III. LE FONCTIONNEMENT DE L'ESPACE SCHENGEN

Le fonctionnement de l'espace Schengen repose sur deux principes fondamentaux : d'une part, la suppression des contrôles aux frontières intérieures, visant à rendre la libre circulation effective, mais qui n'exclut pas la possibilité de les réintroduire de façon temporaire dans certains cas déterminés, et, d'autre part, l'existence de mesures compensatoires, dont le but est de renforcer la sécurité des frontières extérieures.

Les développements qui suivent seront centrés sur le dispositif français de contrôle des frontières.

A. LA SUPPRESSION DES CONTRÔLES AUX FRONTIÈRES INTÉRIEURES, AVEC DES POSSIBILITÉS DE RÉTABLISSEMENT

1. Le cadre général

Conformément au code frontières Schengen, il n'y a pas, en principe, de contrôles aux frontières entre deux États membres de l'espace Schengen.

Toutefois, en application de l'article 23 du code frontières, les forces de sécurité intérieure peuvent exercer des contrôles dans la zone frontalière et sur le territoire, notamment pour lutter contre la criminalité transfrontalière, à condition que de tels contrôles n'aient pas un effet équivalent à celui des vérifications frontalières .

Ces contrôles sont encadrés, en France, par l'article 78-2 du code de procédure pénale. Dans les cas prévus par le code frontières 22 ( * ) , des contrôles peuvent néanmoins être rétablis temporairement aux frontières intérieures. Ce rétablissement participe donc du fonctionnement de l'espace Schengen et ne signifie pas une quelconque « suspension » de son fonctionnement. Pour autant, l'existence même de cet espace a conduit à réviser la conception et les méthodes des contrôles aux frontières. Comme l'a dit M. Yves Bertoncini, président de l'Institut Jacques Delors, au cours de son audition : « Bien sûr qu'il faut des contrôles, mais il ne les faut pas qu'aux frontières ».

Ces contrôles sont alors réalisés dans les mêmes conditions que ceux conduits aux frontières extérieures , en application de l'article 32 du code frontières: les ressortissants de pays tiers même en provenance d'un État appartenant à l'espace Schengen et qui seraient démunis des documents et des justificatifs de séjour exigés sont susceptibles de faire l'objet d'un refus d'entrée sur le territoire national.

En application de l'article 39 du code frontières, chaque État doit notifier à la Commission la liste de ses services habilités à effectuer les contrôles aux frontières.

2. Le cas de la France

La France opère une distinction entre contrôle et surveillance des frontières :

1°) le contrôle aux frontières est exercé par deux autorités appartenant à deux ministères distincts : dans la perspective de la mise en oeuvre de la convention d'application de l'accord de Schengen de 1990, une complémentarité géographique et fonctionnelle avait en effet été organisée dès 1995 entre la direction centrale de la police aux frontières (DCPAF) du ministère de l'intérieur et la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) du ministère de l'économie et des finances 23 ( * ) . Cette complémentarité entre les services de police et ceux des douanes pour le contrôle des frontières extérieures est organisée par une circulaire interministérielle du 6 novembre 1995 24 ( * ) , complétée par un protocole d'organisation de la complémentarité du 6 décembre 1999 dont la dernière version date du 9 décembre 2011 et qui rappelle que « la DCPAF dispose d'une compétence générale en matière de circulation transfrontière des personnes » .

Le contrôle des 118 points de passage frontaliers (PPF) , définis par le code frontières Schengen comme « tout point de passage autorisé par les autorités compétentes pour le franchissement des frontières extérieures », est placé sous la responsabilité partagée de ces deux administrations . La répartition des PPF obéit essentiellement à une analyse des risques de chaque PPF dans une logique de compétence. Ainsi la PAF a-t-elle vocation à se voir attribuer les PPF au « trafic permanent significatif en provenance de pays sources d'immigration ou qui possèdent une importance justifiant une présence policière et douanière permanente ».

LES 118 POINTS DE PASSAGE FRONTALIERS SUR LE TERRITOIRE FRANÇAIS

La liste des points de passage frontaliers (PPF) doit être notifiée à la Commission par les États membres en application de l'article 39 du code frontières Schengen.

En France, cette liste est notifiée par la direction de l'immigration de la direction générale des étrangers en France du ministère de l'intérieur et publiée au Journal officiel de l'Union européenne .

