B. LE RAPPORT ANNUEL DE SYNTHÈSE DES CRÉDITS CONSACRÉS AU RENSEIGNEMENT ET LE RAPPORT ANNUEL D'ACTIVITÉ ET D'ORGANISATION DES SERVICES DE RENSEIGNEMENT

Deux rapports de synthèse des crédits ont été transmis à la DPR, en septembre 2014 pour l'exercice 2013 et en septembre 2015 pour l'exercice 2014.

Depuis 2016, la DPR est destinataire d'un « rapport annuel de la coordination nationale du renseignement » qui regroupe les deux documents.

1. Une présentation conforme aux voeux exprimés par la DPR et qui tend à s'améliorer

Cette présentation est conforme aux voeux exprimés par la DPR dans son rapport pour 2015. Il s'agit là d'une avancée très importante qui doit permettre à l'ensemble des décideurs, et notamment au Parlement, d'avoir une vision approfondie des caractéristiques de la politique publique du renseignement et de l'activité des services au titre de l'année écoulée.

Le rapport comprend quatre parties.

a) Une présentation de la politique publique du renseignement

Cette partie aborde les questions de gouvernance, d'organisation des services et d'appui à la politique publique du renseignement. Très exhaustive, dans le premier rapport pour 2015 (54 pages), cette partie constitue un document de référence qui fait l'objet d'une actualisation dans le rapport pour 2016 mettant en évidence les évolutions intervenues (22 pages), ce qui est satisfaisant, les parties descriptives étant renvoyée en annexe.

b) Une présentation de l'activité des services

D'un volume identique dans les deux rapports (25 pages environ), cette partie est consacrée à la présentation des trois finalités de l'activité des services de renseignement : l'aide à la décision, la prévention et la réduction des vulnérabilités, l'entrave et la neutralisation des menaces. Les activités sont décrites à l'aide de tableaux et de graphiques présentant des statistiques quantitatives et des indicateurs montrant la correspondance de la production des services aux axes stratégiques et aux priorités définies par le PNOR.

c) Une présentation des ressources consacrées au renseignement

Cette partie constitue le rapport annuel de synthèse des crédits d'une trentaine de pages qui comprend une analyse des ressources budgétaires allouées aux services de renseignement en fonds normaux comme en fonds spéciaux.

Cette concaténation de données est un document essentiel car la présentation budgétaire en loi de finances est éclatée entre les missions et les programmes, voire les unités opérationnelles, ce qui rend impossible de mesurer simplement l'effort de la Nation au profit de la politique publique du renseignement, de l'ordre de 2 à 3 Mds d'euros par an.

Le rapport pour 2016 permet de constater que les crédits généraux exécutés de 2014 à 2016 ont progressé de 12,6 %, traduisant une véritable impulsion notamment dans le cadre de la lutte anti-terroriste, et que la part des crédits consacrés au renseignement exécutée par les services (spécialisés ou non) se maintient à un niveau supérieur à 74 %, ce qui témoignent de l'orientation opérationnelle des dépenses. De 2014 à 2016, tous les titres connaissent une progression. La part des crédits de paiement finançant les dépenses de personnels (titre 2) s'établit aux alentours de 55 %, ce qui traduit l'importance des recrutements décidés en 2015 à la suite des attentats de 2015 tandis que les dépenses d'investissement se sont établies à leur niveau le plus haut depuis 2014, soit 32,7 %, ce qui peut traduire l'effort réalisé en faveur du renseignement technique ainsi que, probablement, un effet du cycle des investissements.

S'agissant des ressources humaines , le rapport met en évidence une progression soutenue de 12,7 % du nombre d'agents contribuant à la politique publique du renseignement , qui est passé de 15 259 postes en 2013 à 17 199 en 2016. Cet effort s'est traduit par la création de 1 248 dans les services spécialisés (+ 10,6 %), dont la moitié au sein de la DGSI, et de 678 postes au sein des services dits du second cercle (+ 20,78 %), ce qui illustre la priorité donnée aux services du renseignement intérieur et la prégnance des décisions prises en matière de lutte contre le terrorisme.

Au sein de cette population, on observe une grande stabilité, avec une légère augmentation des personnels contractuels et des personnels de catégorie A et A+, les véritables inflexions ne pouvant être mesurées que sur une période plus longue.

