines. À titre d'exemple, M. Pascal Allizard a rappelé que les troupes russes n'étaient jamais à moins de quelques kilomètres des zones les plus stratégiques telles que les « nouvelles routes de la soie », axes commerciaux majeurs dans les relations entre l'Europe et la Chine.

À ce titre, le président Jean Bizet a fait état de la résolution récemment adoptée par le Sénat à l'initiative de la commission des affaires européennes, proposant une évolution du régime de sanctions aujourd'hui imposées à la Russie 24 ( * ) : d'une part, en supprimant des sanctions personnelles et, d'autre part, en engageant une levée progressive des sanctions économiques au vu des progrès dans le respect des accords de Minsk. Il n'est pas surprenant que cette proposition n'ait pas emporté sur le champ l'accord des sénateurs polonais 25 ( * ) . En revanche, elle a suscité leur intérêt, comme en témoignent les précisions qu'ils ont demandées quant aux conditions posées à la levée des sanctions économiques.

Au-delà de leurs position vis-à-vis de ces sanctions, il est aussi notable d'observer que Français et Polonais envisagent la poursuite du Partenariat oriental en préconisant souplesse et ouverture.

b) Une attitude commune d'ouverture

Les deux délégations se sont montrées convaincues de la nécessité de maintenir le dialogue avec l'ensemble des pays concernés par le Partenariat oriental . Plus précisément, il s'agit d'adapter l'offre de partenariat à la situation de chaque pays de façon à ce qu'elle soit à la fois réaliste mais aussi toujours attrayante. Les deux délégations s'accordent en effet sur le constat que l'on incitera les différents pays à des réformes que si on leur offre, en contrepartie, des perspectives .

Nos interlocuteurs ont ainsi insisté sur la nécessité à la fois d'aider l'Ukraine de toutes les façons, en particulier par des investissements, mais aussi de continuer le dialogue et de développer des coopérations avec des États tels que la Biélorussie ou la Moldavie. Avec ces pays et singulièrement avec l'Ukraine, la Pologne invite à faire preuve de patience, expliquant à quel point il est difficile de se défaire de l'emprise du puissant voisin. Ils estiment aussi qu'une évolution de l'Ukraine vers une plus forte indépendance pourrait conduire Biélorusses et Moldaves à prendre conscience de la possibilité de se forger un destin propre, et ainsi les ancrer plus fortement dans le Partenariat oriental .

L'un des enseignements notables de ces échanges a aussi été la communauté de vue des deux délégations quant à la façon de répondre aux souhaits de l'Arménie de s'inscrire à la fois dans le Partenariat oriental proposé par l'Europe et dans le Partenariat asiatique lancé par la Russie . Leur attitude semble être, là encore, marquée par un souci de souplesse et d'ouverture.

Enfin, les sénateurs polonais ont plaidé pour la suppression dès aujourd'hui de l'obligation de visa pour les Géorgiens , par symétrie avec l'accord passé avec la Turquie.

C. L'UNION DE L'ÉNERGIE

Organisée autour de rappels des grands objectifs de l'Union de l'énergie, la table ronde a principalement permis de revenir sur trois éléments : la sécurité des approvisionnements, la décarbonisation, et les enjeux de l'énergie en termes de compétitivité économique.

Les cinq grands objectifs de l'Union de l'énergie

En mars 2015, le Conseil européen a énoncé les cinq piliers de l'Union de l'énergie en s'inscrivant dans la continuité d'une vingtaine d'années de politique européenne de l'énergie.

Il s'agit :

- de la pleine intégration du marché européen de l'énergie avec pour corolaire la construction de réseaux gaziers et électriques transfrontaliers ;

- de la décarbonisation de l'économie ;

- de l'efficacité énergétique comme moyen de monnayer la demande ;

- de la sécurité énergétique ;

- de la recherche de l'innovation et de la compétitivité.

1. La sécurité énergétique
a) Les préoccupations polonaises

Les premiers mots de nos interlocuteurs ont été pour nous rappeler que l'Union européenne importe 50 % de son énergie et qu'elle est le premier client sur le marché énergétique mondial (avec des achats s'élevant à 400 milliards d'euros d'achats extérieurs).

Ces considérations sur la situation de l'Europe en général ont été complétées par un discours sur la dépendance vis-à-vis de la Russie , celle-ci étant totale pour la fourniture en gaz de six États membres.

Nos interlocuteurs polonais ont exprimé à plusieurs reprises leur souci de diversification de leurs sources d'approvisionnement, évoquant la construction en 2010 d'un terminal maritime de livraison de gaz naturel liquéfié (GNL) à Swinujscie. Par ce port, transite déjà près d'un tiers des 15 milliards de mètres cubes de GNL consommés annuellement par la Pologne 26 ( * ) . Il provient de deux pays : le Qatar et la Norvège.

