II. LE MONTÉNÉGRO : UN PAYS DE CONTRASTES

Le Monténégro est un petit pays de 660 000 habitants, pour une surface correspondant à la moitié de la Belgique 44 ( * ) . Indépendant depuis 2006, c'est un État qui se présente à nous comme un pays de contrastes entre certaines fragilités intérieures et des dynamiques très favorables en termes de relations extérieures.

A. UNE JEUNE DÉMOCRATIE ENCORE AFFECTÉE PAR LA CRISE

1. Une situation politique atypique

La jeune démocratie monténégrine a fort logiquement rencontré des difficultés dans la mise en place d'un État à l'échelle d'un pays de 660 000 habitants. La mise en place rapide d'institutions politiques et administratives a constitué un réel défi. Aussi, douze ans après, la question des limites et de la capacité administratives du Monténégro est encore souvent posée, notamment par l'Union européenne.

Le contexte politique du pays est aujourd'hui très particulier. Tout d'abord, le pays est marqué par près de 26 années d'absence d'alternance politique. Un mois avant notre mission, le Président Djukanovic venait d'ailleurs d'être confortablement élu. Mais surtout, depuis les élections législatives du 16 octobre 2016, l'essentiel de l'opposition 45 ( * ) poursuit le boycott du Parlement en ne siégeant pas à l'Assemblée. En effet, ces élections avaient été précédées, la veille, par l'arrestation de 20 ressortissants serbes accusés d'avoir voulu renverser les institutions en prenant d'assaut le Parlement. L'opposition, en particulier le Front démocratique pro-russe, considère que ces évènements ont faussé les élections en faveur du Parti socialiste démocratique (DPS) au pouvoir.

2. Un pays encore affecté par la crise économique

L'économie du Monténégro était déjà très dépendante des investissements directs étrangers à la fin de la décennie 2000. Le pays a donc été fortement impacté par la crise financière de 2008. Pour y répondre, le gouvernement de M. Djukanovic 46 ( * ) avait alors mis en place une politique de rigueur particulièrement marquée 47 ( * ) . En effet, face à la diminution des flux financiers extérieurs, le pays ne dispose d'aucune marge, ni monétaire ni budgétaire.

Au plan monétaire, le recours à l'euro par le Monténégro mérite d'être souligné. Il permet une stabilisation des prix en dépit de taux d'intérêts plus élevés qu'au sein de l'Union économique et monétaire. Toutefois, comme notre commission le constatait déjà en 2014, « si l'utilisation de la monnaie unique est pertinente sur la côte très exposée au tourisme, elle peut constituer un frein au développement économique du nord du pays, qui commerce essentiellement avec la Serbie. Le taux de chômage y frôle 40 %, contre 8 % en bordure maritime 48 ( * ) . L'utilisation de l'euro prive, par ailleurs, la banque centrale du contrôle de la politique monétaire » 49 ( * ) .

Sur le plan budgétaire, le déficit est passé de à 3,6 % du PIB en 2016 à 5,4 % en 2017 50 ( * ) et ce, en dépit de nouvelles mesures d'austérité 51 ( * ) . L'objectif pour le gouvernement monténégrin demeure clair : endiguer le déficit budgétaire à l'horizon 2019 et faire passer la dette publique en dessous des 60 % de PIB d'ici à 2020 52 ( * ) . Cela dépendra essentiellement de la confirmation de la croissance.

Après une hausse de la croissance en 2015 (+3,4 %), cette dernière s'est établie à 2,5 % en 2016 et elle a atteint 4,4 % en 2017, selon la BCE. Un tel chiffre, bien au-delà des prévisions initiales, s'explique en grande partie par la bonne saison touristique de 2017. En effet, le tourisme balnéaire et de montagne, qui représente déjà 22 % du PIB, est un plein développement, ce qui est l'occasion d'investissements importants, en particulier immobiliers 53 ( * ) . Le Monténégro est à ce propos une destination touristique aussi bien reconnue par les touristes russes 54 ( * ) que par ceux de l'Union européenne, pour lesquels le pays s'est imposé comme la véritable continuité géographique de la Croatie 55 ( * ) . Enfin, les responsables monténégrins nous ont exprimé leur choix de favoriser un tourisme qualitatif plutôt qu'un tourisme de masse 56 ( * ) .


* 44 13 812 km2.

* 45 Soit un tiers des parlementaires.

* 46 Alors Premier ministre monténégrin de décembre 2012 à novembre 2016.

* 47 Maîtrise de la dépense publique, sécurisation des recettes fiscales via une lutte plus poussée contre la fraude, augmentation de la TVA, majoration des impôts sur les salaires...

* 48 Le taux de chômage du pays est à 17 % en 2017 avec un taux élevé chez les jeunes monténégrins, 35,9 % en 2016.

* 49 Rapport d'information n° 669 du 1 er juillet 2014 de Simon Sutour, fait au nom de la commission des affaires européenne : La perspective européenne du Monténégro.

* 50 À noter le poids du financement du lourd projet d'autoroute Bar-Boljare.

* 51 Augmentation du droit d'accise sur le tabac, l'alcool et le carburant, augmentation du taux minimal d'imposition de 9 à 11 %, réduction du salaire des fonctionnaires de 8 % en janvier 2017 puis de 6 % en juillet 2017 notamment.

* 52 En dépit d'un pic de la dette publique prévu à 81 % en 2019 par le gouvernement monténégrin.

* 53 Comme la délégation a pu s'en rendre compte dans la région côtière du pays.

* 54 Les citoyens russes représentent les touristes les plus nombreux du pays.

* 55 Les touristes français sont d'ailleurs les premiers ressortissants de l'Union européenne à passer leurs vacances au Monténégro.

* 56 À noter que ceci n'est pas complètement en cohérence avec le fait que les autorités monténégrines souhaitent, par ailleurs, promouvoir le tourisme dans leur pays auprès des tour-opérateurs chinois.

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