IV. FORMER L'ENSEMBLE DES CITOYENS : UNE IMPÉRIEUSE NÉCESSITÉ

A. UNE FRACTURE NUMÉRIQUE MULTIDIMENSIONNELLE

À l'heure actuelle, les inégalités d'accès se sont réduites, mais elles n'ont pas complètement disparu. Ainsi, 15 % des Français ne disposent pas d'Internet, 19 % n'ont pas d'ordinateur à domicile et 27 % d'entre eux ne possèdent pas de smartphone.

En réalité, la fracture numérique est multidimensionnelle.

1. Les facteurs discriminants

• L'âge

L'âge constitue le facteur discriminant le plus élevé, même si les inégalités se réduisent. Ainsi, le taux de connexion à Internet atteint seulement 57 % chez les personnes de plus de 70 ans contre 85 % pour l'ensemble de la population.

En outre, cette tranche d'âge semble dépassée voire indifférente devant les Technologies de l'information et de la communication (TIC) car celles-ci leur apparaissent difficiles à maîtriser du fait notamment, de leur évolution constante.

• La géographie

En 2015, la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat a remis un rapport d'information sur la couverture numérique de la France 95 ( * ) . Elle y dresse un bilan mitigé du plan France Très haut débit lancé en 2013 et visant à couvrir l'intégralité du territoire en très haut débit d'ici 2022.

Elle observe que le développement du plan s'appuie principalement sur une rénovation du réseau de cuivre et du réseau de câble, dont la capacité en débit n'est pas de même nature que la fibre optique : environ 30 Mbit/s en flux descendant, alors que la fibre offre un débit symétrique dépassant 100 Mbit/s.

À la fin de l'année 2016, 51,2 % seulement du territoire français bénéficie de l'accès au haut débit, avec de fortes disparités entre les zones urbaines (dans lesquelles 66,2 % des ménages et des locaux professionnels ont accès au haut débit) et les zones rurales (dans lesquelles seuls 31,2 % des ménages et des locaux professionnels ont accès au haut débit).

La commission juge ainsi inacceptable que certains Français situés en zone rurale ou de montagne n'aient accès qu'aux services minimaux de communications électroniques, par le fixe et le mobile, voire à aucun réseau, alors que les habitants des grandes villes se voient offrir des services toujours plus performants . En matière de réseau fixe, le rapport entre les accès varie de 1 à 100, certains utilisateurs disposant d'un débit supérieur à 100 Mbit/s, tandis que d'autres sont confrontés à un débit inférieur à 1 Mbit/s. Quant au mobile, le décalage est encore plus flagrant, si l'on compare l'absence de tout accès à la téléphonie mobile 2G dans certains territoires, avec la disponibilité d'offres « 4G+ » et bientôt 5G dans les grandes villes. Ce décalage est d'autant plus inacceptable que la plus-value apportée par les dernières technologies est bien plus importante dans les territoires ruraux que dans les zones urbaines déjà bien dotées, compte tenu de la rupture avec les débits actuellement disponibles.

Par ailleurs, selon une étude récente 96 ( * ), 11,1 % des consommateurs (soit 7,5 millions) sont inéligibles à un Internet de qualité 97 ( * ) . Cette exclusion numérique frappe majoritairement les plus petites communes de France. Ainsi, dans les communes de moins de 1 000 habitants, moins des deux tiers de la population a en moyenne accès à Internet dans de bonnes conditions alors que c'est le cas pour au moins 86,8 % des consommateurs dans les autres zones. En outre, en bénéficiant prioritairement aux villes disposant déjà d'un ADSL 98 ( * ) de qualité, le déploiement des réseaux de nouvelle génération ( fibre optique , câble ...) creuse les inégalités territoriales. Ainsi, le très haut débit est accessible pour moins de 1 % des habitants en Creuse ou en Dordogne, alors qu'il l'est pour plus de 90 % des habitants à Paris ou dans les Hauts-de-Seine.

• Le niveau d'éducation

Enfin, la fracture numérique est une fracture sociale et culturelle. Le taux de connexion à Internet varie ainsi de 54 % pour les non-diplômés à 94 % pour les diplômés de l'enseignement supérieur. De même, le pourcentage d'individus de plus de 18 ans disant tirer pleinement ou assez largement des possibilités offertes par les nouvelles technologies dans la vie de tous les jours varie de 73 % pour les cadres et les professions intellectuelles à 16% pour les non-diplômés.

Le niveau d'éducation constitue un facteur discriminant plus important que le niveau de revenus. Ainsi, le taux de possession d'un ordinateur varie de 69 % pour les bas revenus à 93 % pour les hauts revenus, mais de 50 % pour les non-diplômés à 92 % pour les diplômés du supérieur.

2. Des risques non négligeables d'exclusion

Or, les risques d'exclusion des non-utilisateurs se renforcent face à l'injonction de plus en plus généralisée de connexion permanente aux services en ligne dans tous les domaines de la vie en société, mais également dans la vie professionnelle.

Ainsi, 13 millions de Français déclarent avoir des difficultés avec le numérique et 40 % d'entre eux sont inquiets à l'idée d'avoir à réaliser leurs démarches administratives en ligne. Les personnes âgées, les personnes non-diplômées et les personnes en situation de précarité sont particulièrement exposées à ce risque d'exclusion numérique.


* 95 Hervé Maurey et Patrick Chaize : Couverture numérique des territoires : veiller au respect des engagements pour éviter de nouvelles désillusions ; rapport d'information n °193 (2015-2016).

* 96 UFC Que choisir, septembre 2017.

* 97 Entendu comme une connexion à un débit théorique supérieur à 3 Mbit/s. En deçà, l'utilisation dans de bonnes conditions de services tels que la visiophonie n'est pas possible.

* 98 Technique de communication numérique.

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