III. QUEL ACCOMPAGNEMENT DES PARCOURS DES JEUNES SPORTIFS QUAND L'HEXAGONE DEVIENT L'INCONTOURNABLE TERRAIN D'ENTRAINEMENT ?

A. L'HEXAGONE, UNE DESTINATION QUASI INÉVITABLE DONT IL FAUT LIMITER L'EFFET DE « DÉRACINEMENT »

1. Une mobilité vers l'hexagone nécessaire mais difficile
a) Une localisation des pôles nationaux qui exige, dans la plupart des cas, une formation dans l'hexagone

Comme cela a été précédemment décrit, les outre-mer voient, pour de multiples raisons, une présence limitée de pôles de haut niveau, qu'il s'agisse de leur nombre, du niveau de performance comme de la diversité des disciplines présentes . Aussi, les sportifs ultramarins sont souvent obligés de quitter leur territoire pour se former et continuer à progresser en performance.

Le tableau transmis par le ministère des outre-mer montre ci-après l'évolution de la localisation des sportifs ultramarins selon l'étape de leur parcours . Ainsi, si seulement 12 % de l'ensemble des sportifs inscrits sur liste ministérielle l'année étudiée s'entraînent dans l'hexagone , cette proportion s'élève à plus de 38 % en ne considérant que les sportifs de haut niveau - regroupant les sections reconversion, relève et élite - et à près de 64 % en ne considérant que la section élite. Ainsi, si les structures ultramarines semblent pertinentes pour accueillir des jeunes sportifs de catégorie espoirs, elles ne le sont plus pour la suite de leur parcours de haut niveau.

Répartition des sportifs ultramarins en 2017

A

B

C

D

E

F

Sportifs de haut niveau

(=C+D+E+F)

Collectifs nationaux

Espoirs

Reconversion

Relève

Senior

Élite

Total général

CREPS Bordeaux - Aquitaine

2

4

0

6

CREPS Dijon

1

1

1

2

CREPS Font-Romeu CNEA

1

0

1

CREPS Île de France

1

0

1

CREPS Montpellier

1

1

1

2

CREPS PACA
site Aix-en-Provence

1

1

1

CREPS PACA
site Antibes

1

0

1

CREPS Strasbourg

1

0

1

CREPS Toulouse

3

3

3

CREPS Vichy

1

1

2

2

4

CREPS Wattignies

1

0

1

DR Auvergne-
Rhône-Alpes

3

3

3

DR Bourgogne-
Franche-Comté

1

1

1

DR Centre-Val de Loire

1

0

1

DR Nouvelle-Aquitaine

1

9

1

10

11

DR Pays de la Loire

1

0

1

DR Provence-Alpes
-Côte d'Azur

1

1

1

2

INSEP

1

4

1

2

7

8

MOP

2

2

2

Total s'entraînant dans l'hexagone dont le club d'origine est en outre-mer

10

10

0

24

1

7

32

52

CREPS Pointe-à-Pitre

53

2

2

55

CREPS La Réunion

8

70

3

1

4

82

DR Collectivité d'outre-mer

1

2

2

1

3

6

DR Guadeloupe

3

53

1

9

1

11

67

DR Guyane

4

24

2

2

30

DR La Réunion

7

45

8

8

4

2

22

74

DR Martinique

1

66

5

1

2

8

75

Total s'entraînant en outre-mer et licencié dans un club ultramarin

24

313

12

28

8

4

52

389

Total général

34

323

12

52

9

11

84

441

Source : Réponses du ministère des outre-mer au questionnaire des rapporteures

Cette analyse est confirmée par le cas de La Réunion. En effet, la direction de la jeunesse et des sports indique que « les jeunes sportifs à fort potentiel sont tous, sauf exception, inéluctablement amenés à quitter La Réunion pour rejoindre les structures d'entraînement métropolitaines (structures d'entraînement en CREPS et à l'INSEP) et poursuivre leur trajectoire vers le plus haut niveau. D'où la surreprésentation des sportifs inscrit sur la liste Espoirs (133) et la faible proportion de sportifs (64) inscrits sur les listes de haut niveau (Elite, Séniors, Relève). Le resserrement annoncé des aides de l'État sur le très haut niveau sportif et le recentrage du CNDS sur le sport pour tous pourraient le cas échéant pénaliser La Réunion ».

b) Une mobilité aux conséquences sensibles

Si une première mobilité peut être nécessaire vers un autre territoire du bassin océanique - vers un CREPS hébergeant un pôle, par exemple -, la mobilité la plus impactante est celle vers l'hexagone. En effet, alors qu'un déplacement vers une autre collectivité du bassin crée déjà un éloignement du foyer et des attaches familiales, un départ vers l'hexagone conduit souvent à un arrachement.