Le rapport comporte également des informations intéressantes sur le turn over et sur la mobilité interservices, qui reste extrêmement limitée alors qu'elle pourrait constituer progressivement un atout en matière de coordination des services et de fidélisation des compétences rares, tout en offrant des possibilités de développement de carrière.

Il dresse un focus sur la mise en oeuvre des différents plans de renforcement des effectifs qui se sont multipliés entre 2014 et 2016. La DPR note que les objectifs très ambitieux tendent à être de moins en moins tenus en raison des tensions que le recrutement des services fait peser sur le vivier des candidats qualifiés ainsi qu'à des difficultés que rencontrent certains services dans le recrutement d'agents contractuels. On estime le retard pris à 165 agents pour l'exercice 2016 (586 recrutements pour une prévision de 751). Il est peu probable que ce retard ait pu être comblé en 2017 compte tenu du niveau élevé de l'objectif pour cette année (775 recrutements prévus). Ces éléments montrent les limites d'une montée en puissance rapide des effectifs , qui exige des procédures de recrutement, d'habilitation, des efforts de formations, mais aussi des investissements pour accueillir les nouveaux agents.

Enfin s'agissant des ressources techniques, le rapport présente des statistiques intéressantes sur les techniques de recueil de renseignement soumises à autorisation, notamment sur le niveau des autorisations délivrées, ce qui permet utilement de compléter les informations que la DPR peut obtenir de la CNCTR dans son rapport public ou en application du 5° de l'article 6 nonies de l'ordonnance du 17 novembre 1958.

Les autres parties du rapport consacrées au renseignement humain, au renseignement technique non soumis à autorisation, au renseignement opérationnel et au renseignement de sources ouvertes non soumis à autorisation restent peu documentées en dehors de la description des capacités.

Celle consacrée au renseignement financier peut être utilement complétée par le rapport annuel de TRACFIN, seul service spécialisé publiant un rapport public de ses activités.

Le renseignement partenarial n'est pas inclus dans ce rapport en application des dispositions du dernier alinéa du I de l'article 6 nonies de l'ordonnance du 17 novembre 1958, qui exclut du champ de compétences de la délégation les informations portant sur des échanges avec des services de renseignement étrangers.

Si les informations concernant les capteurs sont assez exhaustives, il serait utile de compléter ces éléments par des éléments relatifs aux capacités de traitement de l'information qui devient un enjeu des politiques publiques de renseignement : compte tenu de l'abondance des données collectées, l'efficacité du renseignement technique exigera une capacité croissante à retrouver les données pertinentes et à les mettre en relation par des traitements automatisés.

La DPR salue cet effort d'estimation qui constitue une base de travail importante pour la DPR dans son travail d'évaluation de même qu'un document de référence et de pilotage pour la coordination nationale du renseignement et de la lutte contre le terrorisme (CNRLT). Elle apprécie le développement d'indicateurs mettant en adéquation le niveau d'activité et les priorités du PNOR.

Ce développement pourrait à l'avenir être prolongé par la mise en oeuvre d'indicateurs de performance mettant en relations les ressources budgétaires, humaines et techniques et le niveau d'activité des services .

L'inscription des services dotés de moyens croissants dans une démarche de performance doit être poursuivie par la mise au point de ces outils. Ils peuvent constituer des instruments de pilotage utile aux directeurs des services et d'appréciation objective de leur performance . La délégation propose qu'un travail de réflexion soit engagé sur ce point par l'inspection des services de renseignement.

Recommandation n° 2 : Confier à l'inspection des services de renseignement une mission sur la mise au point d'indicateurs de performance des services spécialisés de renseignement

d) Une présentation des coopérations au sein de la communauté du renseignement, entre la communauté du renseignement et son second cercle, et au-delà de la communauté du renseignement

Cette partie est plus développée (46 pages) dans le rapport pour 2016 (33 dans le rapport pour 2015). Elle démontre l'importance stratégique de la coopération entre les services, formalisée en 2008 sous le concept de « communauté du renseignement », par la création de la coordination nationale du renseignement et la mise en place de référentiels communs, la stratégie nationale du renseignement et le PNOR. Cette coopération est particulièrement mise en exergue dans la lutte contre le terrorisme.