Dans un souci de renforcement de la sécurité de l'espace Schengen et d'optimisation et de rationalisation des moyens de l'État consacrés à la gestion des frontières extérieures, la France a procédé à une révision de la cartographie de ses PPF qui s'est traduite par la suppression de 16 PPF, dont 12 aériens et 4 maritimes. Les PPF déqualifiés n'étaient, pour la plupart, pas en totale conformité avec les normes requises par le code frontières Schengen et recevaient un flux extra-Schengen peu important.

La dernière liste publiée au JOUE du 29 octobre 2016 compte à présent 118 PPF , dont :

- 44 à la DCPAF : 22 aériens 25 ( * ) , 13 maritimes et 9 terrestres ;

- 74 à la DGDDI : 51 aériens, 20 maritimes et 3 terrestres.

À la suite d'un arbitrage rendu le 19 décembre dernier, un 119 ème PPF sera notifié à la Commission pour la saison estivale 2017 : l'aérodrome de la Môle.

Concrètement, si la DCPAF est l'administration référente et pilote en la matière, elle coopère étroitement avec la DGDDI afin d'améliorer la gestion intégrée des frontières extérieures.

Ainsi, sur le fondement du protocole de 2011, la DCPAF s'est engagée à mettre en oeuvre un certain nombre de mesures destinées à faciliter l'exercice de cette mission par les services douaniers, en particulier : la désignation, pour chaque PPF tenu par les douanes, d'un service référent de la PAF, chargé d'apporter au service douanier une expertise technique sur les équipements et les installations de contrôle ainsi qu'une aide juridique et opérationnelle pour la conduite des procédures prévues par le code frontières Schengen ; des actions de formation à la détection de la fraude documentaire ou de l'usurpation d'identité par exemple ; la diffusion à tous les services en charge d'un PPF d'informations telles que des fiches d'alerte et des analyses de risque ; la prise en charge systématique dans une zone d'attente de la PAF des étrangers dont l'entrée sur le territoire a été refusée dans un PPF tenu par les douanes et qui se sont vus notifier une décision de maintien en zone d'attente, dès lors qu'ils ne pouvaient pas repartir immédiatement vers leur pays d'origine ;

2°) la surveillance des frontières entre les PPF est assurée par les services de la direction générale de la police nationale (DGPN), de la direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN), de la DGDDI et de la Marine nationale.

Les vérifications aux frontières portant sur les personnes sont effectuées conformément aux dispositions du code frontières Schengen.

À la suite du rétablissement en France des contrôles aux frontières intérieures, le 13 novembre 2015 , plusieurs points de passage autorisés (PPA), auxquels s'effectue le franchissement des frontières intérieures , par opposition aux PPF qui concernent le franchissement des frontières extérieures, ont été activés . 285 PPA ont ainsi été déclarés , soit : 154 tenus par la DCPAF (115 routiers, 16 ferroviaires, 22 aériens et 1 maritime) et 131 tenus par la DGDDI (71 terrestres et 60 aériens).

L'EXEMPLE DU DISPOSITIF DE CONTRÔLE MIS EN PLACE DANS LES ALPES-MARITIMES

Dans les Alpes-Maritimes, le PPA ferroviaire de Menton-Garavan est le premier verrou de la frontière ; puis des contrôles sont effectués dans les gares successives (unités de force mobile en gares de Nice, Antibes et Cannes). Au nord du département, un contrôle des flux automobiles, avec un ciblage des autocars de tourisme et des véhicules utilitaires, est effectué au PPA autoroutier de La Turbie, situé à 20 kilomètres de la frontière. Le PPA routier de Saint-Gervais, à Sospel, dans la vallée de la Roya, constitue un autre point névralgique du dispositif de contrôle et de surveillance. Un escadron de gendarmes mobiles, escorté par des effectifs de l'armée de terre, est responsable de ce PPA. Ils y effectuent à la fois une mission de contrôle des flux et une mission de renseignement. Le PPA est tenu en continu, 24 heures sur 24, tous les jours de la semaine ; on compte environ 200 véhicules par jour. Cette intersection constitue le point de passage contrôlant l'ensemble de la vallée. Le PPA est donc identifié comme un point stratégique par lequel les flux irréguliers pourraient s'amplifier s'il n'était pas tenu en continu, mais aussi comme un point de crispation possible en cas de contestation des contrôles par la population qui a historiquement une culture de résistance.

