N° 1488

N° 188

ASSEMBLÉE NATIONALE

SÉNAT

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

SESSION ORDINAIRE 2018 - 2019

Enregistré à la présidence de l'Assemblée nationale

Enregistré à la présidence du Sénat

le 11 décembre 2018

le 11 décembre 2018

RAPPORT

au nom de

L'OFFICE PARLEMENTAIRE D'ÉVALUATION

DES CHOIX SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES

sur

PERSPECTIVES TECHNOLOGIQUES OUVERTES
PAR LA 5G

PAR

MM. Pierre HENRIET, député et Gérard LONGUET, sénateur

Déposé sur le Bureau de l'Assemblée nationale

par M. Cédric VILLANI,

Premier vice-président de l'Office

Déposé sur le Bureau du Sénat

par M. Gérard LONGUET,

Président de l'Office

CONCLUSIONS DE L'AUDITION PUBLIQUE SUR LES PERSPECTIVES TECHNOLOGIQUES OUVERTES PAR LA 5G

La cinquième génération de standards de téléphonie mobile , dite « 5G », est annoncée comme une innovation de rupture. Face à un certain emballement, l'Office et vos rapporteurs ont voulu identifier les enjeux technologiques réels derrière le concept un peu marketing de « révolution 5G » .

Les standards de téléphonie mobile ont pour origine le travail de normalisation effectué par l'Union internationale des télécommunications (UIT), agence des Nations Unies spécialisée dans les technologies de l'information et de la communication. Elle s'appuie à cette fin sur un groupe en charge de traiter les questions techniques et d'exploitation relatives aux radiocommunications. En 2013, ce groupe a commencé à préparer un nouveau standard IMT - pour International Mobile Telecommunications -, appelé IMT-2020, comme il l'avait fait dans les années 2000 pour définir la 4G, qui porte le nom de standard IMT-Advanced. Il faut noter que l'UIT s'appuie sur un regroupement mondial d'organismes de standardisation en télécommunications, appelé le 3GPP ( 3 rd Generation Partnership Project ).

La norme IMT-2020 ou 5G vise à répondre à la question des limites de la 4G, tout en se situant dans son prolongement : elle ne correspond pas à un saut technologique de grande envergure . Il s'agit donc d'évoluer dans la continuité afin de relever les défis des limites du standard actuel, qui sont celles de réseaux engorgés dans des zones à trafic ponctuel élevé, comme lors de grands rassemblements, la capacité à fournir un accès aux réseaux à une grande quantité d'objets connectés , enfin, l'existence de délais de latence trop longs .

Il faut observer que les technologies mobiles ont évolué au rythme des innovations technologiques et des demandes sociales : le déploiement de la 5G devrait ainsi accompagner l'ultra-connectivité de la société . Car la cinquième génération de standards de téléphonie mobile ira plus loin qu'une simple augmentation des débits . L'impact devrait être important non seulement en termes techniques, mais aussi pour l'économie et la société.

L'Office n'a pas souhaité aborder toutes les questions posées par la 5G : les réseaux mobiles sont de plus en plus au coeur du quotidien de nos concitoyens, ce qui pose de nombreuses questions politiques, économiques, sociétales et de cohésion territoriale, notamment autour de leurs usages . Il incombera aux commissions des affaires économiques et du développement durable et de l'aménagement du territoire de l'Assemblée nationale et du Sénat d'étudier précisément ces enjeux.

Cependant, il peut d'ores et déjà être noté que la connexion 5G en ultra haut débit permettra davantage que d'améliorer la qualité de la diffusion des vidéos en ultra haute définition : elle garantira en effet la couverture de besoins spécifiques dans des secteurs variés ainsi que les usages liés à l'Internet des objets 1 ( * ) . Les communications entre une grande quantité d'objets connectés devraient être facilitées, et ce dans le cadre de réseaux plus fiables avec une très faible latence. Car l'innovation introduite par la 5G se situe d'abord à ce niveau : permettre des communications massives, quasiment en temps réel , grâce à l'optimisation des bandes de fréquence par des modulations numériques plus complexes et un meilleur pointage des faisceaux . Ces avancées doivent conduire à assurer la couverture de besoins spécifiques dans des secteurs parfois critiques :

- l'énergie , tant au niveau de la production, du stockage que du transport d'énergie lui-même ;

- la santé , avec la question des diagnostics médicaux et des opérations à distance en temps réel ou téléchirurgie ;

- les transports , parce qu'ils demanderont, à l'heure des véhicules autonomes, des temps de réaction très courts, surtout en cas de risques d'accidents.

D'autres secteurs également, comme les médias ou l'industrie plus généralement, tireront profit de la 5G. La réalité virtuelle comme la réalité augmentée seront, en outre, facilitées.

Les initiatives en cours pour développer la 5G sont nombreuses, tant au niveau mondial ou européen que national. La France s'oriente donc vers l'adoption de ce nouveau standard . En juillet 2018, a été publiée la feuille de route 5G de la France et le programme de travail idoine de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des Postes (Arcep). Des expérimentations sont en cours depuis cet automne et une consultation publique sur l'attribution des bandes de fréquence vient d'être ouverte. En 2019, l'appel à candidatures pour les attributions de fréquences sera lancé.