Cette volonté de diversification ne procède pas seulement du souhait de limiter l'influence exercée par la Russie à travers Gazprom. Elle vise aussi à ne plus se voir imposer par ce fournisseur des prix du gaz qui sont aujourd'hui les plus élevés en Europe.

Nous avons été frappés de constater à quel point les Polonais ne limitent pas cette préoccupation d'indépendance à eux seuls, mais l'appliquent aussi à leurs voisins , Baltes en particulier, dont ils rappellent qu'ils sont encore plus dépendants de la Russie. Nos interlocuteurs se sont ainsi félicités de la création d'un terminal gazier flottant de GNL en Lituanie 27 ( * ) et ont exprimé leur souhait de voir les réseaux électriques des pays Baltes désynchronisés des réseaux russes. Ils nous ont aussi rappelé qu'ils avaient financé des interconnections gazières avec la Lituanie au moyen des fonds de cohésion de l'Union européenne.

b) Retour sur deux dossiers d'actualité

La discussion sur les approvisionnements énergétiques a permis d'évoquer deux dossiers d'actualité.

Le premier concerne le soutien accordé par les Polonais à la proposition déposée par la Commission européenne, COM (2016) 53 final, prévoyant, au nom de la transparence, que des accords intergouvernementaux passés avec les pays tiers dans le domaine de l'énergie 28 ( * ) soient transmis ex ante aux services de la Commission. Or, nous estimons pour notre part que cette proposition contrevient au principe de subsidiarité, raison pour laquelle, à l'initiative de notre commission des affaires européennes, le Sénat a adopté un avis motivé le 11 avril dernier 29 ( * ) .

Le second dossier d'actualité concerne le projet de gazoduc North Stream-2 reliant directement la Russie à l'Allemagne en passant par la mer baltique.

Nord Stream-2

Le gazoduc Nord Stream-2 vise à doubler la capacité actuelle du gazoduc Nord Stream, pour la porter à 110 milliards de mètres cubes par an au maximum, à partir de 2019. Le tour de table de ce gazoduc est le suivant : Gazprom (50 %), BASF, E.ON, Shell, OMV (Autriche) et Engie (10% chacun) pour un projet évalué à 10 milliards de dollars.

La nouvelle infrastructure relierait par le nord la Russie et l'Allemagne, faisant de cette dernière un véritable hub gazier européen. Ce trajet direct ne traverserait ni l'Ukraine ni la Pologne.

Chacune des délégations a pu rappeler sa position mais le principal intérêt de cet échange a été de permettre d'aller au-delà de la posture d'opposition de la partie polonaise fondée sur plusieurs arguments déjà connus. Il nous apparaît au final que si North Stream-2 préoccupe la Pologne, y compris pour des raisons géopolitiques 30 ( * ) , le coeur de la difficulté semble être davantage d'ordre économique . La Pologne craint :

- d'une part, la perte de recette qui serait liée au contournement du pays par le nord ;

- et, d'autre part, un affaiblissement de la position des pays situés à l'Est de l'Allemagne, éloignant encore davantage la perspective d'une harmonisation des prix de vente du gaz en Europe.

L'enseignement principal que nous tirons de cet échange est qu'il n'existe pas nécessairement une aversion de principe des Polonais à North Stream-2, mais que leur opposition pourrait être surmontée en fonction des conditions qui pourraient être négociées, principalement avec l'Allemagne .

2. Vers une économie décarbonée

Les parlementaires polonais ont commencé par rappeler leur accord avec les objectifs de décarbonisation de l'économie situé au sein de l'Union européenne tout en admettant que ceux-ci seraient difficiles à atteindre pour eux comme pour d'autres États membres .

Les objectifs européens de décarbonisation de l'économie

Le 24 octobre 2014, le Conseil européen a adopté un cadre énergie-climat complétant celui de 2009 et fixant trois grands objectifs pour 2030 :

- réduire les émissions de gaz à effet de serre d'au moins 40 % (par rapport aux niveaux de 1990) ;

- porter la part des énergies renouvelables à au moins 27 % ;

- améliorer l'efficacité énergétique d'au moins 27 %.

Ce cadre est conforme à la perspective à long terme définie dans la feuille de route intitulée « Vers une économie compétitive à faible intensité de carbone à l'horizon 2050 » et le livre blanc sur les transports, bien que seul l'objectif de réduction de 40 % des gaz à effet de serre ait une valeur contraignante .

À ce titre, ils ont rappelé l'importance économique mais aussi sociale (avec des centaines de milliers d'emplois concernés) du charbon et du lignite pour la Pologne . Ils ont toutefois indiqué que les choses évoluaient, comme en témoigne le vote récent d'une loi visant à faire évoluer le bouquet énergétique notamment par le développent des éoliennes.

La délégation française n'a pas manqué de poser la question du recours à l'énergie nucléaire , à la fois facteur de décarbonisation de l'économie mais aussi de diminution de la dépendance énergétique.

