TITRE PREMIER - OPEX : UN CONCEPT À GÉOMÉTRIE VARIABLE

La notion d'opérations extérieures mérite une clarification. Le concept ne comporte pas « une », mais « des » définitions selon que l'on se place sur le plan stratégique, opératif, administratif ou juridique. Il n'existe donc pas de définition unifiée de ce qu'est une opération extérieure, mais bien autant de champs d'application que de dispositions, qu'elles soient constitutionnelles, législatives ou réglementaires, concernant ces opérations, parfois qualifiées également d'interventions.

Sans doute trouve-t-on dans la littérature politico-stratégique, et dans les ouvrages de stratégie militaire, de nombreuses et excellentes définitions des interventions ou des opérations extérieures, mais il est étonnant de constater dans les textes officiels constitutionnels, législatifs ou réglementaires, l'absence, jusqu'en 2013, d'une définition matérielle synthétique du concept et, sur le plan formel, une multitude de dispositions juridiques spécifiques mais qui ne s'appliquent qu'à des domaines particuliers.

I. D'UN POINT DE VUE MATÉRIEL, IL FAUT ATTENDRE LA LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE 2014-2019 POUR DÉFINIR DE FAÇON EXPLICITE CE QU'EST UNE INTERVENTION EXTÉRIEURE

A. UNE DÉFINITION MINIMALISTE DÉDUITE DE LONGS DÉVELOPPEMENTS

Les Livres blancs et les lois de programmation militaire (LPM) successifs au prix de circonvolutions définissaient de façon implicite les interventions comme une fonction stratégique exercée en dehors du territoire national par des moyens militaires.

1. Le Livre blanc de 2008

Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, publié en juin 2008, définit une stratégie de sécurité nationale qui repose sur un équilibre nouveau entre cinq grandes fonctions : connaissance et anticipation, prévention, dissuasion, protection et intervention. La notion ne fait pas l'objet d'une définition précise, mais il est indiqué que l'intervention permet à l'État, « de donner à la sécurité nationale, en étroite coordination avec nos partenaires européens et nos Alliés, la profondeur, la capacité d'adaptation et la mobilité nécessaires à toute stratégie de défense dans le monde du XXI e siècle 2 ( * ) . » Bien entendu, « c'est la combinaison de ces différentes fonctions qui permet d'assurer la sécurité nationale 3 ( * ) ».

Ce document place, plus loin 4 ( * ) , de façon plus explicite, le concept d'intervention à l'extérieur du territoire national : « l'intervention, particulièrement à l'extérieur du territoire national, demeurera un mode d'action essentiel de nos forces armées. La capacité d'intervention doit permettre de garantir nos intérêts stratégiques et d'assumer nos responsabilités internationales. Il convient d'en prévoir la possibilité sur tout l'éventail possible des actions à distance du territoire national ». Il en définit les modalités, les axes prioritaires, les principes directeurs de légitimité et d'efficacité.

2. La LPM 2009-2014

La loi n° 2009-928 du 29 juillet 2009 relative à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014, et portant diverses dispositions concernant la défense, reprend la stratégie définie par le Livre blanc : « Nos capacités de prévention des conflits et d'intervention seront concentrées sur les zones où les risques impliquant les intérêts stratégiques de la France et de l'Europe sont les plus élevés ». (...) « pour la fonction intervention, de contribuer à la sécurité internationale en participant à des opérations de stabilisation et de maintien de la paix et d'être en mesure de faire face à un conflit majeur à l'extérieur du territoire dans un cadre multinational ».

3. Le Livre blanc de 2013

Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013 confirme l'intervention comme l'une des cinq fonctions stratégiques définies dans le Livre blanc de 2008.

Comme les autres fonctions, elle est orientée par les priorités stratégiques définies au chapitre 4 5 ( * ) :

« - protéger le territoire national et les ressortissants français 6 ( * ) et garantir la continuité des fonctions essentielles de la Nation ;

- garantir avec nos partenaires et alliés la sécurité de l'Europe et de l'espace nord-atlantique ;

- stabiliser avec nos partenaires et alliés les approches de l'Europe ;

- participer à la stabilité du Proche-Orient et du Golfe Arabo-Persique ;

- contribuer à la paix dans le mond e ».

Il est rappelé que « l'évolution du contexte international et sécuritaire impose une convergence accrue entre les cinq grandes fonctions stratégiques identifiées en 2008, qui restent pleinement valables : connaissance et anticipation, dissuasion, protection, prévention et intervention » et que « Les capacités d'intervention à l'extérieur du territoire national (...) confortent la crédibilité de notre dissuasion, et permettent au pays de défendre ses intérêts stratégiques et d'honorer ses alliances. » 7 ( * ) Il assigne à l'intervention extérieure trois objectifs : « assurer la protection de nos ressortissants à l'étranger ; défendre nos intérêts stratégiques, comme ceux de nos partenaires et alliés ; et exercer nos responsabilités internationales. Elle confère à la sécurité de la France la profondeur stratégique qui lui est indispensable, qu'il s'agisse d'empêcher l'aggravation d'une crise ou de mettre fin à une situation de conflit ouvert, lesquelles pourraient mettre en péril nos intérêts de sécurité . » 8 ( * )


* 2 Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale - p. 65, Odile Jacob et La documentation française juin 2008.

* 3 Leur agencement doit demeurer souple. Ainsi la connaissance et l'anticipation sont-elles des facteurs de prévention, mais aussi d'aide à la dissuasion, à la protection ou à l'intervention. De même les interventions, notamment dans le cadre d'actions humanitaires, peuvent-elles viser à prévenir des conflits de plus grande ampleur. »

* 4 p. 71 et suiv.

* 5 Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale p. 47 - La documentation française , mai 2013.

* 6 Y compris contre les risques à l'étranger : « Le nombre des ressortissants français voyageant ou résidant à l'étranger ne cesse d'augmenter. Leur sécurité peut être menacée lorsqu'ils se trouvent dans des espaces mal contrôlés, qu'il s'agisse de pays aux structures étatiques défaillantes ou de zones maritimes en proie à la piraterie. Si, entre 2008 et 2012, les attaques visant collectivement une communauté française expatriée ont été rares, en revanche, le risque d'enlèvement est devenu structurel dans de nombreux pays. Par ailleurs, nos compatriotes se trouvent régulièrement pris dans des situations exceptionnelles (coup d'État, guerre civile, catastrophe naturelle...) qui appellent une action d'urgence. L'État devra toujours conduire des opérations destinées à protéger des citoyens français menacés à travers le monde. Le plus souvent, lorsqu'elle sera nécessaire, l'évacuation d'urgence concernera également d'autres ressortissants des pays européens ou alliés et elle pourra être partagée entre les pays concernés.

* 7 p. 69

* 8 p. 82

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