La distance, la durée des trajets et le coût important des billets d'avion réduisent le nombre de retours possibles dans l'année aux vacances d'été et aux fêtes de fin d'année, quand cela est possible. Or, les liens avec la famille sont déterminants dans les éventuelles périodes de stress ou baisse de moral : les attaches familiales dans l'hexagone peuvent être d'utiles relais. Aussi, les vacances scolaires hexagonales ne correspondent souvent pas aux vacances ultramarines. Le décalage horaire rend également les contacts plus contraints, à des heures tardives ou très matinales qui s'intègrent parfois mal au rythme cadencé des sportifs. Enfin, il ne faut pas sous-estimer non plus l'existence de critères environnementaux et les difficultés parfois à s'adapter au changement de climat.

Ces changements d'environnement sont d'autant plus difficiles pour les sportifs qu'ils coïncident avec une montée du niveau d'exigence des entraînements et de leur formation sportive . La direction de la jeunesse et des sports de Martinique soulignait ainsi 83 ( * ) que « faire face à des conditions d'entraînements différentes et plus exigeantes, à une culture et un climat différent nécessite une préparation adaptée du sportif ainsi que de sa famille ».

2. Une étape du parcours à anticiper et à calibrer : un projet à définir

Le changement de région ou la mobilité vers l'hexagone est un moment qui se doit d'être réfléchi et muri pour le jeune sportif. La direction de la jeunesse et des sports de la Martinique, rencontrée avec de jeunes sportifs, a insisté sur ce point : il est primordial de préparer minutieusement cette étape et d'en prévoir un calendrier adapté . Un départ prématuré peut en effet obérer les chances de réussite du jeune sportif ultramarin dans l'hexagone, qui pourrait se sentir « déraciné » et ne pas parvenir à s'adapter au rythme de ses entraînements dans un contexte éloigné de ses proches et de son environnement scolaire et social.

La bonne construction du « double projet » scolaire et sportif est un enjeu majeur, sa solidité étant un facteur déterminant de la réussite du sportif une fois dans l'hexagone. Comme l'ont expliqué les services rencontrés aux Antilles et en Guyane, les DJSCS mettent en place des suivis des sportifs identifiés ou inscrits sur listes, afin de leur fournir un accompagnement individualisé et leur permettre de construire au mieux leur parcours et accroître les chances de réussite de leurs projets.

Les personnes en charge du suivi des sportifs au sein des structures sportives comme le CREPS Antilles-Guyane ou l'INSEP, rencontrées par les rapporteures, ont insisté également sur l'importance du choix du moment adapté au départ du jeune sportif et à son changement de structure d'entraînement : « certains sportifs ultramarins sont parvenus à construire de belles carrières, mais de nombreux départs se sont malheureusement soldés par des demi-tours et des échecs », expliquait ainsi Anne-Marie Vansteene, cheffe de mission Grand INSEP 84 ( * ) . La ministre Laura Flessel évoquait 85 ( * ) également son parcours d'escrimeuse devant la délégation, « je ne suis pas partie parce que c'était trop tôt, mais je suis partie réellement parce que j'avais mon confort, mon encadrement - c'est un déracinement de partir, il fallait que cela soit réfléchi » expliquait-elle, soulignant qu'elle avait choisi de rester, à l'âge de 14 ans, s'entraîner en Guadeloupe plutôt que de venir dans un pôle hexagonal, estimant que c'était le meilleur choix pour elle, et ce contre l'avis de ses entraîneurs .


* 83 Réponses adressées dans le cadre du déplacement aux Antilles et en Guyane en avril-mai 2018.

* 84 Déplacement à l'INSEP du vendredi 2 février 2018.

* 85 Audition de Madame Laura Flessel, ministre des sports, du mercredi 24 janvier 2018.

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