L'échange avec les sénateurs polonais sur ce point a été particulièrement intéressant dans la mesure où il a permis de compléter les entretiens avec le secrétaire d'État aux affaires européennes.

Au final, nous comprenons que :

- la décision de principe de recourir à l'énergie nucléaire serait prise mais que l'on serait toujours en attente d'un début de mise en oeuvre concrète ;

- l'un des paramètres très important de cette mise en oeuvre est la réponse à la question du financement des centrales nucléaires ;

- il est aussi nécessaire que la société polonaise soit préparée à accueillir ce type d'énergie ;

- et, c'est une information importante, la France apparaît comme le partenaire naturel pour développer l'énergie nucléaire en Pologne compte tenu en particulier de la grande expérience de ses entreprises dans ce domaine.

3. L'énergie facteur de compétitivité

Le président Jean Bizet a fait part à ses interlocuteurs de sa conviction selon laquelle la compétitivité du prix de l'énergie européenne était d'autant plus un sujet crucial que l'on négocie actuellement un accord transatlantique avec un partenaire dont les coûts de l'énergie sont deux à trois fois inférieurs aux nôtres.

Revenant au point précédent, les Polonais ont estimé que l'Europe handicapait sa compétitivité en se fixant elle-même des objectifs climatiques très ambitieux par rapport à ceux des autres grandes économies.

Enfin, l'un des intérêts de cet échange avec les sénateurs polonais a aussi été de préciser l'état du dossier des gaz de schiste en Pologne. Le débat existe entre eux puisque, à l'argument traditionnel selon lequel les gisements polonais ne seraient pas suffisamment rentables, certains autres intervenants ont objecté que trop peu de forages avaient été effectués à ce jour pour l'affirmer véritablement.

D. LE NUMÉRIQUE

1. Une priorité partagée

L'échange est intervenu à un moment où l'actualité est particulièrement riche en textes et en initiatives. En effet, dans le cadre de la stratégie pour un marché unique numérique, adoptée par la Commission les 25 et 26 juin 2015, cette dernière vient de présenter plusieurs propositions.

Les trois propositions du printemps 2016

- Le 19 avril, la Commission a présenté son paquet « Numérisation » visant à favoriser le passage de l'industrie à l'ère numérique, établir des normes afin de stimuler l'innovation, et moderniser les services publics en ligne.

- Le 25 mai, la Commission a présenté une proposition sur le commerce électronique visant à stimuler son développement en luttant contre le blocage géographique, en facilitant la livraison transfrontalière de colis, et en assurant plus généralement une meilleure protection du consommateur.

- Le même jour, la Commission a présenté une proposition de révision de la directive que les services et médias audiovisuels (SMA) de 2010. Allant dans le sens d'une responsabilisation des plateformes, d'un renforcement de la régulation du secteur audiovisuel et du soutien à la création.

Notre délégation a souhaité la tenue de cette session sur le numérique dans la mesure où il s'agit d'un thème prioritaire de ses travaux. Nous avons été heureux de constater qu' il s'agit aussi d'une priorité pour la Pologne , qualifiée dès l'ouverture de la session de « clé de l'avenir et de l''indépendance européenne ».

Le pays vient de se doter pour la première fois d'un ministère du numérique et s'est engagé dans un plan ambitieux d'investissement dans le secteur représentant 6 milliards d'euros sur la période 2014-2020 . Ce plan repose pour moitié sur des financements nationaux et pour moitié sur le Fonds européen pour les investissements stratégiques (FEIS) créé dans le cadre du plan Juncker. Cet effort porte essentiellement sur l'équipement du pays en infrastructures, nos interlocuteurs estimant que leur pays affiche un grand retard dans ce domaine.

Cet engagement nouveau et volontariste implique aussi un soutien aux start-ups , même si le pays affiche là aussi un grand retard par rapport à des pays comme la France et qu'il est conscient du risque de voir le développement du secteur numérique européen profiter d'abord à de grands groupes internationaux (donc étrangers).

La même position se retrouve d'ailleurs à propos du traité transatlantique en cours de négociation, les sénateurs polonais affichant une ouverture de principe assortie de quelques craintes d'être néanmoins la partie faible des échanges 31 ( * ) .

2. Préoccupations complémentaires

Cette posture d'orientation plutôt libérale en principe s'est exprimée dans les préoccupations mises en avant par les sénateurs polonais à propos du numérique. Ils ont insisté sur la nécessité de :

- supprimer les barrières dans le cadre d'un marché unique du numérique ;

- progresser vers une harmonisation du prix des communications sur ce marché ;

- préserver internet comme un espace de liberté sans y introduire de limitations, ce à quoi la jeunesse polonaise est très attachée 32 ( * ) ;

- ne pas voir la responsabilité des opérateurs être engagée, avec une réserve toutefois pour la protection du droit d'auteur et la protection des mineurs.

