Rapport d'information n° 673 (2018-2019) de M. Bernard DELCROS , fait au nom de la commission des finances, déposé le 17 juillet 2019

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N° 673

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2018-2019

Enregistré à la Présidence du Sénat le 17 juillet 2019

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur les contrats de ruralité ,

Par M. Bernard DELCROS,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Vincent Éblé , président ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Emmanuel Capus, Yvon Collin, Bernard Delcros, Philippe Dominati, Charles Guené, Jean-François Husson, Mme Christine Lavarde, MM. Georges Patient, Claude Raynal , vice-présidents ; M. Thierry Carcenac, Mme Nathalie Goulet, MM. Alain Joyandet, Marc Laménie , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, Julien Bargeton, Jérôme Bascher, Arnaud Bazin, Jean Bizet, Yannick Botrel, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Philippe Dallier, Vincent Delahaye, Mme Frédérique Espagnac, MM. Rémi Féraud, Jean-Marc Gabouty, Jacques Genest, Alain Houpert, Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Nuihau Laurey, Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Sébastien Meurant, Claude Nougein, Didier Rambaud, Jean-François Rapin, Jean-Claude Requier, Pascal Savoldelli, Mmes Sophie Taillé-Polian, Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel .

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

En octobre 2015, le Sénat a adopté une proposition de loi créant un dispositif de contractualisation entre l'État et les territoires afin d'initier une dynamique territoriale dans les secteurs ruraux en difficulté.

Trois comités interministériels aux ruralités se sont tenus respectivement les 13 mars 2015, 14 septembre 2015 et 20 mai 2016. S'ils ont permis d'adopter une centaine de mesures en faveur du développement des territoires ruraux, le comité interministériel aux ruralités du 20 mai 2016 a en particulier décidé la mise en place de contrats de ruralité , reprenant la philosophie des contrats de développement rural proposés quelques mois plus tôt par le Sénat.

Outils d'accompagnement des territoires ruraux dans leurs projets de développement , les contrats de ruralité offrent l'opportunité de fédérer les partenaires institutionnels, économiques et associatifs, en vue de concrétiser une stratégie globale de développement rural et d'accélérer la réalisation de projets dans ces territoires .

L'initiative du présent contrôle budgétaire part d'un double constat : d'une part, l'arrêt du financement des contrats de ruralité par une enveloppe de crédits dédiés et son transfert vers une enveloppe non contraignante au sein de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) ; d'autre part, l'absence de visibilité quant au devenir des contrats de ruralité , dans le cadre de la mise en place des « contrats de cohésion territoriale » qui seront portés par l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT).

Pourtant, l'étude publiée en mai 2018 par le Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET) souligne que les contrats de ruralité sont globalement salués par les signataires et partenaires du contrat.

Au terme de mes travaux, je dresse un bilan largement positif des contrats de ruralité . En particulier, ils ont souvent facilité l'élaboration d'une stratégie de territoire et permis de mobiliser les crédits nécessaires pour finaliser les plans de financement des projets. Ils ont aussi accéléré le développement des territoires ruraux et contribué à renforcer le dialogue entre l'État et les élus .

La première génération de contrats couvrant une période de quatre années, elle arrive à échéance en 2020. C'est pourquoi je formule dix propositions, avec pour objectif principal d'engager une deuxième génération des contrats de ruralité tout en les faisant évoluer pour qu'ils soient plus ciblés, plus lisibles dans la durée et plus efficaces .

MES DIX PROPOSITIONS

Une deuxième génération de contrats de ruralité plus ciblés, plus lisibles dans la durée et plus efficaces

Proposition n° 1 : Reconduire le dispositif des contrats de ruralité pour une deuxième génération à compter de 2020 et pour cinq ans, qui coïncidera avec la nouvelle mandature municipale.

Proposition n° 2 : Maintenir des contrats de ruralité distincts des futurs « contrats de cohésion territoriale », au même titre que les contrats de ville, afin d'éviter une dilution des moyens dédiés à la ruralité dans des enveloppes concernant d'autres enjeux nationaux.

