TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. AUDITIONS

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Réunie le mercredi 4 avril 2018, sous la présidence de M. Alain Milon, président, la commission entend M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics, sur la situation des finances sociales.

M. Alain Milon, président . - Nous accueillons cet après-midi M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics.

Après la communication, le 15 mars dernier, des résultats du régime général de sécurité sociale et la publication par l'INSEE, le 26 mars, des premiers résultats des comptes nationaux pour 2017, j'ai souhaité que notre commission des affaires sociales fasse un point sur la situation et les perspectives des comptes sociaux.

Ces résultats ne sont en effet que très partiellement disponibles et ne permettent pas, en l'état, de comprendre, par exemple, pourquoi le solde de l'assurance maladie enregistre une dégradation par rapport à la prévision, alors que les résultats globaux s'améliorent et que les recettes sont meilleures que prévu grâce à une progression soutenue de la masse salariale.

Nous souhaitons également faire le lien entre les régimes obligatoires de base, qui forment le champ du projet de loi de financement de la sécurité sociale et les administrations de sécurité sociale (ASSO) dont la contribution à la dette publique augmente alors qu'elles sont en excédent pour la première fois depuis 2008.

Nous avons également souhaité vous entendre, alors que le programme de stabilité devrait être présenté la semaine prochaine, sur les conséquences de ces résultats sur la période à venir, mais aussi sur les intentions du Gouvernement pour ce qui concerne les textes financiers. Ce sera l'occasion pour notre commission de vous exposer ses propositions dans ce domaine.

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics . - Je vous remercie de votre invitation pour évoquer les résultats des comptes sociaux et répondre à vos questions en cours d'année, alors que nous sommes en train de préparer l'avenir.

La situation des finances sociales s'est améliorée, comme l'ont montré les résultats du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) publiés mi-mars.

Le régime général reste certes déficitaire, mais connaît une amélioration patente, avec un déficit ramené à 5,1 milliards d'euros, soit le plus faible depuis quinze ans. Ce résultat est conforme aux prévisions de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018.

La situation financière de la plupart des branches s'améliore sensiblement. À 1,1 milliard d'euros, le déficit cumulé de la branche retraite et du FSV se réduit de 1,6 milliard d'euros par rapport à 2016, sous l'effet du dynamisme des recettes assises sur les revenus du capital, dont bénéficie le FSV. Celui-ci connaît un recul de son déficit, inférieur à 3 milliards d'euros pour la première fois depuis cinq ans.

La branche famille est proche de l'équilibre, avec un solde de moins 200 millions d'euros, dans un contexte d'accélération importante de créations de places d'accueil de jeunes enfants en 2017.

La branche maladie stabilise son déficit à hauteur de 4,9 milliards d'euros, malgré la perte du produit de la TVA. En tenant compte de l'évolution des recettes, sa situation s'améliore de 1 milliard d'euros sur l'année.

Enfin, la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) enregistre un excédent de 1,1 milliard d'euros.

Les administrations de sécurité sociale, soit la sécurité sociale, les régimes complémentaires des salariés, AGIRC et ARRCO, l'Unédic, la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie et la Caisse d'amortissement de la dette sociale sont en excédent de plus de 5 milliards d'euros, alors qu'elles étaient encore en déficit l'an dernier. Cette situation est plus favorable que ne le prévoyait la loi de programmation des finances publiques, construite sur des hypothèses prudentes en termes de contexte macro-économique.

Cette amélioration découle d'une reprise économique marquée. La masse salariale sur laquelle une large part des recettes sociales reste assise est en augmentation de 3,5 %. L'amélioration de la conjoncture a profité aux recettes de la fiscalité du capital affectées au FSV. De même, les recettes assises sur les revenus des travailleurs indépendants ont été plus dynamiques que prévu. À l'inverse, les cotisations dans le secteur agricole et au titre des agents publics sont inférieures aux prévisions.

Cette amélioration s'explique par la reprise économique, mais traduit également la maîtrise des dépenses. L'Objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) est tenu à 2,2 %, les prestations vieillesse n'accélèrent pas et l'accord Agirc Arrco de 2015 porte ses fruits, de même que l'on note un ralentissement des dépenses d'indemnisation chômage.

Cette amélioration touche la majeure partie du champ des administrations de sécurité sociale. Ainsi, les régimes complémentaires vieillesse pris dans leur intégralité sont à l'équilibre, avec un léger excédent de 300 millions d'euros, alors qu'ils étaient en déficit l'année dernière. L'AGIRC, l'ARRCO et l'Association pour la gestion du fonds de financement (AGFF) connaissent, quant à eux, un déficit bien moins important qu'en 2016. Cette amélioration s'explique par le rebond des recettes mais elle reflète également la maîtrise des dépenses, notamment la sous indexation d'un point de la revalorisation des pensions inscrite dans l'accord sur les retraites complémentaires de 2015. Enfin, l'Unédic réduit son déficit de 1 milliard d'euros par rapport à l'année précédente.

