N° 660

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2017-2018

Enregistré à la Présidence du Sénat le 12 juillet 2018

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom du groupe de suivi sur le retrait du Royaume-Uni et sur la refondation de l'Union Européenne (1) sur les négociations en vue du retrait du Royaume - Uni de l' Union européenne ,

Par MM. Jean BIZET et Christian CAMBON,

Sénateurs.

Tome 1 : Rapport

(1) Ce groupe est composé de : MM. Christian Cambon et Jean Bizet, présidents ; MM. Pascal Allizard, Olivier Cadic, Gilbert-Luc Devinaz, Mme Joëlle Garriaud-Maylam, MM. Jean-Noël Guérini, Benoît Huré, Mmes Gisèle Jourda, Fabienne Keller, MM. Claude Kern, Ronan Le Gleut, Didier Marie, Pierre Médevielle, Mme Colette Mélot, MM. Ladislas Poniatowski, Simon Sutour, Jean-Marc Todeschini, Richard Yung.

PRINCIPALES RECOMMANDATIONS

Sur l'accord de sortie du Royaume-Uni de l'Union Européenne :

Le groupe de suivi du Sénat s'inquiète de la possibilité que les négociations du « Brexit » n'aboutissent pas dans les temps. Un « no deal » aurait de lourdes conséquences pour les citoyens et les entreprises : il n'est toujours pas exclu à ce stade, car tant qu'il n'y a pas d'accord sur tout, il n'y a d'accord sur rien.

Le risque pour l'Union est de se trouver confrontée au choix entre un « no deal » et une remise en cause inacceptable de ses lignes rouges , au rang desquelles l'intégrité du marché unique. En particulier, la proposition britannique du 6 juillet 2018 s'apparente à un marché unique « à la carte », inacceptable pour l'Union .

Deux questions sont pendantes, alors que le temps utile pour la négociation est désormais compté. En particulier, l'Irlande apparaît comme un véritable « noeud gordien ».

Sur la question des résidents européens au Royaume-Uni, le groupe de suivi :

Demande qu'un protocole séparé de l'accord de retrait soit établi, afin de garantir que les éléments auxquels les négociateurs sont parvenus seront bien préservés, en cas d'échec des négociations ;

Appelle le gouvernement britannique à répondre aux 150 questions adressées par les associations représentant les citoyens européens sur leur statut, à doter les administrations britanniques de capacités d'enregistrement suffisantes et à lancer une vaste campagne d'information à l'intention des citoyens européens résidant au Royaume-Uni, afin que tous puissent, le moment venu, faire valoir leurs droits ;

Juge qu'une définition de leurs droits par la loi, et donc par le Parlement britannique, offrirait davantage de stabilité aux résidents européens ;

S'inquiète de l'extinction au bout de 8 ans de la compétence de la Cour de justice de l'Union européenne et du contrôle, à l'issue, par une « autorité indépendante ». L'indépendance d'une telle autorité et la réalité de ses moyens sont des points de préoccupation.

Estime que des clarifications doivent également être apportées aux Britanniques résidant dans l'Union européenne.

Sur la question de l'Irlande , le groupe de suivi souligne que :

L'Irlande est le noeud gordien des négociations du Brexit. Les acquis de de la zone commune de voyage (1922) et de l'accord du Vendredi Saint (1998) doivent être préservés. La mise en place d'une frontière physique entre les deux parties de l'Irlande est impensable. Ce n'est pas une option possible.

Pour autant, le Brexit fera de la frontière intra-irlandaise, longue de 500 km, la frontière extérieure de l'Union européenne.

A ce stade, et faute de proposition alternative crédible des autorités britanniques, l'option dite du « backstop », consistant à créer une zone réglementaire et douanière commune entre l'Union et l'Irlande du Nord, est la seule crédible.

Les partisans du Brexit dur, dans une sorte de chantage, voudraient faire peser sur l'Union européenne la responsabilité des décisions à prendre pour mettre en oeuvre la décision du peuple britannique.

Il importe que l'Union européenne conserve un front uni et demeure ferme sur ses lignes rouges.

L'Union doit marquer sa solidarité avec l'Irlande, État membre qui a joué la carte européenne avec confiance.

Sur le règlement financier , le groupe de suivi prend acte des avancées qui ont permis de définir les bases d'un compromis ; il juge toutefois nécessaire de maintenir une grande vigilance dans la suite du processus pour que tous les engagements soient respectés.

Sur la question du futur accord de libre-échange , le groupe de suivi :

Estime que la proposition britannique du 6 juillet 2018 ne répond pas aux critères définis par le Conseil européen le 23 mars 2018 en ce qu'il s'apparente à un « accès à la carte » au marché européen ;

Demande au gouvernement britannique de préciser sa position en détaillant les modalités de l'union douanière envisagée ;

Considère que le traité proposé ne règle pas clairement la question de la frontière avec l'Irlande ;

S'interroge sur la valeur juridique des engagements britanniques à ne pas pratiquer de dumping social ou environnemental.

En ce qui concerne les différents secteurs économiques directement concernés par le retrait du Royaume-Uni , le groupe de suivi :

Demande, qu' en matière agricole , le futur accord de libre-échange précise les règles relatives aux origines des produits, au suivi et les contrôles à mettre en place afin que le Royaume-Uni ne se transforme pas en plateforme de réexpédition de produits issus de pays tiers ;

Souhaite, dans le domaine de la pêche , le maintien des possibilités de pêches et des accès existants aux eaux pour tous les types de bateaux et la mise en place d'une gestion commune et durable des stocks ; demande que soit garanti le maintien de deux accords : la convention de Londres sur la pêche, signée en 1964, et l'accord dit de de la baie de Granville, signés par la France et le Royaume-Uni en juillet 2000.

Estime, qu' en matière industrielle , le futur accord de libre-échange devra limiter les barrières non-tarifaires, prévoir des droits de douane limités réduits et juguler les difficultés logistiques liées au rétablissement d'un contrôle douanier ;

Juge indispensable de préciser rapidement les contours d' un régime d'équivalence pour les services financiers afin d'éviter un risque de concurrence exacerbée entre le Royaume-Uni et l'Union européenne ;

Considère que les chambres de compensation installées à Londres devraient, conformément à l'avis de la Banque centrale européenne, être transférées sur le territoire de l'Union européenne.

Sur la sécurité et la défense , le groupe de suivi fait valoir que :

Après son retrait, le Royaume-Uni demeurera un partenaire essentiel en matière de défense ; de par sa capacité opérationnelle, il restera un élément fondamental de la défense de l'Europe.

La relation franco-britannique devra continuer à constituer l'un des socles de l'Europe de la défense, le Royaume-Uni étant le seul pays européen à partager la culture stratégique de la France.

La coopération avec le Royaume-Uni devra également rester forte en matière de sécurité intérieure, tout particulièrement pour la lutte contre le terrorisme (coopération policière et judiciaire, échange d'information).

Il faudra trouver les voies et moyens d'une association étroite des Britanniques à la sécurité et à la défense du continent européen. Un traité de de sécurité et de défense entre l'Union et le Royaume-Uni devra être négocié.

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