Proposition n° 3 : Revenir à une enveloppe de crédits dédiée sur le programme 112, affectée au FNADT, qui présente des atouts par rapport à la DSIL (souplesse, financement de l'ingénierie territoriale, de projets associant collectivités locales et acteurs privés, etc.), afin de garantir la lisibilité des crédits affectés par l'État aux contrats de ruralité.

Proposition n° 4 : Assurer la visibilité des engagements de l'État sur la durée des contrats, à l'instar de la méthode déployée sur les CPER, afin que les élus appuient leur stratégie de développement sur une programmation pluriannuelle financièrement sécurisée.

Proposition n° 5 : Prévoir au niveau national des critères d'attribution fondés sur la fragilité des territoires (densité de population, évolution démographique et revenu par habitant), afin de garantir une meilleure efficacité des contrats et la transparence des modalités de répartition des crédits.

Proposition n° 6 : Veiller à ce que seules les communes dites « rurales » bénéficient du soutien financier de l'État prévu dans le cadre de ce contrat, lorsqu'une communauté urbaine porte un contrat de ruralité.

Proposition n° 7 : Conditionner la signature d'un contrat de ruralité à la désignation d'un chef de projet dédié à son animation et au suivi de sa mise en oeuvre. Dans les territoires ruraux dont l'EPCI compte moins de 60 000 habitants, assurer le financement de ce poste à hauteur de 80 % par l'État dans le cadre des crédits prévus pour ce contrat.

Proposition n° 8 : Instaurer une clause de revoyure du contrat à mi-parcours permettant une première évaluation de sa mise en oeuvre et un éventuel avenant.

Proposition n° 9 : Encourager la participation des acteurs sociaux, économiques et des citoyens à l'élaboration des contrats de ruralité, afin de partager les diagnostics et les solutions aux problématiques du développement local.

Proposition n° 10 : Instaurer une majoration de 10 % de l'enveloppe allouée par l'État aux territoires ayant subi une baisse démographique sur la moyenne des cinq dernières années.

PREMIÈRE PARTIE :
LES CONTRATS DE RURALITÉ, UN ENGAGEMENT PROMETTEUR EN FAVEUR DE LA RURALITÉ

I. DES CONTRATS DÉDIÉS À L'ACCOMPAGNEMENT DES PROJETS DE DÉVELOPPEMENT DES TERRITOIRES RURAUX

A. LA TRADUCTION CONCRÈTE D'UNE INITIATIVE SÉNATORIALE

Au printemps 2016, le ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales, Jean-Michel Baylet, a annoncé la création de nouveaux outils de contractualisation en faveur des territoires ruraux, dénommés contrats de ruralité.

Leur mise en place a été formellement actée par le comité interministériel aux ruralités du 20 mai 2016 .

Ces nouveaux outils contractuels s'inspirent des contrats territoriaux de développement rural, proposés un an plus tôt par le Sénat. Cette proposition de loi, adoptée en octobre 2015 par le Sénat 1 ( * ) , partait d'un double constat :

- une France rurale faisant face à des problèmes structurels (déclin démographique, recul des activités agricoles, désindustrialisation), amplifiés par des difficultés conjoncturelles ;

- l'inadéquation des dispositifs existants (zonages, appels à projets), qui pour les uns ne ciblent que certaines parties du territoire et emportent un risque de saupoudrage des crédits ; pour les autres, nécessitent des moyens en matière d'ingénierie (pour le montage d'un dossier de candidature par exemple) dont ne disposent pas toujours les territoires ruraux.

Il s'agissait de mettre en place un outil d'aménagement du territoire destiné aux territoires ruraux , suivant le modèle des contrats de ville , en proposant une approche intégrée des problématiques du développement rural et partenariale, associant l'État et les collectivités territoriales.

Article 3 de la proposition de loi

Les contrats territoriaux de développement rural participent à la politique de cohésion territoriale et rurale.

