ÉCHANGES AVEC LE PUBLIC À L'ISSUE DE LA SECONDE TABLE RONDE

Vivette LOPEZ, Sénatrice du Gard, Délégation sénatoriale aux outre-mer

Nous évoquons souvent la biodiversité ultramarine. Monsieur Sabatier a évoqué la forêt tropicale en Guyane. Je suppose que vous échangez avec les pays nordiques, qui ont d'autres espèces d'arbres, pour comparer les évolutions des arbres.

Daniel SABATIER, Botaniste, écologue des forêts tropicales, chercheur à l'Institut de recherche pour le développement (IRD), UMR AMAP, Montpellier

Les échanges sont diffus dans la matrice de la communauté des chercheurs qui s'intéresse à cette problématique et non directs, car ces systèmes écologiques sont très différents et il est compliqué de les comparer. S'agissant des impacts du changement climatique, il n'est pas encore possible d'identifier des impacts avec certitude en Guyane. Les modèles prévoient des changements de saisonnalité du climat, alors que dans les pays nordiques, la problématique est celle du réchauffement qui implique un changement latitudinal, ce qui représente une problématique différente. Les communautés végétales sont en outre différentes.

Catherine PROCACCIA, Sénatrice du Val-de-Marne, Délégation sénatoriale aux outre-mer

Les présentations m'ont paru particulièrement intéressantes.

Après la phase de recherche et d'essai in situ , avez-vous les moyens de développer les systèmes présentés, avec l'aide des gouvernements locaux ou du gouvernement français ?

Jean-Jacques POURTEAU, Délégué à l'outre-mer, Agence française pour la biodiversité

L'AFB se doit d'être à l'écoute de ces recherches et d'étudier les possibilités de faire de la biodiversité un outil de développement. Elle s'implique et porte ces projets pour témoigner de ce courant et faire en sorte que les moyens soient donnés à la mise en application des recherches des laboratoires. Nous avons donc un double rôle : être informés des recherches en cours et travailler avec les acteurs pour que ces projets trouvent le développement nécessaire et l'application qui peut en être faite. Ces séances de travail permettent de donner de la visibilité aux chercheurs et de les mettre en contact avec d'autres personnes. Nous nous trouvons dans un système économique responsable. Nous avons la volonté de créer une interface entre biodiversité et économie.

Pascale JOANNOT, Directrice des expéditions au Musée national d'histoire naturelle

Je vous remercie pour la qualité de ces interventions.

Nous mesurons les progrès réalisés sur les récifs coralliens. Nous avons vu pour la première fois des coraux pondre en France en novembre 1989 en Nouvelle-Calédonie et nous parvenons désormais en 2017 à élever des coraux, ce qui semblait alors impossible.

Après un cyclone, un récif dégradé a besoin de 15 à 18 ans pour commencer à se recouvrir et la diversité spécifique n'y est pas maintenue. Je salue donc les travaux du CRIOBE.

Michel MAGRAS, Président de la Délégation sénatoriale aux outre-mer

Si le monde corallien réagit comme la faune terrestre lorsqu'il est en danger, en accélérant son processus de reproduction, nous avons peut-être un espoir supplémentaire.

Jérôme BIGNON, Sénateur de la Somme

J'étais avec Madame Joannot en Nouvelle-Calédonie et au Chili. Nous sommes éblouis par les travaux des chercheurs et des gestionnaires de sites, qui doivent être capables d'atténuer les effets d'une gestion malheureuse et de mettre en pratique le travail de la recherche.

J'ai pu constater les progrès du CRIOBE, qui est pionnier dans ce travail incroyable, mais du temps est nécessaire pour que ce travail concret se développe et que les connaissances s'accumulent. Nous devons garder espoir. Cela n'a de sens que si nous conservons la capacité à chercher, car il existe un fort potentiel de résultats pour l'écotourisme et le développement de ces territoires. Je vous félicite pour la qualité de cette matinée.