Ces bons résultats nous confortent dans la volonté de redressement des comptes publics. L'amélioration des comptes des administrations de sécurité sociale est un signal favorable, qui ne doit pas être mal interprété. La situation économique devrait continuer à porter ses fruits, mais les administrations de sécurité sociale n'ont pas de marges de manoeuvre. Nos engagements européens seront jugés sur notre capacité à poursuivre nos efforts en matière de maîtrise de la dépense. Chaque secteur des administrations publiques prend sa part dans cet effort. C'est dans ce contexte que le Gouvernement construit le programme de stabilité budgétaire 2018 2022, qui sera présenté dans quelques jours.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général . - Nous avons demandé à tous les ministres successifs de disposer d'une vision claire des comptes sociaux à la mi-avril. Nous avons le programme de stabilité financière mais nous ne disposons pas des données complètes chiffrées, qui doivent pourtant être disponibles.

Les risques maladie et famille sont connus, ils pèsent 250 milliards d'euros, ce qui impacte considérablement le budget de la France. De ce point de vue, une avancée du calendrier de publication des chiffres est souhaitable, mais est-elle possible ?

Comment la résorption de la dette qui n'est pas portée par la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) est-elle intégrée dans le scénario de plafonnement de l'excédent des ASSO prévu par la loi de programmation des finances publiques ?

Les résultats de l'assurance maladie pour 2017 sont déficitaires de 4,9 milliards d'euros. Notre commission avait mis l'accent sur la mobilisation exceptionnelle des recettes en faveur de cette branche. Comment expliquer, dès lors, un tel déficit, alors que la loi de financement pour 2017 prévoyait 2,6 milliards d'euros et la loi de financement pour 2018 une prévision rectifiée de 4 milliards d'euros ?

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État . - S'agissant des comptes publics, nous entendons votre demande. Vous savez que la Commission des comptes de la sécurité sociale (CCSS) procède à cette analyse détaillée en juin. Nous devons préparer le débat du programme de stabilité budgétaire en y intégrant un réajustement des prévisions. Or ce sont les mêmes équipes qui travaillent sur ces sujets et il leur est difficile de mener deux tâches de front dans les mêmes délais. Il existe sans doute des pistes d'amélioration afin de nous permettre d'être plus précis devant le Parlement.

En ce qui concerne l'assurance maladie, elle a subi une opération comptable. En 2017, 7,03 % du produit de la TVA était affecté, contre 0,34 % en 2018, à quoi il faut ajouter 5,5 % affecté à l'ACCOS. Ce changement d'affectation a joué un rôle dès 2017 sur les comptes de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (Cnamts), entraînant une perte de 1 milliard d'euros.

Comme je l'ai dit, compte tenu de cette opération comptable, qui a conduit à dégrader son déficit, l'assurance maladie a connu une amélioration de ses conditions financières.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général . - Votre réponse n'est pas tout à fait satisfaisante : vous affirmez manquer de moyens humains pour nous présenter une vision claire et complète, alors que vous la préparez pour le programme de stabilité. Au vu du poids des comptes sociaux dans le programme de stabilité budgétaire, nous devrions disposer d'une information complète. Je ne comprends pas que l'on puisse dire que cela attendra !

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État . - Je n'ai pas la certitude que nous disposions de la capacité d'être aussi précis que vous le souhaitez, mais nous pouvons certainement faire mieux.

J'ajoute, au sujet de l'affectation de la TVA, qu'il s'agit d'une opération comptable ponctuelle. Elle a un effet sur le déficit mais elle ne se reproduira pas les années suivantes.

M. René-Paul Savary . - Ma question porte sur les retraites, alors que la réforme systémique annoncée est en cours d'élaboration. Avec 330 milliards d'euros, soit 14 % du PIB en dépense, celles-ci pèsent plus lourd en France que dans les autres pays européens. Les recettes correspondantes représentent 13,8 % du PIB, entraînant un déficit annuel de 4,4 milliards d'euros. Comment prenez-vous en compte ce déficit dans la réforme à venir ? Faites-vous une priorité de sa réduction ? Avez-vous des discussions à l'échelle européenne sur ces besoins de financement qui influent sur l'équilibre des comptes sociaux ? L'Europe a-t-elle émis un avis sur cette réforme ?

Mme Frédérique Puissat . - La dette de l'Unédic représente onze mois de cotisations. À l'aube de la réforme de l'assurance chômage, quelle vision le Gouvernement a-t-il de cette dette, de ses échéances et des modalités de son apurement ?

M. Yves Daudigny . - L'amélioration des comptes sociaux, en particulier de la sécurité sociale, est une bonne nouvelle mais il ne faudrait pas qu'elle s'accompagne d'une dégradation de notre système de santé. Nous nous félicitons de voir l'Ondam rester équilibré mais, en parallèle, la situation de l'hôpital est très dégradée et demande que l'on y consacre des moyens.

Cette trajectoire de rétablissement des comptes a été initiée, et réussie, par le gouvernement précédent.

L'amélioration du FSV était inattendue ; en revanche, le maintien du déficit de la branche maladie est une mauvaise nouvelle. L'amélioration est due à l'augmentation de la masse salariale et des recettes tirées des revenus du capital. La réforme de la fiscalité du capital en cours ne risque-t-elle pas de provoquer une diminution de cette partie des recettes ?