Le contrat territorial de développement rural peut être conclu entre l'État et un pôle d'équilibre territorial et rural mentionné à l'article L. 5741-1 du code général des collectivités territoriales ou, à défaut, un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre. Dans le premier cas, les établissements publics de coopération intercommunale qui composent le pôle d'équilibre territorial et rural sont également signataires du contrat.

Le contrat territorial de développement rural peut être signé par la région, le département ou toute autre personne publique ou privée.

Les actions prévues par le contrat territorial de développement rural sont financées par les signataires du contrat. Les fonds européens sont également mobilisés pour le financement de ces actions.

Il est signé pour une durée comprise entre quatre et sept ans.

Extrait de l'article 5 de la proposition de loi

IV. - Le contrat territorial de développement rural fixe, le cas échéant en cohérence avec le projet de territoire élaboré par le pôle d'équilibre territorial et rural :

1° Les objectifs, notamment chiffrés, que les signataires s'engagent à poursuivre dans un ou plusieurs des domaines mentionnés à l'article 1er de la présente loi ;

2° La nature des actions à conduire et les modalités opérationnelles de leur mise en oeuvre ;

3° Les moyens humains et financiers mobilisés pour conduire ces actions ;

4° Les moyens d'ingénierie, y compris ceux des services et des établissements publics de l'État, pour l'élaboration, la conduite et l'évaluation du contrat territorial de développement rural ;

5° Les indicateurs permettant de mesurer les résultats obtenus.

Source : proposition de loi n° 22 visant à instaurer des contrats territoriaux de développement rural adoptée par le Sénat le 22 octobre 2015

Les contrats de ruralité reprennent la philosophie des contrats territoriaux de développement rural proposés par le Sénat, comme en témoigne la circulaire du 23 juin 2016 relative au lancement des contrats de ruralité, précisant qu'ils « ont pour objectif de coordonner tous les outils, dispositifs et moyens existants pour développer les territoires ruraux et accélérer la réalisation de projets concrets au service des habitants et des entreprises . Ils doivent s'accompagner de la mise en place de projets de territoires et fédérer l'ensemble des partenaires institutionnels, économiques et associatifs ».

B. UN CONTRAT D'ENGAGEMENTS PLURIANNUEL QUI S'ARTICULE AUTOUR DE PLUSIEURS VOLETS

Le contrat de ruralité constitue un nouvel outil contractuel entre l'État et les collectivités territoriales , établi à partir d'une volonté exprimée par les élus locaux , et doté de crédits dédiés, qui consiste à :

- coordonner et structurer des politiques publiques à une échelle infra départementale, afin d'accompagner la mise en oeuvre d'un projet de territoire ;

- fédérer les partenaires institutionnels, économiques, associatifs dans les territoires ruraux autour d'un programme d'actions ;

- apporter un soutien de l'État aux projets d'investissements des collectivités rurales .

1. Une gouvernance partenariale

Le contrat de ruralité, outil novateur de contractualisation pour les territoires ruraux, est signé entre l'État , représenté par le préfet de département, et les porteurs du contrat (Pôle d'équilibre territorial et rural - PETR - ou établissement public de coopération intercommunale - EPCI ; un ou plusieurs EPCI peuvent être signataires).

D'après les informations transmises par le Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET), les intercommunalités principalement visées sont « les communautés de communes ou communautés d'agglomération ou urbaine avec une part majoritaire de son territoire rencontrant des problématiques rurales ».

Les pôles d'équilibre territoriaux et ruraux (PETR)

Les pôles d'équilibre territoriaux et ruraux, créés par la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles ont vocation à être un outil de coopération entre EPCI sur les territoires situés hors métropoles, ruraux ou non.

Selon l'article L.5741-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT), ce sont des établissements publics constitués par accord entre plusieurs EPCI à fiscalité propre, au sein d'un périmètre d'un seul tenant et sans enclave correspondant à un bassin de vie ou de population. Un EPCI à fiscalité propre ne peut appartenir à plus d'un pôle d'équilibre territorial et rural.

