TROISIÈME PARTIE  - PRÉSERVER LA LIBERTÉ DE CIRCULATION EN EUROPE REQUIERT DE NOUVELLES RÉFORMES : LES PROPOSITIONS DE LA COMMISSION D'ENQUÊTE

Si l'espace Schengen a fait l'objet de mesures visant à en améliorer le fonctionnement, celles-ci restent incomplètes et sont parfois longues à appliquer ou à produire des effets .

Des marges de manoeuvre demeurent en matière de réformes , étant entendu que votre commission d'enquête considère que le retour complet à l'exercice de la libre circulation reste l'objectif à atteindre .

I. CONSOLIDER L'ESPACE SCHENGEN PRÉALABLEMENT À TOUT NOUVEL ÉLARGISSEMENT

Quatre pays sont actuellement candidats à l'adhésion à l'espace Schengen : la Bulgarie et la Roumanie - dont le niveau de préparation technique a été jugé suffisant par la Commission européenne en 2011, mais dont la décision d'adhésion est gelée depuis cette date -, la Croatie - dont la candidature est dans une phase d'examen opérationnel - et Chypre - la situation politique particulière de l'île exclut à ce stade une entrée dans l'espace Schengen.

Lors d'un déplacement en Bulgarie, une délégation de votre commission d'enquête a pu constater les efforts des autorités bulgares pour appliquer l'acquis de Schengen et sécuriser leur frontière avec la Turquie à l'aide d'un dispositif de surveillance intégré performant et grâce au soutien des agents de Frontex envoyés sur place. En revanche, les auditions réalisées à Sofia ont confirmé l'existence de problèmes persistants de corruption à haut niveau et, de façon plus préoccupante, le dysfonctionnement du système judiciaire, rejoignant ainsi le constat établi par la Commission dans son rapport de progrès au titre du mécanisme de coopération et de vérification (MCV) publié en janvier 2016.

Pour la Bulgarie, comme pour la Roumanie, en dépit de l'application satisfaisante de l'acquis de Schengen, des progrès sont donc encore attendus en matière de réforme du système judiciaire et de lutte contre la corruption et la criminalité organisée.

De surcroît, le contexte n'apparaît pas propice à un nouvel élargissement qui conduirait à déplacer la frontière extérieure de l'espace Schengen vers sa partie orientale, alors même que la pression migratoire en mer Méditerranée demeure forte, que des incertitudes subsistent quant à la pérennité de l'application, pour l'instant satisfaisante, de l'accord entre l'Union européenne et la Turquie et que nombre d'États membres sont confrontés au retour de certains de leurs ressortissants partis combattre en Irak ou en Syrie aux côtés de Daech.

Après la crise aiguë de 2015, de nombreuses mesures positives ont été adoptées, mais un certain nombre d'entre elles, tel que le contrôle systématique aux frontières extérieures des ressortissants de l'Union européenne ou le système d'enregistrements des entrées et sorties (EES), ne sont pas encore appliquées. Ainsi, l'espace Schengen est en phase de consolidation. Tout élargissement, en ce qu'il pourrait fragiliser l'ensemble, doit être examiné avec une grande prudence. Une nouvelle adhésion semble donc, pour l'heure, prématurée.

C'est au même constat qu'a abouti le groupe de suivi sur le retrait du Royaume-Uni et la refondation de l'Union européenne dont le rapport préconise d' « assumer une pause dans l'élargissement » 148 ( * ) .

Pour autant, votre commission d'enquête reconnaît l'intérêt d'un espace européen le plus unifié possible en matière de gestion des frontières et de coopération policière. Contrairement à d'autres domaines, une Europe à plusieurs vitesses ne serait pas une bonne solution, ce qu'ont confirmé un grand nombre d'interlocuteurs. Partant de ce principe, les quatre pays actuellement candidats ont vocation à devenir membres, à terme, de l'espace Schengen. Beaucoup d'efforts ont d'ailleurs été fournis et continuent d'être déployés dans ce but par la Bulgarie et la Roumanie.

Ainsi, lorsque les risques migratoire et terroriste auront diminué et que les pays candidats auront mis en oeuvre l'ensemble des réformes institutionnelles nécessaires, une adhésion selon une approche graduelle, en deux ou trois étapes, pourrait être envisagée . Il s'agirait de supprimer progressivement les contrôles aux frontières, en commençant tout d'abord par les frontières aériennes, plus faciles à contrôler, et en finissant par les frontières terrestres. La France et l'Allemagne avaient proposé une approche de ce type en 2011 et en 2013 pour la Bulgarie et la Roumanie - le sort des frontières maritimes n'étant alors pas tranché. Cette proposition n'avait toutefois pas recueilli l'unanimité au sein du Conseil.

Dans l'immédiat, votre commission d'enquête est favorable à l'accès de la Bulgarie et de la Roumanie au système d'information sur les visas (VIS) , uniquement en mode consultation - sous réserve que les ajustements techniques soient apportés au VIS de façon à ce que ce système d'information puisse distinguer la consultation et l'enregistrement - afin de garantir le bon fonctionnement du futur système EES . Tandis que, pour les États membres de l'espace Schengen, les bases de l'EES et du VIS seront directement interconnectées, un accès passif aux autorités bulgares et roumaines leur permettrait de vérifier l'existence d'un visa Schengen « court séjour » délivré par un État membre et ainsi d'assurer la bonne comptabilisation des délais de séjour.

De manière générale, votre commission d'enquête rappelle l'importance de la solidarité en direction des États membres qui pourraient connaître des difficultés dans le contrôle de leurs frontières extérieures. C'est pourquoi elle est favorable à ce que ceux-ci bénéficient d'une assistance de l'Union européenne et d'autres États membres afin de rehausser les standards en la matière.

Propositions relatives aux contours de l'espace Schengen :

exclure tout nouvel élargissement de l'espace Schengen à court terme afin de veiller, en priorité, à sa consolidation (proposition n° 1)

donner à la Bulgarie et à la Roumanie un accès au système d'information sur les visas (VIS) en mode consultation afin de garantir le bon fonctionnement du futur système entrée/sortie (EES) (proposition n° 2)


* 148 Rapport d'information (n° 434 - tome I ; 2016-2017), intitulé Relancer l'Europe : retrouver l'esprit de Rome , fait par MM. Jean-Pierre Raffarin et Jean Bizet, au nom du groupe de suivi sur le retrait du Royaume-Uni et la refondation de l'Union européenne sur la refondation de l'Union européenne.

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