I. LE REVENU DE BASE : UNE IDÉE ANCIENNE QUI RESURGIT DANS LE DÉBAT PUBLIC

L'idée d'un revenu de base - quelle que soit son appellation : dividende, revenu ou allocation universelle, revenu d'existence - est ancienne. Mais elle a trouvé une nouvelle vigueur dans les dernières années, ses différents promoteurs mettant souvent en avant des expérimentations intervenues à plusieurs endroits du globe - présentées comme probantes - pour en justifier la mise en place.

A. DES PROPOSITIONS ANCIENNES QUI RETROUVENT UNE NOUVELLE VIGUEUR

1. Une idée qui réapparaît périodiquement depuis le XVIème siècle sous diverses inspirations

Si l'idée d'un revenu versé inconditionnellement à chaque membre de la société revêt une actualité certaine dans le débat public, elle n'est nullement une idée nouvelle, ainsi que l'a souligné lors des auditions de la mission l'un de ses principaux promoteurs actuels, M. Philippe Van Parijs, philosophe belge, professeur à l'université de Louvain-la-Neuve et auteur avec M. Yannick Vanderborght d'un ouvrage 4 ( * ) retraçant les origines de ce concept.

Sans dresser une historiographie exhaustive de l'idée de revenu de base, on peut distinguer trois grands courants qui l'ont justifié, sous une forme ou sous une autre, depuis le XVI e siècle.

a) Des humanistes au RMI : lutter contre la pauvreté

L'idée d'allocation versée aux plus pauvres par la puissance publique et non plus par la charité privée naît dans le mouvement humaniste de la Renaissance.

On situe généralement les origines du concept d'allocation universelle à L'Utopie de Thomas More, publié en 1516. Dans l'île imaginée par More, chacun est assuré des moyens de sa subsistance sans avoir à dépendre de son travail. Adoptant une démarche moins utopiste, un ami de Thomas More, Jean-Louis (Johannes Ludovicus) Vives, est considéré comme l'un des premiers penseurs humanistes à recommander la prise en charge des indigents par les pouvoirs publics, dans un ouvrage destiné à la municipalité de Bruges ( De Subventione Pauperum , 1526).

Ces principes ont guidé la première loi sur les pauvres ( Poor law ) promulguée en Angleterre en 1601, conférant aux paroisses anglaises l'obligation d'assurer la prise en charge des indigents, cette prise en charge étant assortie d'une obligation de travail. Cette première Poor law a été approfondie dans le système de Speenhamland, institué en 1795, qui prévoyait le versement d'une allocation différentielle d'un montant variant en fonction de la composition des ménages et indexé sur le prix du pain.

Le système de Speenhamland

À la fin du XVIII e siècle, la forte croissance démographique de l'Angleterre rurale, conjuguée à la modernisation économique (débuts de l'industrialisation, clôture des champs communaux), à de mauvaises récoltes et à la guerre avec la France, rend plus aiguë la problématique des paysans pauvres. C'est dans ce contexte qu'est conçu en 1795 le système de Speenhamland, du nom d'une localité du Berkshire 5 ( * ) .

Ce système, appliqué de manière inégale sur le territoire, réforme la Poor law élisabéthaine de 1601 et prévoit le versement aux indigents d'une allocation dont le montant est déterminé en fonction de la composition du foyer et indexé sur le prix du pain.

Il préfigure donc largement les dispositifs modernes d'allocations différentielles et a concentré des critiques similaires à celles qui accompagnent aujourd'hui l'idée de revenu universel. Les opposants au système de Speenhamland ont ainsi mis en avant des arguments à la fois moraux et économiques contre un système accusé d'inciter à l'oisiveté, de freiner l'industrialisation et de contenir les salaires.

Ces critiques ont contribué à la réflexion qui a conduit, en 1834, à la réforme du système d'assurance publique anglais ( New Poor Law ), conditionnant la prise en charge des indigents à leur internement dans des workhouses .

Ces modèles d'assistance publique, uniquement destinée aux pauvres et conditionnée à une exigence de travail, se distinguent encore nettement de la notion de revenu universel et inconditionnel. Ils forment néanmoins les précurseurs des dispositifs de solidarité créés ultérieurement.

