COMPTE RENDU DE LA TABLE RONDE

Table ronde :

« L'incidence de la nouvelle donne territoriale
sur la politique de décentralisation culturelle »,

Sénat, 17 novembre 2016

M. Jean-Marie Bockel, président. - Je vous prie tout d'abord d'excuser Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission des Affaires culturelles, qui a été conviée à cette table ronde et aurait aimé pouvoir y assister. Notre délégation travaille en bonne coordination avec cette commission et nous nous en félicitons.

Cette table ronde a pour thème l'incidence de la nouvelle donne territoriale sur la politique de décentralisation culturelle. Les incertitudes, mais aussi les opportunités, que cette réforme suscite nous conduisent à nous interroger sur le rôle des collectivités en matière culturelle, et plus généralement, sur les enjeux posés par la culture dans nos territoires. Nous évoquerons, à titre d'illustration, le cas spécifique de l'évolution des fonds régionaux d'art contemporain (FRAC) au sortir de la nouvelle carte des régions.

Je remercie vivement de leur présence :

- Florian Salazar-Martin, président de la Fédération nationale des collectivités territoriales pour la culture (FNCC), association transverse et pluraliste d'élus locaux investis dans les affaires culturelles ;

- Bernard de Montferrand, président de l'association Platform, qui fédère les 23 FRAC existants, et du FRAC Aquitaine ;

- Anne-Claire Duprat, secrétaire générale de cette association ;

- Vincent Berjot, directeur général des patrimoines au ministère de la Culture et de la Communication ;

- et Pierre Oudart, directeur adjoint chargé des arts plastiques à la Direction générale de la création artistique du ministère de la Culture et de la Communication.

Pour introduire notre débat, je vous rappellerai brièvement les enjeux.

Comme l'ont fait observer Yves Krattinger et Jacqueline Gourault, dans leur rapport d'information fait au nom de la mission temporaire sur l'organisation et l'évolution des collectivités territoriales, « le domaine culturel a été massivement investi par les collectivités territoriales de tous niveaux : les élus locaux y sont très attachés ».

Cet investissement a été permis, d'une part, par les transferts de compétences de l'État aux collectivités territoriales, consécutifs aux lois de décentralisation et, d'autre part, par les initiatives volontaires des collectivités territoriales, dans le cadre de l'exercice de leur compétence générale. Avant même les lois de décentralisation, la culture s'est donc très tôt affirmée comme une compétence partagée entre les différents niveaux de collectivités et l'État.

Aujourd'hui, la participation des collectivités au financement des politiques culturelles est devenue prégnante.

Selon les chiffres du ministère de la Culture et de la Communication, les dépenses des collectivités en matière culturelle s'élevaient à 7,6 milliards d'euros en 2010, soit le double des crédits de la mission Culture. Le bloc communal concentrait 73% de ces dépenses, contre 18% pour les départements, et 9% pour les régions. Ces dépenses représentaient, en moyenne, 8% du budget des communes et 7% du budget des intercommunalités. Enfin, 52% de ces dépenses étaient consacrées à l'expression artistique et aux activités culturelles, et 39% au soutien, à la conservation et à la diffusion du patrimoine.

Acteurs incontournables des politiques culturelles, les collectivités doivent cependant faire face à un contexte de modération budgétaire et d'évolutions législatives.

Le cadre d'intervention des collectivités est au total incertain.

La loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) dispose que « la responsabilité en matière culturelle est exercée conjointement par les collectivités et l'État », et que « les compétences en matière de culture [...] sont partagées entre les communes, les départements, les régions et les collectivités à statut particulier ».

Cependant, certaines évolutions interrogent cette répartition des compétences.

On observe tout d'abord un renforcement relatif de l'échelon régional, avec la constitution des grandes régions, et l'expérimentation en Bretagne d'une délégation de compétences de la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC) vers le conseil régional dans les domaines du livre, du cinéma, de l'audiovisuel et du patrimoine.

On constate également un essor de l'intercommunalité culturelle.

Enfin, la question de la coopération entre les différents niveaux de collectivités est posée, avec des tentatives plus ou moins abouties, telles que les guichets uniques ou la commission thématique dédiée à la culture au sein des conférences territoriales de l'action publique (CTAP).

Les FRAC sont un bon cas d'étude pour débattre de ces enjeux. Ces structures, de statut majoritairement associatif, ont un rôle très important dans les territoires : elles ont vocation à constituer et à gérer un fonds d'oeuvres contemporaines, et sont amenées à conduire un certain nombre d'actions, telles que la production, l'acquisition, ou le prêt d'oeuvres, et de partenariats, notamment avec les collectivités territoriales.

On dénombre actuellement 23 FRAC. Compte tenu de la nouvelle carte des régions, certains s'interrogent sur le devenir de ces institutions, les FRAC ayant par ailleurs engagé leur propre réflexion.

M. Florian Salazar-Martin, président de la Fédération nationale des collectivités territoriales pour la culture (FNCC). - Monsieur le président, mesdames et messieurs les Sénateurs, c'est avec grand plaisir que la Fédération nationale des collectivités territoriales pour la culture (FNCC) participe à la table ronde de votre délégation.