Max PIERRE-FANFAN, Écrivain, journaliste et réalisateur

À l'attention de Monsieur Guitet, quelle est la nature de l'atout que représente l'important stock de carbone guyanais ? Est-ce un atout financier ? En effet, le prix de la tonne de carbone est fixé à 30 euros et il est assorti d'une taxe aux frontières.

Pour Monsieur Pourteau, avez-vous les moyens de développer ces systèmes ?

Le Luxembourg a présenté la plateforme Financeclimat en lien avec la Banque européenne d'investissement. Quelle est la contribution de l'État dans ce domaine ?

Jean-Luc PEYRON, Directeur du groupement d'intérêt public sur les écosystèmes forestiers Ecofor

Nous développons actuellement un système d'indicateurs de gestion durable des forêts ultramarines pour regrouper l'information qui existe sur ces forêts et la mettre à la disposition des décideurs. Cette démarche s'inscrit dans le sens des relations entre recherche et développement.

Stéphane GUITET, Ingénieur forestier et référent outre-mer, à l'Institut national de l'information géographique et forestière

Je précise que les stocks ne sont pas valorisables sous forme monétaire.

La Guyane dispose d'une formidable ressource renouvelable, mais sa balance économique est déficitaire sur le marché du bois, comme en France métropolitaine. Des efforts sont accomplis pour essayer de structurer les filières, certifier la gestion forestière et couvrir les besoins en matériaux. Des acteurs diversifiés sont nécessaires pour réussir cette structuration. Cette ressource peut également servir à produire de l'énergie par la filière biomasse en suppléant, voire en remplaçant des énergies non renouvelables, ce qui peut conduire à modifier fortement la composition de forêts sur quelques massifs. Ce coût environnemental peut cependant enclencher une dynamique vertueuse. Il faut se permettre d'envisager des choix « sacrificiels » sur une petite partie du patrimoine. La meilleure connaissance de ce patrimoine permettra de l'englober dans un aménagement rationalisé prenant en compte les enjeux de biodiversité et d'environnement.

Marc JEANNIN, Maître de conférences, Laboratoire des sciences de l'ingénieur pour l'environnement (LaSIE), Université de La Rochelle

Au sujet du transfert des recherches vers le monde économique, la start-up avec laquelle je travaille a obtenu un financement de plus de 2 millions d'euros d'un fonds d'investissement. Les domaines côtiers dépendent des politiques et les décideurs des travaux sont justement des politiques. Nous proposons des solutions, mais les politiques sont-ils capables de les acheter ?

Catherine PROCACCIA, Sénatrice du Val-de-Marne, Délégation sénatoriale aux outre-mer

Vos brevets peuvent-ils être rachetés par une entreprise qui les revendrait à des États ou des ports ?

Marc JEANNIN, Maître de conférences, Laboratoire des sciences de l'ingénieur pour l'environnement (LaSIE), Université de La Rochelle

L'entreprise a déposé un brevet pour se couvrir, mais il ne tiendra pas très longtemps. La recherche publique est effectivement incitée à déposer les brevets. Nous travaillons déjà avec des industriels. Toutefois, les investissements publics dépendent des décisions des politiques.

Michel MAGRAS, Président de la Délégation sénatoriale aux outre-mer

Vos propos s'adressent principalement aux élus locaux qui ont des projets de territoires. Sur une île ou en zone côtière, la prise en compte du développement futur intègre obligatoirement les milieux marin et terrestre. Le rôle des sénateurs est d'accompagner ces politiques, par des transferts de compétences, la possibilité de décider localement, l'accompagnement financier et les règlements facilitant la mise en place des projets. Nous comprenons le sens du mot « politique », mais la possibilité de trouver les moyens et de lancer les projets ne se fera pas sans l'apport des secteurs privé et associatif. Ce projet d'avenir nécessite la participation de tous les acteurs.