Le rapport présente de façon très exhaustive :

- les coopérations opérationnelles entre les services selon leurs diverses modalités et par finalité ;

- les nombreuses coopérations techniques qui permettent le déploiement des programmes techniques interministériels ainsi que de rationaliser le recueil de renseignement d'origine électromagnétique ;

- les groupes de travail communs constitués sous l'égide de la coordination nationale du renseignement et de la lutte contre le terrorisme (CNRLT) avec l'appui du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN).

Il présente les coopérations avec les services du « second cercle », que ceux-ci appartiennent à la police nationale, à la préfecture de police de Paris ou à la gendarmerie nationale, ainsi que les coopérations entre ces services. La délégation note qu'il y aura lieu, à partir de l'année prochaine, d'intégrer dans ces analyses le bureau du renseignement pénitentiaire en application de la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 .

Enfin la présentation comprend quelques développements sur la coopération avec d'autres institutions, parmi lesquelles : l'Académie du renseignement, organisme de formation des personnels des services dont certaines activités se sont étendues en 2016 aux services du second cercle ; le groupement interministériel de contrôle ; le commissariat aux communications électroniques de défense ; le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale ; l'état-major des armées ; la direction générale de l'armement. On regrettera pour la lisibilité de cette dernière partie l'absence dans le rapport pour 2016 de la cartographie générale de la politique publique du renseignement qui figurait dans le rapport pour 2015 qui permettait de visualiser de façon globale et à travers différents pôles l'ensemble des relations entre les différents acteurs et leur intensité. Son rétablissement dans le rapport pour 2017 est souhaitable.

Pour être exhaustif, et disposer d'une vue complète sur la politique publique du renseignement, il est également envisageable d'intégrer les éléments qui, au sein des forces armées, activent la fonction interarmées du renseignement coordonnée par le directeur du renseignement militaire, même si ces forces n'entrent pas dans le champ d'application de l'article 811-4 du code de la sécurité intérieure qui porte sur l'utilisation de certaines des techniques de renseignement, la mission d'évaluation de la délégation s'étendant au-delà de ce seul domaine.

2. Un rapport transmis tardivement pour permettre son exploitation optimale

Pour autant, l'exploitation de ces rapports n'est guère optimale en raison de sa transmission tardive : 3 novembre 2016 pour le rapport portant sur l'exercice 2015, 18 décembre 2017 pour le rapport portant sur l'exercice 2016.

Si les raisons invoquées pour la fourniture en temps utile de ce rapport liée à la mise en place de la nouvelle mandature, à la réforme de la coordination nationale du renseignement et au choix opéré par le chef de l'Etat de faire valider le rapport annuel par le conseil national du renseignement sont recevables, elles ne sauraient néanmoins faire obstacle à l'exécution dans de bonnes conditions de la mission constitutionnelle de contrôle et d'évaluation des assemblées parlementaires, confiée en l'espèce, à la DPR.

Cette communication tardive ne lui permet guère d'approfondir son travail en organisant des auditions particulières ou en se faisant communiquer des précisions par voie de questionnaires complémentaires. Elle souhaite donc que le rapport annuel relatif à la politique publique du renseignement lui soit présenté au cours du premier semestre de l'année, au plus tard le 1 er juillet de façon à organiser un cycle d'auditions au second semestre sur la base des informations ainsi transmises.

Recommandation n° 3 : Transmettre le rapport annuel relatif à la politique publique du renseignement à la DPR au plus tard le 1 er juillet de l'année n+1.

Enfin, la délégation parlementaire devrait pouvoir se faire communiquer chaque année un document de synthèse sur les crédits de l'année en cours d'exécution tels qu'ils sont inscrits dans la loi de finances initiale ainsi qu'à l'automne un document de synthèse sur les crédits inscrits dans le projet de loi de finances soumis à l'examen du Parlement.

Recommandation n° 4 : Communiquer chaque année à la DPR une synthèse sur les crédits de l'année en cours tels qu'ils sont inscrits dans la loi de finances initiale et une synthèse sur les crédits inscrits dans le projet de loi de finances soumis à l'examen du Parlement.

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