N° 661

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2017-2018

Enregistré à la Présidence du Sénat le 12 juillet 2018

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des affaires européennes (1) sur les relations entre l' Union européenne , la Serbie et le Monténégro ,

Par MM. Jean BIZET, Claude KERN et Simon SUTOUR,

Sénateurs

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Bizet, président ; MM. Philippe Bonnecarrère, André Gattolin, Mmes Véronique Guillotin, Fabienne Keller, M. Didier Marie, Mme Colette Mélot, MM. Pierre Ouzoulias, Cyril Pellevat, André Reichardt, Simon Sutour, vice-présidents ; M. Benoît Huré, Mme Gisèle Jourda, MM. Pierre Médevielle, Jean-François Rapin, secrétaires ; MM. Pascal Allizard, Jacques Bigot, Yannick Botrel, Pierre Cuypers, René Danesi, Mme Nicole Duranton, M. Christophe-André Frassa, Mme Joëlle Garriaud-Maylam, M. Daniel Gremillet, Mme Pascale Gruny, Laurence Harribey, MM. Claude Haut, Olivier Henno, Mmes Sophie Joissains, Claudine Kauffmann, MM. Guy-Dominique Kennel, Claude Kern, Pierre Laurent, Jean-Yves Leconte, Jean-Pierre Leleux, Mme Anne-Catherine Loisier, MM. Franck Menonville, Georges Patient, Michel Raison, Claude Raynal, Mme Sylvie Robert.

AVANT-PROPOS

Du 21 au 25 mai 2018, une délégation de la commission des affaires européennes du Sénat composée de son président, M. Jean Bizet, MM. Simon Sutour et Claude Kern, s'est rendue en Serbie puis au Monténégro.

Prévue à quelques jours du Sommet des Balkans occidentaux, tenu à Sofia le 17 mai, cette mission est intervenue à un moment où l'attention des institutions européennes se concentre de nouveau sur les Balkans occidentaux. En effet, la Stratégie pour les Balkans, publiée par la Commission européenne le 6 février dernier, évoque la date de 2025 comme un horizon d'adhésion possible, confirmé par le paquet « élargissement » adopté le 17 avril.

Toutefois, dans le même temps, à moins d'un an des élections européennes et face à la perspective du Brexit, la consolidation de l'Union européenne actuelle apparaît prioritairement avant d'envisager de nouveaux élargissements. Tel était notamment le message du Président de la République française 1 ( * ) , entendu avec une attention particulière par les interlocuteurs que nous avons rencontrés.

Notre mission ne pouvait pas non plus faire abstraction du contexte plus général dans lequel s'inscrivent les Balkans occidentaux, moins de vingt ans après les derniers conflits armés liés à la dislocation de l'ex-Yougoslavie. Cette région, située au coeur géographique de l'Europe, est un enjeu majeur pour notre sécurité. À l'heure notamment où la France lutte contre le terrorisme, n'oublions pas que Daesh a émergé entre autres en Bosnie-Herzégovine et que les armes utilisées au Bataclan auraient transité par le Monténégro. De même, la stabilité de la zone est d'autant plus un défi qu'elle est potentiellement soumise à de fortes pressions ou à des influences externes liées à ses grands voisins : la Russie de Vladimir Poutine ou la Turquie de Recep Tayyip Erdogan. Enfin, les Balkans et l'Europe centrale d'une façon générale, constituent aussi une tête de pont économique pour la Chine dans le cadre des nouvelles routes de la soie 2 ( * ) .

L'évolution et la stabilité des Balkans occidentaux constituent ainsi une question majeure pour l'Union européenne.

Quelle est la situation de la Serbie et du Monténégro à la fin de la décennie 2010 ? Comment évoluent leurs relations avec l'Union européenne ? Quels messages devons-nous leur envoyer et, le cas échéant, quels statuts et quels calendriers l'Europe doit-elle leur proposer ? C'est pour tenter de répondre à ces questions que nous avons souhaité aller à la rencontre des dirigeants serbes et monténégrins.

Le présent rapport reprend les principaux enseignements de notre mission en revenant successivement sur chacun de ces deux pays candidats.