L'idée d'un revenu universel pour lutter contre la pauvreté resurgit dans la seconde moitié du XX e siècle, portée par des promoteurs venant de différents horizons.

Ainsi, Martin Luther King Jr. s'est fait le défenseur, peu de temps avant son assassinat, d'un tel outil à même, selon lui, de résorber la pauvreté tout en ne clivant pas la société entre des contribuables et des assistés 6 ( * ) .

En France, le revenu minimum d'insertion (RMI), inspiré notamment par les travaux sur la question de M. Lionel Stoléru 7 ( * ) , a constitué la première tentative d'introduire un filet de sécurité généralisé pour les plus démunis. Lors de son audition par la mission, M. Stoléru a présenté la mise en oeuvre d'un revenu universel comme l'aboutissement logique et inéluctable du processus engagé avec la création du RMI et poursuivi avec sa transformation en revenu de solidarité active (RSA).

Le revenu minimum d'insertion

Créé par la loi du 1 er décembre 1988 8 ( * ) , le revenu minimum d'insertion (RMI) visait à rompre avec le principe de spécialité qui régissait jusque-là les différentes prestations et donc avec la segmentation qui caractérisait les dispositifs d'assistance aux plus démunis.

Allocation différentielle versée à toute personne âgée d'au moins 25 ans et résidant en France dont les revenus étaient inférieurs à un montant donné, le RMI s'accompagnait de la signature d'un contrat d'insertion fixant les devoirs du bénéficiaire en matière d'efforts d'insertion. Lors de son audition par la mission, M. Lionel Stoléru a cependant indiqué que la dimension monétaire du RMI était à ses yeux centrale et que l'exigence de contrepartie de la part du bénéficiaire ne lui apparaissait pas essentielle.

Le RMI a connu une montée en charge extrêmement rapide, révélant l'existence de situations de pauvreté alors inconnues des pouvoirs publics, car ne correspondant pas aux catégories pour lesquelles une aide existait.

Toutefois, les limites de ce dispositif, résultant du phénomène de « trappe à inactivité » 9 ( * ) , ont justifié sa réforme avec la mise en place du RSA à partir de 2008.

b) Une notion de justice

L'idée de revenu universel correspond également à une certaine conception de la justice sociale, visant à déconnecter la rémunération et le travail.

Dans La Justice agraire (1797), Thomas Paine défendait l'idée selon laquelle la terre appartient en collectivité à tous les hommes et que, pour compenser l'accaparement que représente la propriété privée, un fonds alimenté par les propriétaires terriens doit permettre de verser une dotation à chaque individu atteignant l'âge de la majorité 10 ( * ) . Cette dotation serait alors en quelque sorte un loyer payé en une fois par ceux qui cultivent la terre à la collectivité qui en est le propriétaire légitime.

Les idées de Paine ont pu inspirer les « socialistes utopiques ». Dans son ouvrage Solution au problème social , publié à Bruxelles au même moment que le Manifeste du Parti communiste de Karl Marx et Friedrich Engels (1848), Joseph Charlier formule ce qui est considéré comme la première proposition élaborée d'allocation universelle. Juriste belge proche de Charles Fourier, Joseph Charlier défend l'idée d'un « dividende territorial » qui, comme la dotation imaginée par Paine, constitue une contrepartie à l'injustice que représente la propriété privée de la terre.

Au XX e siècle, cette idée d'un revenu de base comme instrument de justice sociale est reprise notamment par Bertrand Russel dans Roads to Freedom (1918), ou encore par John Rawls qui, dans sa Théorie de la Justice (1971), confère au gouvernement le rôle de garantir un minimum social de nature à permettre une réelle égalité des chances.

D'autres auteurs défendent l'idée selon laquelle le plein emploi n'est plus un objectif atteignable et qu'un revenu de base distribué par l'État doit se substituer aux revenus du travail. Une telle idée a été avancée par l'économiste Robert Theobald, qui estimait dès les années 1960 que l'automatisation des tâches productives avait vocation à éliminer l'emploi salarié.

c) La tradition libérale : un revenu universel plutôt que des aides ciblées

Au XX e siècle, l'idée de revenu de base a été portée par des économistes inscrivant leurs travaux dans le cadre de l'économie de marché, afin de réduire les biais et de surmonter les limites identifiées des prestations sous condition de ressources.