Le contexte actuel est complexe. La décentralisation et la démocratisation culturelles constituent les deux facettes d'une politique culturelle qui, jusqu'à présent, a été assez exemplaire sur tous les plans, qu'il s'agisse du patrimoine ou du spectacle vivant. Aujourd'hui, on peut dire que nous disposons d'atouts indéniables. Cela étant, la situation inquiète les collectivités territoriales. Elle peut, dans le même temps, constituer une ambition nouvelle pour la France et le service public de la culture. C'est sur ce constat ambivalent, et peut-être contradictoire, qu'il nous faut débuter notre propos, et envisager la mise en oeuvre de la nouvelle donne législative dans les territoires.

De ce point de vue, je ne peux pas faire l'économie de rappeler ce que nous avons créé en France. Nous le devons bien sûr à un État qui est, depuis plusieurs siècles, investi dans la culture, et plus récemment, avec les lois de décentralisation, à l'implication des collectivités territoriales et des élus locaux. Derrière les collectivités, il ne faut pas oublier les « militants » que sont les maires, des femmes et des hommes qui s'investissent pour construire un bien commun, une humanité plus vivable et plus émancipatrice. Nous pouvons tirer une certaine fierté des nombreuses expériences menées dans le domaine de la culture. Cette logique d'expérimentation doit subsister avec la nouvelle donne législative. Nous ne pouvons pas imaginer que la réforme territoriale s'opère d'une manière techniciste. Elle exige de l'ingénierie humaine, de l'expérimentation et aussi de la prise de risque. Nous ne pouvons pas parler de culture sans parler de prise de risque. Les artistes, à travers leurs oeuvres, prennent des risques. Il en est de même pour les élus locaux, dans leurs propositions de politiques culturelles.

L'histoire s'est donc construite à partir de la décentralisation et de la démocratisation culturelles. Cela a nécessité une relation de confiance, non seulement entre l'État et les collectivités, mais aussi avec tous les acteurs des territoires : citoyens, artistes, associations... La confiance constitue l'une des grandes questions posées à la République, dans un contexte d'interrogation, voire de peur, chez nos concitoyens.

La culture, même si elle est convoquée partout, porte elle aussi les stigmates de la réduction des ambitions politiques et des moyens budgétaires. Sur ce point, je suis obligé d'évoquer les restrictions budgétaires drastiques à l'oeuvre dans un certain nombre de collectivités. Comme l'a rappelé le président Jean-Marie Bockel, les communes et les intercommunalités représentent la quasi-intégralité des dépenses culturelles, mais les départements en financent quand même 18 %... Or ces derniers votent parfois des budgets en lourde diminution. Il y a donc lieu de s'inquiéter, car les politiques culturelles reposent sur la coopération entre différents niveaux de collectivités. La culture reste une compétence partagée, et nous avons déjà eu l'occasion de faire valoir que personne n'était de trop. Or, lorsqu'un partenaire se retire, il n'est pas nécessairement remplacé par un autre, et l'édifice d'ensemble s'en trouve fragilisé. Les difficultés budgétaires, loin d'être de nature exclusivement comptable, menacent les relations nouées dans les territoires entre les communes, les départements et les régions.

La constitution de grandes régions implique une nouvelle organisation. Nous aurons l'occasion d'évoquer les CTAP, où la présence de l'État fait cruellement défaut. À l'échelle nationale, le Conseil des collectivités territoriales pour le développement culturel (CCTDC), qui a été renforcé, constitue une instance de dialogue entre onze associations de collectivités et l'État sur la thématique culturelle. Or, ce dialogue n'a pas lieu au niveau local dans les CTAP, auxquelles l'État, en l'espèce les DRAC, ne sont pas présents. C'est, je le crois, une anomalie qui devrait être réparée. La présence de l'État nous paraît essentielle - à cet égard, ce n'est pas parce que la Bretagne a une culture spécifique qu'il est nécessairement souhaitable que l'État lui délègue ses compétences en matière culturelle -, et l'histoire nous enseigne qu'elle doit être maintenue pour approfondir à la fois la décentralisation et la démocratisation culturelles.

Récemment, nous évoquions, avec l'Association des maires ruraux de France (AMRF), la compétence culturelle, dans le contexte de la montée en puissance des métropoles et des intercommunalités, et la façon dont nous pouvons créer de la solidarité avec l'immense majorité de nos territoires, c'est-à-dire le monde rural. Nous avons, dans ce domaine, un certain nombre de propositions à formuler.

Enfin, les lois de réforme territoriale reposent la question du partenariat entre les collectivités et l'État. De ce point de vue, il me semble que lorsque nous parlons d'État et de collectivités, nous donnons l'impression que les collectivités ne font pas partie de la République, alors que nous devons tous oeuvrer sur un même espace, pour donner plus de lisibilité et plus de confiance aux acteurs.

M. Jean-Marie Bockel, président. - Je vous remercie et je passe la parole à Bernard de Montferrand.

M. Bernard de Montferrand, président de l'association Platform. - Je vous remercie, Monsieur le président. Je m'exprime ce matin au nom des FRAC. Il en existe aujourd'hui 23, extrêmement différents, à l'image des régions françaises, et très autonomes. Les FRAC constituent un lieu privilégié où se rejoignent la décentralisation et la politique culturelle. Depuis trente ans, ils représentent finalement un exemple assez réussi de décentralisation culturelle à la française. L'État et les régions y ont été réunis autour des missions de démocratisation et de décentralisation culturelles.