De façon complémentaire, la délégation française a rappelé l'importance :

- d'assurer la protection des données ;

- de réglementer les plateformes, notamment lorsqu'elles présentent un risque pour les PME.

Le président Bizet a enfin estimé qu'un équilibre devait être trouvé entre, d'une part, l'adoption de normes nécessaires au marché unique numérique et, d'autre part, le risque que l'innovation ne s'en trouve bridée.

En conclusion, nous avons convenu qu'il fallait continuer à travailler ensemble sur ces sujets dans les mois et les années qui viennent dans la mesure où le marché unique du numérique est encore en cours de mise en place, où le secteur évolue extrêmement vite et où, comme l'a fait remarquer le rapporteur de la délégation du Sénat polonais, en ces matières « le diable est dans les détails » .

E. UN CINQUIÈME SUJET, LE DÉTACHEMENT DES TRAVAILLEURS

Parallèlement aux quatre tables rondes formelles organisées au Sénat polonais, il est un sujet qui a fait l'objet de débats suffisamment substantiels 33 ( * ) pour mériter de figurer dans ce rapport ; il s'agit du détachement des travailleurs.

1. Une double actualité
a) La révision de la directive sur le détachement des travailleurs

Le 8 mars dernier, la Commission européenne a adopté une proposition de modification de la directive 96/71/CE du 16 décembre 1996 concernant le détachement des travailleurs effectué dans le cadre d'une prestation de services. Ce nouveau texte vise à garantir des conditions de rémunération équitables et des conditions de concurrence égales tant pour les entreprises détachant des travailleurs que pour les entreprises locales dans le pays d'accueil.

La proposition de révision de la directive 96/71/CE

Le texte propose de rendre la concurrence plus équitable en modifiant le droit existant sur trois points : la rémunération, la durée du détachement, les chaînes de sous-traitance et le recours aux agences d'intérim :

- sur la rémunération , la Commission propose une nouvelle rédaction remplaçant les termes « taux de salaire minimal » par « rémunération ». Celui-ci vise tous les éléments de la rémunération rendus obligatoires en particulier par les conventions collectives ;

- sur la durée du détachement, aux termes de la proposition, la totalité du droit du travail applicable au travailleur dont le détachement dépasse 24 mois deviendrait celui du pays d'accueil, conformément au règlement dit Rome I adopté en 2008 ;

- sur la sous-traitance et l'intérim, la directive révisée prévoit de garantir l'égalité de traitement entre travailleurs intérimaires locaux et travailleurs détachés par une société d'intérim d'un autre État membre.

Nous avons profité de l'occasion qui nous a été donnée de pouvoir expliquer nos points de vue, très divergents .

En effet, les deux chambres du Parlement polonais ont voté 34 ( * ) en faveur d'un « carton jaune » adressé à la Commission le 10 mai dernier, opposant à cette proposition le principe de subsidiarité alors que notre commission des affaires européennes a adopté, le 26 mai dernier, une proposition de résolution européenne 35 ( * ) se félicitant de ce texte. De surcroît, la résolution présentée par notre collègue Eric Bocquet en appelle même à ce que le texte soit complété et renforcé, par exemple par la mise en place d'un « système de recouvrement des cotisations sociales visant les travailleurs détachés par les États membres d'accueil ».

b) Le lancement d'une procédure d'infraction contre la France

La Commission vient d'engager une procédure d'infraction contre la France visant les dispositions d'un décret 36 ( * ) d'application de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 37 ( * ) dite « Macron », appliquant aux chauffeurs étrangers exerçant sur le territoire national (hors transit) les principes du détachement de travailleurs qui consistent à respecter le salaire minimum et temps de repos français. Le décret, applicable au 1 er juillet, rend aussi obligatoire la possession d'une attestation de détachement en cabine et la désignation d'un représentant de l'entreprise sur le territoire national.

La Commission européenne a lancé sa procédure le 16 juin, jour de notre arrivée à Varsovie, et nos hôtes ont tenu à nous en parler le soir même. Ce fort intérêt est une illustration de la grande sensibilité de ce sujet pour les pays d'Europe centrale et orientale , comme en témoignent les propos assez vifs adressés au secrétaire d'État aux transports français par ses homologues de ces pays lors du Conseil Transports du 7 juin dernier ou encore les manifestations devant les ambassades de France de ces pays, dont celle de Varsovie le 31 mai.

Les griefs de la Commission européenne

Dans son communiqué du 16 juin, la Commission « considère que l'application du salaire minimum à certaines opérations de transport international n'ayant qu'un lien marginal avec le territoire de l'État membre d'accueil ne saurait être justifiée, en ce qu'elle crée des obstacles administratifs disproportionnés au bon fonctionnement du marché intérieur . »

Elle considère en outre que « des mesures plus proportionnées devraient être prises pour garantir la protection sociale des travailleurs et éviter de fausser la concurrence sans porter atteinte à la libre circulation des services et des marchandises », indique un communiqué.

