CONCLUSION

L'impression désagréable procurée par la lecture de la proposition publiée le 1 er août dernier par la Commission européenne - inutile, mal préparée, mal conçue - cède finalement la place à l'espoir d'une approche plus solidement charpentée, fondée sur la politique européenne des transports telle qu'elle a été formalisée dans les deux règlements du 11 décembre 2013, l'un relatif au réseau transeuropéen de transport, l'autre portant sur le mécanisme pour l'interconnexion en Europe, qui assure notamment la contribution budgétaire de l'Union aux investissements considérables nécessités par des infrastructures structurantes s'il en est.

Par essence fondé sur le long terme, le soutien que l'Union européenne peut apporter aux projets de transport présentant un intérêt commun pour les États membres ne s'accommode guère de l'improvisation, ni même de dispositions purement transitoires valables pendant quelques mois. S'il en fallait une illustration, la proposition COM(2018) 568 final conviendrait à merveille !

En l'occurrence, il s'agit surtout de se préparer à une évolution inéluctable, même si l'échéance précise reste incertaine au moment où ces lignes sont rédigées.

Le défi à relever n'est ni simple, ni anodin. Pour l'aborder avec succès, il est indispensable d' agir sans précipitation, mais sans perdre de temps !

ANNEXE
LA REFONTE DE LA POLITIQUE EUROPÉENNE DES TRANSPORTS OPÉRÉE EN 2013

La politique des transports appliquée aux corridors du réseau central est axée sur l'élimination des obstacles à la fluidité des trajets, sans que l'existence d'interconnexions ne soit exigée 10 ( * ) .

Par ailleurs, des techniques utiles aux transports ont été identifiées, portant sur la gestion des flux, qu'ils soient aériens (SESAR) ou ferroviaires (ERTMS). Les « autoroutes de la mer », qui « représentent la dimension maritime du réseau transeuropéen de transport », font partie de ces objectifs « techniques », bien qu'elles se distinguent par une forte composante environnementale, héritée des programmes MARCO POLO.

I. LE RÉSEAU CENTRAL AVEC SES « CORRIDORS »

Le règlement n° 1315/2013 comportait trois innovations conceptuelles majeures pour la politique des transports de l'Union : la segmentation du réseau de transport ; le rôle de la politique des transports dans les corridors du réseau central ; la prise en compte d'objectifs « techniques ».

La segmentation des réseaux de transport et la première nouveauté introduite en 2013 , avec un découpage du territoire en deux ensembles :

- un « réseau central », comportant neuf « corridors », dont chacun devait « associer si possible » au minimum trois modalités de transport, trois États membres et deux tronçons transfrontaliers ; les principales infrastructures situées sur ses corridors sont constituées par 15 000 kilomètres de lignes ferroviaires aménagées par la grande vitesse, 38 « aéroports clés » reliés par liaisons ferroviaires à de grandes villes, enfin 94 ports européens majeurs reliés aux réseaux ferroviaires ou routiers. Il convient de noter que les neuf corridors du réseau central ne couvrent que « les principaux flux à longue distance dans le réseau central ». Ils ne doivent donc pas être confondus avec celui-ci, qui est plus vaste ;

- un « réseau global » de transports, avec pour objectif qu'à l'échéance 2050, la « grande majorité des entreprises et des citoyens européens ne soient pas à plus de 30 minutes de temps de trajet de ce réseau » 11 ( * ) .

Les neuf corridors du réseau transeuropéen de transport (RTE-T),
tels qu'ils apparaissent dans la présentation publiée
par la Commission européenne le 17 octobre 2013

Les portions indiquées en pointillés correspondent aux portions d'autoroutes de la mer incluses dans les corridors. Elles ont une portée symbolique marquée dans deux cas : Chypre et Malte, afin que chaque État membre apparaisse dans au moins un corridor.

Il reste que les liaisons maritimes font l'objet d'une approche renouvelée.

II. LE TRAITEMENT RENOUVELÉ DES LIAISONS MARITIMES

Celles-ci apparaissent parmi les intitulés décomposant le réseau central, mais seulement pour les ports, sans inclure les trajets en mer stricto sensu .

