B. À PARTIR DE 2012, UN RENFORCEMENT PROGRESSIF MAIS IMPORTANT DES PROCÉDURES D'ENREGISTREMENT

En tout état de cause, au-delà de ces incertitudes, l'étude de 2011 a incontestablement montré que le processus d'enregistrement auprès des organismes de sécurité sociale des personnes nées hors de France était insuffisamment sécurisé contre le risque de fraude .

Et, de fait, sous l'impulsion du législateur, du pouvoir réglementaire, de la DNLF et des organismes eux-mêmes, des renforcements importants de la procédure d'enregistrement et de l'arsenal de sanctions ont été effectués depuis 2012.

1. L'adoption du principe de suspension des droits en cas de constatation d'une fraude lors de l'immatriculation

Tout d'abord, à l'initiative d'Yves Bur, alors rapporteur de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, le législateur a posé le principe selon lequel la constatation de l'obtention frauduleuse, notamment à l'aide de faux documents ou de fausses déclarations, d'un numéro d'inscription entraîne la suspension du versement des prestations et le réexamen du droit à l'ensemble des prestations versées par les organismes sécurité sociale .

En outre, le numéro d'inscription obtenu frauduleusement doit être annulé.

Cette mesure de bon sens, issue de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 et codifiée à l'article L. 114-12-3 du code de la sécurité sociale, s'applique depuis le 23 décembre 2011.

2. Le renforcement des règles encadrant l'immatriculation

S'agissant de la procédure d'immatriculation elle-même, c'est le pouvoir réglementaire qui l'a fait évoluer. Plusieurs améliorations significatives sont ainsi applicables depuis 2012.

a) La nécessité de présenter deux titres d'identification au moment de l'immatriculation

Tout d'abord, les demandeurs sont désormais tenus de présenter deux pièces justificatives pour s'immatriculer .

Il s'agit, d'une part, d'un document d'identité , c'est-à-dire soit :

- une carte nationale d'identité ;

- un passeport ;

- un titre de séjour ;

- ou un visa long séjour valant titre de séjour, accompagné de la page du passeport comprenant les mentions relatives à l'identité.

Quant aux pièces d'état civil devant être jointes en complément pour effectuer la demande, il peut s'agir des pièces suivantes :

- une copie intégrale d'acte de naissance ;

- un extrait d'acte de naissance avec filiation ;

- ou toute pièce établie par un consulat, y compris les pièces établies à partir de documents d'identité (certificat de naissance, fiche individuelle d'état civil, etc .).

En outre, le contrôle des pièces d'état civil a été renforcé . Ainsi, pour être recevables, ces pièces doivent désormais être traduites par des autorités habilitées et, le cas échéant, légalisées ou apostillées.

b) L'accès des organismes de protection sociale à des bases de données d'identification

Ensuite, les moyens concrets de vérification dont disposent les organismes de sécurité sociale au moment de l'immatriculation des assurés ont été améliorés .

Les organismes peuvent ainsi accéder au fichier AGDREF (application de gestion des ressortissants étrangers en France), ce qui leur permet de s'assurer de la validité d'un titre de séjour qui leur est présenté. En outre, l'octroi de ce titre de séjour ayant lui-même été conditionné à une vérification d'identité robuste, la vérification dans AGDREF est un facteur important de sécurisation de l'immatriculation.

De même, les organismes ont accès à la base iFADO , qui leur permet de s'assurer de l'authenticité des titres d'identité délivrés par l'Union européenne et d'être informés lorsqu'un faux titre d'identité est détecté.

3. La création d'un guide de l'identification à l'adresse des organismes de sécurité sociale

Au-delà des améliorations du cadre législatif et réglementaire et des outils dont disposent les organismes, le point-clef de la sécurisation du processus d'immatriculation réside bien entendu dans l'action des agents de terrain des organismes, qui sont ceux qui enregistrent la demande des personnes souhaitant être assurées.