Je crois que nous pouvons considérer sur plusieurs critères que ces petites structures ont réussi.

Premièrement, elles se sont inscrites très fortement dans le paysage français. La quasi-totalité des régions ont investi dans des locaux. Elles se sont approprié leur FRAC et disposent aujourd'hui d'un patrimoine contemporain extrêmement important, les collections étant présentées partout dans le monde. Naturellement, les FRAC sont contestés, car ils représentent un art contemporain qui interroge, recherche et souvent conteste. Ces critiques font néanmoins partie du jeu normal de la politique culturelle. Les FRAC montrent des oeuvres d'art dans des endroits nouveaux, et auprès de publics qui n'auraient autrement jamais l'occasion d'en voir. Lorsque nous avons célébré nos trente ans d'existence, voilà trois ans, un de nos interlocuteurs a fait remarquer que nous proposions le musée d'art moderne de New-York à trois kilomètres de n'importe quel village français. Nous exposons en effet au plus près du public des oeuvres de renommée internationale. Nous le faisons grâce aux 500 manifestations que nous organisons tous les ans dans la France entière. Faut-il souligner que les collections de FRAC sont les collections publiques les plus montrées de France, avec en moyenne 35% des oeuvres qui sont exposées tous les ans. L'aspect le plus novateur de l'action des FRAC est l'accompagnement de ces opérations par des actions de médiation originales. Nous avons dans ce domaine une longue et fructueuse expérience pour faire découvrir et aimer l'art à des publics qui en sont naturellement éloignés.

Le soutien à l'art contemporain représente le deuxième critère de succès des FRAC. Lorsque vous créez une entreprise, lorsque vous commencez une carrière d'artiste, les difficultés sont toujours au début. Pour une entreprise, il s'agit de trouver le capital-risque. Les artistes que l'on dit aujourd'hui « émergents » soulignent presque tous que les premières collections publiques qui ont acquis leurs oeuvres sont celles des FRAC. 75 % des acquisitions des FRAC représentent des primo-acquisitions et les oeuvres sont généralement acquises moins de deux ans après leur production. Nous jouons un peu, parmi d'autres, le rôle de business angels de l'art - si je puis m'exprimer ainsi - et nous mettons le pied à l'étrier des jeunes artistes en leur témoignant notre confiance.

Troisième critère de succès, dans une culture publique française qui aime les grosses structures, à la fois administratives et juridiques, les FRAC ont, pour la plupart, le statut d'associations. Ces structures légères emploient entre 4 et 24 personnes et sont dotées d'un budget moyen d'un million d'euros. Cette légèreté et cette souplesse expliquent pourquoi les FRAC sont parvenus à s'adapter à un paysage des arts plastiques particulièrement changeant depuis plus de trente ans. Ils viennent de recevoir une reconnaissance « officielle », qui est importante pour eux, grâce à la création d'un label. Mais ils doivent conserver ce caractère de petite structure souple et réactive qui a fait leur succès.

Face à ces succès, les Frac ont aujourd'hui à relever plusieurs défis.

Le premier concerne leur mission principale de soutien à la création. Dans ce domaine, nous ne devons pas nous endormir. Nous devons rester des « petites têtes chercheuses ». Or nous ne pouvons le faire qu'en disposant de bons réseaux. Les comités d'achat des FRAC s'avèrent extrêmement diversifiés. Tous les directeurs des grandes institutions mondiales y ont participé au cours des trente dernières années. De nombreuses oeuvres intéressantes ont ainsi pu être acquises dans des conditions extrêmement favorables.

Le deuxième défi qui se pose à nous consiste à réinventer la régionalisation culturelle. Les nouvelles grandes régions doivent conserver leur vitalité dans la création artistique. En Allemagne, si le paysage de l'art contemporain est aussi actif, c'est parce qu'il existe plus de 200 associations d'art, les Kunstvereine . Cette diversité offre plus d'occasions de découvrir et de reconnaître des artistes, et des solutions intéressantes et originales pour les promouvoir et leur faire rencontrer le public. Réinventer la démocratisation et la décentralisation culturelles impose de préserver cette diversité. Les services administratifs et financiers de certaines régions pourraient avoir tendance à nous inciter à fusionner. Nous pensons au contraire qu'il ne faut pas recentraliser, mais développer plutôt des coopérations entre les FRAC, car nous pouvons gagner en efficacité en coopérant davantage. La diversité constitue aussi une condition pour préserver la proximité géographique avec nos publics et nos réseaux. Un FRAC tire sa richesse du réseau de petites associations et de musées qui lui accordent sa confiance et qu'il rencontre régulièrement. Entre Strasbourg et Reims, entre Bordeaux et Limoges ou Poitiers, les distances se mesurent en plusieurs centaines de kilomètres. Il faut conserver dans les territoires des institutions diverses et proches.

Nous travaillons à ces défis. Nous avons envoyé plusieurs documents aux présidents de région et à la ministre de la Culture et de la Communication. À l'avenir, nous pensons que les FRAC, face au nombre croissant d'institutions privées actives dans le domaine de l'art plastique, doivent se concentrer sur leurs missions de service public, en particulier la médiation et l'éducation artistique.

M. Jean-Marie Bockel, président. - En ce qui me concerne, j'en suis convaincu. Je vous remercie et passe la parole à Vincent Berjot.