Les incertitudes sont nombreuses quant au choix des bandes de fréquences , dont le spectre est très congestionné. Trois, toutes supérieures à la limite supérieure de la très haute fréquence, soit 300 mégahertz, sont aujourd'hui envisagées : celles des 700 mégahertz , 3,5 gigahertz et 26 gigahertz . Chacune présente des spécificités : la première a l'avantage d'une latence réduite mais présente une capacité limitée ; la seconde ne peut pas couvrir tout le territoire et nécessitera donc de recourir en complément à des bandes basses pour assurer une couverture plus complète ; la troisième est très directive et ne fonctionne donc qu'en l' absence d'obstacles entre l'émetteur et le récepteur , ce qui convient davantage à la structure géographique et à l'habitat des États-Unis qu'à ceux de la France.

Ces trois bandes de fréquences ont pour point commun d'être actuellement toutes occupées , notamment par des utilisateurs gouvernementaux (espace, météo, ministère de l'intérieur, ministère de la défense...). Il faudra donc faire cohabiter la 5G avec ces réseaux ou les exproprier puis les faire déménager au sein du spectre. Les choix à opérer et leurs modalités sont complexes, car il faudra maximiser la mobilisation de la bande passante disponible et harmoniser ces choix au niveau international, ou au moins européen . La 5G ne va pas faire disparaître la 4G : ces réseaux vont coexister et, dans un premier temps, la 5G consistera surtout à désengorger les réseaux 4G , qui saturent dans les zones de densité importante des utilisateurs et à haut niveau de trafic. Après cette amélioration des performances, des changements qualitatifs pourront intervenir dans un deuxième temps autour de nouvelles fonctionnalités pour nos sociétés . Elles concerneront, en particulier, les usages liés au temps réel et à la gestion des objets connectés.

Les investissements pour les réseaux d'infrastructures seront importants, ainsi des travaux seront nécessaires pour évoluer d'une antenne 4G à une antenne 5G. Ils sont toutefois à relativiser parce que le même support pourra être utilisé simultanément à travers des cellules dites « multitechnologiques » et parce qu'une grande partie des progrès en la matière seront virtualisés , c'est-à-dire qu'ils passeront plus largement par des couches logicielles que par des couches physiques. Ces investissements, tout type de réseaux confondu, ont d'ailleurs représenté, pour les opérateurs de télécommunications, 10 milliards d'euros pour les services fixes et mobiles en 2017, dont trois milliards d'euros pour les seuls mobiles. Cette virtualisation impliquera une certaine vigilance en termes de sécurité des réseaux .

Les préoccupations associées à l'exposition des particuliers aux ondes électromagnétiques des radiofréquences seront de plus en plus grandes à mesure que se développent ces technologies, d'autant plus que l'impact de ces dernières sur la santé continue de faire l'objet de débats scientifiques. Les études menées par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) et l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) 2 ( * ) ont conduit à reconnaître les radiofréquences comme cancérogènes possibles , en revanche les effets biologiques observés n'ont pas encore apporté la preuve d'un risque certain sur l'homme en matière de cancérogénicité. Il faut noter, de plus, que les fréquences hautes , dont certaines seront utilisées par la 5G, pénètrent moins le corps humain , ce qui peut sembler, a priori , rassurant. Ces préoccupations légitimes appellent une plus grande transparence , afin de permettre un déploiement dans un climat de confiance .

En conclusion, l'Office formule les recommandations suivantes :

- en matière de santé publique , permettre au monde de la recherche, en particulier à l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES), de pouvoir disposer de données précises émanant des opérateurs et des constructeurs d'antennes, tant sur l'exposition et la durée d'exposition que les technologies utilisées par les antennes ;

- garantir le financement de l'appel à projets de recherche de l'ANSES sur les risques liés à l'exposition aux radiofréquences ;

- poursuivre les expérimentations 5G en cours et lancer dès 2019 des pilotes 5G « grandeur nature » ;

- conduire des travaux de concertation avec les collectivités territoriales et les entreprises pour permettre autant que faire se peut la mutualisation des réseaux et des conditions d'accès spécifiques au réseau 5G pour certains usages ciblés (transport avec les véhicules autonomes, santé, énergie et industrie).


* 1 Cf. la note scientifique de l'Office n°1 consacrée aux objets connectés, sur les sites du Sénat :

http://www.senat.fr/fileadmin/Fichiers/Images/opecst/quatre_pages/OPECST_2018_0013_note_objets_
connectes.pdf

ou de l'Assemblée nationale :

http://www2.assemblee-nationale.fr/content/download/65396/664019/version/4/file/note+4+pages+objets
+connectes_2.pdf

* 2 Dès 2002, le CIRC a classé les champs basse fréquence comme cancérogènes possibles puis a élargi en 2011 cette classification aux champs électromagnétiques de radiofréquences Cf. le communiqué du CIRC de 2011 : https://www.iarc.fr/wp-content/uploads/2018/07/pr208_F.pdf
ainsi que la page de l'Anses consacrée aux effets sanitaires des technologies de communication sans fil :
https://www.anses.fr/fr/content/radiofréquences-téléphonie-mobile-et-technologies-sans-fil

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