I. LA SERBIE : UN ÉTAT STABLE QUI SE POSE EN PARTENAIRE

A. LA SERBIE DEMEURE LE PIVOT DES BALKANS OCCIDENTAUX

Après l'éclatement de la Yougoslavie dont elle constituait le centre politique, la Serbie demeure le pays le plus important des Balkans occidentaux bien que les stigmates des conflits récents y soient encore perceptibles.

1. Un pôle de stabilité dans un environnement complexe

La République de Serbie est l'État le plus peuplé de la région 3 ( * ) . Elle s'appuie aussi sur une administration largement héritée des structures centrales de l'ex-Yougoslavie. Cette réalité d'une très efficace administration serbe, notamment dans le domaine du renseignement 4 ( * ) , a été très perceptible tout au long de notre mission De même, la Serbie s'est fait remarquer par sa mobilisation particulièrement forte dans la prise en charge de près de deux millions de migrants 5 ( * ) dès le début de la crise en août 2015. Le pays semble bénéficier aussi d'une réelle stabilité politique ainsi que d'un retour aux grands équilibres économiques.

a) Au plan politique

La République serbe n'est une démocratie que depuis 2000 et les élections de 2014 ont été l'occasion d'un renouvellement massif de la classe politique. Depuis lors, la stabilité politique du pays tient actuellement à la domination, sur l'échiquier politique, du principal parti au pouvoir, le SNS (droite conservatrice et pro-européenne), et de son leader, Aleksandar Vuèiæ, Premier ministre de 2014 à 2017 puis élu Président de la République de Serbie le 2 avril 2017 6 ( * ) . Il s'appuie sur une majorité absolue à l'Assemblée nationale (chambre unique du Parlement serbe), issue des élections législatives anticipées d'avril 2016. Mme Ana Brnabiæ, 42 ans 7 ( * ) , a été nommée au poste de Premier ministre (première femme à ce poste) en juin 2017. Les élections municipales du 4 mars à Belgrade (près du quart de la population du pays) ont consacré la domination du parti du Président (45 % des suffrages) et l'affaiblissement de l'opposition libérale comme nationaliste.

La solidité de l'État serbe ne s'est pas, pour l'heure, traduite par une normalisation complète du fonctionnement des institutions au regard des critères occidentaux. En effet, le pays reste affecté par la corruption et différents trafics comme celui des armes. Aux dires de certains experts, la situation aurait même tendance à se dégrader, comme en témoigne l'inscription récente de la Serbie sur la liste grise du GAFI 8 ( * ) . En matière d'État de droit, des griefs sont régulièrement adressés par la Commissions européenne 9 ( * ) , et les progrès observés sont parfois peu évidents.

Notons toutefois que le pays a sollicité l'avis de la Commission de Venise sur son projet de réforme constitutionnelle relatif au pouvoir judiciaire. Suite au rendu de cet avis le 23 juin 10 ( * ) , la ministre de la justice, Mme Nela Kuburoviæ, s'est engagée à ce qu'il soit pris en compte dans le texte que le gouvernement soumettra prochainement à l'Assemblée nationale serbe.

Les institutions serbes offrent donc un certain contraste entre, d'une part, les progrès qui restent à accomplir en matière d'État de droit et, d'autre part, des responsables politiques et administratifs désireux de moderniser le pays dans la perspective européenne. Le fort engagement de l'administration serbe dans ce sens nous a été confirmé à maintes reprises, en particulier par les experts européens, notamment français, actuellement en poste dans les ministères à Belgrade.

b) La consolidation économique

Après plusieurs années de récession et trois programmes du FMI depuis 2009, l'économie serbe connaît désormais une amélioration sensible de ses résultats. La reprise est bien ancrée (une croissance de +2,8 % en 2016 et +2 % en 2017) et le chômage est passé de 25 % en 2016 à 19 % au début 2018. Les mesures budgétaires engagées par le gouvernement Vuèiæ en concertation avec le FMI ont porté leurs fruits sans handicaper la croissance : le solde public était excédentaire en 2017 et la dette publique 11 ( * ) a baissé de 6 points de PIB, notamment grâce à l'appréciation du dinar face à l'euro et au dollar.