M. Vincent Berjot, directeur général des patrimoines au ministère de la Culture et de la Communication. - J'ai la chance et l'honneur d'être à la tête d'une direction qui traite de politiques patrimoniales très territorialisées et partenariales avec 43 000 monuments historiques dispersés sur l'ensemble du territoire, dont 43 % appartenant à des communes, 1 200 musées de France et des archives départementales dans chaque département, sans parler des archives municipales et régionales. En matière patrimoniale, les politiques sont co-construites suivant des modèles différents selon le domaine concerné. Les archives ont été décentralisées en 1986, mais l'État continue de mettre à la disposition des départements des conservateurs du patrimoine pour la direction des archives départementales, voire d'autres conservateurs pour les services de grande taille. L'État contribue aussi à la politique d'investissement lors de la construction de bâtiments d'archives et exerce des fonctions de contrôle scientifique et technique. Pour les monuments historiques, la politique d'aide et de subvention est partagée entre l'État et les autres niveaux de collectivités territoriales et associe les propriétaires. Quant aux musées de France, l'État assure l'animation du réseau et apporte son aide pour les acquisitions et lors des travaux réalisés sur les bâtiments pour leur extension ou leur restauration.

Dans ce paysage, tout n'est pas idyllique. Il existe quelques motifs d'inquiétude. En matière de politique d'entretien et de restauration du patrimoine, nous constatons en effet le désengagement d'un certain nombre de collectivités territoriales, en particulier des départements qui constituaient des partenaires extrêmement importants en matière de cofinancement de la restauration des monuments historiques. Compte tenu des contraintes financières qui pèsent sur les départements en matière d'aide sociale, nous notons un net retrait depuis trois ou quatre ans. Vous évoquiez la montée en puissance de l'échelon régional. Ne faudrait-il pas justement faire entrer au tour de table de l'entretien et de la restauration des monuments historiques ce partenaire qui était resté peu présent jusqu'à aujourd'hui ?

Des inquiétudes pèsent aussi sur les musées de France. Ces 1 200 établissements constituent une charge importante pour les collectivités et l'État. Ils forment un réseau extrêmement étendu, important par sa proximité vis-à-vis de nos concitoyens, mais ils représentent aussi des frais particulièrement lourds pour nos collectivités. Là encore, nous devrons sans doute nous réinventer. Nous menons actuellement une réflexion sur les musées du XXI e siècle à la demande de la ministre de la Culture et de la Communication. Nous avons souhaité que les groupes de travail soient pilotés par des directeurs de musée de France territoriaux pour ne pas mettre systématiquement en avant les musées nationaux et parisiens. Nous avons effectué des étapes territoriales, à Toulouse, Roubaix, Lens, Strasbourg, Lyon ou Marseille. Cela nous a donné l'occasion de réfléchir aux évolutions de la politique d'animation du réseau des musées de France.

Pour conclure, je vous livrerai quelques pistes de réflexion qui concernent autant l'État que nos partenaires collectivités territoriales. Il nous faudrait peut-être assurer une visibilité plus grande des axes d'action de l'État en matière de monuments historiques pour que nos partenaires connaissent les axes que nous choisissons en matière de financement de restauration et faire en sorte que les autres parties prenantes du tour de table financier puissent se positionner. Des expériences ont été menées avec le département du Lot, où nous avons réussi à mettre en place un guichet unique d'instruction sur l'entretien et la restauration des monuments historiques. Nous devrions généraliser ces expériences, car la possibilité pour le propriétaire d'un monument historique de s'adresser à un seul guichet constitue un élément de facilité et une manière d'instaurer un meilleur dialogue entre l'État et les collectivités qui financent cette politique.

Il conviendrait peut-être aussi de renforcer notre animation du réseau. L'État a eu la tentation de se recentrer un peu trop sur les grands musées nationaux et parisiens. Il s'agirait de mieux animer le réseau des 1 200 musées de France. Nous devons par ailleurs poursuivre la co-construction des politiques en matière de monuments historiques et d'espaces protégés. La récente loi relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine (LCAP) a rappelé la demande des parlementaires en faveur d'une concertation et d'une co-construction de ces politiques en matière de patrimoine mondial. Une labellisation « patrimoine mondial » représente, pour un territoire, un levier d'attraction économique et touristique extrêmement important.

Pour les espaces protégés, c'est-à-dire les anciens secteurs sauvegardés, aires de valorisation de l'architecture et du patrimoine (AVAP) et zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP), qui sont devenus les « sites patrimoniaux remarquables », là encore, un dialogue étroit doit se nouer avec l'État, à travers les architectes de France (ABF). Cette figure importante en matière de politique patrimoniale doit mieux dialoguer avec les interlocuteurs. Enfin, la mission de l'État dans le domaine du contrôle scientifique et technique ne me semble pas être remise en cause. Les politiques patrimoniales reposent en effet sur des fondements scientifiques très importants. L'entretien et la restauration d'un tableau, d'un monument historique, d'une archive présentent une forte dimension scientifique. Or, les collectivités territoriales me semblent rester sensibles au rôle que peut continuer de jouer l'État en la matière.

