B. LES MESURES URGENTES ET PRIORITAIRES

1. Rapprocher l'ONF des territoires : maintenir le principe du régime forestier en adaptant ses modalités pour valoriser les stratégies de territoires
a) La mise en oeuvre du régime forestier à travers les contrats d'objectifs et de performance

Le contrat d'objectifs et de performance (COP) 2016-2020 signé le 7 mars 2016 a réaffirmé le principe d'un gestionnaire unique des forêts publiques et la charte de la forêt communale, signée entre l'ONF et la FNCOFOR le 14 décembre 2016, précise les modalités du régime forestier.

Ce COP 2016-2020 a été adopté en décembre 2015, après plus d'un an de négociations. Au final, comme le Gouvernement s'y était engagé, aucune contribution financière supplémentaire n'a été demandée aux communes forestières. Les points clés de ce contrat sont les suivants :

- une mobilisation de bois accrue, avec un objectif de récolte accrue de 15 millions de m 3 ;

- le développement des ventes de bois façonné, en s'appuyant sur un partenariat renforcé entre l'ONF, la FNCOFOR et la Fédération Nationale du Bois (FNB) ; l'objectif est d'atteindre 50 % des volumes commercialisés en forêt domaniale en 2020, essentiellement par contrats, afin de sécuriser l'approvisionnement de la filière ;

- la stabilisation des effectifs de l'Office ;

- le maintien du versement compensateur à hauteur de 140 millions d'euros par an pendant la durée du contrat et le financement dans leur intégralité, des missions d'intérêt général confiées à l'ONF.

Les élus forestiers ont accepté de renouveler leur confiance à leur gestionnaire unique. Pour autant, ils ont adressé un message clair de vigilance auprès des pouvoirs publics et de l'ONF.

Rappels sur le précédent COP 2012-2016

1) Il reposait sur le principe du maintien du régime forestier avec :

le maintien d'un maillage territorial constitué de 300 à 310 unités territoriales (UT) comprenant chacune de 7 à 10 agents, l'agent patrimonial de l'ONF étant confirmé dans son rôle d'interlocuteur au quotidien des communes.

des outils permettant aux élus forestiers de faire entendre leur voix :

- une Commission nationale de la forêt communale, instance paritaire, confortée avec la création de commissions régionales ;

- un nouveau Comité consultatif de la forêt communale installé au sein du conseil d'administration de l'ONF pour débattre de choix stratégiques et veiller au maintien effectif du maillage territorial.

Le COP rappelle que l'aménagement forestier constitue le document unique sur lequel s'appuie la gestion durable multifonctionnelle. L'objectif pour 2016 est de doter 95 % des forêts des collectivités d'un aménagement (210 000 ha/an de nouveaux aménagements ou révisions).

Le précédent COP prévoyait également :

le soutien aux initiatives communales de regroupement de gestion forestière ;

la poursuite de l'effort de développement des contrats de commercialisation (25 % des bois vendus en 2016) ;

une sensibilisation des élus afin de préserver les milieux forestiers, de favoriser la biodiversité dans la gestion courante, de mettre en réseau les réserves biologiques, un partenariat avec l'ONCFS étant envisagé.

2) Au-delà du régime forestier, le COP visait à mieux prendre en compte les services non marchands rendus par la forêt publique, à promouvoir l'expertise forestière française internationale ainsi qu'à maintenir une offre d'ingénierie et de travaux patrimoniaux au bénéfice des communes (chantiers inscrits en application des aménagements, développement du façonnage de bois).

Pour réaffirmer la place de la forêt dans le territoire, l'ONF doit apporter son concours aux collectivités leaders dans les démarches territoriales.

Enfin, ONF Énergie doit garantir l'approvisionnement des chaufferies des communes forestières selon une charte de bonnes pratiques.

3) Optimiser les moyens pour sécuriser le financement de la gestion des forêts publiques

Il s'agissait avant tout de stabiliser le maillage territorial pour assurer le régime forestier.

Il était clairement fait allusion à l'accroissement de la contribution des collectivités au financement du régime forestier. La Fédération Nationale des communes forestières avait accepté de signer le COP pour débloquer la situation à la condition d'une analyse plus approfondie de la comptabilité analytique de l'ONF (l'exercice n'ayant été fait en amont du COP). Ces informations devaient être présentées au Comité consultatif de la forêt communale, pour que celle-ci puisse valider le dispositif. L'engagement supplémentaire des communes reposait essentiellement sur la mise en place de la taxe à l'hectare et l'augmentation de la récolte de bois par rapport à 2010. L'État devait clarifier l'assiette des frais de garderie et créer la contribution à l'hectare, mais aussi s'assurer que toutes les forêts susceptibles d'en relever puissent bénéficier du régime forestier.

