B. LOI N° 2017-227 DU 24 FÉVRIER 2017 RATIFIANT LES ORDONNANCES N° 2016-1019 DU 27 JUILLET 2016 RELATIVE À L'AUTOCONSOMMATION D'ÉLECTRICITÉ ET N° 2016-1059 DU 3 AOÛT 2016 RELATIVE À LA PRODUCTION D'ÉLECTRICITÉ À PARTIR D'ÉNERGIES RENOUVELABLES ET VISANT À ADAPTER CERTAINES DISPOSITIONS RELATIVES AUX RÉSEAUX D'ÉLECTRICITÉ ET DE GAZ ET AUX ÉNERGIES RENOUVELABLES

La loi du 24 février 2017 comporte plusieurs dispositions importantes pour le fonctionnement du système électrique et gazier .

Elle a d'abord ratifié l'ordonnance du 27 juillet 2016 et fixé ainsi un cadre légal à l'autoconsommation d'électricité , une pratique appelée à se développer dont il était nécessaire de préciser les contours.

En ratifiant l'ordonnance du 3 août 2016, elle a ensuite validé plusieurs mesures techniques pour accompagner le développement des énergies renouvelables et améliorer leur intégration au réseau.

Trois dispositions significatives ont par ailleurs été prévues pour mieux valoriser et exploiter le potentiel de ces énergies renouvelables :

- la loi a organisé la traçabilité de l'électricité verte subventionnée par la mise aux enchères, par et au bénéfice de l'État, des garanties d'origine associées à cette production. Un tel mécanisme empêchera la double rémunération des producteurs et dégagera des recettes qui viendront en déduction des subventions versées aux énergies renouvelables ;

- pour faciliter la réalisation des projets les plus éloignés du réseau, une réduction des coûts de raccordement jusqu'à 40 % , financée par les autres utilisateurs du réseau (mécanisme dit de la « réfaction tarifaire »), a été consentie pour les installations d'électricité et de gaz renouvelables raccordées aux réseaux de distribution ;

- un régime indemnitaire spécifique des producteurs en cas de retard de raccordement des énergies renouvelables en mer a été mis en place : s'appliquant aux projets déjà attribués, ce régime prévoit une couverture totale ou partielle de l'indemnisation, qui est plafonnée, par les tarifs d'utilisation des réseaux acquittés par tous les consommateurs.

Enfin, la loi a encadré les opérations liées au changement de nature du gaz acheminé dans le nord de la France et prévu une dispense de règles applicables en vertu du code de l'environnement pour les moulins existants situés sur certains cours d'eau et qui sont équipés aujourd'hui, ou qui le seraient demain, pour produire de l'électricité.

Au 31 mars 2018, plus de la moitié des mesures d'application requises par la loi sont parues (54 %, soit 7 mesures prises sur les 13 dispositions attendant un texte d'application) :

- le décret n° 2017-676 du 28 avril 2017 , qui fixe les conditions d'application du nouveau chapitre du code de l'énergie dédié à l'autoconsommation en application de l'article 1 er de l'ordonnance du 29 juillet 2016, a notamment précisé les modalités de calcul de la quantité d'électricité relevant du fournisseur d'un participant à une opération d'autoconsommation collective au titre d'un complément de fourniture, comme demandé à l'article 10 de la loi ;

- le décret n° 2017-569 du 16 avril 2017 , pris après avis de la Commission de régulation de l'énergie (CRE) conformément à l'article 12 , a défini les critères auxquels doivent répondre les installations d'énergie renouvelable situées dans les zones non interconnectées (ZNI) pour être appelées en priorité par le gestionnaire de réseau ;

