C. UNE AMÉLIORATION NOTABLE DES RÉSULTATS CONSTATÉE SUR LES DOSSIERS CRÉÉS EN 2017

Le renforcement des procédures et des moyens destinés à sécuriser l'immatriculation des personnes nées à l'étranger s'est-il traduit par une amélioration des résultats ?

Pour le savoir, à la suite du contrôle de 2011, d'autres contrôles communs associant le Sandia et la DCPAF se sont focalisés sur les flux de dossiers, c'est-à-dire en prenant un échantillon représentatif des immatriculations créées une année donnée par les organismes de sécurité sociale.

Un premier contrôle, en date de 2013, n'a pas montré d'évolution particulière. Le bilan 2013 de la DNLF relève à cet égard que les études de 2011 et 2013 ont « révélé des taux de fraude pratiquement identiques, supérieurs à 10 % (se décomposant pour l'évaluation de 2013, d'un taux de faux documents de 5,44 % et d'un taux de documents défavorables de 5,01 %). Par ailleurs, 6,98 % des documents sont inexploitables (principalement des scans illisibles de titres d'identité) ».

En revanche, l'étude de 2018, portant sur un échantillon représentatif des dossiers créés en 2017, présente un intérêt tout particulier . D'abord parce que ce contrôle permet de mesurer, avec quelques années de recul, si les renforcements des procédures décrits précédemment ont eu des effets au fil du temps. Ensuite parce que, sans s'arrêter comme précédemment à des statistiques brutes de dossiers « conformes » ou « non conformes », le Sandia a enquêté sur chacun des dossiers présentant une anomalie critique (ceux qui, dans les précédentes études, étaient identifiés comme « faux ») afin, d'une part, de voir si lesdits dossiers étaient ou non régularisables et, d'autre part, à la demande du rapporteur général, de chiffrer le montant des prestations sociales associé aux dossiers non régularisables . Il s'agit là d'un vrai progrès méthodologique pour mieux mesurer le risque financier réel associé aux « faux NIR ».

Ainsi, la DCPAF et le Sandia ont tout d'abord travaillé à partir d'un échantillon représentatif de 1 300 dossiers de personnes nées hors de France extraits du SNGI.

Les dossiers ont ensuite été classés de la façon suivante :

- « favorable » pour les documents dont le formalisme est conforme par rapport aux documents régulièrement soumis aux contrôles de la DCPAF ;

- en « anomalies mineures » lorsque le dossier ne répond pas strictement à la forme requise mais dont il est raisonnable de penser que l'anomalie est le fait des autorités de délivrance du titre et non du demandeur lui-même ( cf. encadré ci-après) ;

- « indéterminé » lorsque, comme pour les précédentes études, les contrôleurs n'ont pas pu se prononcer sur la validité d'un document, par exemple du fait de l'absence de modèle de référence ;

- en « anomalies critiques » lorsque le document ne remplit pas les conditions d'authenticité ou en cas d'incohérence entre le document d'identité et le document d'état civil.

Les documents en « anomalie mineure »

Les documents classés en anomalie mineure dans le cadre du contrôle effectué en 2018 par la DCPAF et le Sandia sont des documents qui ne répondent pas pleinement aux conditions de recevabilité définies à l'article 47 du code civil, aux termes duquel « tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi » , mais pour lesquels il est raisonnablement permis de penser que le mauvais formalisme n'est pas le fait du demandeur mais le fait de « mauvaises pratiques », souvent bien identifiées, des autorités de certains pays.

Concrètement, cinq types d'actes ont été classés dans cette catégorie :

- les extraits d'acte de naissance établis par les autorités algériennes sur des imprimés référencés EC 12. Comme le notent les contrôleurs, ces documents ne devraient plus être utilisés depuis 2014 (ils ont été remplacés par de nouveaux formulaires, EC 7) mais ils sont acceptés par les organismes de sécurité sociale dans la mesure où le consulat d'Algérie confirme que les communes ont fait le choix d'écouler leur stock d'imprimés EC 12 avant de passer au nouveau modèle ;

- les extraits d'acte de naissance établis par les autorités espagnoles sur des imprimés plurilingues de la Commission internationale de l'état civil (CIEC) et qui ne comportent pas le numéro d'acte de naissance, ce champ n'étant pas renseigné. En revanche, dans la partie supérieure du document figurent le numéro du tome et le numéro de page du registre source ;

- les extraits d'actes de naissance établis à la suite d'un jugement supplétif de naissance, lorsque ce jugement supplétif n'est pas joint à l'extrait. Certains pays d'Afrique, comme le Maroc, le Mali ou la Guinée, sont concernés au premier chef ;

- les pièces d'état civil établies par un consulat dans un pays où ce formalisme n'est en principe pas retenu ;

- et, dans le même esprit, divers cas où les pièces ne répondent pas à un certain formalisme de l'État de délivrance de l'acte sans présenter d'anomalie de nature à remettre en cause l'authenticité des informations relatives à l'identité du demandeur.