Milton Friedman, dans son ouvrage Capitalisme et Liberté , publié en 1962, a ainsi théorisé le revenu universel, sous la forme d'un impôt négatif, comme une alternative aux systèmes de protection sociale existant alors aux États-Unis. Ainsi qu'il l'a indiqué aux membres de la mission lors de son audition, ce sont les travaux de Milton Friedman qui ont inspiré la proposition formulée par M. Lionel Stoléru à partir des années 1970 jusqu'à la création du RMI en 1988.

James Tobin, économiste néo-keynésien et par là-même largement regardé comme un contradicteur de Milton Friedman, a lui aussi développé l'idée d'un soutien inconditionnel au revenu, sous la forme d'une allocation universelle ou d'un crédit d'impôt. Ses travaux ont influencé le candidat démocrate George McGovern, qui avait inscrit la création d'un demogrant dans son programme de campagne pour l'élection présidentielle américaine de 1972.

Richard Nixon, élu face à George McGovern, avait d'ailleurs porté un projet similaire, quoique moins ambitieux, dans le cadre du Family assistance act . Ce projet, adopté par la Chambre des représentants en 1970, a finalement échoué devant l'opposition du Sénat des États-Unis.

2. Un débat d'actualité à travers le monde
a) Des promoteurs du revenu de base de plus en plus structurés

Jusqu'aux années 1980, le concept de revenu de base a fait l'objet d'un regain d'intérêt de la part de chercheurs et d'universitaires sans qu'il existe nécessairement de lien entre eux.

À partir de 1986, toutefois, un réseau d'universitaires et d'activistes dénommé Basic income European network ( Réseau européen pour un revenu universel ) s'est développé à l'instigation, notamment, de M. Van Parijs. Depuis 2004, le BIEN a modifié son nom pour adopter celui de Basic income earth network , signe de l'ampleur mondiale prise par ce mouvement. En France, les promoteurs du revenu de base se sont également structurés autour notamment de l'association pour l'instauration d'un revenu d'existence (AIRE), créée en 1989 11 ( * ) , et du mouvement français pour un revenu de base (MFRB), créé en 2013 12 ( * ) .

La grande majorité des défenseurs du revenu de base s'accordent pour le définir comme un revenu individuel, versé à tous sans condition de ressources ou exigence de contrepartie. Ils divergent cependant sur l'objectif et la philosophie qu'ils lui assignent.

Ainsi, selon les différentes associations entendues par la mission, le revenu de base peut être présenté comme une réforme de l'État-providence dans le sens d'une meilleure efficience, comme un outil d'adaptation de la société au progrès technique et aux mutations économiques voire, dans une perspective de décroissance, comme un moyen de permettre le « droit à la paresse » et de rétribuer la participation de chacun au bien-être général de la société en dehors de l'emploi salarié et marchand.

L'ensemble des associations et mouvements qui défendent le revenu de base, quelle que soit la dénomination qu'ils privilégient, s'accordent néanmoins autour de la définition d'une prestation monétaire versée à chacun des membres d'une collectivité sans condition de ressources ni contrepartie. Ils proposent tous, pour le financer, une réforme de la fiscalité.

b) Un sujet qui s'installe progressivement dans le débat public français

Les travaux universitaires sur la question 13 ( * ) ont contribué à renforcer les fondements théoriques des différentes propositions et à modéliser des méthodes de mise en oeuvre. Surtout, ils ont contribué à faire de la question du revenu de base un élément de débat public dont plusieurs laboratoires d'idées ( think tanks ) se sont saisis . Génération libre, d'obédience libérale, et la Fondation Jean-Jaurès, proche du parti socialiste, ont récemment publié leurs propositions en ce sens.

