TROISIÈME PARTIE - RENFORCER LA FORMATION EN ÉTANT RÉALISTE SUR LE TEMPS ET LES MOYENS BUDGÉTAIRES QU'ELLE EXIGE

A. ASSURER L'EFFECTIVITÉ DE L'OBLIGATION D'ATTEINTE D'UN NIVEAU DE LANGUE SUFFISANT POUR ASSURER L'INTÉGRATION DE L'ÉTRANGER

1. Mettre en place un dispositif réellement incitatif d'atteinte du niveau de langue

La principale carence de la formation réside dans l'absence de sanction réelle de sa réussite, sauf pour les étrangers souhaitant obtenir une carte de résident. Pour les autres, seuls l'assiduité, le « sérieux » et la réalisation d'un progrès, même minime, sont effectivement pris en compte, encore que de manière très aléatoire.

Votre rapporteur spécial estime, comme en 2012, que l'incitation à la réussite et au progrès devrait être plus forte, ce qui passe par l'instauration d'une obligation qui ne serait plus seulement de moyens mais de résultats .

La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme interdit de sanctionner de façon systématique l'échec aux tests de langue par un non renouvellement du titre, sur le fondement de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des droits fondamentaux relatif au droit à une vie familiale normale 24 ( * ) .

D'autres mécanismes compatibles avec les stipulations de la Convention européenne des droits de l'homme peuvent néanmoins être envisagés. La modulation des titres de séjour auquel l'étranger est éligible en fonction de sa réussite pourrait être mise en place. Ainsi, si le demandeur n'atteint pas le niveau A1 au bout d'un an, il ne pourrait pas obtenir la carte de séjour pluriannuelle, mais, sous réserve d'y avoir droit, une carte de séjour temporaire. Il pourrait, en outre, être imaginé un mécanisme de relèvement de la participation financière de l'étranger en cas d'échec aux tests de langue ou, du moins, en cas de non assiduité , comme cela est prévu en Allemagne.

L'exemple italien, qui se distingue par sa dimension fortement incitative, pourrait également constituer une source d'inspiration pertinente . Non seulement l'obtention d'un titre de séjour supérieur à un an est conditionnée par l'atteinte du niveau A2 mais, au-delà, l'étranger est incité à accumuler le plus grand nombre possible de crédits, par le succès à la formation linguistique, mais aussi par le suivi de formations complémentaires, l'exercice d'activités économiques ou le fait de trouver un logement. Un nombre insuffisant de crédits peut entraîner l'annulation de l'accord d'intégration, voire l'expulsion de l'étranger, tandis qu'un nombre élevé de crédits peut permettre de bénéficier des gratifications (accès à des activités culturelles et des formations financées par l'État).

Recommandation n° 1 : prévoir des mécanismes conditionnant la délivrance des titres pluriannuels de séjour à l'obtention du niveau de langue requis, afin d'inciter les bénéficiaires à s'impliquer pleinement dans leur formation.

2. Augmenter progressivement le niveau linguistique nécessaire pour l'obtention d'un titre de séjour pluriannuel à A2, à B1 pour la carte de résident et, par cohérence, à B2 pour la nationalité

Il est illusoire de penser qu'un étranger puisse s'insérer socialement et professionnellement dans la communauté nationale avec un niveau de langue équivalent à A1. Ce niveau ne permet ni l'emploi qualifié, ni la participation à la vie sociale et citoyenne, ni même la compréhension de la plupart des dossiers et formulaires administratifs. En outre, il reste inférieur à celui requis dans de nombreux pays européens.

Votre rapporteur spécial plaide pour un relèvement d'un « cran » de l'ensemble des niveaux de langues requis sur le modèle suivant :

- l'atteinte d'un niveau A2 pour l'obtention d'un titre pluriannuel de séjour. L'objectif d'atteinte du niveau A1 pourrait, néanmoins, être maintenu pour la première formation, l'atteinte du niveau A2 pouvant sembler trop ambitieux pour les publics disposant d'une maîtrise faible du français. Par ailleurs, votre rapporteur spécial insiste sur la nécessité d'inciter les étrangers à poursuivre leurs efforts de formation en français, quel que soit leur niveau, même s'ils reçoivent une attestation de dispense de formation linguistique. Si le niveau de français de l'étranger est faible tout en étant suffisant, un encouragement des migrants à poursuivre leur formation dans des parcours cofinancés par l'Office français de l'immigration et de l'intégration apparaît nécessaire ;

- l'atteinte du niveau B1 pour la carte de résident ;

- par coordination, l'atteinte du niveau B2 pour la nationalité, aujourd'hui fixé à A1.

Recommandation n° 2 : fixer des objectifs conformes à l'exigence d'intégration des immigrés, en augmentant progressivement le niveau de langue requis à l'issue de la formation de A1 à A2 et celui requis pour la carte de résident de A2 à B1.


* 24 Cour européenne des droits de l'homme, M.S.S. c. Belgique et Grèce (GC), 21 janvier 2011.

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