M. Jean-Marie Bockel, président. - Je vous remercie et je passe la parole à Pierre Oudart.

M. Pierre Oudart, directeur adjoint chargé des arts plastiques à la Direction générale de la création artistique du ministère de la Culture et de la Communication. - Je tiens tout d'abord à vous présenter les excuses de la directrice générale de la création artistique qui n'a pas pu participer à cette table ronde ce matin. Je m'inscrirai dans la continuité des orateurs précédents et j'aborderai deux sujets qui concernent le rééquilibrage territorial.

S'agissant de la création et de la diffusion artistiques, la décentralisation constitue une question centrale. Lorsque nous avons envisagé d'accentuer la décentralisation, nous nous sommes toujours heurtés à une difficulté. Cette politique est déjà décentralisée ; elle l'est fondamentalement et depuis l'origine, car les aventures artistiques sur les territoires sont d'abord le fruit de rencontres d'élus - principalement des maires de villes de toute taille - avec des professionnels. Le socle de la politique de création et de diffusion artistiques reste communal. Les lois qui ont réorganisé les territoires, et notamment l'essor des groupements de communes, modifient ces équilibres cinquantenaires, mais ce sont souvent les élus et les professionnels qui sont allés chercher l'État dans la construction des équipements et des dispositifs.

Les centres dramatiques nationaux constituent un exemple frappant de ce mouvement. Je me dois de citer le sénateur Jack Ralite qui raconte que, lorsqu'il s'est rendu pour la première fois au ministère d'André Malraux pour parler du théâtre de sa commune d'Aubervilliers, il en est ressorti avec quelques projecteurs... Dans le champ des arts plastiques, c'est également le cas des centres d'art. La carte des centres d'art en France ne s'explique que par ces rencontres. L'un des plus anciens centres d'art de France est celui de Meymac, un bourg de 2 500 habitants en Corrèze, dont l'existence découle de la rencontre du maire de Meymac avec la petite-fille du peintre Bissière qui y travaille toujours.

Il existe un cas hybride sur lequel je m'arrêterai quelques instants. Il s'agit des écoles territoriales d'art, pour lesquelles je nourris quelque inquiétude. Elles trouvent leur source dans une histoire, qui reste d'ailleurs en partie à écrire, d'aménagement culturel du territoire depuis la fin du XIX e siècle. Ces écoles sont principalement situées dans les chefs-lieux de département et sont majoritairement financées par les villes ou leurs groupements, acteurs que l'on n'attend pas en première ligne pour les établissements d'enseignement supérieur. Historiquement, ces écoles ont constitué en quelque sorte le premier acte du « redressement productif ». Dès le Second Empire, des écoles de dessin et d'arts appliqués ont été créées partout en France pour rattraper le retard vis-à-vis de la révolution industrielle. Ce chantier mérite d'être examiné sérieusement aujourd'hui.

Dans le champ de la création artistique, il existe également des exemples d'aménagement culturel du territoire volontaristes de la part de l'État depuis la création du ministère de la Culture et de la Communication. Nous pensons bien sûr aux maisons de la culture, qui sont aujourd'hui principalement des scènes nationales. Les maisons historiques de Bourges, Amiens ou Grenoble résultent avant tout de rencontres de maires et de professionnels avec l'État. Je citerai aussi le cas des villes nouvelles. Catherine Tasca a contribué à ce sujet à sa sortie de l'École nationale d'administration (ENA). Dans chaque ville nouvelle, il était ainsi prévu d'emblée la création d'une scène nationale.

Les FRAC, quant à eux, ont fonctionné jusqu'à présent sur la base de circulaires, ce qui démontre la continuité de l'engagement des élus dans ces politiques. À quelques anicroches près, les FRAC se sont maintenus sur la base d'une lettre écrite par le ministre Jack Lang aux présidents de région. La loi LCAP a consolidé les FRAC, comme les centres d'art, avec des labels. Pour autant, l'originalité de ces politiques publiques n'est pas modifiée ; elle vient du financement. Pour la création, les premiers financeurs dans les territoires sont les collectivités, ce qui prouve que ces politiques sont bien décentralisées.

Par conséquent, tout effort de rééquilibrage territorial vers des territoires moins bien équipés culturellement ne peut pas venir d'en haut de façon autoritaire, y compris de la part des régions. Il doit s'inscrire dans des schémas de co-construction. Se pose dès lors la question des compétences. La politique de financements croisés qui a fait ses preuves depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale diffère en cela de la démarche entreprise dans les lois de décentralisation. Aujourd'hui, une région ne peut pas décider de supprimer son soutien aux lycées, puisque cela fait partie de ses compétences obligatoires. En revanche, si demain une région n'est pas intéressée par un FRAC, elle est entièrement protégée par le principe constitutionnel de libre administration et l'État ne pourra pas agir. Le centre d'art de Quimper, reconnu nationalement et internationalement, constitue le dernier exemple en date. La municipalité, comme elle en a d'ailleurs le droit, n'a pas souhaité confirmer son engagement, et rien n'y a fait, en dépit des réactions nombreuses. Nous pourrions donc voir demain des établissements anciens fermer, se transformer ou être délocalisés.

M. Jean-Marie Bockel, président. - Je vous remercie. Il existe à Mulhouse une école d'art qui est une source de fierté pour nous. Son fonctionnement se révélait néanmoins très coûteux. Nous avons donc opéré sa fusion avec celle de Strasbourg. Une telle démarche n'est jamais simple à entreprendre.

