B. UN OBJECTIF : DÉFINIR UN MODÈLE D'EXPLOITATION PÉRENNE ET ÉQUILIBRÉ, ARTICULÉ AUTOUR DES FÉDÉRATIONS

1. Spécialiser et rénover le Stade de France

Le contexte a fortement évolué depuis 1995. À cette époque, le modèle du stade multifonctionnel apparaissait comme l'avenir des enceintes sportives, capable d'accueillir manifestations sportives et culturelles.

Entretemps, l'offre de salles de spectacles s'est enrichie en Île-de-France, avec en particulier la rénovation du palais omnisport de Paris-Bercy - AccorHotels Arena - et la construction de Paris La Défense Arena à Nanterre, qui présentent le double avantage d'une salle fermée utilisable quelles que soient les conditions climatiques et d'une capacité d'accueil plus facile à remplir.

De même, la course à la taille des stades s'est interrompue alors que le montant des droits télévisés s'est envolé. Les dernières enceintes construites privilégient le format « chaudron », avec une jauge comprise en 50 000 et 60 000 places, à l'instar du stade des Lumières de Lyon 45 ( * ) , et une proximité directe des spectateurs avec le terrain.

Ces évolutions plaident pour une spécialisation accrue du Stade de France . Le ressenti des utilisateurs est unanime : qui trop embrasse mal étreint ; la multifonctionnalité du stade constitue aujourd'hui une faiblesse.

Dans ces conditions, c'est par la suppression de la piste d'athlétisme et une plus forte empreinte sportive que passe l'avenir du stade, ainsi qu'une éventuelle couverture pour étendre sa capacité d'accueil d'évènements.

C'est pourquoi d'importants investissements seront requis pour transformer l'enceinte en un stade des années 2030.

Au cours des auditions, le montant de 200 millions d'euros d'investissements a été régulièrement avancé, nécessaire pour assurer l'attractivité du stade au regard des autres enceintes européennes - numérisation du stade, suppression de la piste d'athlétisme, couverture du toit, etc. Cet élément doit guider la réflexion sur l'avenir du Stade de France, dès lors que cette somme ne saurait résulter que de financements privés.

2. Renforcer le rôle des fédérations, qui doivent s'engager

Il importe d'obtenir les conditions d'une exploitation profitable du stade, ce qui implique de mieux associer les intérêts des différentes parties .

Le problème majeur du contrat de concession actuel tient à la dissociation des intérêts entre les trois acteurs : le propriétaire (l'État), l'exploitant (le consortium) et les organisateurs d'évènements (les fédérations). Cette architecture s'est révélée préjudiciable à l'exploitation de l'enceinte, les discussions portant davantage sur la répartition de la valeur entre le concessionnaire et les fédérations que sur la création même de la valeur.

Les principaux stades étrangers intègrent davantage ces fonctions, selon trois modèles, récapitulés dans le schéma ci-après.

Comparaison des modèles d'exploitation des grandes enceintes sportives

Source : commission des finances du Sénat, à partir des données transmises par la direction des sports

Comme près de deux décennies de tentatives infructueuses l'ont montré, la perspective d'un club résident doit être écartée .

Seul le Paris Saint-Germain pourrait espérer remplir le Stade de France chaque week-end. Or le club parisien entend demeurer au Parc des Princes, son stade historique rénové pour l'Euro 2016 et faisant l'objet de projets de modernisation et d'agrandissement à moyen terme. Les autres utilisateurs potentiels du Stade de France, même de façon ponctuelle comme ils l'ont fait par le passé, ont pris possession de nouvelles enceintes correspondant davantage à leurs besoins 46 ( * ) .

L'avenir du Stade de France passe donc par une intégration plus forte des fédérations sportives titulaires des droits commerciaux des manifestations sportives qu'elles organisent. Le Stade de France n'a de rentabilité, et donc de valeur aux yeux d'un investisseur, que par la tenue des matchs des équipes de France de football et de rugby , ce qu'a d'ailleurs souligné la direction de l'immobilier de l'État en juin 2017 en réponse à une demande de la direction des sports d'évaluation de l'enceinte.

Il est donc indispensable que les fédérations françaises de football et de rugby s'engagent pour l'avenir du Stade de France . Votre rapporteur spécial a constaté au cours des entretiens avec les deux présidents respectifs une divergence d'approche entre les deux fédérations . Alors que la fédération française de rugby désire s'engager, soit en prenant part à la gestion, soit par la propriété, la fédération française de football est plus réticente, privilégiant une itinérance de l'équipe de France en région.

Pour autant, votre rapporteur spécial est convaincu de l'intérêt d'une telle enceinte pour les deux fédérations, unique dans sa capacité d'accueil et à l'histoire indissociable des Bleus.

Surtout, le dynamisme de l'économie du sport depuis le début des années 2000 leur confère désormais des marges de manoeuvre financières élevées. C'est la raison pour laquelle la Cour des comptes estime que, titulaires d'une délégation de service public confiée par l'État, les deux fédérations ne peuvent « s'exonérer de toute responsabilité sur le coût des infrastructures sportives qu'elles utilisent » 47 ( * ) .

L'exemple de la rénovation de Roland Garros, entièrement financée par la fédération française de tennis, doit être étendu. Comme le relevaient nos collègues Jean-Jacques Lozach et Claude Kern en 2017 dans leur rapport consacré au football professionnel, « la maîtrise de son « outil de production » constitue un atout extraordinaire pour développer une discipline dans son entier. L'équipement symbolise la fédération et les ressources qu'il permet de dégager constituent alors un avantage pour développer la formation et les équipements au niveau local. On peut donc estimer que l'évolution de la gouvernance du Stade de France constitue un élément décisif pour l'avenir du football français » 48 ( * ) . Loin de s'opposer, investissement dans le Stade de France et soutien du football amateur se complètent .

Un travail conjoint rapide visant à associer les fédérations à l'avenir du Stade de France s'impose. Il n'avait toujours pas été engagé au début du printemps lorsque votre rapporteur spécial avait rencontré les deux présidents Noël Le Graët et Bernard Laporte. Quelle que soit la solution in fine retenue pour l'avenir du stade, il est dans l'intérêt de l'État de clarifier la façon dont les fédérations françaises de football et de rugby y seront associées car cet élément en conditionne la valeur économique future.

En l'absence d'une décision rapide, l'État serait contraint d'assumer deux risques financiers :

- l'indispensable modernisation de l'enceinte , pour un montant sans doute proche de 200 millions d'euros ;

- le fonctionnement du stade en dehors d'un modèle d'exploitation intégrant les fédérations, pour un montant estimé compris entre 25 millions et 30 millions d'euros 49 ( * ) .


* 45 Stade propriété de la société OL Group et utilisé par le club de football Olympique lyonnais, inauguré en janvier 2016.

* 46 Le stade Jean Bouin pour le Stade français de rugby, la U Arena pour le Racing 92 de rugby, et même le stade Pierre Mauroy pour le club de football du Lille olympique sporting club -LOSC.

* 47 Cour des comptes, relevé d'observations définitives « Le contrat de concession du Stade de France », septembre 2018.

* 48 Voir le rapport d'information n° 437 (2016-2017) « Muscler le jeu du football professionnel », de Jean-Jacques Lozach et Claude Kern, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, 22 février 2017.

* 49 Selon les calculs de la Cour des comptes à l'occasion du référé de septembre 2018 précité.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page