M. Daniel Chasseing . - Je me félicite également de cette amélioration et de la reprise économique qu'elle traduit. Il faut maintenant poursuivre les efforts pour la sécurité sociale et l'Unédic.

En 2019, il sera nécessaire de prévoir des crédits supplémentaires pour les hôpitaux et les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), qui souffrent d'un manque d'investissements et de personnel.

M. Olivier Dussopt , secrétaire d'État. - Monsieur Savary, vous aurez l'occasion de travailler sur les retraites, vous connaissez le calendrier, la réforme doit aboutir en 2019. L'objectif qui a été fixé est de mener une réforme juste du système de répartition, permettant à tous ceux qui cotisent de bénéficier du même rendement. Nous sommes animés d'une volonté de protection, d'égalité et de simplification des systèmes articulés aujourd'hui autour de presque quarante régimes. Il ne s'agit pas de les faire tous disparaître mais la convergence est une nécessité. Le Haut-Commissaire Delevoye mène les concertations, il est à la disposition des assemblées pour évoquer le sujet, mais le Premier ministre n'ayant pas rendu ses arbitrages, vous imaginez bien que je ne vais pas les préempter.

Le sujet est important, au vu du poids qu'il représente et de la dette, mais la question n'est pas communautaire car les discussions avec les autorités européennes portent sur le solde et non sur la nature des dépenses. Je peux donc vous assurer que notre réflexion est libre de toute interférence communautaire.

Madame Frédérique Puissat , s'agissant de la dette de l'Unédic, la réforme de l'assurance chômage est conduite avec un objectif comptable clair : stabiliser la dette et ne pas l'alourdir. À ce stade, il n'est pas encore question d'apurement car nous devons construire la réforme avant d'étudier cette question. Dans un premier temps, nous veillons à ne pas aggraver la situation.

Messieurs Daudigny et Chasseing, l'Ondam a été fixé à 2,3 %, c'est-à-dire à un niveau élevé au regard des années précédentes. La trajectoire budgétaire prévoit que ce niveau sera maintenu jusqu'en 2022. Il faut ajouter à cela les réformes engagées : nous avons ainsi affecté 250 millions d'euros aux hôpitaux en février pour leur permettre de répondre à leurs besoins. Parmi les cinq chantiers qui font l'objet de concertation figurent la question de la tarification et celle de l'offre de soins, avec l'objectif de lutter contre la saturation des urgences. Nous réformons, nous revoyons l'offre de soins et nous maintenons le niveau de l'Ondam afin de garantir que les moyens nécessaires seront disponibles.

S'agissant de la réforme de la fiscalité, monsieur Daudigny, le risque que vous évoquez n'existe pas puisqu'elle permet de maintenir le même niveau de recettes pour le FSV.

M. Alain Milon, président . - Je peine à comprendre comment on peut se satisfaire d'un retour à l'équilibre des comptes sociaux alors qu'il s'est fait au détriment de l'humain, des hôpitaux et des Ehpad. On peut, certes, se féliciter d'un retour de l'activité économique, mais l'Ondam est insuffisant, car la progression tendancielle des dépenses est aux environs de 4 %.

Comment peut-on se satisfaire de donner 250 millions d'euros aux hôpitaux alors que leur déficit atteignait 500 millions d'euros en 2016 et 1 milliard d'euros l'année suivante ?

Le message positif, c'est la réussite économique et l'émergence de nouvelles ressources. Il faudrait plutôt communiquer sur ce sujet et annoncer qu'un jour l'activité économique permettra de fixer l'Ondam à un niveau suffisant pour que le personnel médical puisse enfin respirer.

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État . - J'accueille toujours vos conseils avec plaisir, monsieur le président. Vos propos sont de bon sens, il faut encourager la reprise. Nous savons les efforts demandés et nous connaissons la situation des hôpitaux et des Ehpad, qui est née de l'accumulation des difficultés et de l'évolution des besoins.

Nous avons intérêt à veiller à l'évolution des dépenses et à souhaiter des recettes très supérieures ; le relèvement de l'Ondam à 4 % représenterait une dépense de 3,4 milliards d'euros par an, mais ce ne serait pas de l'argent mal employé.

Mme Laurence Rossignol . - Ces résultats n'ont pas été obtenus d'un coup de baguette magique mais sont le fruit d'un processus long. La situation des hôpitaux ne peut être mise exclusivement au débit du gouvernement actuel, mais relève aussi de la responsabilité du précédent, et il en va de même en ce qui concerne les bons chiffres de la branche famille dont le déficit atteignait 2,5 milliards d'euros en 2012, contre 200 millions d'euros aujourd'hui.

Vous évoquez l'augmentation des créations de places d'accueil de jeunes enfants : l'augmentation de 60 % constatée cette année sur les demandes de subventions a été engagée en 2017 - vous avez été maire, vous savez comment cela se passe. Ce chiffre est le résultat d'une politique volontariste et je souhaite que cet effort se poursuive dans la prochaine convention d'objectifs et de gestion (COG) de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf).

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État . - En effet, on succède toujours à quelqu'un !

Mme Laurence Rossignol . - Et on a souvent un successeur !

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État . - Je suis d'accord avec vous, madame Rossignol, et s'agissant de la Cnaf, je ferai part de votre remarque à Mme la ministre des solidarités et de la santé car ce dossier n'est pas de mon ressort.