- l' arrêté du 30 novembre 2017 a fixé, en application de l'article 14 , le taux de prise en charge par le tarif des coûts de raccordement des nouvelles installations d'électricité renouvelable à 40 % -soit le plafond prévu par la loi- jusqu'à 1 MW , ce taux étant ensuite dégressif jusqu'à 5 MW ; en application de l'article 19 , un deuxième arrêté du 30 novembre a retenu le même taux de 40 % pour toutes les installations de gaz renouvelable raccordées au réseau de distribution, quelle que soit leur puissance ;

- deux textes réglementaires ont précisé les modalités d'application du nouveau régime indemnitaire des énergies marines renouvelables défini à l'article 14 : le décret en Conseil d'État n° 2017-628 du 26 avril 2017 a plafonné les indemnités dues à 150 millions d'euros par an pendant trois ans, par installation de production, tandis que l'arrêté du 10 novembre 2017 a limité la part de ces indemnités laissées à la charge du gestionnaire du réseau de transport à un montant fixé par la CRE, dans la limite de 40 % des indemnités versées et d'un plafond de 70 millions par année civile pour toutes les installations ;

- enfin, le décret n° 2017-948 du 10 mai 2017 pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) a précisé, comme demandé par l'article 18 , le contenu des données mises à disposition , par les gestionnaires de réseaux de distribution, des consommateurs équipés de compteurs communicants Linky et Gazpar ainsi que leurs modalités de mise à disposition : ces dernières prévoient en particulier un espace sécurisé sur le site internet du gestionnaire qui permette au consommateur d'accepter ou de s'opposer à l'enregistrement et à la collecte de sa courbe de charge d'électricité ainsi qu'à la mise à disposition de ses données à des tiers, de disposer d'un système d'alerte lié au niveau de sa consommation et d'avoir des éléments de comparaison avec des consommations types. Un second décret , non attendu par la loi, n° 2017-976 du 10 mai 2017 , pris après avis de la Cnil, a par ailleurs précisé le contenu et les modalités de mise à disposition des données aux mêmes consommateurs, mais cette fois-ci par les fournisseurs : ces données de consommation, y compris leur coût - dont une évaluation du coût de l'énergie consommée mais non encore facturée -, doivent être également accessibles par le biais d' un espace internet sécurisé qui permette, de la même façon, aux consommateurs de faire part aux gestionnaires de réseaux de leurs choix en matière de traitement ou de mise à disposition des données .

Deux séries de dispositions étaient inapplicables au 31 mars , soit l'échéance retenue pour cet exercice annuel de contrôle :

- l'article 13 sur la valorisation des garanties d'origine , qui attendait un décret (trois occurrences) pour préciser les conditions de leur mise aux enchères , indiquer dans quel délai le producteur peut décider d'émettre une garantie d'origine et fixer les conditions dans lesquelles cette émission entraînerait la résiliation du contrat de soutien pour éviter une double rémunération.

Ces mesures sont depuis devenues applicables avec la parution, quelques jours après la période de contrôle du présent rapport, du décret en Conseil d'État n° 2018-243 du 5 avril 2018 ; ce dernier dispose en particulier que c'est l'organisme gestionnaire du registre national des garanties d'origine qui organise la mise aux enchères , et accorde une dérogation pour l'électricité renouvelable autoconsommée , y compris dans un cadre collectif, pour laquelle des garanties d'origine pourront toujours être émises par le producteur ;

- l'article 16 sur le changement de nature du gaz acheminé dans le nord de la France -alors que les Pays-Bas ont récemment confirmé l'arrêt progressif de la production gazière de Groningue d'ici à 2030-, qui appelle trois décrets , respectivement pour préciser les mesures mises en oeuvre par les opérateurs de stockage souterrain , les coûts induits pour ces opérateurs qui font l'objet d'une compensation par le gestionnaire du réseau de transport et les conditions dans lesquelles les gestionnaires de réseaux de distribution dirigent et coordonnent les opérations de modification de leurs réseaux et veillent à la compatibilité des installations, y compris intérieures, des consommateurs finals.