Daniel SABATIER, Botaniste, écologue des forêts tropicales, chercheur à l'Institut de recherche pour le développement (IRD), UMR AMAP, Montpellier

Les politiques et les scientifiques travaillent sur des systèmes complexes. Nous ne pouvons pas nous attendre à trouver des solutions ponctuelles. Nous devons avoir une vision intégrative, qu'il nous faut travailler.

Jean-Jacques POURTEAU, Délégué à l'outre-mer, Agence française pour la biodiversité

Je ne peux pas annoncer de chiffre concernant les moyens dont nous disposons. Notre vocation est de travailler avec les territoires, pour trouver avec eux les meilleures solutions aux problèmes qu'ils rencontrent. Si elles aboutissent à un développement économique local ou au recours à des systèmes qui allient recherche et développement économique, notre rôle sera de conseiller et d'apporter de l'expertise et de l'ingénierie à ces territoires. L'AFB n'a pour autant pas vocation à se substituer au système économique. Nous devons être capables de mettre en relation des acteurs économiques sur des thématiques dont nous ne connaissons pas encore le potentiel. L'économie de la biodiversité (économie verte et bleue) n'en est en effet qu'à ses balbutiements. Il est nécessaire d'établir des passerelles entre science et monde économique. Nous essaierons effectivement d'aider financièrement des lancements de projets si nous en avons la possibilité.

Maurice ANTISTE, Sénateur de la Martinique, Délégation sénatoriale aux outre-mer

Je suis étonné de la qualité de ces recherches. Existe-t-il un espace commun d'échanges sur ces thèmes ? Ces recherches sont dispersées, ce qui me semble problématique. Ne faudrait-il pas envisager d'instaurer un lieu d'échanges a minima annuel pour toutes ces recherches ?

Michel MAGRAS, Président de la Délégation sénatoriale aux outre-mer

La Délégation sénatoriale aux outre-mer, en partenariat avec l'AFB, a choisi sur son programme triennal de réaliser trois gros événements, dont le premier regroupera l'ensemble des actions menées dans le Pacifique et les deux autres, celles menées dans les territoires de l'Atlantique et de l'océan Indien.

Pascale JOANNOT, Directrice des expéditions au Musée national d'histoire naturelle

Dans chaque collectivité d'outre-mer, il existe des délégués régionaux à la recherche et la technologie. Il serait intéressant d'instaurer des échanges avec eux, car ils ont pour rôle de faire rayonner la science et de mettre les acteurs en relation. Cette fonction est encore méconnue et je vous invite à mettre en valeur leur activité.

Stéphane GUITET, Ingénieur forestier et référent outre-mer à l'Institut national de l'information géographique et forestière

Il existe pour cela des Groupements d'intérêt scientifique ou public (GIS et GIP) qui regroupent les gestionnaires et les acteurs de la recherche et sont ouverts aux collectivités pour échanger et monter des projets communs, notamment en Guyane (GIS IRISTA).

Alain GERVAISE, Directeur de programme « Forêt et Environnement » à l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN)

Monsieur Sabatier, comment expliquer la présence des milieux ouverts dans le sud de la Guyane ? Après une évolution de plusieurs centaines d'années, obtiendrait-on des forêts similaires à celles du nord ?

Daniel SABATIER, Botaniste, écologue des forêts tropicales, chercheur à l'Institut de recherche pour le développement (IRD), UMR AMAP, Montpellier

L'hypothèse la plus crédible actuellement est que ces massifs forestiers n'ont pas tous la même histoire depuis l'holocène, mais probablement aussi depuis le pléistocène. Des événements climatiques et les occupations humaines anciennes ont eu des conséquences sur ce massif forestier. Ces forêts sont un héritage. Celles du Sud sont plus dynamiques que celles du Nord. Une accentuation de la saisonnalité aurait un fort impact sur les forêts du Sud ; en accélérant leur dynamique elle pourrait accroître leur évolution de type régressif.

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