Mme Catherine Deroche . - N'oublions pas que l'amélioration de la branche famille s'est faite au détriment des classes moyennes.

Mme Laurence Rossignol . - Vous voulez dire des classes supérieures. L'effort a concerné les familles disposant de revenus mensuels supérieurs à 6 500 euros par mois.

Réunie le mercredi 17 avril 2018, sous la présidence de M. Jean-Noël Cardoux, président, la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale entend M. Yann-Gaël Amghar, directeur et M. Alain Gubian, directeur financier de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss), sur l'application de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2017.

M. Jean-Noël Cardoux , président. - Nous entendons aujourd'hui M. Yann-Gaël Amghar, directeur de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss), sur l'application de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2017.

Monsieur le directeur, vous pourrez ainsi nous expliquer l'évolution des recettes de la sécurité sociale en 2017 et les écarts constatés à l'issue de cet exercice par rapport à la prévision initiale, ainsi que le rendement des mesures nouvelles.

S'agissant des allègements généraux de cotisations, dont le Gouvernement envisage de revoir la règle de compensation, de quel montant parlons-nous ? Et, à votre connaissance, l'éventuel « effet retour » des créations d'emplois induites par ces mesures a-t-il été évalué ?

Il nous serait également utile que vous nous éclairiez sur les conséquences des allègements de charges sociales consentis par le précédent gouvernement, en particulier sur la branche famille - qui, je le rappelle, avaient été compensés par une augmentation de la TVA qui se disait « TVA sociale » sans l'être - et des modifications de la clé d'affectation de TVA, sur lesquelles de nouvelles réflexions seraient en cours dans le cadre du nouveau gouvernement.

Au bout du compte, pourriez-vous nous indiquer le niveau du stock de la dette de l'Acoss, qu'il n'est plus possible de transférer à la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) ? Selon vous, quel est l'état du risque que pourrait faire courir une augmentation des taux d'intérêt sur ce stock de dette ?

Enfin, sur un tout autre sujet, pourriez-vous faire un point sur l'état d'avancement de la réforme du régime social des indépendants (RSI) ? De premiers retours font état d'une situation difficile, ce qui, je vous le dis franchement, n'est pas pour m'étonner.

M. Yann-Gaël Amghar, directeur de l'Acoss. - En ce qui concerne les réflexions en cours sur les règles de compensation des allègements de cotisations, nous n'avons pas, en tant qu'opérateur, d'éléments particuliers à porter à votre information.

S'agissant du niveau de dette porté par l'Acoss, le plafond d'encours voté en loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2018 est de 38 milliards d'euros. Nous estimons que, pour différentes raisons tenant à la fois à l'amélioration de la conjoncture et aux évolutions du calendrier de paiement des entreprises, le point bas de l'exercice devrait se situer à 33,1 milliards d'euros, soit assez loin de ce plafond d'autorisation. Cette estimation est plutôt positive : elle montre que la situation de la sécurité sociale ne va pas en se dégradant. Elle est par ailleurs cohérente avec l'amélioration observée des comptes de la sécurité sociale.

En début d'année, de nombreuses entreprises sont passées d'un paiement trimestriel à un paiement mensuel de leurs cotisations, ce qui a eu un effet positif sur la trésorerie de la sécurité sociale. Cette évolution était prévue par un décret portant sur la mise en oeuvre de la déclaration sociale nominative (DSN), qui a renversé la logique prévalant en la matière : auparavant, une entreprise n'atteignant pas une certaine taille répondait au régime du paiement trimestriel, sauf choix contraire ; désormais, la logique qui prévaut est celle du paiement mensuel par principe, sauf choix contraire. Nous avons bien entendu accompagné cette évolution en déployant plusieurs campagnes d'information à destination des entreprises, afin de leur permettre d'exercer leur choix. Ces campagnes sont intervenues à la fin de l'année 2017 et en janvier 2018, soit après l'entrée en vigueur de cette nouvelle réglementation, de manière à ouvrir un « droit au remords » pour les entreprises. Nous constatons à cette date que 85 à 90 % des entreprises concernées - les chiffres sont encore en cours de stabilisation - sont passées à un paiement mensuel, sans difficultés particulières de paiement, ce qui a sensiblement dépassé nos prévisions.

La dette de la sécurité sociale est actuellement financée dans un contexte de marché plutôt favorable, qui se caractérise par une grande facilité à trouver des investisseurs ainsi que par la reconnaissance, par les organismes de la place, d'une haute qualité à la signature de l'Acoss comme à notre politique d'émission. Notre dette continue ainsi d'être émise à des taux négatifs, ce qui explique que nous constations une nouvelle fois en 2017 des produits financiers liés à la gestion de cette dette. D'un point de vue technique, le portage de cette dette n'est donc pas une difficulté. Pour les années qui viennent, nous anticipons, si la trajectoire prévue des comptes sociaux se confirme, une stabilisation puis une décroissance de cette dette.