De même, après une baisse des salaires du secteur public et des pensions en 2012, l'année 2018 est marquée par un début de revalorisation. Les autorités disposent désormais d'une marge de manoeuvre restaurée pour lancer les investissements publics longtemps reportés.

L'inflation reste sous contrôle, tandis que le stock de prêts non performants continue de se réduire. La soutenabilité de la dette publique n'est pas encore garantie, le pays étant notamment vulnérable à l'environnement monétaire international en raison de son endettement en devises. De ce point de vue, la forte progression des investissements directs étrangers 12 ( * ) est une bonne nouvelle pour la consolidation économique du pays. Ceux-ci viennent essentiellement de l'Union européenne 13 ( * ) , mais aussi de Turquie, de Chine 14 ( * ) dans le cadre de sa stratégie dite des nouvelles routes de la soie, et des pays du Golfe 15 ( * ) . En revanche, si les investissements russes sont faibles en valeur, ils se concentrent sur le secteur stratégique de l'énergie.

Cette amélioration conjoncturelle ne doit pas masquer les fragilités qui affectent toujours les fondamentaux de l'économie serbe. Selon les projections de la Banque mondiale, la Serbie a besoin d'une croissance supérieure à 5 % pour espérer une convergence avec la moyenne de PIB/habitant de l'Union européenne d'ici 20 ans. On était jusque-là bien en deçà de ces objectifs mais les perspectives restent favorables pour l'année 2018. La croissance devrait être de 4,5 %, en particulier grâce aux réformes structurelles de ces dernières années 16 ( * ) . Toutefois, un élément plus préoccupant continue d'affecter le potentiel de croissance à terme du pays ; il s'agit de l'exode massif des jeunes travailleurs qualifiés vers l'Union européenne (en particulier vers l'Allemagne). Ce mouvement a d'ores et déjà des conséquences macro-économiques puisque la population a diminué de 15 % depuis 2000.

2. Un pays toujours marqué par les conflits des années 1990
a) Une place dans la région encore difficile à trouver

Sur le plan régional, la Serbie a cherché ces dernières années à normaliser ses relations avec les pays voisins, sur un plan bilatéral mais aussi multilatéral avec sa participation aux processus de Berlin et de Brdo-Brijuni notamment.

Les processus de Brdo-Brijuni et de Berlin

Le Processus de Brdo-Brijuni : Il associe 6 États : L'Albanie, la Bosnie-Herzégovine, la Serbie, le Monténégro, l'ancienne République yougoslave de Macédoine (RYM) et le Kosovo. Tenu pour la première fois en 2013 à l'initiative des Présidents slovène et croate, l'objectif est clair : l'intégration européenne des pays de la région et la stabilisation de la situation dans les Balkans occidentaux en renforçant la coopération régionale. Le but du processus est de remplacer les initiatives régionales préexistantes, trop déclaratives et sans résultats. Il oeuvre en synergie avec le processus de Berlin. Après Skopje en avril 2018, le prochain processus se tiendra en Albanie en 2019.

Processus de Berlin : Il associe les 6 États des Balkans occidentaux du processus de Brdo-Brijuni ainsi que 6 États membres de l'Union européenne : Allemagne, Autriche, Croatie, France, Italie et Slovénie. Tenu pour la première fois en 2014 à Berlin, il est depuis organisé annuellement 17 ( * ) . Le processus a pour objectif principal d'accélérer l'adhésion dans l'Union européenne des pays de la région en développant les liens multilatéraux et en renforçant la coopération régionale. Sont, entre autres, nés de ce processus : trois projets ferroviaires d'envergure, la mise en place d'un marché régional d'électricité ainsi qu'un plan d'investissement d'envergure de 500 millions d'euros en 2017 : « The Balkan Marshall Plan ».

Cependant, les initiatives de la Serbie trouvent leurs limites dans les lourds contentieux non apurés, hérités des guerres des années 1990.