Je vais maintenant laisser le soin à mes collègues de vous interroger.

M. Michel Le Scouarnec. - Avec la baisse des dotations aux collectivités, j'éprouve certaines craintes vis-à-vis du budget consacré à la culture de toutes les collectivités, quelles qu'elles soient. Nous devons maintenir l'effort en faveur de la culture, surtout en temps de crise. Je sais qu'il existe aussi des écarts importants entre la commune-centre et les communes périphériques, mais j'ignore si ces écarts sont mesurés. Comment les efforts évoluent-ils au niveau de l'échelon intercommunal ? J'avais fait inscrire la culture et le sport comme compétences obligatoires dans notre intercommunalité. Les intercommunalités disposent de moyens que les communes ne possèdent pas. Il existe donc peut-être un espoir que l'échelon intercommunal puisse intervenir pour pallier la réduction budgétaire et maintenir les efforts en matière de culture.

M. Antoine Lefèvre. - Il me paraît nécessaire d'assurer une plus grande visibilité à la politique en faveur des monuments historiques. Je suis maire de la ville de Laon, qui dispose de l'un des plus grands secteurs sauvegardés de France et compte plus de 80 monuments historiques, dont un certain nombre appartenant à la collectivité. C'est le cas en particulier de la cathédrale. Nous rencontrons quelques difficultés, mais notre partenariat avec la DRAC se révèle assez efficace. L'expérience du guichet unique me semble intéressante et je souhaiterais connaître votre analyse sur la réorganisation des DRAC dans les nouvelles régions. Dans certaines régions, en effet, les sites des DRAC n'ont pas véritablement été fusionnés mais se sont plutôt spécialisés, et j'ai le sentiment que nous nous éloignons du guichet unique. Il me paraît également important de souligner qu'au-delà des grands musées parisiens, il existe dans les musées en région un vivier qu'il faut accompagner davantage. Sur ce sujet, les intercommunalités qui prennent en charge ces musées ont besoin d'une aide à l'ingénierie de projet, surtout dans le contexte financier un peu difficile que nous connaissons aujourd'hui.

M. Jean-Marie Bockel, président. - Il apparaît plutôt opportun de ne pas tout regrouper, car cela permet de préserver le maillage.

M. Antoine Lefèvre. - Il faut néanmoins que le schéma d'ensemble reste lisible.

M. Christian Manable. - L'émergence des treize nouvelles régions doit-elle apporter une simplification structurelle dans le domaine culturel ou ne risque-t-elle pas de compliquer les choses ? La création des Hauts-de-France va-t-elle entraîner de facto le maintien des deux DRAC et la constitution d'une « super DRAC » chapeautant les deux, la spécialisation de ces deux DRAC ou leur fusion en une seule DRAC ? Cette organisation n'est-elle pas source de complexification, de lourdeur administrative et d'éloignement par rapport à la proximité souhaitée par tous les élus locaux ?

Mme Françoise Gatel. - Je suis maire d'une commune de 7 500 habitants, présidente d'une communauté de communes de 25 000 habitants et présidente de l'association des Petites cités de caractère de France, qui représente 130 petites communes et 250 000 habitants. Cette association me semble assez exemplaire des actions qui peuvent être entreprises et je pense que ces actions peuvent nous permettre de convertir les élus locaux qui ont peu d'appétence pour la culture et le patrimoine, et qui sont aujourd'hui très contraints par des restrictions budgétaires qui rendent la dépense culturelle plus difficile.

Voilà plus de quarante ans, nous avons pris conscience que de petites communes de Bretagne de 400 à 500 habitants abritaient des trésors de patrimoine dont l'intérêt dépassait largement celui de la commune, puisqu'ils étaient constitutifs de l'histoire de cette région. Ce patrimoine menaçait ruine et nous ne pouvions pas laisser ces petites communes le porter seules. La Bretagne a pensé que, loin d'être une charge, ce patrimoine constituait un levier de développement et d'aménagement du territoire. Je citerai l'exemple de Rochefort-en-Terre, une petite cité de caractère du Morbihan de 700 habitants qui accueille aujourd'hui un million de visiteurs. Grâce à son patrimoine et à l'animation culturelle mise en place autour de celui-ci, elle est devenue l'un des villages les plus appréciés des Français. Ce sont le patrimoine, et le tourisme qu'il génère, qui permettent à cette commune de conserver une école et ses commerces.

Le patrimoine et la culture doivent être liés. Le patrimoine doit s'inscrire dans la modernité et avoir un usage. Dans ma commune, nous avons restauré une chapelle du XII e siècle et nous y avons installé un modeste centre d'art contemporain. Le financement soulève des pistes de réflexion dont le Sénat doit se saisir. L'État doit, en la matière, jouer un rôle d'accompagnateur et de facilitateur. Nous devons aussi développer la mise en réseau et encourager le mécénat. Le Fonds Leclerc a proposé cet été une exposition Chagall, à Landerneau, d'une très grande qualité, en plaçant la culture au plus près des publics. Je pense que nous devrions encourager la défiscalisation du mécénat si nous voulons que la culture réponde à ce rôle essentiel de préservation de l'éducation et de la civilisation.

Enfin, j'approuve la décentralisation des musées. La culture doit être placée au plus près des populations. Il faut démystifier et désacraliser la culture. Trop de gens hésitent encore à franchir la porte d'un musée ou d'une médiathèque parce qu'ils se sentent intimidés, voire indignes. Chacun doit croiser la culture sous toutes ses formes dans son quotidien.