S'agissant de la réforme du RSI, nous sommes toujours en transition : il n'y a pas eu de bouleversement majeur en début d'année. Le pilotage de l'activité de recouvrement, jusqu'alors partagé entre les deux réseaux, est désormais géré par des pilotes relevant de l'Union de recouvrement des cotisations de la sécurité sociale et d'allocations familiales (Urssaf) : c'est le principal changement. D'autres modifications sont intervenues concernant notamment la gestion du courrier ou la refonte des sites d'information. Du fait du caractère mineur de ces aménagements, nous n'avons pas à ce jour constaté de véritables difficultés.

Sur les améliorations qui doivent être apportées en termes de services, j'aimerais porter plusieurs éléments à votre connaissance. En premier lieu, le niveau de réponse téléphonique, qui constitue l'un des principaux critères d'évaluation du service rendu, a très fortement progressé en début d'année, atteignant 85 à 90 %. Dans le même temps, le volume des réclamations continue de diminuer, ce qui constitue également un élément satisfaisant.

Nous continuons par ailleurs à mettre en oeuvre un certain nombre d'améliorations du service rendu, dans le cadre du plan présenté par le Premier ministre le 5 septembre dernier. À ce titre, nous expérimentons notamment dans deux régions un accompagnement dédié aux créateurs d'entreprise, avec de premiers retours très intéressants. Nous avons aussi mis en service une application permettant aux micro-entrepreneurs d'effectuer leurs opérations de déclaration et de paiement.

Nous travaillons également à développer la possibilité pour les travailleurs indépendants d'ajuster plus rapidement leurs échéanciers, ce qui reviendra à mettre en place une forme d'autoliquidation maîtrisée d'ici à la fin de l'année. Nous nous sommes enfin attelés à la réforme de l'offre en ligne pour les autoentrepreneurs. S'agissant des améliorations déjà réalisées, je peux vous citer l'ouverture d'une possibilité de paiement par carte bancaire pour les artisans et commerçants.

L'ensemble de ces modifications s'inscrivent dans un mouvement d'évolution conforme aux prévisions annoncées, et non dans une rupture, que tout le monde souhaitait du reste éviter.

J'en reviens à l'exécution de la LFSS pour 2017. Cet exercice a été marqué par une croissance de 3,5 % de la masse salariale, à 0,8 point au-dessus de qui avait été prévu. Les recettes pour 2017 se situent à un niveau très proche de la prévision : un écart négatif de seulement 900 millions d'euros seulement a été constaté, écart qui n'est pas dû au montant des recettes portant sur les revenus d'activité, mais à celui de à certaines recettes fiscales, notamment en raison de la révision des affectations de recettes de la TVA. Les différentes mesures nouvelles ont produit les effets attendus : la baisse des cotisations famille a eu un effet de 920 millions d'euros en 2017 ; la hausse du taux des cotisations vieillesse, programmé dans le cadre des réformes des retraites, a eu un effet de l'ordre de 500 millions.

S'agissant de l'évolution de l'affectation de la TVA, une compensation nouvelle de la sécurité sociale à l'assurance chômage au titre de la baisse des cotisations salariales a été introduite en 2018 : la sécurité sociale garantit à l'assurance chômage l'intégralité de ses recettes de cotisations avant tout allègement, et se voit compenser le coût de cette prise en charge par l'affectation d'une fraction du produit de la TVA à l'Acoss. Cela se traduit par l'apparition d'un compte propre de l'Acoss, qui était jusqu'à présent transparente et se bornait à reverser les montants nécessaires aux différentes branches. Il est bien entendu que l'Acoss n'a pas vocation à accumuler des excédents et que, en cas d'écart entre ce produit de TVA et ce qui est reversé à l'Unédic, ces comptes seront répartis vers les différentes branches de la sécurité sociale.

Sur les perspectives pour 2018, la LFSS envisage une croissance de la masse salariale de 3,1 %, ce qui apparaît relativement prudent mais permettrait de constater, pour la première fois depuis 2001, un excédent du solde de la sécurité sociale de 1,2 milliard d'euros. L'ensemble constitué par le régime général et le Fonds de solidarité vieillesse (FSV) resterait cependant déficitaire (- 2,2 milliards d'euros), du fait du déficit toujours substantiel du FSV, marqué par l'effet durable du niveau de chômage qui se traduit mécaniquement dans ses dépenses. Le FSV sert en quelque sorte d'assurance pour le solde de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav) vis-à-vis des variations de la conjoncture.

Concernant le bilan de l'impact sur l'emploi des mesures prises, nous ne produisons pas nous-mêmes d'évaluation macro-économique de ce type.

M. Alain Gubian, directeur financier de l'Acoss. - Le dynamisme de la masse salariale en 2017 explique une partie importante de l'augmentation des recettes de cotisations.

Toutefois, il faut noter que le montant des allègements généraux a augmenté, de 7,3 %, ou 4 % si on exclut l'effet de l'allègement des cotisations familiales, soit une progression nettement plus rapide que les prévisions. Le montant des autres exonérations n'a augmenté dans le même temps que de 0,3 %.

Les créations d'emploi sur la période récente ont en effet été concentrées sur les secteurs pour lesquels ces allègements généraux sont les plus important et ont concerné des postes rémunérés autour du Smic. Les recettes supplémentaires liées à la progression de la masse salariale se sont ainsi élevées à 300 millions d'euros au lieu de 1,3 milliard d'euros.