La Commission adresse parallèlement une deuxième lettre de mise en demeure aux autorités allemandes qui prévoient elles aussi d'appliquer le salaire minimum aux transporteurs routiers et qui contreviendrait le règlement européen n° 1072/2009 qui autorise trois opérations de cabotage sur une durée de sept jours sur le trajet retour d'un transport international.

Si nos interlocuteurs se sont dits préoccupés par les nouvelles dispositions françaises, il convient de rappeler qu'à l'inverse, le Sénat français n'a cessé de rappeler son souhait de voir le droit du détachement des travailleurs s'appliquer au transport routier . Tandis qu'une résolution, adoptée le 15 mai 2014 38 ( * ) , à l'initiative de la commission des affaires européennes, insistait sur le fait que la directive de 1996 s'applique expressément aux opérations de cabotage routier, notre résolution du 26 mai dernier regrettait que la proposition de révision n'aborde pas la question du détachement dans le transport routier, la Commission européenne la renvoyant à un paquet législatif dédié à la question du transport, prévu pour la fin de l'année 2016.

2. Le débat de fond

À la faveur de cette actualité, nous avons pu engager un débat amical et ouvert avec nos homologues polonais sur ces sujets , chacun de nos pays étant emblématique de l'un des deux camps : d'un côté le nouvel État membre perçu comme celui du célèbre « plombier polonais » et, de l'autre, la France figurant parmi les pays qui ont demandé à la Commission de renforcer la directive de 1996 39 ( * ) .

L'échange d'arguments nous a permis de mieux comprendre comment la question se pose pour nos homologues polonais de la majorité, comme de l'opposition, et ce, sur plusieurs points :

- tout d'abord, il y a chez eux une forme d'incompréhension à voir le principe de libre concurrence - principe essentiel de la promesse européenne - être battu en brèche . Peu sensibles à notre conception de la concurrence équitable, nos interlocuteurs assumaient en effet complètement l'idée qu'un niveau de vie et de salaire plus faible constitue un élément de compétitivité comme un autre que l'on doit avoir le droit d'exploiter ;

- ensuite, ils nous ont indiqué de façon unanime que ce point de vue était assez largement celui de la société polonaise . Les seuls défenseurs de l'encadrement du détachement des travailleurs seraient les syndicats, dont il n'est pas certain qu'ils soient très représentatifs sur ce sujet dans la mesure où nombre de salariés polonais apprécient la perspective de pouvoir être envoyés dans un pays d'Europe de l'ouest pour des missions, somme toute mieux rémunérées que chez eux. Or, une application des coûts salariaux du pays d'accueil les priverait de leur avantage compétitif.

Sur ce dernier point, nous avons toutefois tenu à rappeler qu'une application même absolue de principe du salaire du pays d'accueil excluait toutefois les charges sociales alors qu'elles représentent près de la moitié du coût du travail en France . Cet argument, sans doute sous-estimé par nos interlocuteurs 40 ( * ) , a semblé de nature à les interpeller. L'échange s'est d'ailleurs terminé sur l'idée, avancée par certains sénateurs polonais, que nous aurions intérêt à poursuivre le dialogue sur ce sujet, et qu'entre le « tout pays d'origine » et le « tout pays d'accueil », il convenait de rechercher des compromis.

Ce débat nous a renvoyés à une réalité que nous connaissons : lorsque la directive de 1996 a été adoptée, les différences de salaire dans l'Union européenne à 15 allaient de 1 à 3 alors que dans l'Union à 28, ils vont de 1 à 10. La question de la convergence économique et sociale ne se pose donc plus du tout dans les mêmes termes.

*

Douze ans après l'adhésion de pays comme la Pologne, la cohésion de l'Europe élargie figure bien parmi les défis qu'il nous convient de relever. L'entretien du dialogue avec le pays qui, à bien des égards, fait figure de porte-parole des nouveaux pays de l'Union est, à ce titre, absolument indispensable. Ce dialogue doit se poursuivre, dans le cadre du triangle de Weimar mais aussi de façon plus directe.

Cette conviction a été grandement renforcée par notre mission à Varsovie.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission des affaires européennes s'est réunie le jeudi 30 juin 2016 pour l'examen du présent rapport. À l'issue de la présentation faite par MM. Jean Bizet, Pascal Allizard et François Marc, le débat suivant s'est engagé :

M. Jean-Yves Leconte . - Il est essentiel, pour un dialogue utile avec les pays d'Europe centrale, de bien distinguer migration et droit d'asile. Les Ukrainiens présents en Pologne ne sont pas des demandeurs d'asile mais des travailleurs. Quels que soient les qualités politiques ou les talents en communication d'un parti, l'usure du pouvoir conduit fatalement à l'alternance, dont profite l'autre parti. C'est valable pour tous les pays !