M. Jean-Marie Bockel, président. - En vous écoutant parler du mécénat, je pense au rôle extrêmement précieux que joue la Fondation du patrimoine, notamment dans des territoires modestes. Pourriez-vous évoquer la réorganisation des DRAC ? Quel bilan dressez-vous des grands équipements décentralisés ?

M. Florian Salazar-Martin, président de la Fédération nationale des collectivités territoriales pour la culture (FNCC). - La question de l'équité des territoires me paraît fondamentale. La Fédération que je préside regroupe à la fois des métropoles et de grandes régions. Les Hauts-de-France viennent d'adhérer à la FNCC, et je pense que toutes les régions devraient faire de même. Nous pourrions penser que les grandes régions n'ont plus besoin de trouver des ressources auprès d'un réseau national. Ces adhésions nous laissent penser le contraire, et nous donnent une responsabilité nouvelle.

Voilà quelques années, on disait les DRAC vouées à disparaître. La FNCC avait oeuvré à cette époque pour réaffirmer leur intérêt. Il ne s'agit pas de conserver aujourd'hui les mêmes DRAC qu'hier. Nous réclamons un accompagnement local pour construire une politique publique dans les territoires et répondre aux besoins de ces derniers. Nous avons besoin d'un État qui soit présent. Dans cette optique, nous allons écrire prochainement aux présidents de région pour leur demander de réaliser une évaluation des CTAP, et notamment des CTAP Culture.

Les CTAP Culture doivent obligatoirement rassembler l'État et les différents territoires aujourd'hui sous-représentés. Leur présence nous semble fondamentale, d'autant que le manque d'argent et d'équipements favorise parfois l'ingéniosité. Pensons ici au dynamisme culturel des villages de Pougne-Hérisson, dans les Deux-Sèvres, de Corbigny, dans la Nièvre, de Nexon, en Haute-Vienne. Je pourrais également citer de très nombreux exemples de galeries d'art contemporain créées dans des territoires ruraux. Si nous voulons préserver ces initiatives, il faut construire des solidarités. Or, si les régions peuvent constituer des espaces de solidarité, elles ne sauraient se substituer à tous les autres acteurs en termes de financement. Nous devons trouver d'autres ressources financières et d'ingénierie. En tant que conseiller métropolitain à la métropole d'Aix-Marseille, où je développe une filière cinéma, je constate la nécessité de la transversalité. On a longtemps opposé économie, culture et patrimoine. Il faut désormais penser nos politiques culturelles comme le fil rouge des politiques publiques. Nous ne pouvons pas imaginer construire la ville ou développer des transports sans transversalité ni cofinancement.

Enfin, l'intercommunalité ne va pas se substituer aux communes. La loi lui donne d'autres missions. La loi LCAP offre, par exemple, une possibilité de numérisation des archives au niveau de l'intercommunalité. Les intercommunalités peuvent donc compléter l'action des communes, et non la reprendre.

M. Bernard de Montferrand, président de l'association Platform. - Je souhaiterais réagir sur deux sujets évoqués : la complexité et les économies.

Nous avons pour priorité de maintenir la proximité et la diversité. L'unique moyen pour y parvenir est de mener une réflexion continue sur les réseaux dans chaque région. L'État a un rôle extrêmement important à jouer dans ce domaine, car il peut créer le cadre de cette réflexion de réseau, en incitant les acteurs à identifier quelques priorités qui seront, par nature, différentes dans chaque région ou territoire.

Aujourd'hui, tout le monde souhaite agir dans pratiquement tous les domaines : résidences, manifestations, médiation, événementiel... Parfois, en réfléchissant ensemble, il est possible de se répartir les rôles. Cela suppose des incitations. Chaque région doit fixer, d'un commun d'accord, des priorités, et accorder des avantages supplémentaires aux acteurs s'engageant dans ces voies. Le choix entre l'événementiel et les structures est cornélien. Faut-il mettre l'accent sur une grande opération culturelle qui attire plus de public ou soutenir les musées et les institutions existantes ? Il n'existe pas de solution unique.

Il faut également définir des coopérations qui peuvent se traduire par des adossements de certaines structures. Certaines peuvent se rapprocher et trouver des manières communes de travailler. Un exemple : tous les FRAC réalisent de courtes vidéos d'artistes présentant leurs oeuvres. Nous pouvons mutualiser les bibliothèques numériques de l'ensemble des FRAC et les transmettre à l'Éducation nationale. Un professeur pourrait ainsi présenter une oeuvre en dépôt dans un lycée et diffuser la vidéo de l'artiste commentant cette oeuvre. La démarche se révélerait peut-être plus attrayante et plus convaincante qu'une présentation par le seul professeur. De la même manière, les expositions organisées par un FRAC situé dans une ancienne région doivent pouvoir circuler dans l'ensemble de la nouvelle région. La mutualisation, c'est aussi présenter des expositions à l'étranger, comme le font actuellement tous les FRAC à Singapour puis dans un grand circuit asiatique. Il y a donc plusieurs formes possibles de coopération.

