QUELQUES MISES EN CONFORMITÉ TARDIVES AVEC LE DROIT EUROPÉEN

LA SUPPRESSION DES OPCVM DE CANTONNEMENT

L'article 23 du projet de loi met en conformité les dispositions du code monétaire et financier avec la directive 2009/65/CE du 13 juillet 2009, dite « OPCVM », qui prohibe la transformation d'OPCVM conformes à la directive en organismes non conformes à cette directive.

Dans des circonstances exceptionnelles, lorsque la cession de certains actifs d'un OPC ne serait pas conforme à l'intérêt des porteurs ou actionnaires, le code monétaire et financier prévoit en l'état que ces actifs puissent être cantonnés dans un fonds spécialisé créé à cet effet. Cette disposition, introduite au moment de la crise financière en 2008, permet à la société de gestion de continuer à gérer et à établir une valeur liquidative sur les actifs « sains » et ainsi honorer, de manière égalitaire, les demandes de souscription et de rachat des parts de l'OPC.

La constitution d'un OPCVM de cantonnement n'est pas conforme à la directive dans la mesure où, par nature, elle n'en respecte pas les règles de diversification et de liquidité.

Le projet de loi prévoit en conséquence que ce sont les actifs sains qui sont transférés dans un nouvel OPCVM, les autres actifs restant dans l'ancien OPCVM dont la liquidation est immédiatement ordonnée. Par souci de cohérence des régimes applicables aux différents OPC, ce mode de fonctionnement est étendu aux situations concernant les autres OPC.

L'ACCÈS DE L'AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS (AMF) AUX DONNÉES DE CONNEXION DANS LE CADRE DES ENQUÊTES EN MATIÈRE D'ABUS DE MARCHÉ

L'article 24 du projet de loi organise l'accès de l'AMF aux données de connexion et leur exploitation dans le cadre de ses enquêtes sur les abus de marché, conformément au règlement « Abus de marché » du 16 avril 2014 57 ( * ) .

En réponse à la décision du Conseil constitutionnel du 21 juillet 2017, qui a estimé que le législateur n'avait pas assorti la procédure de garanties suffisantes, il est notamment prévu que le secrétaire général de l'AMF doit adresser une demande préalable d'accès motivée au contrôleur des données de connexion nommé par décret parmi les membres du Conseil d'État ou les magistrats de la Cour de cassation. Le sort réservé à ces données est également précisé, y compris en cas de notification de griefs par le collège de l'AMF.

Il convient toutefois d'observer que l'article L. 621-10-2 qu'il est proposé d'introduire dans le code monétaire et financier a déjà été adopté en octobre 2018, dans le cadre de la loi n° 2018-898 du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude (art. 13).

LA RÉCUPÉRATION DES BONUS DES PRENEURS DE RISQUES

L'article 23, alinéas 30 et 31, du projet de loi propose d'inscrire dans le code monétaire et financier, le principe de la récupération des bonus versés aux preneurs de risques ( go back ), conformément aux directives CRD  IV (2013/36/UE), OPCVM (2009/65/CE) et AIFM (2011/61/UE) qui prévoient un étalement de ces bonus dans le temps ainsi que des dispositif de malus et de récupération. En l'état, le droit français du travail ne permet en effet pas de procéder à une telle récupération, même s'il ne s'agit pas à proprement parler d'une rémunération.

LA VALORISATION DES ACTIFS PORTUAIRES

L'article 70 du projet de loi modifie le régime comptable des grands ports maritimes (GPM) français et des ports autonomes de Paris et de Strasbourg pour les autoriser à procéder à la réévaluation de leurs actifs corporels par dérogation aux règles de valorisation historique applicables aux établissements publics en la matière.

L'exposé des motifs du projet de loi présente cette modification comme un élément de la « transformation du modèle économique des établissements portuaires afin de développer leur compétitivité et leur attractivité vis-à-vis de leurs concurrents européens », dans laquelle il s'est engagé.

Il convient toutefois de relever que cette approche n'est pas sans lien avec la décision de la Commission européenne du 27 juillet 2017 58 ( * ) concernant le régime d'aides dont elle estime que bénéficient les ports en France du fait de l'exonération d'impôt sur les sociétés. La Commission considère en effet que, dès lors que les ports exercent certaines activités économiques, cette exonération est contraire à l'article 108 §1 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE).

L'État et les grands ports maritimes ont exposé à la Commission qu'ils exercent des activités d'intérêt général ou relevant des fonctions essentielles de l'État, et se sont efforcés de faire valoir que ces activités ne présentent que marginalement un caractère économique. La Commission a toutefois estimé que les ports exercent des activités « correspondant à la fourniture de différents services » en échange d'une rémunération (droits de port ou redevance pour utilisation d'infrastructures et de terrains par des entreprises). Elle a donc conclu que « les ports autonomes (devenus pour la plupart des GPM, à l'exception notamment des ports autonomes fluviaux de Paris et Strasbourg), les chambres de commerce maritimes, les chambres de commerce et d'industrie gérant des installations portuaires, les municipalités concessionnaires d'outillage public propriété de l'État dans les ports maritimes ainsi que les entreprises qu'elles ont pu se substituer pour l'exploitation de cet outillage, qui exploitent directement les infrastructures ou fournissent des services dans un port, sont, en ce qui concerne leurs activités économiques, des « entreprises » au sens de l'article 107, §1, du TFUE. ».

La Commission a estimé en conséquence que l'exonération fiscale dont bénéficient les exploitants de ces ports constitue un transfert de ressources d'État, sans qu'il puisse être considéré que cette exonération compense les surcoûts découlant des missions d'intérêt général qui leur sont confiées. Elle a estimé en conséquence que cette mesure était sélective au sens de l'article 107§1 du TFUE et de nature à créer une distorsion de concurrence à l'égard des autres ports européens.


* 57 Règlement 596/2014 /UE du Parlement Européen et du Conseil du 16 avril 2014 sur les abus de marché et abrogeant la directive 2003/6/CE du Parlement européen et du Conseil et les directives 2003/124/CE, 2003/125/CE et 2004/72/CE de la Commission, entrée en vigueur le 3 juillet 2016.

* 58 Décision n° SA38398 (2016/C, ex 2015/E).

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