Génération libre, animé par M. Gaspard Koenig, défend l'idée d'un revenu de base appelé Liber 14 ( * ) assurant l'autonomie de chacun sous la forme d'un crédit d'impôt universel. Ce Liber , proche du revenu d'existence défendu par l'AIRE, s'accompagne de la mise en oeuvre d'un impôt proportionnel ( flat tax ) individualisé et prélevé à la source sur tous les revenus remplaçant l'impôt sur le revenu actuel ainsi que la contribution sociale généralisée (CSG), les cotisations sociales finançant des prestations non contributives et l'impôt sur les sociétés. Ce Liber aurait vocation à se substituer aux minima sociaux, à une partie des prestations familiales mais également aux bourses de l'enseignement supérieur. Diverses règles fiscales d'exonération seraient aussi remises en question. L'allocation aux adultes handicapés, les allocations logement et les prestations contributives seraient en revanche maintenues.

À l'opposé du spectre idéologique, la Fondation Jean-Jaurès 15 ( * ) revendique une approche « social-démocrate », se distinguant à la fois de la vision libertaire et de la critique d'inspiration marxiste ou écologique du capitalisme productiviste. Elle propose ainsi un revenu fixé à un niveau proche du seuil de pauvreté, géré par les partenaires sociaux et mobilisant l'ensemble des financements de la protection sociale, y compris l'assurance maladie et les retraites ainsi qu'une partie des exonérations de cotisations décidées dans le cadre des politiques de l'emploi.

Les organismes publics de prospective se sont à leur tour récemment emparés de la question du revenu de base . Dans son rapport remis le 6 janvier 2016 à la ministre du travail 16 ( * ) , le Conseil national du numérique (CNNum) recommande d'« éclairer et expertiser les différentes propositions d'expérimentations autour du revenu de base ». Si cette proposition formulée par le CNNum est peu précise, elle a eu un écho médiatique important.

Dans la foulée, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) s'est saisi en mars 2016 d'une étude, confiée à sa section des activités économiques, qui doit permettre de faire le point sur les études et expériences déjà menées et d'explorer les incidences qu'aurait l'introduction d'un revenu citoyen notamment sur les acteurs économiques, la consommation et l'emploi. La publication de cette étude est attendue pour le début de l'année 2017.

c) Un thème qui devient un sujet de débat politique en Europe et en France

En quelques années seulement, le revenu de base est devenu un sujet de débat politique grandissant.

(1) Le débat en Europe

Une initiative citoyenne européenne (ICE) 17 ( * ) , lancée en 2013, a rassemblé plus de 300 000 signatures, sans parvenir à atteindre dans un délai d'un an le seuil du million de signatures permettant d'inscrire le sujet à l'agenda de la Commission européenne. Cette ICE visait à « demander à la Commission d'encourager la coopération entre les États membres afin d'explorer le revenu de base inconditionnel comme un outil pour améliorer leurs systèmes de sécurité sociale respectifs ».

En Suisse , issu d'une initiative populaire lancée en 2013 par des citoyens proches du réseau BIEN, le référendum 18 ( * ) du 5 juin 2015 portait sur l'inscription dans la Constitution d'un « revenu de base inconditionnel » (RBI) devant « permettre à l'ensemble de la population de mener une existence et de participer à la vie publique ». Tout en laissant au législateur le soin de déterminer les modalités de l'instauration de ce RBI, les initiateurs ont évoqué au cours des débats un revenu de 2 500 francs suisses par mois (2 270 euros) pour un adulte et 625 francs suisses (567 euros) pour un mineur, soit un peu plus que le seuil de pauvreté, qui s'élevait en 2014 à 2 219 francs suisses pour une personne seule 19 ( * ) . Toutefois, dans la proposition formulée par ses initiateurs, le RBI avait vocation à se substituer aux revenus d'activité ou de transfert à concurrence de son montant. Suivant cette proposition, seules les personnes dont le revenu mensuel était inférieur à 2 500 francs suisses, revenus de transferts compris, auraient donc vu leur revenu augmenté par le RBI.

Si cette proposition a été massivement rejetée, par 76,9 % des votants et l'ensemble des cantons , elle a permis pour la première fois un débat public à l'échelle d'un pays mobilisant l'ensemble des citoyens. Au-delà du coût financier de la mesure, évalué par le Conseil fédéral à 153 milliards d'euros (soit 26 % du PIB Suisse) 20 ( * ) , le débat a porté sur la valeur travail, dans un pays où le taux de pauvreté est inférieur à 7 % et où l'État-providence peut être considéré comme relativement complet.