Pour sa part, l'ONF s'engage à atteindre un objectif d'équilibre annuel de ses comptes de résultats. Pour couvrir ses besoins de trésorerie, le versement compensateur sera maintenu. Néanmoins, le recours à l'emprunt n'est pas exclu.

b) Mieux définir le contenu précis du régime forestier pour clarifier la nature des prestations de l'ONF et renforcer la liberté de choix des élus forestiers

Comme l'a noté la Cour des comptes, le contenu exact des prestations qui incombent à l'ONF pour la mise en oeuvre du régime forestier dans les forêts des collectivités ressort de manière peu détaillée des dispositions du code forestier. La Charte de la forêt communale introduite à la demande des communes forestières, précise la nomenclature et constitue un référentiel important pour les élus locaux - en particulier pour les nouveaux maires.

Juridiquement, on peut noter, pour expliquer la relative complexité du sujet, que le régime forestier relève à la fois du droit public (aménagement, autorisations...) et du droit privé (exercice du droit de propriété, ventes de bois).

Le régime forestier en pratique

Pour que le régime forestier s'applique, les parcelles forestières doivent faire l'objet d'une visite contradictoire entre l'ONF et la collectivité. Celle-ci délibère dans un second temps. L'ONF instruit le dossier et le préfet prend un arrêté officialisant l'entrée en vigueur du régime forestier qui s'applique à titre permanent. Des distractions du régime forestier peuvent être ponctuellement autorisées par l'État pour des motifs d'intérêt général.

La collectivité reste maîtresse de la gestion de son patrimoine et continue à assumer ses responsabilités de propriétaire. Chaque année, l'ONF présente un bilan de gestion à la commune.

Les principales composantes du régime forestier sont les suivantes :

- un plan de gestion de la forêt appelé aménagement forestier, préalable indispensable à toutes les actions qui y seront réalisées et à l'obtention de la certification de gestion durable ;

- un programme annuel de travaux d'entretien et d'infrastructures en forêt ;

- un programme annuel de coupes ;

-- la surveillance et la conservation du patrimoine. La surveillance a pour but de maintenir la destination forestière des terrains, la santé des peuplements, le respect de la propriété foncière et de la réglementation générale.

Le régime forestier repose sur un mécanisme de financement mutualisé et le « versement compensateur » délivré par l'État qui prend en charge environ 85 % du coût de sa mise en oeuvre.

Les communes participent au financement du régime forestier de deux manières en payant une taxe de deux euros par hectare chaque année (si l'ONF a proposé un plan de gestion) et un pourcentage (10 ou 12 %) de l'ensemble des recettes issues de leurs forêts : ce sont les frais de garderie.

L'élaboration des programmes de travaux relève des missions du régime forestier. La collectivité propriétaire choisit ce qu'elle souhaite réaliser, approuve ce programme et vote les moyens budgétaires correspondant. Dans le respect des règles de la commande publique, le propriétaire choisit librement le prestataire qui effectuera les travaux. En pratique, de nombreuses communes ont recours aux services concurrentiels de l'ONF pour réaliser ces chantiers.

Les travaux patrimoniaux des collectivités, en complément du régime forestier relèvent, en revanche, du secteur concurrentiel. L'ONF effectue pour le compte des communes et autres collectivités publiques, des travaux sylvicoles et d'exploitation en forêt. Ces travaux sont des interventions commandées par les collectivités sur la base du programme de travaux, proposé par l'ONF au titre du régime forestier, pour permettre l'application de l'aménagement forestier.

Relèvent également des activités concurrentielles les prestations de service visant à protéger, gérer et valoriser le patrimoine naturel. Pour cette seconde catégorie, l'ONF propose ses savoir-faire aux gestionnaires d'espaces naturels, aux élus des collectivités, aux gestionnaires d'emprises ou encore de sites privés.

Ces deux activités, patrimoniale et de service, peinent à s'équilibrer financièrement.