Des contrôles sont également effectués au PPA routier situé sur les hauteurs de Menton, par la PAF, et au PPA situé sur la route côtière, par les gendarmes. Les contrôles aléatoires ont été intensifiés à la suite du rétablissement des contrôles aux frontières intérieures. Les camionnettes et autres véhicules de taille importante pouvant potentiellement transporter des personnes sont ciblés en priorité. Au PPA routier situé sur les hauteurs de Menton, la patrouille de la PAF dispose d'une tablette Neo connectée au réseau 4G depuis septembre 2016, ce qui lui permet d'interroger le FPR, le SIS et l'AGDREF (application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France), ainsi que le fichier des véhicules volés (manuellement). Le temps de consultation est estimé à 30 à 40 secondes par requête, en fonction du nombre de fichiers consultés.

Le dispositif des PPA est renforcé et complété par la surveillance des intervalles et des espaces frontaliers. Des contrôles ciblés sont opérés de manière dynamique, mobile et pragmatique , tant aux frontières terrestres qu'aériennes, sur la base de signalements des services de renseignement et des polices étrangères. Ces contrôles peuvent être réalisés systématiquement, à la différence d'une période hors rétablissement des contrôles aux frontières intérieures régie, comme indiqué ci-dessus, par l'article 78-2 du code de procédure pénale.

Comme il a été indiqué à une délégation de votre commission d'enquête lors de son déplacement à Strasbourg, l'intervention d'une multiplicité d'acteurs - PAF bien sûr, mais aussi CRS, gendarmerie, militaires de l'opération Sentinelle, etc. - permet une action plus globale de sécurité publique , y compris en matière de lutte contre le terrorisme, par exemple par l'alimentation du FPR et du SIS par des informations intéressant également les services de renseignement. Cette mobilisation dans le cadre du rétablissement des contrôles aux frontières intérieures a donc des effets de bord intéressants, par exemple sur la délinquance de droit commun et les trafics de marchandises prohibées.

Néanmoins, le rétablissement de ces contrôles aux frontières intérieures a conduit la PAF à adopter une vision plus dynamique de ces contrôles. Ainsi, le dispositif mis en place à Strasbourg, le 13 novembre 2015, prévoyait notamment des contrôles fixes sur les PPA routiers du pont de l'Europe, du pont Pflimlin et de Lauterbourg, 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Toutefois, en dépit du redéploiement des moyens et de renforts dépêchés par la DCPAF, le dispositif statique s'est révélé très consommateur en effectifs et n'a pu être tenu que jusqu'au 13 décembre 2015. À compter de cette date, seul le contrôle au pont de l'Europe a été effectué de façon permanente jusqu'au 17 janvier 2017. En outre, le passage de deux à une voie de circulation aux PPA avait engendré des bouchons de 15 à 25 kilomètres, soulevant la question de l'acceptabilité de ces contrôles par la population. Au contraire, les contrôles mobiles présentent plusieurs avantages : une moindre mobilisation des effectifs, dont une meilleure soutenabilité dans la durée, une meilleure visibilité pour la population, un effet de surprise. De plus, une perte d'acuité des personnels en statique avait été observée au fil des mois.

En la matière, la politique des douanes obéit à la même logique. Elle vise à mettre en oeuvre des contrôles ciblés en fonction d'une analyse de risques préalable. Sont ainsi déterminés les déclarations à contrôler et le contrôle optimal à effectuer en fonction des enjeux et de la nature des risques identifiés, tout en permettant la fluidité des échanges.

Le déplacement qu'une délégation de la commission d'enquête a effectué à l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle illustre parfaitement l'ensemble de ces problématiques : collaboration indispensable entre les services de la PAF et ceux des douanes, intensification régulière du trafic aérien, prise en compte renforcée des questions de sécurité, nécessité d'assurer la fluidité du trafic dans un contexte de concurrence commerciale accrue, apports de solutions technologiques innovantes, etc.

L'ARTICULATION ENTRE LES MISSIONS DE LA PAF ET DES DOUANES : L'EXEMPLE DE L'AÉROPORT ROISSY-CHARLES-DE-GAULLE, PREMIÈRE FRONTIÈRE DE FRANCE

L'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle est la première frontière de France.

Quelques chiffres donnent une idée de l'ampleur de la tâche à accomplir : un tiers de la surface de Paris sur trois départements et sept communes, 32 kilomètres de clôture, 20 lignes frontières pour lesquelles étaient installés 195 postes de contrôle (aubettes), neuf aérogares, une gare SNCF et deux gares RER, environ 90 portes d'entrée (sans compter celles situées au niveau des parkings souterrains), environ 470 000 mouvements d'avion par an, soit un toutes les trente secondes en moyenne, 65,5 millions de passagers en 2015 et 66 millions en 2016 voyageant par 165 compagnies, 75 millions de passagers attendus en 2025 et 100 millions en 2030, 176 000 passagers en transit chaque jour, 700 entreprises, environ 86 000 emplois directs et 160 000 emplois indirects ou induits, etc.