M. Jean Bizet , président . - En effet.

M. Jean-Yves Leconte . - Nous savions donc que cela arriverait. Puis, la corruption de la Plateforme avait atteint un niveau qui méritait d'être dénoncé. Enfin, la politique familiale faisait défaut, et le PIS la met en place : à partir du troisième enfant, une famille touchera 120 euros par mois et par enfant. Voilà qui assurera une popularité durable à ce Gouvernement !

Pour autant, il y a de très profondes atteintes à l'État de droit, avec une violation complète de la séparation des pouvoirs. C'est comme si, chez nous, une loi fixait les méthodes de travail du Conseil constitutionnel, et que le Président s'octroyait un droit de véto sur ses décisions ! Le procureur général polonais, qui n'est autre que le ministre de la Justice, peut décider à lui seul de mesures de privation de liberté ou d'intrusion dans le domaine privé, ce qui est sans commune mesure avec les lois que nous avons votées depuis deux ans... Il peut même utiliser des moyens de provocation pour piéger des suspects par des propositions malhonnêtes. Le responsable des services secrets, qui avait été condamné il y a une dizaine d'années, a été gracié par le Président qui l'a réinstallé dans ses fonctions. Tous les quinze jours, les personnes qui ont combattu pour la liberté en 1989 descendent dans la rue, dans toutes les grandes villes de Pologne. Il y a un vrai problème. Qu'un parti élu démocratiquement considère que le droit l'empêche de mener sa politique est dangereux. Nous ne pouvons pas absoudre la Pologne aussi rapidement. Il faut y accompagner les démocrates.

M. Simon Sutour . - Ce déplacement était très positif. L'invitation polonaise correspondait à la décision de notre Bureau de nous concentrer, en 2016, sur deux pays de taille intermédiaire de l'Union, la Pologne et l'Espagne. Même lorsqu'on a des divergences profondes, il faut dialoguer. On voit bien que la Pologne pèse de plus en plus en Europe, notamment grâce à la galaxie de pays qu'elle entraîne derrière elle. Il est vrai que la sortie du Royaume-Uni lui ôte un allié de poids. Par exemple, la Pologne a été chef de file pour opposer un carton jaune à la position de la Commission sur les travailleurs détachés. Je suis très favorable au système du carton jaune, même quand il est utilisé contre nos positions !

C'est une bonne idée d'inviter en retour nos homologues polonais. J'espère que nous pourrons effectuer un déplacement similaire en Espagne, si possible à l'automne, du moins si un Gouvernement est constitué. Les contacts pris récemment à La Haye montrent une volonté renouvelée de dialogue, surtout depuis le Brexit : l'Espagne a immédiatement déclaré qu'il ne fallait pas discuter avec l'Écosse, afin d'éviter un précédent pour la Catalogne. Merci pour ce compte rendu d'un déplacement auquel j'aurais bien aimé pouvoir participer !

M. Éric Bocquet . - La Pologne est l'un des principaux pays d'envoi de travailleurs détachés en Europe. On voit bien l'écart entre les positions au sein de l'Union. La seule solution est l'harmonisation interne. Le cas des Ukrainiens en Pologne montre bien que c'est une logique sans fin : on est toujours plus cher que quelqu'un d'autre. La présence de travailleurs détachés en Angleterre et la xénophobie qui en résulte est d'ailleurs l'une des raisons du Brexit. J'espère que l'Europe a un autre projet, humaniste et de progrès social, que la mise en concurrence indéfinie des travailleurs entre eux. Sinon, nous allons au devant des pires difficultés.

M. Pascal Allizard . - Nous avons été reçus par des personnalités de la majorité mais des membres de l'opposition ont participé à chaque réunion, et ils s'y sont exprimés avec une entière liberté - notamment sur la question du Tribunal constitutionnel. Nous avons d'ailleurs constaté chez les deux parties une réelle volonté de trouver une solution sur ce problème en rendant à cette institution son rôle au lieu de l'utiliser pour entraver la politique de ses adversaires.

M. Jean Bizet , président . - De fait, le président de la commission des affaires étrangères et européennes - elles ne font qu'une là-bas - du Sénat polonais, M. Marek Roci, était membre de l'ancienne majorité.

La distinction entre migrants et demandeurs d'asile est faite au sujet des Ukrainiens, mais ce sujet a été abordé avec un certain flou, notamment sur les chiffres.

M. Jean-Yves Leconte . - L'arrivée de ces travailleurs est bien antérieure à la crise des migrants : ils sont venus remplacer les Polonais partis en Angleterre.

M. Pascal Allizard . - Exact.

M. Jean Bizet , président . - Nous n'avons pas entendu le mot « corruption », mais nous avons senti que la majorité précédente avait peut-être suscité quelques crispations. Quant à la politique familiale, avec un taux de fécondité de 1,3, elle ne peut qu'être populaire ! Reconnaissons l'apport important de l'Union européenne par ses fonds structurels ou ceux de la PAC, ce qui explique peut-être une part de l'engouement pour l'Europe. Sur l'État de droit, la page 19 du rapport est claire : elle pointe les vulnérabilités du système actuel. Des améliorations sont possibles.