Notre mission a pu en prendre toute la mesure à travers l'expression d'une grande inquiétude concernant la situation en Bosnie-Herzégovine, qui serait plus préoccupante encore que pour le Kosovo. L'influence déstabilisatrice de la Turquie est mise en cause. Le dirigeant bosniaque Bakir Izetbegovic jouerait de cette influence afin de consolider son pouvoir en privilégiant la construction d'un « État-musulman » au détriment d'un « État-citoyen ». Les Bosniaques seraient dès lors devenus majoritaires sur le territoire au détriment des Croates et Serbes qui auraient, pour leur part, tendance à s'unir pour contrer le « projet hégémonique » du SDA de Bakir Izetbegovic.

La situation en Bosnie-Herzégovine

Selon nos interlocuteurs, la Bosnie serait la principale difficulté régionale de long terme. La population musulmane, devenue majoritaire (51 %), s'efforçait en Herzégovine de pousser les Croates au départ 18 ( * ) pour, ensuite, engager « un règlement de compte définitif avec les Serbes ».

Cette préoccupation est étayée par une série de statistiques démographiques. La population croate de Bosnie avait diminué de 63 % entre 1991 et 2018, passant de 760 000 à 315 000. Les Serbes en Bosnie avaient également connu une hémorragie importante, passant de 1 366 000 en 1991 à 1 080 000 en 2018. Enfin, Sarajevo, à 97 % bosniaque, ne serait plus une ville multiethnique. La population serbe dans la ville est passée de 154 000 en 1991 à moins de 1 000 personnes. Ces données de terrain « ne semblaient pas nous intéresser » en Europe occidentale.

Le leader bosniaque, M. Izetbegovic, n'aurait rien de sincère lorsqu'il affirme vouloir rejoindre l'Union européenne. Il s'appuierait sur le Président turc Erdogan, « véritable patron du pays », pour transformer la Bosnie en « État-musulman », dont les Croates et les Serbes ne veulent pas 19 ( * ) . En ce sens, ce dernier aurait déclaré avoir « reçu la Bosnie en héritage de son père pour la gouverner sous l'égide de la Turquie ».

Enfin, votre délégation a ressenti l'irritation de ses interlocuteurs devant « les discours de bureaucrates européens » qui affirmaient croire à la volonté de la Bosnie de rejoindre l'Union européenne et qui pointent du doigt les dirigeants serbes et croates de Bosnie, Dodik et Covic, comme des « enfants terribles ». À ce stade, il n'y aurait pas de « solution susceptible de satisfaire les trois peuples ».

De façon plus directe, la perception de la Serbie dans les Balkans occidentaux est fortement hypothéquée par la situation du Kosovo et ce, bien au-delà des seules communautés albanophones de la région.

b) La difficile question du Kosovo

À l'issue du conflit de 1999, le Kosovo est devenu un État dont l'indépendance est largement reconnue, à l'exception de l'ancienne « métropole »

La reconnaissance du Kosovo

Les États refusant de reconnaître le Kosovo : aujourd'hui, le Kosovo n'est reconnu ni par l'ONU ni par l'Union européenne. Ceci s'explique par le choix de la Serbie ainsi que 34 autres États et le Saint-Siège qui ont refusé de reconnaître l'indépendance du Kosovo (dont 5 États de l'Union européenne : Chypre, Espagne, Grèce, Roumanie et Slovaquie). En dehors de l'Union européenne, 2 États membres du Conseil de sécurité de l'ONU ont considéré la déclaration d'indépendance du Kosovo du 17 février 2008 comme illégale : la Russie et la Chine.

Les États reconnaissant le Kosovo comme indépendant et souverain : 116 États membres de l'ONU, dont la France, et 22 autres membres de l'Union européenne.

Depuis la fin de la guerre en 2000, le dialogue entre Belgrade et Pristina a connu des fortunes diverses. Les deux principales étapes en ont été :

- la déclaration unilatérale d'indépendance du Kosovo du 1 er janvier 2008, toujours considérée comme illégale par la Serbie, mettant en avant la résolution 1244/NU du Conseil de sécurité aux termes de laquelle le Kosovo est une province serbe sous protection des Nations unies 20 ( * ) ;

- l'accord de Bruxelles du 19 avril 2013 intervenu entre les deux pays sur la normalisation des relations.

