N° 858

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2015-2016

Enregistré à la Présidence du Sénat le 28 septembre 2016

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le financement des infrastructures de transport ,

Par MM. Vincent CAPO-CANELLAS, Yvon COLLIN, Mme Marie-Hélène DES ESGAULX, MM. Thierry FOUCAUD, Roger KAROUTCHI, Mme Fabienne KELLER, MM. François PATRIAT et Daniel RAOUL,

Sénateurs

(1) Cette commission est composée de : Mme Michèle André , présidente ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; Mme Marie-France Beaufils, MM. Yvon Collin, Vincent Delahaye, Mmes Fabienne Keller, Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. André Gattolin, Charles Guené, Francis Delattre, Georges Patient, Richard Yung , vice-présidents ; MM. Michel Berson, Philippe Dallier, Dominique de Legge, François Marc , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, François Baroin, Éric Bocquet, Yannick Botrel, Jean-Claude Boulard, Michel Bouvard, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Carcenac, Jacques Chiron, Serge Dassault, Bernard Delcros, Éric Doligé, Philippe Dominati, Vincent Eblé, Thierry Foucaud, Jacques Genest, Didier Guillaume, Alain Houpert, Jean-François Husson, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Marc Laménie, Nuihau Laurey, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Hervé Marseille, François Patriat, Daniel Raoul, Claude Raynal, Jean-Claude Requier, Maurice Vincent, Jean Pierre Vogel .

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS ET PROPOSITIONS DE VOTRE GROUPE DE TRAVAIL

Les principales observations

1. Les travaux de la commission « Mobilité 21 » ont permis de hiérarchiser les projets d'infrastructures de transport à réaliser à moyen et long termes, ce qui constitue un progrès par rapport au schéma national des infrastructures de transport (SNIT) de 2011. Une structure permanente chargée du suivi régulier de cette programmation fait néanmoins toujours défaut .

2. Si la France dispose d'une solide expérience en matière d'évaluation socio-économique et d'un dispositif de contre-expertise performant depuis la création du Commissariat général à l'investissement (CGI), les évaluations des projets d'infrastructure de transport souffrent encore trop souvent d'un biais optimiste tandis que la définition du plan de financement intervient à un stade très tardif, ce qui peut mettre en péril la soutenabilité de certains projets.

3. La concession est un outil ancien ayant fait ses preuves pour développer le réseau autoroutier. Néanmoins l'allongement de la durée des concessions autoroutières pour financer des plans de relance des investissements est une méthode opaque , rendant quasiment impossible la connaissance précise du taux de rentabilité des concessions .

4. Malgré le recours assez rare aux contrats de partenariat public-privé dans le domaine des transports, le risque d'affaiblissement des capacités de maîtrise d'ouvrage des personnes publiques est réel et constitue un sujet de préoccupation légitime.

5. L'étendue et la qualité de ses équipements routiers et ferroviaires valent à la France d'être classée au septième rang des réseaux d'infrastructure au monde mais sa situation relative se dégrade en raison du vieillissement de ses réseaux historiques. L'effort de régénération du réseau ferroviaire de 2,5 milliards d'euros par an permet seulement de limiter ce phénomène , tandis que les travaux réalisés sur le réseau routier national non concédé sont principalement curatifs et non préventifs .

6. Les projets de développement des grands réseaux de transport demeurent très ambitieux , alors même que les lignes à grande vitesse les plus pertinentes ont déjà été construites et que le modèle de la grande vitesse ferroviaire connaît aujourd'hui des difficultés .

7. Si la France a investi suffisamment dans les infrastructures de transport , avec en moyenne un niveau d'investissement représentant 1 % de son produit intérieur brut (PIB) au cours des vingt dernières années, les crédits budgétaires consacrés par l'État - soit 4,4 milliards d'euros en 2015 - sont désormais insuffisants pour faire face aux engagements souscrits en faveur de projets de grande ampleur.

8. Même si son fonctionnement manque toujours de transparence , y compris à l'égard du Parlement, l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) est un outil utile en ce qu'il permet de sanctuariser les crédits pluriannuels destinés aux infrastructures de transport .

9. La dette de SNCF Réseau , qui a enregistré une hausse de 12 milliards d'euros entre 2010 et 2015 pour s'établir à 44 milliards d'euros , est devenue un fardeau très lourd , limitant fortement la capacité d'action du gestionnaire du réseau ferré national. Il paraît peu probable que l'entrée en vigueur de la « règle d'or » - dont le décret d'application se fait toujours attendre - permette d'apporter une solution à la hauteur des enjeux .