M. Jean-Yves Leconte . - C'est comme si nous décidions par une loi des méthodes de travail du Conseil constitutionnel...

M. Jean Bizet , président . - Il est souhaitable que l'indépendance des juges, comme celle du Tribunal constitutionnel, soit garantie. Pour le président du Sénat polonais, toutefois, ce sujet vient en dixième ou douzième position parmi les préoccupations de ses concitoyens.

M. Jean-Yves Leconte . - C'est la politique familiale qui compte.

M. Jean Bizet , président . - Oui, les Polonais sont très europhiles. L'importance des lignes budgétaires européennes qui leur ont été consacrées n'y est peut-être pas pour rien. Lors du dernier déjeuner, j'ai testé auprès d'un parlementaire spécialiste des questions agricoles l'idée de glisser du premier vers le deuxième pilier, c'est-à-dire de faire moins de fonctionnement et plus d'investissement - ce qui est nécessaire à la pérennité de la PAC. Nous n'avons pas senti d'aversion fondamentale, pourvu que leur ligne budgétaire ne diminue pas. Quant aux problématiques climatiques, leur analyse est que point trop n'en faut !

En effet, nous avons senti un décalage entre certaines analyses sur la Pologne et nos impressions. Nous devons avoir de bonnes relations avec ce pays qui compte autant que nous au Parlement européen, puisque nos 25 députés europhobes n'y font rien d'autre qu'émarger.

Oui, il est bon de rappeler l'existence du carton jaune, y compris ici même : 50 % de nos résolutions européennes ont un écho à Bruxelles. Il est bon que la Commission européenne n'ait plus le monopole du droit d'initiative. Pour faire aimer l'Europe, montrons qu'elle passe par les parlements nationaux.

Les Espagnols parviendront-ils à former un Gouvernement ? Je suis partisan d'un noyau dur pour relancer l'Union, qui ne doit pas se limiter par principe aux pays fondateurs. Quand nous étions à quinze, l'écart de salaires en Europe était de un à trois. Aujourd'hui, à vingt-huit, il va de un à dix. Les Polonais entendent bien profiter pleinement de leur attractivité.

M. Jean-Yves Leconte . - Il peut y avoir des différences d'analyse, mais il faut parler avec le PIS, qui a un vrai soutien, en dénonçant les dérives actuelles.

M. Jean Bizet , président . - Avec un tel taux de fécondité, il fallait réagir. Nous enverrons une invitation officielle, la Pologne est un partenaire qui compte. L'énergie devrait être l'un des leviers pour relancer l'Union européenne. Si, avec le North Stream 2 , l'Allemagne devient le hub gazier européen, elle devra s'assurer qu'un équilibre est trouvé avec la Pologne.

À l'issue de ce débat, la commission autorise, à l'unanimité, la publication du rapport d'information.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

M. Stanisaw Karczewski, maréchal (président) du Sénat.

M. Konrad Szymañski, secrétaire d'État aux affaires européennes.

*

M. Marek Rocki, sénateur (groupe de la Plate-forme civique), président de la commission des affaires étrangères et européennes.

M. Micha Seweryñski, sénateur (groupe du Parti Droit et Justice), président de la commission des droits de l'homme.

M. Jerzy Chróoecikowski, sénateur (groupe du Parti Droit et Justice), président de l'agriculture et du développement rural et membre de la commission des affaires étrangères et de l'Union européenne.

M. Ryszard Majer, sénateur (groupe du Parti Droit et Justice), vice-président de la commission des affaires étrangères et de l'Union européenne.

M. Jarosaw Obremski, sénateur (Non-inscrits), vice-président de la commission des affaires étrangères et de l'Union européenne.

M. Jan Dobrzyñski, sénateur (groupe du Parti Droit et Justice), vice-président de la commission des affaires étrangères et de l'Union européenne.

M. Waldemar Sugocki, sénateur (groupe de la Plate-forme civique), vice-président de la commission des affaires étrangères et de l'Union européenne.

M. Aleksander Pociej, sénateur (groupe de la Plate-forme civique).

M. Zbigniew Cichoñ, sénateur (groupe du Parti Droit et Justice).

M. Dorota Czudowska, sénateur (groupe du Parti Droit et Justice).

M. Marek Pêk, sénateur (groupe du Parti Droit et Justice).

M. Piotr Wach, sénateur (groupe de la Plate-forme civique).

*

M. Pierre Buhler, ambassadeur de France en Pologne.


* 1 Phare : Pologne Hongrie Aide à la Reconstruction Economique.

* 2 Développés dans le II du présent rapport.

* 3 Malgré une baisse de la population depuis le début des années 2000 due non seulement à une baisse de la fécondité mais aussi à des départs importants de jeunes pour d'autres pays de l'Union européenne. 1 million de Polonais auraient ainsi quitté leur pays depuis 2004.