De ce point de vue, à côté des actions de formation des organismes, la publication et la diffusion depuis 2012 d'un « guide de l'identification », régulièrement remis à jour 5 ( * ) , est un élément essentiel d'harmonisation des pratiques et de fiabilisation du dispositif à sa base .

Pour ce qui concerne les personnes nées à l'étranger, ce guide, dont le rapporteur général a obtenu une copie, se compose de dix fiches pratiques, claires et bien construites, auxquelles les agents peuvent aisément se référer si nécessaire.

A titre d'illustration et pour résumer les différentes étapes que les opérateurs de terrain sont invités à suivre, le présent rapport d'information reproduit en annexe la fiche n° 1, relative aux modalités des personnes nées à l'étranger. D'autres fiches concernent les outils de l'identification, le numéro identifiant d'attente ( cf. ci-après), le rôle du Sandia, la résolution des litiges, l'identification des demandeurs d'asile, l'identification des personnes nées en outre-mer, la certification, les règles particulières relatives à l'adoption et l'identification des demandeurs de pension de survivant résidant à l'étranger.

Une montée en charge progressive
des agents des organismes chargés de l'immatriculation

Dans le cadre de ses travaux, le rapporteur général s'est rendu au siège de la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine (CPAM 92), à Nanterre.

Lors de ce déplacement, les équipes de la CPAM 92 ont décrit la procédure de montée en puissance des agents en charge du traitement des demandes d'immatriculation de nouveaux assurés.

Ces agents suivent une formation théorique d'une durée de trois jours avant d'enchaîner, pendant sept jours, sur un « poste-école », où toutes leurs actions sont suivies et éventuellement corrigées par un expert.

Par la suite, la montée en charge va se poursuivre pendant deux mois, au cours desquels les dossiers traités dans des conditions réelles par ces agents seront systématiquement supervisés afin de détecter d'éventuelles erreurs.

Ce n'est qu'à l'issue de ce processus, si l'agent s'est révélé fiable dans le traitement de ses dossiers, qu'il pourra agir en pleine autonomie.

4. La longue gestation du numéro identifiant d'attente

La récente mise en place du numéro identifiant d'attente (NIA) mérite un développement particulier.

Le principe du NIA est ancien puisque, dès décembre 2009, l'article R. 114-26 du code de la sécurité sociale prévoyait, « pour les personnes en instance d'attribution d'un numéro d'inscription au Répertoire national d'identification des personnes physiques, un numéro identifiant d'attente (NIA) attribué par la Cnav à partir des données d'état civil, pour l'ensemble des organismes ».

Par la suite, une circulaire 6 ( * ) en date du 1 er juin 2012 d'application « immédiate » avait pour objet de décrire précisément les modalités de création et de gestion des NIA.

Néanmoins, pour des raisons essentiellement techniques (notamment informatiques), la mise en place effective du NIA au sein des organismes a pris beaucoup de retard : elle ne date que d'avril 2017 au sein du réseau de la Cnaf et ne sera complète qu'au cours de l'année prochaine avec l'intégration du réseau de la Cnam.

Ce « retard à l'allumage » est d'autant plus regrettable que le NIA constitue un vrai progrès dans la gestion des dossiers des demandeurs . D'une part en ce qu'il est commun à l'ensemble des organismes et permet donc une véritable harmonisation du traitement du demandeur par chacun d'entre eux. D'autre part en ce qu'il permet un traitement automatisé assorti de garde-fou en cas de retard ou d'absence de régularisation de la demande.

La procédure prévoit ainsi que lorsque le demandeur n'a pas fourni l'ensemble des pièces justificatives permettant de lui attribuer un NIR, il est automatiquement relancé trois mois après la création de son NIA. Si, au bout d'un nouveau délai de trois mois, le dossier n'a pu être complètement régularisé, le versement des prestations à l'intéressé est alors suspendu - ce qui constitue en pratique un puissant aiguillon pour que les demandeurs retardataires régularisent leur dossier. S'engage alors une enquête administrative de trois mois au terme de laquelle, faute de régularisation, le NIA est purement et simplement inactivé.