10. Si l'essentiel du financement du réseau autoroutier et les dépenses de fonctionnement des lignes à grande vitesse reposent largement sur l'usager, le réseau routier national , le transport ferroviaire de proximité et les transports collectifs en Île-de-France sont financés de façon croissante par l'impôt depuis l'abandon de la vignette automobile et de l'écotaxe poids lourds, soit une évolution à rebours de celle observée chez nos voisins européens .

Les principales propositions

Mieux prendre en compte les enjeux financiers aux stades de la programmation et de l'évaluation

Proposition n° 1 : Adopter, au début de chaque législature, une loi de programmation des infrastructures de transport , établissant une liste hiérarchisée des grands projets et une programmation financière pluriannuelle, sur la base des travaux d' une commission permanente composée d'élus nationaux, locaux et d'experts, qui sera ensuite chargée d'examiner tous les ans l'avancement des projets programmés et de proposer, le cas échéant, des ajustements.

Proposition n° 2 : Rendre obligatoire l'actualisation de l'étude socio-économique du projet d'infrastructure lors du renouvellement de sa déclaration d'utilité publique (DUP), en cas de modification substantielle de ses caractéristiques ou de bouleversement des conditions économiques.

Proposition n° 3 : Prévoir la structure de financement de tout grand projet d'infrastructure de transport en amont, dès la phase de conception, en vue de garantir la viabilité financière du projet et de la soumettre au débat public.

Proposition n° 4 : Rendre obligatoire la réalisation d'une étude de soutenabilité budgétaire du plan de financement proposé pour tous les investissements publics en matière d'infrastructures de transport supérieurs à 20 millions d'euros (et pas seulement dans le cas du recours à un contrat de partenariat).

Proposition n° 5 : Privilégier la fourchette basse des hypothèses de trafic et la fourchette haute des coûts de construction pour établir le scénario de référence des études socio-économiques des projets d'infrastructures de transport afin d'éviter de surévaluer leur rentabilité et mieux cartographier les risques.

Proposition n° 6 : Soumettre à l' avis du Commissariat général à l'investissement (CGI) les projets dépassant le seuil de 100 millions d'euros dont la déclaration d'utilité publique a été prise avant 2014 ainsi que les grands projets de modernisation des réseaux existants .

Proposition n° 7 : Mettre fin à la pratique consistant à allonger la durée des concessions autoroutières pour financer des investissements de développement du réseau.

Proposition n° 8 : Préserver et renforcer une maîtrise d'ouvrage forte des personnes publiques en matière de réalisation d'infrastructures de transport, par exemple en mutualisant les fonctions de maîtrise d'ouvrage entre collectivités publiques.

Un patrimoine d'infrastructures exceptionnel dont la modernisation doit devenir une priorité nationale

Proposition n° 9 : Investir massivement pendant les quinze prochaines années en faveur de la maintenance, du renouvellement et de la modernisation des réseaux existants , en particulier du réseau ferroviaire, dont le vieillissement est très inquiétant.

Proposition n° 10 : Geler pendant une quinzaine d'années le financement par l'État des nouveaux projets de ligne à grande vitesse, en vue de donner la priorité à la modernisation des réseaux existants dans un contexte budgétaire très contraint.

Financer les infrastructures de transport dans un contexte budgétaire contraint

Proposition n° 11 : Transmettre systématiquement le budget prévisionnel de l'AFITF au Parlement avant l'examen de la loi de finances afin que députés et sénateurs puissent opérer un véritable contrôle sur les crédits destinés au financement des infrastructures de transport.

Proposition n° 12 : Augmenter les ressources de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) pour qu'elle puisse faire face à ses engagements, en particulier avec la montée en charge du projet de liaison Lyon-Turin puis du canal Seine-Nord Europe.

Proposition n° 13 : Envisager une opération de reprise , même partielle , de la dette de SNCF Réseau par l'État ou son cantonnement dans une structure dédiée , afin de redonner des marges de manoeuvre financières au gestionnaire du réseau ferré national.

Proposition n° 14 : Concevoir une nouvelle forme d'écotaxe , que ce soit sous la forme d'une redevance kilométrique ou d'une vignette , en vue de l'affecter en priorité au renouvellement des infrastructures de transport et de renforcer le principe utilisateur-payeur , notamment pour les poids lourds .

Proposition n° 15 : Rééquilibrer la participation de l'usager au financement du transport ferroviaire de proximité , en particulier en Île-de-France, sous réserve d'une amélioration perceptible de la qualité de l'infrastructure.

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