Cet accord, fortement encouragé par l'Union européenne 21 ( * ) , a permis des avancées réelles (circulation des personnes et des biens, octroi d'un indicatif téléphonique international au Kosovo, et intégration des magistrats serbes au sein du système judiciaire kosovar, fin 2016). Néanmoins, plusieurs points importants n'ont pas été mis en oeuvre tels que la création de la Communauté des municipalités à majorité serbe du Kosovo et le démantèlement des structures parallèles serbes du pays.

Alors que le processus de Bruxelles semblait avoir épuisé ses effets, les Présidents Thaçi et Vuciæ, qui se sont rencontrés à plusieurs reprises depuis l'été 2017, ont manifesté l'intention de s'engager dans une phase plus politique du dialogue visant à la « normalisation complète » des relations entre les deux pays. Cette normalisation des relations entre les deux pays est une condition explicite fixée par l'Union européenne à l'intégration européenne de la Serbie (chapitre 35 des négociations d'adhésion, ouvert fin 2015). Elle n'est pas définie précisément mais le plus souvent interprétée comme signifiant l'établissement de relations entre deux États sans toutefois aller jusqu'à la reconnaissance formelle de l'indépendance du Kosovo par la Serbie.

Notre mission est intervenue à un moment de regain de tension suite notamment à l'incident ayant eu lieu le 26 mars 2018, au cours duquel les forces spéciales du Kosovo seraient intervenues dans la partie nord du pays pour arrêter un ministre serbe venu rencontrer les communautés locales. Notre délégation tire trois enseignements des échanges qui ont été tenus :

- la volonté de dialogue du Président Aleksandar Vuèiæ nous a semblé réelle et il serait particulièrement souhaitable que de tels échanges se poursuivent dans le cadre du processus de Bruxelles. Il s'agirait alors d'une démarche particulièrement courageuse et devant être saluée. En effet, de l'avis unanime, la question du Kosovo demeure une « plaie ouverte » pour la Serbie et il semble particulièrement difficile d'avancer sur le sujet ;

- les modalités de la « normalisation complète » sont encore en débat. À ce jour, on distingue trois problèmes principaux à résoudre pour progresser dans la mise en oeuvre des accords de Bruxelles :

• La liberté de circulation accordée par l'Union européenne sans visa pour les habitants du Kosovo 22 ( * ) ,

• le statut d'autonomie des provinces majoritairement serbes du nord du pays,

• la distribution d'énergie au Kosovo.

Il convient aussi de faire mention de l'option évoquée par le Président Vuèiæ consistant à échanger des territoires 23 ( * ) entre les deux pays. Il apparaît toutefois que la remise en cause des frontières issue de la dislocation de la Yougoslavie pourrait constituer un risque fort de déstabilisation pour l'ensemble de la région.

Outre le levier que constitue la perspective d'adhésion à l'Union européenne de la Serbie, l'une des clés de la résolution du différend réside dans la qualité de la relation entre la Serbie et l'Albanie 24 ( * ) .

Pour conclure, nous avons ressenti chez nos interlocuteurs une certaine fébrilité lorsqu'on évoque la question du Kosovo dans la mesure où non seulement l'opinion publique, mais aussi une part importante des responsables, ont le sentiment que cette question est la seule qui intéresse l'Union européenne et que le sort de l'adhésion du pays serait uniquement lié au « chapitre 35 25 ( * ) . »

Telles étaient nos analyses à notre retour de Belgrade à la fin du mois de mai. Elles demeurent à nos yeux d'actualité même après le 1 er juin, jour où le Président serbe a annoncé son intention de procéder à un référendum sur l'indépendance du Kosovo .

Tout en demeurant très attentif à l'évolution de ce processus, nous ne pouvons, à ce stade, qu'en souligner l'ambivalence. D'une part, cette annonce conforte notre sentiment quant à la volonté d'Aleksandar Vuèiæ de s'engager pleinement sur ce dossier, mais, d'autre part, l'issue négative du référendum étant aujourd'hui assez prévisible, sa tenue est de nature à tendre la position de la Serbie et de son opinion publique pour la suite des négociations.


