LE RETRAIT UNILATÉRAL DES ÉTATS-UNIS DE L'ACCORD SUR LE NUCLÉAIRE IRANIEN : UN ENJEU TANT GÉOSTRATÉGIQUE QU'ÉCONOMIQUE, QUI MET AU DÉFI L'INDÉPENDANCE DIPLOMATIQUE ET ÉCONOMIQUE DE L'UNION EUROPÉENNE

Le 8 mai 2018, le Président des États-Unis a décidé de mettre un terme à la participation des États-Unis à l'accord sur le nucléaire iranien, le « plan d'action global » ( Joint Comprehensive Plan of Action ) du 14 juillet 2015. Corrélativement, il a été décidé par l'administration américaine de réimposer toutes les sanctions qui avaient été levées dans le cadre du JCPoA dans un délai maximum de 180 jours à compter du 8 mai 2018.

L'objectif affiché par le Président des États-Unis est d' « exercer une pression financière sur le régime iranien en vue d'une solution globale et durable à toutes les menaces exercées par ce pays : développement et prolifération balistique, agressions régionales, soutien aux groupes terroristes, activités pernicieuses des membres des Gardiens de la révolution et de ses auxiliaires ».

Cet accord nucléaire  ( nuclear « deal » ) a été conclu le 14 juillet 2015 entre, d'une part, trois États membres de l'Union européenne (E3/UE)
- Royaume-Uni, Allemagne, France -, plus la Chine, la Russie, les États-Unis et l'Iran, d'autre part. Il ne s'agit pas d'un « traité » à proprement parler - il n'y a eu ni « signature » ni ratification - mais d'un accord politique, endossé à l'unanimité par la résolution 2231 du Conseil de sécurité le 20 juillet 2015. L'essentiel des sanctions a été levé le 16 janvier 2016, date référence de mise en oeuvre de l'accord.

Schématiquement, l'accord encadre et restreint les capacités nucléaires iraniennes (enrichissement, stocks d'uranium enrichi, retraitement). Il interdit pour 15 ans certaines activités liées à une militarisation de l'arme nucléaire. L'accord prévoit également un mécanisme de transparence renforcé et de vérification exigeante par l'AIEA (Agence internationale de l'énergie atomique).

En contrepartie des engagements de l'Iran, et si ceux-ci sont scrupuleusement respectés, les autres parties s'engagent à lever les sanctions imposées jusqu'alors, quitte à les réimposer automatiquement en cas de non-respect par l'Iran de ses obligations.

« Les engagements de l'Iran sont obligatoires : leur violation entraînera un retour automatique des sanctions. Ce principe du retour automatique (...) vaut à la fois pour les sanctions du Conseil de sécurité et celles adoptées par l'Union européenne et les États-Unis. Si un des États du P5 (les cinq membres permanents du Conseil de sécurité) +1 (États-Unis, Russie, Chine, France, Royaume-Uni, Allemagne) estime que l'Iran ne remplit pas ses obligations et que celui-ci ne fournit pas d'explication crédible, cet État pourra provoquer un vote du Conseil de sécurité sur un projet de résolution réaffirmant la levée des sanctions de l'ONU ; en opposant son propre veto, il obtiendra alors à coup sûr le rétablissement des sanctions. » 4 ( * )

Au niveau de l'Union européenne, les 28 États-membres s'engagent « à réintroduire toutes les mesures qui ont été levées si l'Iran n'a pas respecté ses obligations et si la Haute représentante pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et les trois parties européennes à l'accord (France, Royaume-Uni, Allemagne) le recommandent ».

Dans le cadre de cet accord, la levée des sanctions économiques et financières concerne celles qu'avaient adoptées l'Union européenne et les États-Unis, pour l'essentiel après 2010, sur une base autonome. Elles visent les secteurs financier, de l'énergie et des transports iraniens. Elles devaient levées aussitôt que l'Iran aura mis en oeuvre l'ensemble de ses engagements nucléaires et que l'AIEA l'aura vérifié. La levée de ces sanctions a été effective au 16 janvier 2016.

Pour l'Union européenne, l'enjeu est donc aussi celui de sa souveraineté diplomatique. Le jour même de la décision américaine de retrait, les chefs d'État et de gouvernement de France, Allemagne et Royaume-Uni (E3/UE) ont déclaré : « Ensemble, nous soulignons notre engagement continu en faveur du JCPoA. Cet accord revêt une importance particulière pour notre sécurité partagée. Nous rappelons que le JCPoA a été entériné à l'unanimité par le Conseil de sécurité des Nations unies dans la résolution 2231. Cette résolution demeure le cadre international juridiquement contraignant pour la résolution des différends liés au programme nucléaire iranien. Nous appelons toutes les parties à continuer de souscrire à sa pleine mise en oeuvre, et à agir dans un esprit de responsabilité 5 ( * ) . »

Les ministres des affaires étrangères des Vingt-huit, le 15 mai 2018, soit moins d'une semaine après la décision américaine, se sont également engagés, avec leur homologue iranien, à sauver l'accord nucléaire, la Haute représentante déclarant : « Nous cherchons des solutions pratiques pour permettre à l'Iran de continuer ses ventes de pétrole et de gaz, poursuivre ses transactions bancaires, maintenir les liaisons aériennes et maritimes, lui assurer des crédits à l'exportation et faciliter les investissements ».


* 4 Source : Ministère de l'Europe et des affaires étrangères.

* 5 Source : Ministère de l'Europe et des affaires étrangères.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page