Un rapport publié en 2015, pendant la négociation du précédent COP 10 ( * ) , a suggéré de clarifier la frontière entre le régime forestier et le domaine concurrentiel en formulant les observations suivantes :

- certaines petites prestations relevant du conventionnel sont financées par le régime forestier, comme par exemple des difficultés de voisinage liées à des arbres ou des tâches liées à l'affouage 11 ( * ) ; ce rapport précise que ces travaux sont parfois justifiés par la volonté de « maintenir de bonnes relations avec les maires », car « un refus aurait des conséquences sur les demandes de coupes et de travaux de l'ONF » ;

- le contenu du régime forestier ne fait l'objet d'aucune définition légale exhaustive et il est plus simple de lister les interdictions que d'énumérer un grand nombre de prestations. Le code forestier précise cependant l'obligation d'un document de gestion spécifique, dit « aménagement » (art. L. 212-1) approuvé par le préfet de région après accord du propriétaire (art. L. 212-3) et l'organisation des ventes de bois par l'ONF (art. L. 214-6).

Votre rapporteure signale qu'en pratique, les maires et, en particulier, les nouveaux élus, ne sont pas toujours bien conscients de la possibilité de faire réaliser les travaux par des entreprises privées. Ils confient alors leurs chantiers aux services de l'ONF, sans réelle mise en concurrence.

c) Les solutions concrètes pour rapprocher l'ONF des territoires

Le régime forestier se décline synthétiquement autour de trois piliers :

- la surveillance de la forêt, avec un volet pénal qui vise à constater les infractions et un volet civil qui contrôle de respect des limites des propriétés forestières ;

- la planification et l'encadrement de la gestion par l'aménagement forestier qui prévoit les coupes et les travaux sur une période de 15 à 20 ans ;

- la mise en oeuvre de l'aménagement avec la programmation des coupes et des travaux ainsi que l'organisation des ventes de bois.

Votre rapporteur souligne avec force que ces trois ordres de mesures ne peuvent être envisagés sans une bonne coopération avec les collectivités propriétaires. Elles sont, en effet, maîtresses de la quantité de la récolte, largement décisionnaires en ce qui concerne les regroupements et les modes de récolte et partenaires incontournables comme aménageurs et développeurs locaux.

Aujourd'hui, les élus des collectivités demandent à être mieux reconnus dans leur rôle d'aménageurs et à affirmer leur place dans la gouvernance forestière. Impliqués dans le développement de l'économie rurale et de l'emploi, ils sont des leviers essentiels et efficaces sur le terrain dans le cadre de stratégies locales de développement forestier qui se sont multipliées ces dernières années.

L'insatisfaction des élus a grandi au fur et à mesure de l'approfondissement de la décentralisation et parallèlement à la montée en puissance des usages et de l'intérêt sociétal pour la forêt. Ils sont désormais des acteurs incontournables, et veulent pouvoir, en écho avec leurs populations, « piloter » le devenir de leurs forêts. Ce mécontentement s'est exprimé lors des négociations des derniers COP. Les élus forestiers s'expriment aujourd'hui avec force contre le manque de concertation et de transparence qui leur donne le sentiment d'une tutelle de l'ONF. À ce titre, votre rapporteure souligne que les dernières propositions du Gouvernement, soutenues par certains cadres l'ONF, de percevoir à la place des communes, l'encaissement des recettes des ventes de bois communales sont extrêmement maladroites et mal venues.

Surmontant la tentation d'une rupture brutale, les élus ont formulé plusieurs propositions dans un « Manifeste pour la forêt », présenté lors de leur dernier congrès à Épinal le 8 juin dernier.

Faisant prévaloir l'impératif de solidarité vis-à-vis des communes dépourvues de moyens, les élus forestiers se prononcent en faveur du maintien d'un régime forestier adapté, à la carte, en fonction des attentes des communes et des réalités territoriales.

Ce régime doit être fondé sur une responsabilisation accrue des collectivités territoriales et une plus grande transparence dans les choix de gestion.

Concrètement, plus de « territorialisation » impliquerait d'adapter et de simplifier les documents d'aménagement en fonction des enjeux locaux, en associant plus étroitement les communes à leur élaboration.

Ce partenariat plus étroit doit se traduire par des choix de gestion décidés en fonction des décisions municipales. L'appui technique de l'ONF est important mais il nécessite d'être perfectionné avec une remontée plus complète de l'ensemble des données vers les élus.

Dans ce cadre, l'Office garantirait une présence d'interlocuteurs de proximité et d'agents de surveillance des forêts communales.