1 650 agents de la PAF, 1 300 douaniers et 190 agents de la gendarmerie des transports aériens sont présents à Roissy-CDG.

La PAF remplit deux missions dans cet aéroport : une mission historique de contrôle de l'immigration et une mission de sécurité, renforcée depuis 2015, qui l'a conduite à reconcentrer ses efforts sur la ligne frontière et à transférer ses missions de police générale à d'autres services de police et de gendarmerie. Toutefois, il existe différentes filières d'emploi spécifiques au sein de la PAF et il n'est donc pas possible de déployer du jour au lendemain des agents aux contrôles d'identité frontière. Par ailleurs, depuis la récente réforme de l'organisation de la DPAF à Roissy-CDG, 108 sièges sont occupés en aubette contre 97 auparavant, mais les 195 sièges ne sont toujours pas atteints. Il existe donc encore des difficultés en termes d'infrastructure et de communication pour mettre en oeuvre des contrôles renforcés à l'entrée dans l'espace Schengen.

À Roissy-CDG, les vols intra-Schengen représentant environ 40 % des passagers et les vols internationaux 60 %. La totalité des vols internationaux sont contrôlés par la PAF. Depuis les attentats du 15 novembre 2015, 30 à 35 vols intra-Schengen sur 200 sont contrôlés chaque jour. Un ciblage est effectué en fonction d'une analyse des risques et de l'éclairage apporté par l'Unité de coordination de la lutte antiterroriste (UCLAT). De toute façon, compte tenu de l'architecture des aérogares, il serait impossible de contrôler tous les vols intra-Schengen. Selon le groupe Aéroports de Paris (ADP), le rétablissement des contrôles pour tous les vols Schengen nécessiterait la réorganisation de l'ensemble du trafic passager (circuits de correspondance et de circulation des passagers).

Quant aux douanes, elles se distinguent des autres services de l'État par leur présence dans l'ensemble des terminaux, 7 jours par semaine, 24 heures sur 24 (dispositif activable de 190 douaniers jour et nuit, soit du premier vol de fret vers 5 h au dernier départ vers 23 h 50).

La direction interrégionale des douanes exerce des contrôles sur les flux en provenance de pays tiers, les personnes en transit et l'export. Concernant les contrôles de personnes, les douanes interviennent essentiellement en appui des services de la PAF. Elles ont notamment intensifié leurs contrôles sur d'autres vols que ceux ciblés par la PAF. En cas de découverte d'éléments suspects dans les bagages, les services des douanes transmettent les informations à la PAF ou à la DGSI. D'importants progrès ont été réalisés depuis 2015 pour améliorer les pratiques entre la PAF et les douanes (par exemple, coordination du contrôle des personnes et des bagages ; contrôle approfondi des bagages des personnes faisant l'objet d'une « fiche S »). Désormais, il existe des instructions communes, interministérielles, et les échanges sont quotidiens. Aussi peut-on noter une évolution de l'appréhension même du métier de douanier à tous les niveaux : auparavant, si une personne ou ce qu'elle transporte ne présentait pas d'intérêt douanier, elle n'était pas interpellée. Désormais, certains éléments peuvent faire l'objet d'une mise en alerte. Les douaniers sont sensibilisés aux questions de sécurité, y compris des signes de prosélytisme ou de radicalisation.

En 2016, les contrôles d'identité aux frontières ont permis de détecter environ 11 000 personnes faisant l'objet d'une « fiche S ». À titre de comparaison, en 2013 et 2014, environ 6 000 fiches de recherche étaient détectées par an sur les vols internationaux. Entre janvier et novembre 2015, la même tendance était observée, avec une légère hausse. Depuis le 1 er janvier 2017, les contrôles des vols intra-Schengen ont permis d'identifier 55 personnes faisant l'objet d'une recherche, dont 8 d'une « fiche S ». Depuis la même date, 1 565 personnes recherchées, dont 571 faisant l'objet d'une « fiche S », ont été identifiées sur les vols internationaux. Chaque jour, sont ainsi détectées à Roissy environ 35 à 40 fiches de recherche, dont un tiers de « fiches S ».

