C. UN PRÉFINANCEMENT NÉCESSAIRE MAIS NON OPTIMAL

1. Un décalage entre la création de la créance et son paiement, conduisant à un nécessaire recours au préfinancement

La forme d'un crédit d'impôt conduit à un décalage du versement pour les entreprises, au mieux, à l'année n+1 d'une créance calculée sur les salaires versés à l'année n. Le Gouvernement a espéré avec ce dispositif un effet de levier immédiat alors même que le décalage est inhérent au principe d'un crédit d'impôt .

Les petites et moyennes entreprises , même en bénéficiant de la possibilité d'une restitution « immédiate », doivent attendre l'année n+1. Celles-ci ont montré qu'elles étaient depuis la crise souvent en grande fragilité et avaient besoin d'une aide rapide , notamment pour reconstituer des fonds de trésorerie. Une attente d'un an se révèle alors trop longue. Dans les cas d'entreprises de taille intermédiaire ou de grandes entreprises déficitaires , ne pouvant donc imputer leur CICE sur l'IS, la créance ne sera même débloquée par l'État qu'à l'issue du troisième exercice , en n+4. Alors que l'entreprise montre des signes de difficulté ou des besoins pour se développer, investir ou transformer son activité, les crédits que l'État compte lui accorder ne peuvent être mobilisés immédiatement.

Le recours au préfinancement, qui permet à une entreprise de percevoir tout ou partie d'un montant dont le bénéfice lui est assuré mais le versement non immédiat, s'est alors révélé une nécessité pour bon nombre d'entreprises , afin de pouvoir mobiliser au plus vite les montants que l'État annonçait. Le Gouvernement a ainsi fait la promotion des solutions de préfinancement.

On peut légitimement douter de la pertinence d'un dispositif gouvernemental dont l'efficacité dépend avant tout de l'efficacité d'autres structures pour un déploiement rapide et un effet sensible.

2. Le préfinancement, un outil incontournable mais non optimal

Le Gouvernement a considéré le préfinancement comme un élément incontournable du dispositif CICE dès l'exposé des motifs de l'amendement instaurant le CICE. Le compte général de l'État retrace également depuis 2013 le nombre de préfinancements déclarés sur l'exercice. Ainsi :

- concernant le millésime 2013, le compte général 2014 fait état de 11 314 préfinancements de CICE pour un montant de 1,4 milliard d'euros au 31 décembre 2013 ;

- concernant le millésime 2014, 13 826 préfinancements sont dénombrés pour un montant de 2,601 milliards d'euros au 31 décembre 2014 ;

- concernant le millésime 2015, 9 798 préfinancements sont recensés au 31 décembre 2015, pour un montant de 1,969 milliard d'euros.

Certains préfinancements, pour des montants moindres, sont également décalés dans le temps. En 2014, 4 279 préfinancements ont par exemple été engagés pour le millésime 2013, pour un montant de 550 millions d'euros.

Après un début mitigé en 2013, notamment du fait d'une frilosité des banques commerciales, l'année 2014 semble avoir été un maximum, le montant 2015 repassant sous la barre des 2 milliards d'euros. L'amélioration relative de la conjoncture économique en 2015 pourrait expliquer une baisse du recours au préfinancement.

Le préfinancement doit être comparé à la créance du millésime. Le millésime 2014 montre ainsi que pour une créance de près de 18,1 milliards d'euros, le préfinancement a été retenu pour plus de 14 % du montant global . Si cet outil est conséquent en termes de montants engagés, il ne se révèle pas optimal, notamment pour les TPE et PME . Celles-là même qui recourent au préfinancement pour disposer au plus vite de cette aide, doivent alors se soumettre à de nouvelles formalités pour bénéficier de cette possibilité . Surtout, le préfinancement est plafonné à 85 % du montant estimé de la créance en germe auprès de Bpifrance. La créance étant cédée dans son intégralité, l'entreprise ayant eu recours à un préfinancement ne se verra créditée des 20 % restants qu'en n+1 , plus tardivement que dans le cas d'une restitution immédiate, la somme transitant des services fiscaux vers l'institution bancaire, chargée de verser le reliquat à l'entreprise. Ce décalage dans les remboursements a été souligné comme un réel problème et source d'insécurité pour les petites et moyennes entreprises.

Si le préfinancement est un dispositif incontournable dans le cas du CICE, cet outil n'a donc pas vocation à être régulièrement une solution de facilité budgétaire pour l'État dans le déploiement de dispositifs fiscaux.

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