* 1 Discours de la Sorbonne tenu le 26 septembre 2017.

* 2 Cf le rapport d'information n°520 du 30 mai 2018 de nos collègues Pascal Allizard, Gisèle Jourda, Édouard Courtial et Jean-Noël Guérini, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées : Les nouvelles routes de la soie : simple label économique ou nouvel ordre mondial ?

* 3 Plus de 7 millions d'habitants, soit près de deux fois plus que la Bosnie-Herzégovine (3,8 millions d'habitants). La Serbie représente aussi 45 % du territoire et près de 55 % de la population des Balkans occidentaux.

* 4 Notre coopération est en effet particulièrement dense en matière de lutte contre les trafics d'armes et de terrorisme, au travers de l'Unité permanente de renseignement criminel (UPRC) franco-serbe.

* 5 Leur prise en charge a été considérée comme parfaitement conforme aux standards européens. Ceci doit être particulièrement signalé, notamment eu égard à la taille du pays.

* 6 Dès le premier tour et pour 5 ans.

* 7 Ana Brnabiæ nous a clairement donné le sentiment d'incarner une nouvelle génération, particulièrement volontariste quant à la modernisation du pays et à son rapprochement avec les standards occidentaux.

* 8 Groupe d'Action Financière, organisme intergouvernemental de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme.

* 9 Cf. infra .

* 10 Dans cet avis, la Commission de Venise émet un avis nuancé sur le projet du gouvernement et formule des propositions de modifications de rédaction pour l'ensemble des amendements à la Constitution initialement proposés par l'exécutif. L'objectif est de soustraire la nomination des magistrats aux influences du pouvoir politique.

* 11 La dette publique serbe a pu passer, en quelques années, de 80 % à 50 % du PIB.

* 12 Le seuil des 3 milliards d'euros sera franchi pour la première fois en 2018.

* 13 La France est notamment présente à travers Lafarge, Suez, Vinci (concessionnaire de l'Aéroport de Belgrade).

* 14 Essentiellement dans le secteur des aciéries et des infrastructures.

* 15 Notamment au travers d'un spectaculaire projet immobilier dont nous avons pu voir le chantier au coeur de Belgrade, sur les bords de la Sava.

* 16 Lorsque nous l'avons rencontré, le délégué à l'Union européenne en Serbie avait salué avec insistance la qualité de ces réformes.

* 17 Vienne en 2015, Paris en 2016 et Trieste en 2017.

* 18 Les Croates de Bosnie possèdent des passeports de Croatie leur ouvrant les portes de l'Union européenne.

* 19 À ce sujet, le Président déclare en avoir lui-même fait l'expérience dans la ville dont il est originaire en Bosnie où il voit désormais les Serbes préférer intégrer les écoles croates catholiques plutôt que de fréquenter les écoles publiques bosniaques.

* 20 Résolution toujours ardemment défendue par la Russie, suivie par la Chine, au sein du Conseil de sécurité.

* 21 Et en particulier par Mme Catherine Ashton, alors Haute Représentante pour la politique étrangère.

* 22 Dont ils ne bénéficient pas à la différence des Serbes.

* 23 Cette option officiellement envisagée par Ivica Daèiæ, ministre des affaires étrangères (ancien Premier ministre et signataire de l'accord de Bruxelles en 2013), consisterait à échanger des territoires du nord du Kosovo peuplés essentiellement de Serbes contre l'extrême-sud de la République de Serbie (Vallée de Presevo) peuplée d'Albanais.

* 24 Il existe en effet un réel mouvement d'unification du Kosovo à l'Albanie, pays qui ne sont d'ailleurs aujourd'hui séparés par aucune frontière réelle.

* 25 De façon plus surprenante, nous avons même entendu certains responsables nous indiquer que les États-Unis n'hésitaient pas à tenir à Belgrade en substance le langage suivant : « Régler la question du Kosovo et nous vous ferons entrer dans l'Union européenne ».

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