En Finlande , pour la première fois dans un État membre de l'Union européenne, la coalition arrivée au pouvoir en mai 2015 a inscrit dans son programme gouvernemental la mise en oeuvre d'une étude pilote sur un revenu de base, reprenant une idée portée dans le débat public finlandais depuis plusieurs années, dans un contexte de récession économique. Cette étude, confiée à M. Olli Kangas, directeur de recherches à KELA, l'organe finlandais d'assurance sociale, devrait déboucher prochainement sur une expérimentation 21 ( * ) .

Enfin, aux Pays-Bas , alors même que l'économie est en passe de retrouver le plein-emploi, plusieurs communes, s'inspirant de la notion de revenu universel, entendent s'engager dans des expérimentations tendant à modifier les modalités d'octroi de leurs prestations de lutte contre l'exclusion. 22 ( * )

(2) Un débat porté sur la scène politique française

En France, si des propositions ont pu être portées au niveau politique par le passé, notamment par Mme Christine Boutin dès 2003 23 ( * ) ou M. Dominique de Villepin en 2011, le sujet a connu un regain de popularité au cours de la période récente, porté par des responsables de sensibilités politiques diverses.

Des amendements, identiques dans leur dispositif mais différents dans leurs motivations, ont ainsi été défendus à l'Assemblée nationale, notamment par M. Frédéric Lefebvre et Mme Delphine Batho à l'occasion du projet de loi pour une République numérique ou encore du projet de loi de finances pour 2016. Si les amendements prévoyant l'instauration d'un revenu de base ont systématiquement et logiquement été déclarés irrecevables au titre de l'article 40 de la Constitution, les députés ont pu débattre de demandes de rapport, finalement rejetées.

Le Sénat a, de son côté, eu l'occasion de mener un débat plus poussé le 19 mai 2016, à l'occasion de l'examen en séance publique d'une proposition de résolution 24 ( * ) portée par le groupe écologiste. Si cette proposition de résolution a été rejetée à une large majorité, elle a contribué à mettre ce sujet au coeur du débat public en permettant pour la première fois à des groupes parlementaires de s'exprimer officiellement sur cette question.

Proposition de résolution n° 353 (2015-2016) de M. Jean Desessard
et plusieurs de ses collègues

M. Jean Desessard et nos collègues du groupe écologiste, rappelant que « l'idée d'une allocation universelle existe depuis plus de deux siècles », estimaient que « la proposition du revenu universel permet d'envisager de manière différente la place des hommes dans la création de valeur, la redistribution de cette valeur issue du travail collectif et l'émancipation économique des individus au sein du monde du travail ».

Les auteurs de la proposition de résolution mettaient en avant à la fois la nécessité de « garantir à chaque personne un niveau de vie suffisant pour assurer son bien-être élémentaire » et une démarche de simplification du système existant de minima sociaux.

La proposition de résolution invitait donc le Gouvernement à prendre « les mesures nécessaires pour mettre en place un revenu de base, inconditionnel, cumulable avec d'autres revenus, notamment d'activité, distribué par l'État à toutes les personnes résidant sur le territoire national, de la naissance à la mort, sur base individuelle, sans contrôle des ressources ni exigence de contrepartie, dont le montant et le financement seront ajustés démocratiquement ».

Le Sénat a rejeté cette proposition au scrutin public le 19 mai 2016, par 200 voix contre 11, le Gouvernement, s'exprimant par la voix de Mme Ericka Bareigt alors secrétaire d'État chargée de l'égalité réelle, ayant quant à lui jugé une telle initiative prématurée, dès lors qu'il a déjà engagé d'importants chantiers pour améliorer l'effectivité du système actuel.