Les pôles d'équilibre territoriaux et ruraux comprennent un conseil syndical au sein duquel les EPCI à fiscalité propre qui le composent sont représentés en tenant compte du poids démographique des membres, chacun disposant au moins d'un siège et aucun ne pouvant disposer de plus de la moitié des sièges.

Ces pôles comprennent également un conseil de développement . Composé de représentants des activités économiques, sociales, culturelles, éducatives, scientifiques et associatives existant sur son territoire, il est consulté sur les principales orientations et sur toute question d'intérêt territorial.

Chaque PETR élabore un projet de territoire pour le compte et en partenariat avec les EPCI qui le composent. Il s'agit d'un projet d'aménagement et de développement économique, écologique, culturel et social de son territoire, afin de promouvoir un modèle de développement durable et d'en améliorer la compétitivité, l'attraction et la cohésion.

Pour la mise en oeuvre du projet de territoire, le PETR peut conclure avec les EPCI à fiscalité propre qui le composent et les conseils départementaux et régionaux ayant été associés à son élaboration, une convention territoriale . Celle-ci fixe les missions déléguées au pôle d'équilibre par les EPCI et par les conseils départementaux et régionaux pour être exercées en leur nom.

Source : site internet vie-publique.fr

Le conseil régional et le conseil départemental sont invités à en être signataires, en lien avec leurs propres dispositifs de contractualisation à cette échelle intercommunale.

En outre, le contrat de ruralité offre l'opportunité de fédérer des partenaires institutionnels, économiques et associatifs dans les territoires ruraux . D'autres acteurs peuvent donc être invités à être partenaires des contrats s'ils souhaitent inscrire leurs actions et participer au financement d'actions dans le contrat : établissements publics, opérateurs publics, agences de l'État, ainsi que d'autres acteurs, mentionnés dans le schéma ci-dessous (dont la liste n'est pas exhaustive).

L'association d'acteurs privés et sociaux et de représentants de la société civile est également possible, ses modalités devant être définies par les signataires du contrat.

La participation des citoyens peut également être prévue par le contrat, afin « d'entendre leurs attentes, tant sur les besoins du territoire que pour valoriser les initiatives » 2 ( * ) .

Source : commission des finances du Sénat, d'après la circulaire du 23 juin 2016 relative au lancement des contrats de ruralité

2. Un contenu multithématique, sur la base d'un projet de territoire

Du fait de leur caractère non obligatoire, une certaine souplesse a été laissée s'agissant du contenu des contrats de ruralité , sous réserve du respect des principes fixés par les instructions ministérielles.

Afin d'assurer une prise en charge transversale et non plus sectorielle du développement des territoires ruraux , ces contrats sont « construits sur le fondement d'un plan d'actions décliné autour d'opérations inscrites dans des volets thématiques répondant aux enjeux du territoire considéré » 3 ( * ) .

Concrètement, les contrats de ruralité ont donc vocation à financer des projets inscrits dans un projet de territoire , axé sur six champs d'action .

Les six volets obligatoires du contrat de ruralité

Source : plaquette de présentation « le contrat de ruralité : mode d'emploi » du ministère de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales

Ces six volets constituent en effet des axes de réponses pertinents aux problématiques auxquelles font face les territoires ruraux.

Théoriquement, le contrat de ruralité liste les actions et les projets pour chaque volet thématique et présente un calendrier prévisionnel de réalisation de ces actions, en déterminant des actions prioritaires, les projets à engager par année et en identifiant les moyens nécessaires pour les réaliser .

D'après les informations communiquées par le CGET, il n'était « pas attendu que toutes les actions soient en état de pouvoir être engagées dès la première année du contrat mais que l'ensemble des volets puisse faire l'objet d'une ou plusieurs actions concrètes au cours de la période du contrat ».

3. Un cadre pluriannuel et centralisateur des financements

Le contrat était prévu pour une durée de six ans ; toutefois, pour la première génération , les contrats de ruralité couvrent la période de 2017 à 2020 , soit quatre années budgétaires, afin d'assurer une cohérence avec les mandats électifs municipaux et les périodes de contractualisation européenne et régionale.