Le rétablissement des contrôles aux frontières intérieures après les attentats de novembre 2015 n'avait pas pu être anticipé, ce qui avait créé de très longues files d'attente de 2 à 3 heures.

Ce rétablissement des contrôles a mis en évidence des conflits d'objectifs.

Selon la PAF, les passagers doivent avoir à l'esprit que les contrôles aléatoires de voyageurs existent et que les contrôles à l'entrée dans l'espace Schengen sont plus « durs » donc plus longs.

À Roissy, ces contrôles ont par la suite été allégés, à la demande d'ADP. En effet, le groupe ADP assure une mission d'accueil des passagers dans un contexte de forte concurrence des aéroports d'Amsterdam, Francfort ou du Moyen-Orient. C'est pourquoi il est très sensible à la qualité du service pour laquelle il existe d'ailleurs des normes internationales comportant des indices de satisfaction. Le temps d'attente compte parmi ces normes : or, il existe des temps d'attente aux postes d'inspection filtrage des personnes et des bagages à main. À cet égard, ADP s'est fixé l'objectif d'un passage en moins de 10 minutes pour 90 % des passagers. Le passage à la frontière est vécu par le client comme faisant partie de l'ensemble du parcours passager. Or le nombre de passagers ayant un temps d'attente global supérieur à 30 minutes a triplé depuis 2015. D'où la préoccupation du groupe ADP de travailler avec les services de l'État pour améliorer la fluidité des contrôles.

Si Mme Christine Roger, directrice en charge de la justice et des affaires intérieures au secrétariat général du Conseil de l'Union européenne, a estimé, lors du déplacement d'une délégation de la commission d'enquête à Bruxelles, que les contrôles aux frontières intérieures semblent peu efficaces et répondent principalement à un objectif politique, tel n'est pas le constat fait par votre rapporteur. Ainsi, selon des informations qui lui ont été transmises par la DCPAF, de décembre 2015 à décembre 2016, plus de 85,8 millions de personnes ont été contrôlées, plus de 106 000 ont été interpellées, tandis que la PAF a pris des mesures de non-admission à hauteur de 15 849 en 2015 et 63 732 en 2016, soit une hausse de 302 % 26 ( * ) . Par ailleurs, depuis le 13 novembre 2015, le dispositif a permis de contrôler 10 672 personnes faisant l'objet d'une « fiche S » .

Enfin, il convient de noter que des contrôles spécifiques sont également effectués sur les « frontières maritimes » - la France dispose d'un domaine maritime d'environ 11 millions de km² avec près de 18 500 kilomètres de côtes. Si le terme de « frontières maritimes » figure bien à l'article 2 du code frontières Schengen, il n'a pas de sens en droit français, comme l'a rappelé le contre-amiral Patrick Augier, secrétaire général adjoint de la Mer, au cours de son audition : il n'y a pas de frontières maritimes, mais des « limites maritimes » . Par exemple, un navire étranger peut effectuer un passage inoffensif dans la mer territoriale. « La notion de frontière n'a de sens qu'à terre », a ainsi expliqué le contre-amiral Patrick Augier.

Or, il n'existe pas, en France, de statut professionnel de garde-côtes. C'est pourquoi la fonction de garde-côte est assurée selon la répartition des zones de compétence : soit par des forces de gendarmerie, pour la surveillance, soit par des services des douanes ou de police embarquées, pour le contrôle, soit par des navires de la Marine nationale, pour le signalement. Les côtes françaises disposent par ailleurs d'un réseau étendu de surveillance radar et sémaphorique.

LA SURVEILLANCE DES LIMITES MARITIMES EN FRANCE

L'action de l'État en mer désigne l'organisation administrative et opérationnelle que s'est donnée la France pour répondre à ses obligations d'État côtier et d'État maritime. Elle s'exerce sur les océans et mers du globe qui sont répartis en dix zones maritimes 27 ( * ) .

Les administrations disposant de moyens d'intervention en mer agissent dans le cadre de la fonction garde-côtes. Celle-ci comprend la Marine nationale, dont la gendarmerie maritime, les douanes, les affaires maritimes, la gendarmerie nationale, la sécurité civile et la police nationale. Cette organisation repose donc sur la polyvalence et la complémentarité des différents moyens navals et aériens des administrations de la fonction garde-côtes.