À l'inverse, la hausse de la croissance économique a eu un effet important sur les recettes assises sur les revenus du capital, qui ont excédé les prévisions de plus de 800 millions d'euros. Le forfait social a également connu un rendement supérieur aux prévisions, de 200 millions d'euros.

La LFSS pour 2018 a prévu la non-compensation des 500 millions d'euros de moindres recettes liées au crédit d'impôt sur la taxe sur les salaires. Cette loi a également acté l'abandon de la mise en place de la contribution supplémentaire de solidarité, ce qui représente un manque à gagner de 400 millions d'euros.

La Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam) a perdu l'affectation d'une part de TVA, remplacée par une fraction de CSG. À compter du 1 er janvier 2018. La Cnam n'a donc pas bénéficié du versement de TVA prévu en janvier mais qui correspondait à des ressources au titre de l'année 2017. Cela représente environ un milliard d'euros de moindres recettes.

S'agissant des déficits cumulés de l'Acoss, il restait 6 milliards d'euros de déficit non repris par la Cades fin 2015. Ce montant atteignait 13,9 milliards d'euros fin 2016 et 19 milliards d'euros fin 2017. Compte tenu des prévisions de déficit pour 2018, il atteindrait 21,2 milliards d'euros à la fin de cette année.

M. Jean-Noël Cardoux , président . - Il faut distinguer ce montant de dette comptable avec le point bas de trésorerie en cours d'exercice, qui est d'environ 33 milliards d'euros.

M. Alain Gubian. - Tout à fait. De plus, l'Acoss assure par ailleurs le financement d'autres organismes, notamment la Mutualité sociale agricole (MSA), ce qui peut augmenter les besoins de trésorerie.

Pour 2018, nous n'avons pas encore d'éléments comptables pour apprécier la mise en oeuvre de la loi de financement. Nous constatons toutefois que les prévisions de croissance convergent vers un niveau de 2 %, alors que la LFSS a été construite sur une hypothèse de 1,7 %. Cet écart entre les prévisions et la réalité est d'ailleurs courant dans les phases de reprise économique. L'hypothèse de progression de la masse salariale retenue était de 3,1 %. Or, on prévoit qu'elle atteindra au moins le niveau observé pour le quatrième trimestre 2017, soit 3,5 %. Toutes choses égales par ailleurs, une telle progression de la masse salariale entraînerait une hausse des recettes assises sur les revenus d'activité de l'ordre de 800 millions d'euros.

Les données de trésorerie dont nous disposons à ce stade vont également dans le sens d'une masse salariale dynamique, portée notamment par une adhésion plus forte que prévu des petites entreprises au prélèvement mensuel.

M. Jean-Noël Cardoux , président . - Je vous remercie pour ces éléments. Je souligne avant de passer la parole au rapporteur général que la tuyauterie que représentent les flux de financement de la sécurité sociale est de plus en plus complexe. Cela est peut-être de nature à justifier un rapprochement des lois de finances et de financement de la sécurité sociale.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe , rapporteur général . - Pourriez-vous nous présenter les conditions de financement de la dette portée par l'Acoss ? Percevez-vous un risque particulier lié à la sensibilité de votre agence aux évolutions de taux ?

La loi de programmation des finances publiques, tout comme le programme de stabilité prévoient pour la période 2018-2022 un écrêtement du « bénéfice » des administrations de sécurité sociale (ASSO) à 0,8 % du PIB. Quelles conséquences de cet écrêtement prévoyez-vous pour la dette de l'ACOSS à cet horizon ? Est-ce compatible avec une réduction satisfaisante de cette dette ?

Dans le même esprit, avez-vous davantage de précisions sur la possible évolution de principe de compensation des mesures d'exonérations de portée générale ? Nous sommes également à l'écoute de vos commentaires sur un tel mécanisme.

M. Yann-Gaël Amghar. - Je ne connais pas la décomposition de l'écrêtement prévu par la loi de programmation des finances publiques, notamment en ce qui concerne l'Acoss. Néanmoins, si les prévisions de retour à l'équilibre puis à un excédent des comptes sociaux à partir de 2020 se confirment, cela devrait permettre une décrue rapide de la dette.

Le principe de compensation est mis en oeuvre de manière différente selon les exonérations. Pour les allègements généraux, il s'agit d'un panier de ressources fiscales affectées. Cela peut par définition entraîner une décorrélation entre le coût effectif des exonérations et le montant de la compensation.

Les autres exonérations sont généralement compensées à l'euro près. Il convient de noter qu'un certain nombre d'exonérations qui n'étaient pas compensées le sont depuis 2017. Cela me semble relever d'une logique de gestion vertueuse.

S'agissant des effets sur l'emploi de ces exonérations, il existe une littérature abondante sur les allégements généraux, mais ce n'est pas le cas pour les mesures récentes ni pour les exonérations ciblées.

M. Alain Gubian. - Pour répondre à l'interrogation sur le financement de la dette, il faut comprendre qu'elle est très liée à la création d'emplois. Si la croissance du PIB est moins dynamique qu'au début des années 2000, on constate que c'est une croissance plus enrichie en emplois que par le passé. Cela ne remet pas forcément en cause les effets des allègements de charges sur l'emploi mais c'est bien le facteur clé qui explique la dynamique de l'emploi. Une dynamique qui est d'ailleurs plus forte que ce que devrait générer spontanément les 2 % de croissance.