Ces modalités de partenariat doivent également s'appliquer à la stratégie de commercialisation du bois.

Plus globalement, l'équilibre entre les composantes des fonctions écologiques, économiques et sociales des forêts doit être décliné aux différentes échelles spatiales pertinentes. À chaque niveau, depuis les approches nationales jusqu'aux documents de gestion attachés aux forêts, il convient de favoriser la consultation, la concertation et l'intégration de la forêt dans son environnement socio-économique tout en prenant en compte la préservation de l'environnement et la lutte contre l'effet de serre.

Le territoire doit devenir, dans les faits, l'espace privilégié de concertation et de formalisation des nombreuses attentes des partenaires relevant de la gestion multifonctionnelle.

2. Une exigence : ne pas faire peser sur les communes le rééquilibrage financier de l'ONF

Au cours des 20 dernières années, un certain nombre de rapports d'inspection ont suggéré, pour équilibrer les comptes de l'ONF, d'augmenter sous des formes multiples (frais de garderie, instauration d'une taxe à l'hectare, frais de gestion...) les contributions versées par les communes forestières en contrepartie du régime forestier.

Il convient de rappeler que le régime forestier est soutenu par une dotation budgétaire annuelle de 140 millions d'euros à l'ONF. Ce « versement compensateur » fait l'objet d'interprétations divergentes. Dans les rapports remis au Gouvernement, cette somme est la plupart du temps présentée comme une subvention permettant aux communes de ne payer que 17 % du coût de la prestation effectuée par l'ONF.

Au cours des auditions, il a presque été reproché aux communes de ne pas souligner l'existence de ce versement compensateur. C'est méconnaître les coûts à la charge des collectivités induits par :

- l'exploitation forestière (dessertes, voiries communales...) ;

- la fiscalité (les recettes d'exploitation minorent la DGF alors qu'une partie de ces recettes sont systématiquement réinvesties dans la plantation et l'entretien...) ;

- et les mesures prises en matière d'accueil du public, d'entretien des espaces, de pédagogie à l'environnement.

Autant de surcoûts qui dépassent largement les enjeux de telle ou telle commune forestière.

Les élus forestiers sont plus que jamais soucieux du bon usage des fonds publics. Certaines communes ont d'ailleurs fait valoir que l'appel à des opérateurs privés permettrait, sur certains territoires, de diviser par deux le prix de la prestation - certes de haute qualité - réalisée par l'ONF (30 euros à l'hectare au lieu de 60 euros, selon le rapport conjoint des inspections des finances et de l'agriculture de 2015 précité).

Dans ce contexte et au regard de la comptabilité analytique de l'ONF, il est difficile d'affirmer que les communes bénéficient intégralement de l'aide de 140 millions d'euros. D'autant que même fléchée en totalité sur les communes, cette aide représente 42 euros par an et par hectare communal géré.

Le rapport de 2010 d'Hervé Gaymard, alors président de l'ONF, a appelé à la sagesse sur ce sujet en estimant que « la remise en cause, même partielle, de ce mode de financement scellerait l'écroulement de la construction existante », c'est-à-dire du régime forestier qu'il qualifie de « pièce maîtresse de la gestion durable de la forêt ».

Votre rapporteure estime que le moment est venu de passer à autre chose que des « pansements » homéopathiques.

Le projet d'encaissement des ventes de bois a catalysé l'hostilité des communes déjà malmenée fiscalement et budgétairement : elles s'opposent catégoriquement à devenir les « banquiers » de l'ONF, et indiquent qu'une telle mesure ne serait d'aucune utilité pour résorber durablement le déficit structurel de l'ONF.

Une telle mesure nécessiterait un décret qui n'a pas été finalisé. La Constitution interdit, bien entendu, au Sénat d'adresser des injonctions au Gouvernement dans cette matière qui relève du domaine réglementaire mais, sur la proposition de votre rapporteure, la commission des Affaires économiques exhorte l'exécutif à interrompre ce processus.


* 10 Le régime forestier mis en oeuvre par l'Office national des forêts dans les forêts des collectivités - rapport conjoint publié en mai 2015 : Inspection générale des finances ; Conseil général de l'alimentation de l'agriculture et des espaces ruraux ; Conseil général de l'environnement et du développement durable.

* 11 L'affouage donne la possibilité aux habitants de la commune d'accéder à du bois de chauffage.

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