* 4 46 millions d'habitants.

* 5 Allemagne, France, Royaume-Uni, Italie, Espagne et Pologne.

* 6 Le poids réel des deux représentations nationales au sein du Parlement est, de fait, équivalent : la Pologne dispose de 51 eurodéputés tandis que la France voit sa délégation de 74 eurodéputés ramenée à un nombre utile de 54 du fait de la présence de 20 députés du Front national qui demeurent très largement en marge des travaux de l'institution.

* 7 Commission de l'industrie, de la recherche et de l'énergie, commission de l'agriculture et commission des affaires constitutionnelles.

* 8 Le Fonds européen pour la démocratie (FEDEM) est un organisme indépendant qui accorde des subventions (sur financement conjoint de l'Union européenne et des Etats membres) afin de soutenir les acteurs locaux du changement démocratique dans le voisinage de l'Union européenne.

* 9 Dont la Hongrie de M. Viktor Orban est relativement proche.

* 10 La dernière réunion parlementaire a eu lieu à l'Assemblée nationale les 13 et 14 juin derniers.

* 11 Prawo i Sprawiedliwooeæ.

* 12 Allocation familiale mensuelle dès le second enfant, retour de l'âge de départ à la retraite à 60 ans pour les femmes et 65 ans pour les hommes, relèvement du seuil d'imposition, augmentation du salaire horaire minimal et gratuité des frais médicaux pour les plus de 75 ans.

* 13 Réduction du taux d'imposition pour les PME, mesures fiscales pour favoriser l'investissement.

* 14 En fonction de critères non connus.

* 15 Dont la Pologne n'est pas membre.

* 16 Il convient de rappeler que, dans un premier temps, la Roumanie s'était aussi jointe à cette protestation.

* 17 Pour 40 000 personnes.

* 18 Pour 120 000 personnes.

* 19 Les autorités italiennes et grecques n'ayant pas été en mesure de fournir des renseignements suffisants sur l'identité des demandeurs.

* 20 À hauteur de 250 000 euros par migrant non admis.

* 21 Tel fut visiblement le cas de la plupart des 80 000 Tchéchènes accueillis en Pologne en 2008 ou même des quelques dizaines de chrétiens syriens accueillis par des évêques polonais.

* 22 Y compris des membres de l'opposition.

* 23 La création d'une « zone de libre-échange approfondi et complet ».

* 24 Résolution européenne n° 154 (2015-2016) relative au régime de sanctions de l'Union européenne à l'encontre de la Fédération de Russie.

* 25 Les sanctions imposées à la Russie font l'objet d'un certain consensus en Pologne à l'exception du parti agrarien (situé dans l'opposition) qui déplore les effets de ces sanctions sur les exportations agricoles.

* 26 Soit une capacité actuelle de 4,5 milliards de mètres cubes susceptible d'un doublement dans les prochaines années.

* 27 Le terminal de Klapeida importe depuis octobre 2014 du gaz norvégien.

* 28 Nos interlocuteurs y voient sans doute un moyen de limiter par exemple la politique de prix différenciés pratiqués par Gazprom.

* 29 Avis motivé sur la conformité au principe de subsidiarité de la proposition de décision du Parlement européen et du Conseil (COM (2016) 53 final) établissant un mécanisme d'échange d'informations en ce qui concerne les accords intergouvernementaux et les instruments non contraignants conclus entre des États membres et des pays tiers dans le domaine de l'énergie, et abrogeant la décision n° 994/2012/UE.

* 30 Risque d'isolement de l'Ukraine.

* 31 L'évocation de ce point a permis un échange sur la perception du TTIP dans nos deux pays, les sénateurs français rappelant, d'une part, la nécessité d'un projet équilibré et, d'autre part, les points de blocage en particulier en matière d'agriculture et de reconnaissance des indications géographiques protégées.

* 32 Particulièrement intéressant à noter de la part de la nouvelle majorité politique présentée comme défendant une forme d'« ordre moral ».

* 33 En particulier lors du dîner du 16 juin.

* 34 Avec les parlements bulgare, croate, tchèque, danois, estonien, hongrois, letton, lituanien, roumain et slovaque.

* 35 Proposition de résolution européenne au nom de la commission des affaires européennes, en application de l'article 73 quater du Règlement, sur la proposition de révision ciblée de la directive 96-71-CE relative au détachement des travailleurs.

* 36 Décret n° 2010-389 du 19 avril 2010 relatif au cabotage dans les transports routiers et fluviaux.

* 37 Loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques.

* 38 Résolution européenne n°114 (2013-2014) sur le dumping social dans les transports européens.

* 39 Avec l'Allemagne, l'Autriche, le Luxembourg et la Suède.

* 40 Visiblement surpris par le niveau de nos charges sociales.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page