L'animation de la fonction garde-côtes est réalisée par un comité directeur qui se réunit sous la présidence du secrétaire général de la Mer. Compte tenu de son caractère interministériel, cette organisation repose sur une animation et une coordination des représentants de l'État en mer et des administrations de la fonction garde-côtes qui est assurée par le secrétaire général de la Mer au nom du Premier ministre. Cette organisation permet à la fois de s'adapter aux enjeux maritimes de la France et de s'inscrire dans une perspective européenne de coordination renforcée (surveillance des frontières extérieures, criminalité transfrontalière, sécurité maritime, contrôle des pêches).

À l'échelon central, les informations maritimes sont recueillies et analysées par le Centre opérationnel de la fonction garde-côtes (COFGC), hébergé à l'État-major de la Marine, qui est responsable de leur diffusion aux départements ministériels, administrations et représentants de l'État en mer concernés et, le cas échéant, à ses homologues européens, alliés ou États tiers.

Depuis sa création en 2010, le COFGC a traité plus de 590 événements importants 28 ( * ) , en lien avec les différents centres ministériels partenaires de la fonction garde-côtes.

Le COFGC est également centre national de coordination d'Eurosur 29 ( * ) : les informations concernant les trafics aux frontières de l'espace Schengen sont transmises essentiellement par les douanes et la PAF au COFGC pour les intégrer dans le système Eurosur. Cette transmission de l'information et l'image SPATIONAV intégrée aux systèmes de Frontex constituent la photographie de la situation nationale au sens d'Eurosur. Ainsi, depuis la mise en place opérationnelle d'Eurosur, le 1 er décembre 2013, plus de 500 événements, immigration ou trafics transfrontaliers, ont été renseignés dans le système par le COFGC au titre de ses fonctions de centre national de coordination d'Eurosur, permettant une analyse du risque par Frontex au profit des États membres.

Depuis la terre, la surveillance est assurée par le réseau des 59 sémaphores et des centres opérationnels des administrations de la fonction garde-côtes (FGC). Certains sémaphores sont plus particulièrement sensibilisés à la problématique migratoire, en particulier en Méditerranée et dans la Manche. Ils sont pour la plupart reliés à SPATIONAV, un réseau de radars de surveillance 30 ( * ) des approches maritimes fusionnant les informations provenant de capteurs variés, dont ceux des centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage (CROSS) agissant sur des missions de sécurité maritime. Cette image radar peut être enrichie par des informations provenant des vols de surveillance maritime ou de détection par satellite. Les patrouilles terrestres des unités de la gendarmerie départementale ou maritime, ainsi que de la police nationale et des douanes dans leurs zones et domaines de compétences, complètent le dispositif terrestre.

Chaque jour, en métropole, environ 33 bâtiments et 14 aéronefs de la Marine et de la gendarmerie maritime sont déployés ou en alerte pour surveiller et intervenir dans les approches maritimes métropolitaines. En moyenne, 1 830 personnels en métropole et 300 personnels outre-mer naviguent, volent ou veillent dans des sémaphores et des centres opérationnels pour surveiller, et si nécessaire intervenir, dans les approches.

Source : Secrétariat général de la Mer et État-major de la Marine nationale.


* 22 Cf .  I, C ci-dessus.

* 23 L'article 16, paragraphe 3 du code frontières Schengen donne une base juridique à cette complémentarité : « Pour que le contrôle aux frontières soit efficace, chaque État membre veille à assurer une coopération étroite et permanente entre ses services nationaux chargés du contrôle aux frontières ».

* 24 Circulaire interministérielle NOR/INT/C/9500282C.

* 25 Seuls les aérodromes dûment déclarés en tant que PPF sont autorisés à accueillir des vols extra-Schengen.

* 26 En revanche, la DCPAF a indiqué qu'aucun outil ne permet de déterminer le nombre de contrôles, fixes et mobiles, réalisés aux différentes frontières. Il n'existe aucune traçabilité et aucun enregistrement de ces contrôles.

* 27 Trois en métropole : Manche/mer du Nord, Atlantique et Méditerranée ; cinq outremer : zone maritime sud de l'océan Indien, Antilles, Guyane, Polynésie française et Nouvelle-Calédonie ; deux recouvrant uniquement des espaces de haute-mer : océan Indien et océan Pacifique.

* 28 Sauvetage, assistance, pollution, narcotrafic, sûreté, piraterie, terrorisme maritime, immigration, police des pêches, ordre public en mer.

* 29 Cf . B, 2 ci-dessous.

* 30 La couverture radar s'étend à environ 25 milles nautiques au large des côtes françaises.

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