Chaque début d'année , une convention financière entre les signataires définit les actions à engager dans l'année et leur plan de financement. Elle formalise ainsi les engagements de l'ensemble des partenaires du contrat : « établie chaque année lorsque les budgets des signataires sont validés/délégués, et ainsi pour la durée du contrat, cette convention expose les types de financeurs, les formes de l'apport, la source et le montant des crédits pour chacune des actions nécessitant un financement » 4 ( * ) .

Au-delà des apports des porteurs de projets et maîtres d'ouvrage, des communes et EPCI, les actions peuvent donc être cofinancées par différentes sources :

- crédits d'État (crédits dédiés sur le programme 112 5 ( * ) , fonds émanant de ministères sectoriels) ;

- dotations (Dotation d'équipement des territoires ruraux - DETR, Dotation de soutien à l'investissement local - DSIL) ;

- opérateurs publics (agences, Caisse des dépôts et consignations, chambres consulaires, ...) ;

- volets territoriaux des Contrats de plan État-région (CPER) ;

- fonds européens structurels d'investissement (FEDER, FEADER, FSE) ;

- crédits et subventions proposés par les collectivités territoriales, via des appels à projets, des subventions ou des outils contractuels (départements et régions).

Une attention particulière devait être portée au soutien à l'« ingénierie territoriale de développement », indispensable pour permettre aux intercommunalités rurales de monter en compétence et, ainsi de réussir leur contrat et de l'animer dans la durée.

Les contrats de ruralité avaient donc vocation à financer à la fois des dépenses d'investissement et de soutien à l'ingénierie.

II. UN DÉPLOIEMENT RAPIDE DES PREMIERS CONTRATS DE RURALITÉ TÉMOIGNANT D'UNE RÉELLE ATTENTE DES TERRITOIRES RURAUX

A. UNE GESTION DÉCONCENTRÉE DES CRÉDITS DE L'ÉTAT CONSACRÉS AUX CONTRATS DE RURALITÉ

1. Une enveloppe de crédits d'État dédiée aux contrats de ruralité en 2017

Lors de l'annonce de la création des contrats de ruralité, le ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales, Jean-Michel Baylet, avait indiqué qu'une enveloppe de 216 millions d'euros serait consacrée à ces contrats en 2017 au sein de la nouvelle dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) 6 ( * ) , enveloppe inscrite sur le programme 112.

Répartition des engagements de la dotation de soutien
à l'investissement local en 2017

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat

La dotation de soutien à l'investissement local

La loi de finances pour 2016 7 ( * ) a créé une dotation budgétaire de soutien à l'investissement des communes et de leurs groupements à fiscalité propre, dotée de 800 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 120 millions d'euros en crédits de paiement. Elle comprenait deux enveloppes, l'une dédiée aux « investissements prioritaires », l'autre aux « bourg-centres ».

La loi de finances pour 2017 8 ( * ) a créé une dotation budgétaire de soutien à l'investissement des communes et de leurs groupements en métropole et dans les départements et les régions d'outre-mer. Elle a été dotée de 816 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 357 millions d'euros en crédits de paiement.

Toutefois, les modalités de répartition de cette dotation et les projets susceptibles d'être financés étaient différents de ceux retenus en 2016.

La première enveloppe de cette nouvelle DSIL était destinée à financer les projets inscrits dans les contrats conclus entre l'État et les métropoles et les grandes priorités d'investissement.

La seconde enveloppe était quant à elle dédiée au financement des opérations inscrites dans les contrats de ruralité.

Source : commission des finances du Sénat

Ainsi, en 2017 près du quart des engagements prévus sur la DSIL devait être consacré au financement de mesures inscrites dans des contrats de ruralité .

La loi de finances pour 2017 a ainsi inscrit ces crédits, issus du fond de soutien à l'investissement public local (FSIL), sur le programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » de la mission « Politique des territoires » - 216 millions d'euros en autorisations d'engagement et 30 millions d'euros en crédits de paiement .

