B. L'UTILISATION DANS LES PROCÉDURES ÉLECTORALES ET LE VOTE

1. Un cas d'usage encore fragile

Parmi ces applications, l'une a retenu l'attention de vos rapporteurs. En effet, la blockchain pourrait être l'élément permettant d'organiser des systèmes de votes électroniques fiables, condition de l'avènement d'une véritable démocratie participative.

Introduite dans le droit français en 2003, la consultation par internet n'est permise que pour les seuls Français de l'étranger . Elle a été utilisée lors des élections législatives de 2012 et des élections consulaires de 2014.

Un rapport parlementaire des sénateurs Alain Anziani et Antoine Lefèvre a cependant souligné « l'incapacité à concilier parfaitement la technique du vote électronique avec les principes fondamentaux de la démocratie élective : la sincérité du scrutin et le secret du suffrage 37 ( * ) ».

Louis Margot-Duclot, porte-parole en France de l'organisation Democracy Earth, explique que cette association cherche à « donner naissance à un système de vote électronique, par une application Web facile à utiliser et à déployer, qui permettrait à ses utilisateurs d'avoir un suivi de leur vote (et donc de savoir s'il n'a pas été changé), tout en empêchant les organisateurs du scrutin de modifier ses résultats et d'avoir accès aux informations personnelles des votants ». À cette fin, la plateforme compte s'appuyer sur la technologie blockchain , qui garantit l'enregistrement décentralisé de chaque vote au sein des ordinateurs du réseau. Un premier test, de portée symbolique, a été réalisé en 2016 à l'occasion du référendum colombien sur la réconciliation avec les FARC (Forces armées révolutionnaires de Colombie). Cette opération utilisait la blockchain du bitcoin, chaque vote étant enregistré en tant que transaction, à un coût négligeable pris en charge par l'organisation.

Toutefois, deux limites doivent être relevées : la vérification certaine de l'identité de l'électeur qui suppose toujours la médiation d'un tiers et la garantie du secret de l'isoloir.

2. Une analyse du Parlement Européen

Un rapport 38 ( * ) du Science and Technology Options Assessment (STOA), du service de recherche du Parlement Européen, sur les perspectives de la blockchain , indique par ailleurs qu'en Estonie la blockchain a été utilisée par des actionnaires lors de conseils d'administration. Le même rapport relève une initiative similaire au Danemark, dans le cadre d'élections partisanes internes.

Selon cet organisme, la blockchain est susceptible de répondre à une crise de confiance dans les démocraties modernes . Pour beaucoup d'experts, le déploiement du vote électronique lors d'élections nationales requiert au préalable d'importantes évolutions dans les systèmes de sécurité. Il souligne cependant que l'utilisation de la blockchain pour le vote électronique ne se résume pas à une simple amélioration technologique. En effet, l'utilisation d'une blockchain publique reflète certaines valeurs qui peuvent prendre le contre-pied d'une vision traditionnelle des élections, centralisée, opaque (pour protéger l'anonymat) et « top-down » . L'utilisation de la blockchain au contraire suppose une démocratie plus directe, décentralisée et « bottom-up ». Ainsi, la suggestion ambitieuse a pu être faite d'utiliser de tels protocoles afin d'encourager le développement de que l'on appelle la « démocratie liquide », terme qui qualifie un système de gouvernement où les citoyens peuvent voter directement sur des orientations, ou déléguer ce pouvoir à d'autres citoyens, de manière libre et réversible.


* 37 Rapport d'information « Vote électronique : préserver la confiance des électeurs », par Alain Anziani et Antoine Lefèvre (n° 445, 2013-2014).

* 38 Rapport « How blockchain technology could change our lives », février 2017, cf. http://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/IDAN/2017/581948/EPRS_IDA(2017)581948_EN.pdf

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