S'agissant du modèle de financement de l'Acoss, nous avons opéré un changement depuis plusieurs années : nous nous appuyons sur les marchés financiers de court terme. Sur la place de Paris, nous utilisons en particulier depuis 2007 des produits comme les Negotiable European Commercial Papers (NEU CP), qui sont les anciens billets de trésorerie. Depuis la crise de 2010 et l'explosion de la dette publique, nous sommes autorisés à nous financer sur les marchés internationaux pour diminuer le coût de gestion de notre trésorerie et en particulier à Londres où nous émettons des Euro Commercial Paper (ECP). Le recours à ces marchés plus profonds permet de diminuer nos coûts de financement.

Depuis trois ou quatre ans, la part de ces deux instruments dans le financement de l'Acoss est très importante : 22 % pour les NEU CP et 74 % pour les ECP, soit une part totale de 96 % de nos financements. Pour le reste, il s'agit des apports de trésorerie provenant d'une part de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), pour 800 millions d'euros en 2017, et d'autre part de la Caisse des dépôts et consignations (CDC). Le recours à la CDC nous est très utile, spécifiquement le 9 de chaque mois, lorsque nous devons honorer le paiement des pensions du régime général et que nous avons à ce titre un besoin de trésorerie de 9 milliards d'euros. En plus des financements de marché, le prêt de très court terme de la CDC est vraiment le bienvenu. Nous sommes d'ailleurs en cours de renégociation de notre convention avec la CDC et souhaitons sécuriser ce prêt mensuel pour faire face aux creux de notre trésorerie.

Pour répondre à la question du rapporteur général sur le risque d'une remontée des taux d'intérêt, il est indéniable que nous avons engrangé les bénéfices de la faiblesse des taux. Sur les quatre premiers mois de l'année 2018, nous nous refinançons en effet à des taux négatifs de 0,45 % sur les NEU CP et 0,57 % sur les ECP. A ce stade, la tendance est claire jusqu'à la fin de l'année : la Banque centrale européenne (BCE) n'anticipe pas une remontée des taux sur les marchés donc il en sera de même pour ses taux directeurs. Le cas échéant, nous pourrions d'ailleurs encore allonger nos maturités. Nous avons d'ailleurs affiché, pour nos investisseurs étrangers, notre plafond de dette de façon à ce qu'ils comprennent que nous disposons d'un volume de dette important à financer. Au regard du taux Eonia actuel de 0,35 %, nous bénéficions vraiment de taux très avantageux.

Néanmoins, des risques pèsent sur l'avenir si la dette de l'Acoss ne se réduit pas. Elle est évidemment liée à la chronique des excédents et déficits du régime général. Les hypothèses de la LFSS prévoient des excédents donc on peut imaginer que la dette va se réduire à hauteur de ces 5 à 10 milliards d'euros d'excédents, s'ils se concrétisent. C'est bien la logique du modèle de la sécurité sociale que de se trouver à l'équilibre sur le cycle, l'Acoss devant bénéficier des pics et faire face aux creux de conjoncture. Sur les taux de long terme, il n'y a pas de tensions perceptibles puisqu'ils demeurent assez stables. On essaye d'avoir les meilleurs taux et l'Acoss jouit d'une position d'émetteur public de qualité en particulier sur le marché des devises.

M. Jean-Marie Morisset . - Lorsque le législateur décide, dans la dernière loi de financement de la sécurité sociale, d'alléger les cotisations sociales des actifs, en contrepartie d'une hausse de la CSG, quel effet ces mesures ont-elles concrètement sur la feuille de paie du salarié ?

En contrepartie, comment la compensation pour la sécurité sociale s'opère-t-elle et à partir de quelles recettes ? Et comment l'Acoss reverse-t-elle ces recettes aux caisses ?

M. Yves Daudigny . - Une première question sur le FSV. Pouvez-vous me confirmer que le déficit du FSV est de 3,4 milliards d'euros ?

M. Yann-Gaël Amghar. - Oui...

M. Yves Daudigny . - L'essentiel des recettes du FSV est désormais tiré essentiellement des prélèvements sociaux sur les revenus du capital. Comment évoluent ces recettes au regard de la conjoncture économique alors que l'on sait que le FSV, qui finance notamment les validations de trimestre gratuits au titre du chômage, joue un rôle de stabilisateur automatique auprès des régimes de retraite ?

Pouvez-vous par ailleurs me confirmer que la hausse des recettes de cotisations sociales consécutive au fort dynamisme de la masse salariale (+ 3,5 %) n'a été que de 300 millions d'euros en 2017 alors qu'elle aurait dû être de 1,3 milliard d'euros sans les allègements généraux ?

M. Yann-Gaël Amghar. - Tout à fait. La perte liée à ces allègements peut être estimée à 1 milliard d'euros.

M. Yves Daudigny . - Enfin, à en croire un article de Patrick Artus dans l'édition du jour du quotidien Les Échos, le pic de croissance constaté à la fin de l'année 2017 dans la zone euro serait derrière nous. Quelle importance accordez-vous à ce jugement et quelles conséquences sur les recettes de la sécurité sociale ?