En outre, alors que s'amorce le débat préalable à l'élection présidentielle de 2017, plusieurs candidats potentiels se sont positionnés en faveur du revenu de base - à l'instar de MM. Frédéric Lefebvre et Benoît Hamon, ainsi que Mmes Marie-Noëlle Lienemann et Nathalie Kosciusko-Morizet - et certaines formations politiques le soutiennent ouvertement, tels les Jeunes Démocrates, contribuant à faire du revenu de base un débat d'actualité.

Pour autant, ainsi que l'indique un récent sondage conduit par l'institut BVA, les Français ne marquent pas, aujourd'hui, une adhésion réelle à son introduction en France : seuls 51 % des personnes sondées se déclarent favorables à sa mise en place (contre 48 %), les sympathisants de gauche y étant favorables à 74 % tandis que ceux de droite y sont opposés pour 59 % d'entre eux. 25 ( * )


* 4 Yannick Vanderborght et Philippe Van Parijs, L'allocation universelle , La Découverte, 2005.

* 5 À une centaine de kilomètres à l'ouest de Londres.

* 6 Martin Luther King Jr., Where do we go from here : Chaos or Community ?, 1967

* 7 Notamment, son ouvrage : Vaincre la pauvreté dans les pays riches , Flammarion, 1974.

* 8 Loi n° 88-1088 du 1 er décembre 1988 relative au revenu minimum d'insertion.

* 9 Au cours de son audition par la mission, Lionel Stoléru a indiqué que la question de l'incitation à la reprise d'activité avait été identifiée dès 1988 mais que la proposition de rendre dégressif le RMI avait alors été écartée.

* 10 Thomas Paine fixe cet âge à 21 ans.

* 11 Qui milite pour la mise en place d'un revenu inconditionnel qui serait « accordé de droit parce qu'on existe, dès qu'on est reconnu appartenant à la communauté », et considéré comme « le fondement d'un contrat social collectif ».

* 12 Qui se donne pour ambition de défendre l'instauration d'un revenu de base en s'efforçant de réunir diverses approches sous un seul « dénominateur commun : l'idée que le revenu de base doit être un droit universel, individuel et inconditionnel ».

* 13 Notamment ceux de M. Marc de Basquiat, président de l'AIRE et auteur d'une thèse sur le sujet soutenue en 2011 ( Rationalisation d'un système redistributif complexe : une modélisation de l'allocation universelle en France ).

* 14 Marc de Basquiat et Gaspard Koenig, Liber, un revenu de liberté pour tous , Éditions de l'Onde/Génération Libre, 2014.

* 15 Voir notamment la note publiée en mai 2016 par le groupe de travail coordonné par MM. Jérôme Héricourt et Thomas Chevandier.

* 16 Conseil national du numérique, Travail, emploi, numérique : les nouvelles trajectoires , 2016.

* 17 La possibilité pour un million de citoyens issus de sept États membres différents d'inviter la Commission européenne à soumettre une proposition de législation est prévue par l'article 11, paragraphe 4 du traité sur l'Union européenne et organisée par le règlement (UE) n° 211/2011 du Parlement européen et du Conseil du 16 février 2011 relatif à l'initiative citoyenne.

* 18 En Suisse, une initiative populaire visant à modifier la Constitution peut être soumise à un référendum si elle recueille le soutien d'au moins 100 000 signataires.

* 19 Source : Office fédéral de la statistique (OFS). Pour mesurer la pauvreté, l'OFS utilise un seuil de pauvreté basé sur un minimum vital social établi selon les normes de la Conférence suisse des institutions d'action sociale (CSIAS), qui servent de référence pour l'appréciation du droit à percevoir l'aide sociale.

* 20 Selon les promoteurs, le coût net se situerait entre 18 et 25 milliards d'euros compte tenu de l'effet de substitution opéré par le RBI.

* 21 Cf. infra , p. 32.

* 22 Cf. infra , p. 35.

* 23 Dans son rapport, Pour sortir de l'isolement : un nouveau projet de société , remis au Premier ministre en octobre 2003.

* 24 Texte n° 353 (2015-2016) de M. Jean Desessard et plusieurs de ses collègues, déposé le 2 février 2016.

* 25 Sondage BVA réalisé les 26 et 27 mai 2016 sur un échantillon de 1 156 personnes représentatif de la population française âgée de plus de 18 ans.

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