Enfin, il convient de s'adosser davantage à des collectivités avec lesquelles nous travaillions peu auparavant. Les FRAC travaillent avec de nombreuses associations, mais ils collaborent moins avec des petites communes. Nous devrions mener une réflexion beaucoup plus affirmée sur le sujet. Certains maires se découvrent parfois, grâce à la rencontre avec un artiste ou un responsable culturel, une capacité à créer quelque chose dans les lieux les plus éloignés et créent une activité culturelle de premier intérêt.

M. Vincent Berjot, directeur général des patrimoines au ministère de la Culture et de la Communication. - Le patrimoine doit effectivement être utilisé comme un vecteur d'attractivité, voire de renouveau des territoires et cela passe par la transformation d'usage des monuments. La meilleure manière de conserver les monuments et de les transmettre aux générations futures consiste à faire en sorte qu'ils soient utilisés, dans le respect, bien entendu, de règles permettant de préserver leur intégrité patrimoniale. Je crois qu'il nous faut évoluer dans cette direction, même si cela n'est pas toujours simple à réaliser. Nous réfléchissons sur le sujet avec la Fondation du patrimoine qui représente un partenaire essentiel, même si elle a connu quelques difficultés financières avec la diminution des successions en déshérence dont elle bénéficiait.

Je citerai également la mission confiée à Yves Dauge par le Premier ministre sur la possibilité de s'appuyer sur les centres historiques pour assurer le renouveau économique de petites villes qui ont vu leurs centres perdre des habitants et des commerces malgré leur caractère patrimonial affirmé. Son tour de France des problématiques le conduira à émettre des propositions, y compris sur des leviers fiscaux. Un rapport en cours a en outre été confié à Martin Malvy sur le tourisme patrimonial.

Les grands équipements décentralisés que vous évoquiez reposent sur trois modèles différents : le musée Louvre-Lens est un établissement public de coopération culturelle (EPCC) qui propose des collections permanentes et des expositions temporaires, le centre Pompidou-Metz est un EPCC qui ne propose que des expositions temporaires. Le musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée (MuCEM) reste quant à lui un musée national que les collectivités ont contribué à financer. Ces grands équipements phares sont importants, d'autant que le geste architectural qu'ils représentent permet de faire venir du public. Ils ne doivent cependant pas faire oublier l'extraordinaire richesse des musées de France territoriaux dont les collections doivent être mises en valeur.

La question des compétences des intercommunalités en matière patrimoniale a fait l'objet de nombreux débats au moment de la loi LCAP. Certains élus se sont inquiétés de l'incidence du transfert de la compétence urbanisme vers les intercommunalités - par ailleurs de plus en plus grandes - sur la prise en compte du patrimoine des plus petites communes, dont le poids politique peut être assez faible au sein de ces structures, mais où le patrimoine historique est important. Nous avons donc veillé à donner des leviers à ces petites communes pour faire valoir leur politique patrimoniale. L'intercommunalité reste néanmoins un facteur indéniable de mutualisation et d'ingénierie. De plus en plus de collectivités décident de rassembler les musées au sein d'une entité un peu fédératrice, placée au niveau de l'intercommunalité. C'est également le cas pour les archives.

Il n'existe qu'une seule DRAC par région, y compris dans les régions fusionnées. Néanmoins, les politiques patrimoniales restant des politiques de proximité, nous avons souhaité conserver des antennes au sein des anciens chefs-lieux de région. Dans des régions dont certaines peuvent être aussi grandes que l'Autriche, il faut en effet préserver la proximité. Nous avons créé des pôles au sein des DRAC pour rendre plus lisibles nos politiques. Les pôles patrimoniaux ne se trouvent pas toujours dans les chefs-lieux des nouvelles régions, mais cela ne remet pas en cause la question des guichets uniques. Il reste bien une seule DRAC et un seul pôle patrimonial, avec lequel les collectivités peuvent contractualiser pour mettre en place des guichets uniques.

M. Pierre Oudart, directeur adjoint chargé des arts plastiques à la Direction générale de la création artistique du ministère de la Culture et de la Communication. - La compétence générale me semble constituer une nécessité et un piège. Tout le monde peut faire de la culture et de la création artistique. Or l'outillage des politiques culturelles passe par les réseaux et les démarches de décloisonnement. J'ai tendance à penser qu'il existe un rapport assez différent à l'art contemporain en Bretagne, et que la plus grande oeuvre conceptuelle est Carnac, suivie du Viaduc de Millau. Dans le champ de l'art contemporain, l'ancienne région Limousin reste le territoire régional le plus actif. Les réseaux y sont très actifs et s'inscrivent très souvent dans les réseaux d'éducation populaire. De ce point de vue, le réseau Cinq 25 me paraît absolument exemplaire.

C'est dans cette optique que nous avons lancé les schémas d'orientation des arts visuels (SODAVI), qui visent d'abord à retourner vers les artistes. En matière de création contemporaine, il faut se méfier de l'académisme. Nos directeurs de FRAC nous le disent souvent. Il faut retourner vers les artistes dans le cadre de démarches ascendantes, qui doivent contribuer au réoutillage des politiques culturelles, pour lequel la FNCC se montre très active.

M. Jean-Marie Bockel, président. - Cette table ronde s'est révélée très riche et très utile. Nous formaliserons et valoriserons cet échange sous la forme d'un petit rapport d'information. Je tiens à vous remercier vivement pour la qualité de vos interventions et de nos échanges.

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