La partie du réseau central du (RTE-T) relative aux voies navigables et aux ports.

Source : Règlement (UE) N° 1315/2013 du 11 décembre 2013, p.28

Ce résultat s'explique par la grande nouveauté maritime introduite en 2013 : la création des « autoroutes de la mer », dont l'ensemble forme la « dimension maritime du réseau transeuropéen de transport 12 ( * ) ».

Les projets d'intérêt commun du RTE-T relatif aux autoroutes de la mer doivent soit être proposés pour au moins deux États membres et porter sur un lien maritime et ses connexions avec l'arrière-pays entre ports du réseau central, soit pour un lien maritime et ses connexions « entre un port du réseau central et des ports du réseau global », en mettant l'accent sur les connexions des ports concernés avec l'arrière-pays. En revanche, l'utilisation des voies d'eau intérieures est intégrée dans le réseau central ou le réseau global.

Ces « autoroutes » relient entre eux 331 ports, dont 84 sont situés sur un au moins des corridors du réseau central (6 en France), 22 n'appartiennent à aucun de ces corridors bien qu'ils fassent partie du réseau central du RTE-T (en France, Nantes et Saint-Nazaire), 225 font partie du « réseau global » du RTE-T (19 en France).

Auparavant, la dimension maritime de la politique européenne des transports était focalisée sur la substitution des voies maritimes ou des voies d'eau intérieures à la modalité routière. La finalité poursuivie était environnementale. Tel fut l'objet successif des deux programmes MARCO POLO I et II, achevés en 2012. Le changement d'approche opéré en 2013 est donc extrêmement sensible pour l'ensemble des transports par bateaux, mais les projets financés au titre des autoroutes de la mer peuvent correspondre à l'esprit des programmes MARCO POLO. À titre d'exemple, peut être citée la liaison par bateaux rouliers entre les ports d'Esbjerg (Danemark) et Zeebrugge.

III. LE BOUCLAGE BUDGÉTAIRE PAR LE « MÉCANISME POUR L'INTERCONNEXION EN EUROPE »

Il convient de noter en tout premier lieu que le MIE n'est pas réservé aux transports 13 ( * ) , bien que ceux-ci en absorbent la part du lion.

D'autre part, les besoins du réseau central pour la seule période 2014-2020 étaient estimés à 250 milliards d'euros par la Commission européenne dont la dotation au titre des transports n'excédait pas 26 milliards pour cette même période. C'est pourquoi les aides à l'investissement accordées dans le cadre du MIE doivent procurer un important effet de levier, chaque million d'euros investi au niveau européen devant générer 5 millions d'investissements de la part des États membres et 20 millions provenant du secteur privé.

Pour 80 à 85 %, les fonds destinés aux années 2014 à 2020 devaient être fléchés vers les projets « techniques » et les projets prioritaires le long des neuf corridors du réseau central, seul un petit nombre de projets « à forte valeur ajoutée européenne » portant sur d'autres sections de ce réseau central pouvant aussi être soutenus.

Les 15 à 20 % restants pourront être destinés à des projets ponctuels, notamment au sein du réseau global.

Il est à souligner que les financements de projets « techniques » sont indépendants des corridors. Tel est notamment le cas des « autoroutes de la mer », donc des liaisons maritimes entre la République d'Irlande et la partie continentale de l'Union en cas de Brexit « dur ». Une portion d'autoroute de la mer incluse dans un corridor peut bénéficier de financement provenant, selon les termes de l'appel d'offres, du corridor concerné ou des autoroutes de la mer.


* 10 Cette absence d'exigence quant aux interconnexions est une avancée majeure du MIE pour les réseaux de transport. Elle n'a pas - encore ? - été transposée à d'autres réseaux, comme ceux transportant l'électricité : le « paquet d'hiver » du 30 novembre 2016 comporte des objectifs d'interconnexion, sans référence à d'éventuelles saturations des réseaux nationaux.

* 11 La politique européenne des transports laisse donc le reste du réseau aux seuls États membres.

* 12 Règlement (UE) N° 1315/2013 du 11 décembre 2013 sur le RTE-T, article 21.

* 13 L'énergie et le numérique en bénéficient également

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