C. LA LOI « TRAVAIL »

Le présent bilan a été établi sur les mesures réglementaires d'application arrêtées au 31 décembre 2016. À cette date, la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, dite loi « travail », avait été promulguée depuis moins de cinq mois, soit une durée inférieure au délai de six mois fixé comme objectif pour la parution des textes d'application par une circulaire du Premier ministre du 29 février 2008.

Il est néanmoins intéressant de souligner que près de 80 % des mesures d'application de cette loi avaient été publiées au 1 er janvier 2017, l'objectif du Gouvernement étant de prendre les mesures restantes avant la fin du premier trimestre .

Force est de constater que les décrets d'application des dispositions emblématiques du texte ont été adoptés avec diligence par le Gouvernement. Ainsi, les articles 8 et 9 instituent, pour les dispositions du code du travail relatives à la durée du travail et aux congés, une nouvelle architecture visant à développer la fixation conventionnelle de leurs modalités de mise en oeuvre. Ils distinguent l'ordre public, auquel il n'est pas possible de déroger par accord, le champ de la négociation collective de branche ou d'entreprise et les dispositions supplétives ayant vocation à s'appliquer en l'absence d'accord. Ce sont au total plus d'une centaine d'articles du code du travail qui ont été réécrits. Les cinq décrets en tirant les conséquences dans sa partie réglementaire ont été publiés dès le 18 novembre 2016.

De même, la mise en oeuvre du compte personnel d'activité au 1 er janvier 2017, comme le prévoit l'article 39 de la loi, a été rendu possible par la publication de trois décrets, le premier du 12 octobre 2016 75 ( * ) définissant ses conditions générales de mise en oeuvre, un second du 28 décembre 2016 76 ( * ) mettant en place des traitements automatisés de données à caractère personnel nécessaires à la gestion du CPA et un troisième 77 ( * ) précisant les modalités de fonctionnement du compte d'engagement citoyen (CEC).

Toutefois, plusieurs mesures d'application importantes restent en attente de publication .

Ainsi, le texte règlementaire relatif à la composition de la commission chargée de refonder le code du travail prévue à l' article 1 er n'est toujours pas publié, alors que cette commission ne dispose que de deux années à compter de la promulgation de la loi pour réaliser ses travaux.

A l'article 9, les décrets du 18 novembre 2016 n'ont pas précisé les conditions dans lesquelles sont prises en charge les dépenses relatives au maintien du salaire et au remboursement des frais de déplacement lorsqu'un salarié bénéficie d'un congé de participation aux instances d'emploi et de formation professionnelle ou à un jury d'examen.

L'article 16 prévoit que les conventions et accords de branche, de groupe, interentreprises, d'entreprise et d'établissement conclus après le 1 er septembre 2017 seront disponibles en ligne sur un site public mais le décret d'application, qui prévoira notamment leurs conditions d'anonymisation, n'a toujours pas été pris.

Les mesures d'application relatives à la responsabilité sociale des plateformes électroniques à l'égard de leurs collaborateurs ne sont pas encore publiées (art. 60), alors que le Gouvernement présentait cette mesure comme une priorité pour renforcer les droits fondamentaux des travailleurs concernés.

La création, à l'article 64, d'une instance de dialogue social dans les réseaux de franchise , qui avait été fortement combattue au Sénat, reste pour l'instant virtuelle. Le décret déterminant, à défaut d'accord collectif, ses caractéristiques, comme sa composition, le mode de désignation de ses membres ou encore la durée de leur mandat, n'a pas encore été pris. De même, le délai dans lequel un franchiseur doit engager à la demande d'une organisation syndicale représentative dans la branche une négociation visant à mettre en place cette instance, n'a toujours pas été fixé.

En dépit des déclarations du Gouvernement en faveur du développement de l'apprentissage, notamment dans la sphère publique, les mesures réglementaires relatives aux contrats d'apprentissage conclus par les personnes morales de droit public dont le personnel ne relève pas du droit privé restent en attente de publication (art. 73).