Les auditions conduites par le rapporteur général ont bien montré la différence « culturelle » d'approche relative à ces titres entre la DCPAF, légitimement attachée au strict respect des formes prescrites à l'article 47 du code civil, et donc du formalisme en vigueur dans l'État d'émission, et les organismes de sécurité sociale, plus enclins à se placer du côté du demandeur. Pour autant, les représentants du ministère de l'intérieur conviennent que les anomalies qui aboutissent au classement de dossiers dans cette catégorie ne permettent pas de présumer une fraude et que lancer un contrôle exhaustif sur le stock du Sandia des dossiers en « anomalies mineures » constituerait un effort disproportionné par rapport au taux sans doute très faible de dossiers non régularisables qui s'y trouvent.

Le rapporteur général partage cette approche et souscrit à la position selon laquelle il convient de se focaliser sur les documents en « anomalies critiques », pour lesquels l'anomalie constatée est de nature à susciter un vrai doute sur l'identité du demandeur.

À l'issue du contrôle conjoint par les équipes de la DCPAF et du Sandia, les dossiers ont été répartis de la façon suivante.

Résultats du contrôle de 2018
sur un échantillon de dossiers représentatifs des immatriculations
de l'année 2017

Sources : Sandia - DCPAF

Un premier constat est l'amélioration significative du taux de documents classés dans la catégorie « favorable » , proche de 80 %, alors que moins de 60 % des dossiers étaient classés dans la catégorie équivalente dans l'étude de 2011 portant sur le stock du Sandia de l'époque. Le renforcement des procédures et la sensibilisation des organismes semblent donc avoir produit un réel effet sur la robustesse des contrôles au moment de l'immatriculation des personnes nées hors de France.

En outre, du fait de la logique développée précédemment, les 55 dossiers apparaissant en « anomalies critiques » ont fait l'objet d'un examen individuel : ces dossiers ont été renvoyés aux organismes à l'origine de leur création pour des recherches complémentaires, le cas échéant en recontactant le demandeur.

Ces nouvelles investigations ont permis de régulariser une forte majorité de ces dossiers en anomalie critique , les demandeurs ayant pu fournir de nouveaux actes, réguliers cette fois.

In fine , seuls treize dossiers n'ont pas été régularisés au terme de la procédure complémentaire , soit du fait de l'absence de réponse du demandeur, soit du fait de l'absence de nouvel acte, soit du fait de la présentation d'un acte également en anomalie critique. Les droits des intéressés ont donc été suspendus.

Le rapporteur général précise qu'il a eu accès aux dossiers individuels des intéressés et a donc été en mesure de s'assurer de la pertinence du classement des dossiers ainsi réévalués.

Quant à l'impact financier de dossiers non régularisés , il est le suivant sur les douze mois glissants précédant l'étude :

- six dossiers correspondent à des assurés n'ayant perçu aucune prestation ;

- et sept dossiers correspondent à des assurés ayant eu droit à des prestations , dont trois n'ont eu que la prise en charge d'assurance maladie et quatre ont touché des prestations monétaires, d'un montant total de 11 616 euros .

Le rapporteur général retient ces chiffres, qui lui semblent plus pertinents que les seuls deux dossiers pour lesquels les organismes disposent d'assez d'éléments de suspicion de fraude pour avoir déposé plainte à ce titre 7 ( * ) .

De plus, il regrette que, pour une information complète, le montant des prises en charge par l'assurance maladie ne figure pas dans l'étude. Toutefois, il convient de préciser que le risque financier associé à ce risque pour les finances publiques est désormais à relativiser, du fait de la mise en place de la protection universelle maladie en 2016 et de l'existence de l'aide médicale d'État pour les personnes en situation irrégulière ; il est donc fort probable qu'à un titre ou à un autre, les intéressés auraient eu droit à la prise en charge de leurs dépenses au titre de la maladie.

En extrapolant ce résultat à l'ensemble des 602 478 dossiers immatriculés par le Sandia en 2017 8 ( * ) , on obtient le nombre total de « faux NIR » et le risque financier associé suivants :

- en se fondant sur les seuls dossiers en anomalie critique, quelque 6 025 dossiers non régularisables , dont environ 2 780 « avec prestations » pour un montant (hors assurance maladie) de 5,4 millions d'euros ;

- en y ajoutant, avec la même proportion de dossiers non régularisables 9 ( * ) , les dossiers classés en « indéterminés » , environ 7 193 dossiers non régularisables pour un montant de prestations (hors assurance maladie) de 5,6 millions d'euros.

Il apparaît donc que le risque associé aux flux annuels d'immatriculation à la sécurité sociale de personnes nées à l'étranger est désormais relativement bien maîtrisé.


* 7 C'est sur cette base de deux dossiers frauduleux sur 1300 que le Gouvernement a communiqué pour indiquer que le taux de fraude à l'issue du contrôle serait de 0,15 %.

* 8 L'année 2017 était d'ailleurs atypique puisque le nombre d'immatriculations est supérieur d'environ 10 % à ceux des années 2016 et 2018.

* 9 Pour réaliser ce calcul, on enlève les 57 dossiers « indéterminés » de la base de l'extrapolation. Le résultat devient donc : 11 616 € X 602 478 dossiers totaux / (1 300 - 57) dossiers examinés.

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