Le schéma suivant, extrait de l'annexe de la circulaire de 1 er juin 2012 précitée, résume la procédure de régularisation ou de traitement du NIA par les organismes de sécurité sociale.

Déroulement des opérations lorsque le demandeur
ou le bénéficiaire de prestations de sécurité sociale
s'abstient de produire les pièces justificatives demandées

Source : Annexe de la circulaire du 1 er juin 2012 relative au NIA

5. La création d'une « culture commune » de l'identification malgré des résultats différents entre les organismes

Au terme des auditions menées par le rapporteur général avec des représentants de la Cnav, de la Cnam, du ministère de l'intérieur et de ses visites de terrain au Sandia, à Tours, à la CPAM 92 et à la caisse d'allocations familiales des Hauts-de-Seine (CAF 92) à Nanterre, il a constaté sur place l'importance que ces organismes et leurs agents, à tous niveaux hiérarchiques, accordent à la régularité de la procédure d'immatriculation.

Il a assisté dans les deux caisses au traitement de plusieurs dossiers dans les conditions réelles. Il est apparu que, malgré quelques nuances dans la responsabilité des équipes, les étapes de traitement des dossiers, les points de vérification des pièces par les agents et leurs « réflexes » (par exemple, la consultation d'AGDREF en présence d'un titre de séjour) sont les mêmes.

Des années de sensibilisation et d'harmonisation des procédures ont donc largement abouti à la création d'une « culture commune » de l'identification au sein des différents organismes de sécurité sociale susceptibles de procéder aux immatriculations.

De même, au Sandia, où chaque dossier est vérifié et, en cas d'anomalie, renvoyé à l'organisme à l'origine de sa création, les équipes ont développé une rigueur et une expertise que le rapporteur général tient à souligner . Certains renvois effectués en sa présence lui ont même semblé relativement sévères.

Néanmoins, le rapporteur général a également constaté les difficultés auxquelles font face les équipes du Sandia, qui doivent travailler sur des documents scannés , généralement en noir et blanc, et qui sont souvent des scans de photocopies. Plusieurs points de contrôle sont ainsi difficilement vérifiables sur certains types de documents.

Le rapporteur général reviendra plus en détail sur cet aspect de la procédure dans la partie de ce rapport consacrée à ses recommandations.

Par ailleurs, les résultats des organismes diffèrent encore assez nettement, ce que montre bien le tableau suivant.

Taux de retour par organismes
des demandes d'immatriculations au Sandia effectuées en 2018

Organisme

Nombre de rejets

Nombre d'immatriculations

Taux de retour

CDC retraites

190

993

19,1 %

Autres

81

545

14,9 %

SSI maladie

568

4 120

13,8 %

Mutuelles SME

1 085

9 605

11,3 %

Cnam

18 232

187 679

9,7 %

Carsat CGSS CSS

3 001

32 089

9,4 %

MGEN

84

1 035

8,1 %

Agirc Arrco

110

1 453

7,6 %

Cnaf

16 999

266 389

6,4 %

SSI vieillesse

244

3 946

6,2 %

MSA

1 573

43 774

3,6 %

Total

42 167

551 628

7,6 %

Source : Sandia

À cet égard, il n'est sans doute pas anodin de constater que la Cnaf, qui est l'un des organismes qui affichent les meilleurs résultats, fait figurer le taux de retours avec avis négatif du Sandia parmi les objectifs conditionnant l'intéressement des différentes caisses de son réseau.


* 5 La dernière version de ce guide date de juillet 2018.

* 6 Circulaire DSS/SD4C n° 2012-213 du 1 er juin 2012 relative à l'attribution d'un numéro identifiant d'attente aux demandeurs ou aux bénéficiaires de prestations de protection sociale.

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