Mme Catherine Fournier . - Pouvez-vous me précisez où le coût de gestion de la dette sociale portée par l'Acoss figure dans vos comptes ? Est-il imputé dans le résultat année par année ? De même, j'ai bien compris le cercle vertueux entre hausse de la croissance et réduction de cette dette. Mais ne peut-on tout de même pas craindre que l'amélioration de la conjoncture ne fasse augmenter les taux d'intérêt ? De même, dans quelle mesure les allègements successifs de cotisations sociales ralentissent-ils l'amortissement de votre dette ?

M. Yann-Gaël Amghar. - Je pense qu'il faut distinguer les évolutions comptables, qui comprennent notamment les droits transférés entre caisses puis entre bénéficiaires, et les sujets plus opérationnels. Les recettes de l'agence sont de l'ordre de 500 milliards d'euros en 2017. Pour les trois quarts, elles viennent des cotisations versées par les employeurs, qu'ils soient privés ou publics, en règle général chaque mois, sauf pour les travailleurs indépendants, pour lesquels le versement est trimestriel. Ces ressources sont immédiatement mises à disposition des organismes habilités, comme les caisses de sécurité sociale pour les dépenses de retraite, les dépenses d'assurance maladie et les allocations familiales, l'assurance chômage, les autorités organisatrices de transport auxquelles nous versons le produit du versement transport, ainsi que la CNSA. Le calendrier de nos versements est variable car il dépend des besoins de trésorerie des organismes. Les versements les plus importants ont lieu le 9 de chaque mois et concernent les pensions de retraite du régime général. S'agissant des dépenses d'assurance maladie, d'allocations familiales ou de RSA, les versements sont plus réguliers.

J'en viens aux mesures en faveur du pouvoir d'achat des salariés votées dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018. Le coût prévu de la baisse de cotisations s'élève à 14 milliards d'euros pour les salariés, 2,3 milliards pour les travailleurs indépendants et 700 millions pour les fonctionnaires à travers la mobilisation de dispositifs spécifiques. Cette baisse est compensée par une hausse de la CSG de 1,7 point, qui représente 15,3 milliards d'euros. Une partie est affectée à la sécurité sociale, qui bénéficie également d'une affectation de TVA pour le solde. Afin d'éviter que l'assurance chômage ne subisse une baisse de ses ressources, le versement de l'agence est calculé en fonction des règles antérieures aux mesures en faveur du pouvoir d'achat. En somme, on transforme la recette fiscale en cotisations pour l'assurance chômage.

Il faudrait effectivement une analyse économique, qui ne relève pas de nos missions, pour savoir si nous aurions enregistré 300 millions d'euros de recettes supplémentaires si les allègements n'avaient pas été mis en place, pour déterminer leurs effets sur l'emploi et donc sur la masse salariale.

Concernant la dette sociale, elle nous rapporte de l'argent depuis peu, à hauteur de 100 millions d'euros par an, en raison de l'évolution des taux d'intérêt. La dette étant intégrée à notre compte de résultat, son coût alourdissait notre déficit annuel il y a encore quelques années et il avoisinait même parfois un milliard d'euros. Je rappelle que la dette de l'Acoss n'est que la résultante des déficits successifs, desquels on retranche la dette transférée à la Cades.

Le montant de 3,4 milliards d'euros pour le FSV que j'ai évoqué est celui mentionné dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2018, qui se fondait sur les prévisions réalisées en septembre 2017. Ce montant n'intègre pas l'amélioration des revenus du capital observée l'année dernière. S'il est trop tôt pour connaître le montant exact de ces revenus, il est toutefois possible que l'on observe une amélioration des comptes du FSV en 2018.

M. Alain Gubian - Le déficit du FSV fin 2017 était de 2,9 milliards d'euros, contre une prévision de 3,6 milliards. En 2018, nous ne savons pas encore précisément comment évolueront les comptes du FSV, qui ne sont pas uniquement sensibles à la croissance économique.

Il ne rentre pas dans les missions de l'Acoss de faire des prévisions sur l'évolution à moyen terme de la croissance économique. Nous intégrons seulement les observations conjoncturelles les plus récentes dans nos travaux. Le consensus des économistes qui alimente notre réflexion table sur une croissance de 2 % pour 2018, sans préjuger du taux en 2019. En tout état de cause, la croissance en 2018 sera supérieure à ce que nous attendions lors de notre prévision en 2017. En cas de reprise, les prévisions sont souvent revues à la hausse, mais il arrive forcément un moment où les prévisions se retournent. Certains économistes, à l'instar de Patrick Artus, pensent que nous avons déjà dépassé le point haut de la croissance. Les difficultés de recrutement peuvent en effet parfois annoncer un regain d'inflation et un ralentissement de la croissance. Je n'ai pas l'autorité pour trancher ce débat entre économistes. Notre baromètre mensuel du mois de mars, qui sortira prochainement, montre que les embauches sont très dynamiques, corroborant l'enquête Besoins en Main-d'OEuvre (BMO) de Pôle emploi publiée la semaine dernière.

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