N° 38

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2016-2017

Enregistré à la Présidence du Sénat le 14 octobre 2016

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la mission d'information (1) sur la position de la France à l'égard de l' accord de mars 2016 entre l' Union européenne et la Turquie relatif à la crise des réfugiés et sur les conditions de mise en oeuvre de cet accord ,

Par M. Michel BILLOUT,

Sénateur.

(1) Cette mission d'information est composée de : M. Jacques Legendre, président ; M. Michel Billout, rapporteur , MM. François-Noël Buffet, Didier Marie, Mme Gisèle Jourda, MM. Claude Kern, Raymond Vall, Mme Leila Aïchi, vice-présidents ; M. Pascal Allizard, Mme Éliane Assassi, M. Philippe Bonnecarrère, Mme Hélène Conway-Mouret, M. René Danesi, Mmes Jacky Deromedi, Joëlle Garriaud-Maylam, Colette Giudicelli, MM. Gaëtan Gorce, Claude Haut, Philippe Kaltenbach, Jean-Yves Leconte, Claude Malhuret, Rachel Mazuir, Robert Navarro, Cyril Pellevat, Yves Pozzo di Borgo, Jean-François Rapin, Jean-Pierre Vial.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

La présente mission commune d'information a été créée par la Conférence des Présidents du 6 avril 2016, à la demande du groupe communiste, républicain et citoyen, dans le cadre du droit de tirage annuel prévu par l'article 6 bis du règlement du Sénat. Ses membres ont été désignés le 27 avril 2016 et elle a tenu sa réunion constitutive le 3 mai 2016.

Elle s'est fixée pour objet d'examiner la position de la France à l'égard de l'accord de mars 2016 entre l'Union européenne et la Turquie relatif à la crise des réfugiés et sur les conditions de mise en oeuvre de cet accord .

Cet accord, officiellement qualifié de Déclaration, a été conclu au printemps dernier avec la Turquie pour tenter d'endiguer l'arrivée massive, depuis les côtes turques de la mer Egée, de réfugiés et de migrants en Grèce et en Europe. Près de 860 000 migrants avaient emprunté cette voie en 2015, des flux records étant enregistrés (au plus fort du mouvement jusqu'à 10 000 arrivées par jour en octobre 2015). Les nombreux naufrages et la situation de crise humanitaire dans laquelle la Grèce se trouvait plongée, alors que la route des Balkans se fermait, imposaient de trouver une solution d'urgence .

Néanmoins, les conditions de négociation de cet accord l'avaient entaché d'un fort soupçon. Etaient notamment mis en cause le rôle prépondérant qu'y aurait joué l'Allemagne , principal pays de destination des migrants, mais aussi la faiblesse dont l'UE aurait fait preuve en cédant aux exigences d'une Turquie en position de force, se plaçant dans une situation quasi inextricable, particulièrement en ce qui concerne la libéralisation des visas, au regard de l'évolution préoccupante des libertés fondamentales dans ce pays.

En outre, le dispositif même de l'accord suscitait inquiétudes et critiques , notamment le p rincipe du renvoi vers la Turquie de tous les migrants arrivés sur les îles grecques après le 20 mars, y compris ceux potentiellement éligibles à une demande d'asile. Le mécanisme dit du « 1 pour 1 » , consistant à échanger des réfugiés syriens contre d'autres, fut également dénoncé comme immoral, bien qu'il soit présenté comme un moyen de promouvoir l'accès légal à l'asile. Ainsi l'UE aurait conclu cet accord au mépris de ses valeurs.

Ce contexte, tout autant que la volonté d'examiner attentivement la manière dont l'accord allait être appliqué, a motivé la création de la mission.

À partir du 11 mai 2016, elle a entendu une quarantaine d'intervenants . Elle a effectué un déplacement en Turquie et en Grèce du 26 juin au 1 er juillet 2016 et un déplacement à Bruxelles le 13 septembre 2016. Le président et le rapporteur se sont également rendus à Strasbourg pour rencontrer le commissaire aux droits de l'Homme et le secrétaire général du Conseil de l'Europe.

Les travaux menés par la mission lui ont permis de clarifier un certain nombre de points. La mission reconnaît que l'accord, bien qu'imparfait, était nécessaire, compte tenu notamment de la situation humanitaire en Grèce. Elle plaide néanmoins fermement pour une dissociation de son volet politique , estimant qu'il n'aurait pas dû être inclus dans l'accord .

Elle s'est attachée à dresser un état des lieux de la mise en oeuvre de l'accord . Constatant que l'accord a produit des effets en termes de flux, elle souligne également l'amélioration de la situation des réfugiés à laquelle il contribue grâce au versement de l'aide financière.

Elle n'en a pas moins relevé sa très grande fragilité , notamment du fait de la paralysie du dispositif de renvoi et des difficultés qui en découlent dans les hotspots grecs , où séjournent désormais, dans l'attente du traitement de leur demande d'asile, plus de 15 000 migran ts dans des conditions humanitaires et psychologiques difficiles. Il est urgent d'encourager un déblocage de la situation, notamment par l'envoi de renforts au Bureau européen d'appui en matière d'asile , qui assiste le service grec de l'asile dans le traitement des dossiers.

Le risque d'une reprise des arrivées n'est donc pas totalement écarté , du fait aussi de la persistance de l'activité des réseaux de trafiquants et des menaces récurrentes de la Turquie de réactiver les traversées. Il importe donc, pour consolider l'accord, de renforcer la protection des frontières, notamment terrestres, dans la région .

La mission met également l'accent sur un certain nombre d'insuffisances et de zones d'ombres : le nombre encore trop limité de réinstallations, l'absence de certitudes sur l'effectivité de la protection internationale en Turquie , malgré les avancées récentes enregistrées, la situation humanitaire difficile des migrants arrivés en Grèce avant l'entrée en vigueur de l'accord, mais aussi la fermeture de la frontière turco-syrienne alors que la situation au Levant laisse craindre de nouveaux mouvements de populations, ou encore les recours engagés contre la légalité de l'accord.

Formulant des recommandations pour la mise en oeuvre de l'accord, la mission a tenu à rappeler le contexte politique difficile dans lequel se trouve la Turquie et la nécessité, malgré cela, de consolider , au-delà de cet accord, et dans l'intérêt des deux parties, les relations entre l'Union européenne et ce pays.

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