Cette loi prévoyait également plusieurs mesures visant à lutter contre la précarité du travail saisonnier . Son article 86 invitait les partenaires sociaux des branches où il est particulièrement développé à engager, dans les six mois suivant sa promulgation, une négociation relative au contrat de travail saisonnier et à ses modalités de reconduction. Il conférait également au Gouvernement, pour une durée de neuf mois, une habilitation à prendre par ordonnance des mesures visant à faire diminuer cette précarité , en instituant la reconduction des contrats saisonniers lorsqu'aucune stipulation conventionnelle ne le prévoit et en permettant la prise en compte de l'ancienneté des salariés concernés. A ce jour, aucune information n'a été fournie à votre commission concernant l'avancée d'éventuelles négociations de branche sur ce sujet tandis que le Gouvernement dispose désormais de moins de quatre mois pour prendre son ordonnance, sans que le Parlement n'ait été consulté quant à ses orientations.

De plus, l'article 87 met en place une expérimentation autorisant la conclusion de contrats de travail intermittents dans les branches où l'emploi saisonnier est très développé, et ce même en l'absence d'un accord de branche ou d'entreprise l'autorisant, comme le prévoit le droit commun. Cette initiative, saluée ensuite au Sénat lors de l'examen de la loi n° 2016-1888 du 28 décembre 2016 de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne, n'a pourtant toujours pas été mise en application , faute de la publication par le Gouvernement d'un arrêté désignant les branches éligibles à l'expérimentation, dont le terme est fixé au 31 décembre 2019.

Un décret est également attendu pour préciser à quelles conditions les règles des groupements d'employeurs sont étendues aux sociétés coopératives existantes (art. 89).

Si le décret du 27 décembre 2016 78 ( * ) a mis en oeuvre la réforme de la médecine du travail prévue à l'article 102, celui relatif à l' aptitude des personnels assurant la sécurité du réseau ferroviaire national n'est toujours pas publié (art. 103). En outre, un décret prévu au même article devra définir les conditions dans lesquelles une aptitude délivrée à l'étranger fait l'objet d'une reconnaissance par les autorités françaises.

Alors que le Gouvernement a érigé la lutte contre la fraude au détachement de travailleurs comme une priorité nationale, les dispositions de la loi « Travail » qui portent sur ce sujet demeurent inapplicables, faute de décret d'application. Il en va ainsi :

- de l'obligation pour le maître d'ouvrage, ou le donneur d'ordre, de transmettre, par voie électronique, la déclaration de détachement des travailleurs et les modalités de l' obligation de vigilance sur l'ensemble de la chaîne de sous-traitance (art. 105) ;

- de l' affichage obligatoire sur les chantiers du bâtiment ou du génie civil de la réglementation applicable aux travailleurs détachés (art. 105) ;

- de la définition par voie réglementaire d'un document équivalent au bulletin de salaire , dont l'absence de délivrance est constitutive d'une infraction de dissimulation d'emploi salarié (art. 105) ;

- de l'obligation de déclarer auprès de l'inspection du travail les accidents de travail dont sont victimes les travailleurs détachés (art. 105) ;

- du montant de la contribution dont doit s'acquitter tout employeur qui détache des travailleurs en France, destinée à financer le fonctionnement du téléservice SIPSI (système d'information sur les prestations de service internationales), qui assure la gestion des déclarations préalables de détachement (art. 106) ;

- de la suspension d'activité d'un prestataire étranger en cas d'absence de présentation de la déclaration préalable de détachement dans un délai de deux jours (art. 107).

Par ailleurs, le décret relatif au repérage de l'amiante avant travaux, prévu à l'article 113, n'a toujours pas été publié, alors qu'il constituait l'une des principales recommandations du comité de suivi sur l'amiante mis en place en 2014 par notre commission.

A l'article 116, le décret fixant la liste des agents de contrôle assimilés à des inspecteurs du travail n'a toujours pas été publié.

Enfin, le décret en Conseil d'Etat définissant le code de déontologie des inspecteurs du travail , prévu à l'article 117, demeure en attente de publication.


* 75 Décret n° 2016-1367 du 12 octobre 2016 relatif à la mise en oeuvre du compte personnel d'activité.

* 76 Décret n° 2016-1950 du 28 décembre 2016 relatif aux traitements de données à caractère personnel liés au compte personnel d'activité.

* 77 Décret n° 2016-1970 du 28 décembre 2016 relatif au compte d'engagement citoyen du compte personnel d'activité.

* 78 Décret n° 2016-1908 du 27 décembre 2016 relatif à la modernisation de la médecine du travail.

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