En réponse à la commission, le Gouvernement a confirmé que l'opération de conversion doit débuter en 2018 et s'achever au plus tard en 2029 . Alors qu'un décret était attendu, il est prévu qu' un arrêté soit publié mi-2018 pour préciser les tâches des opérateurs de stockage .

Pour tenir compte de l'impact d'une opération de conversion sur ces opérateurs, la loi avait prévu, au second alinéa de l'article L. 431-6-1 du code de l'énergie, la possibilité pour le gestionnaire du réseau de transport de conclure des contrats avec ces opérateurs pour spécifier la nature du gaz stocké durant la phase de modification, avec compensation par le gestionnaire de réseau de transport des coûts induits pour les opérateurs et couverture de cette compensation par le tarif d'utilisation du réseau.

Aucun contrat de ce type n'a été signé et il est probable qu'aucun ne le sera dès lors qu'est intervenue depuis , dans la loi « Hydrocarbures » ( cf. supra ), une réforme globale de l'accès aux stockages souterrains qui a prévu une régulation du revenu des opérateurs de stockage et un mécanisme de couverture tarifaire de leurs coûts fixé à l'article L. 452-1, en complément des revenus tirés de la mise aux enchères de leurs capacités de stockage. Il est donc attendu que la seule infrastructure de stockage concernée par l'opération de conversion dans le nord de la France demande une couverture de ses coûts dans cadre générique de l'article L. 452-1, plutôt que dans celui visé à l'article L. 431-6-1.

S'agissant du pilotage et de la coordination des opérations par les gestionnaires de réseaux de distribution prévue à l'article L. 432-13, le Gouvernement indique à la commission des affaires économiques que ses modalités d'application sont déjà précisées, pour l'opération à venir, par le décret n° 2016-348 du 23 mars 2016 et qu' un arrêté sera publié mi-2018 . Or, la commission rappelle que le décret de mars 2016 avait été pris sur le fondement d'une version antérieure de l'article L. 432-13 issue de la loi « Transition énergétique » dont le Gouvernement avait lui-même convenu qu'il ne suffisait pas pour permettre aux gestionnaires de réseaux d'intervenir sur les installations intérieures de gaz , ce qui justifiait sa réécriture par la loi « Autoconsommation ». Au vu de la rédaction actuelle de l'article L. 432-13, la commission s'interroge donc sur l'opportunité de procéder par arrêté , plutôt que par un décret modificatif du décret de 2016.

Enfin, et à défaut d'avoir pu introduire lui-même le principe d'une aide pécuniaire dans le texte, le Sénat avait demandé la remise d'un rapport sur l'accompagnement des consommateurs aux revenus modestes qui seraient contraints de remplacer un équipement inadaptable au nouveau gaz distribué ; ce rapport, attendu au plus tard pour le 23 février dernier, n'a à ce jour pas été remis , le Gouvernement indiquant qu' une mission confiée au Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGDD), à l'Inspection générale des finances et au Conseil général de l'économie, de l'industrie, de l'énergie et des technologies (CGEIET) est chargée d'étudier les différentes options juridiques et financières envisageables pour un dispositif d'aide .

L'opération de conversion devant débuter dès cette année, la commission des affaires économiques juge impératif d'aboutir rapidement et s'étonne de ce qu'il faille autant de temps et de ressources pour définir les contours d'une aide dont certains points méritent certes d'être affinés 24 ( * ) mais dont l'enjeu budgétaire devrait être somme toute limité , puisque seules certaines chaudières d'avant 1993 devraient être concernées, alors que la dépense occasionnée sera difficilement finançable par des consommateurs aux revenus modestes.


* 24 Qui impliquent en particulier de répondre à deux questions : tous les consommateurs concernés seraient-ils éligibles ou seuls ceux en situation de précarité énergétique ? Comment éviter les effets d'aubaine pour des équipements qui auraient de toute façon dû être remplacés à brève échéance sans lien avec le changement de nature du gaz acheminé ?

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