Cette avancée constituait un engagement prometteur de la part de l'État en faveur des territoires ruraux et une nouvelle impulsion pour ce programme dont les crédits étaient, jusqu'alors, en baisse régulière.

2. Une grande latitude laissée aux préfectures de région dans l'attribution de ces crédits

L'enveloppe prévisionnelle de 216 millions d'euros en autorisations d'engagement - réduite à 190 millions d'euros par une mise en réserve de crédits - a ainsi fait l'objet d'une répartition par région - et pour le département de Mayotte -, en fonction de la population des communes appréciée au 1 er janvier 2016 et situées dans une unité urbaine de moins de 50 000 habitants 9 ( * ) .

En amont de la signature des contrats, la circulaire du 16 septembre 2016 précitée a défini cette répartition régionale, détaillée dans le tableau ci-après.

Répartition de l'enveloppe financière consacrée
aux contrats de ruralité en 2017

(en millions d'euros)

Région

Montant d'AE

Auvergne Rhône-Alpes

22,7

Bourgogne Franche-Comté

11

Bretagne

15,8

Centre-Val de Loire

8,6

Corse

2

Grand Est

21,9

Hauts de France

16

Ile-de-France

10,2

Normandie

12,6

Nouvelle Aquitaine

17,1

Occitanie

20,4

Pays-de-la-Loire

13,8

Provence-Alpes-Côte-d'Azur

9,7

Guadeloupe

1,1

Guyane

1,2

Martinique

1,4

Réunion

2,4

Mayotte

1,7

Total

189,6

Crédits pour mise en réserve de précaution et répartition régionale ultérieure

27,1

Total budgété sur le programme 112

215,7

Source : Instruction ministérielle et note technique du 24 janvier 2017 relatives au FSIL 2017

Le critère de l'unité urbaine de moins de 50 000 habitants n'a valu que pour procéder à la répartition de l'enveloppe régionale des crédits. Les modalités de répartition entre les départements ont quant à elles été établies sur décision des préfets de régions .

En effet, il revient aux préfets de région, gestionnaires de ces crédits déconcentrés, de décider des crédits alloués à chaque département et, par la suite, aux préfets de département de ceux consacrés aux contrats de ruralité.

Comme le relèvent l'Assemblée des communautés de France (AdCF) et l'Association nationale des pôles territoriaux et des pays (ANPP) dans un récent bilan de la première année d'application des contrats de ruralité 10 ( * ) , les préfets de région ont disposé « d'un pouvoir très large d'appréciation en opportunité ».

Les critères d'attribution par département n'ont pas fait l'objet d'une transparence systématique.

D'après les informations communiquées par le CGET 11 ( * ) , certains préfets ont délégué des enveloppes identiques à chaque préfet de départements de la région , d'autres ont délégué les crédits en effectuant des pondérations en fonction du degré de ruralité des départements composant la région, ou d'autres encore ont fixé le montant des crédits attribués à chaque territoire .

« À titre d'exemples, le préfet de la région Bourgogne Franche Comté a réparti son enveloppe régionale à 60 % au prorata de la population départementale et à 40 % en fonction de la fragilité des bassins de vie, sur la base de quatre critères : fragilité de la population (taux de pauvreté, niveau de qualification, taux de familles monoparentales, taux de chômage), temps d'accès aux services de proximité et intermédiaire, potentiel fiscal, évolutions du nombre d'habitants et du nombre d'emploi. Cette répartition n'a pas donné lieu à une répartition spécifique entre grandes priorités d'investissement et contrats de ruralité dans cette région.

Le préfet d'Ile de France a maintenu le montant de l'enveloppe régionale « contrat de ruralité » en 2018 à même hauteur que celle de 2017 et a réparti cette enveloppe entre les quatre départements concernés selon le poids de la population rurale des communes situées dans une unité urbaine de moins de 50 000 habitants. Le préfet de la région PACA a effectué la même répartition départementale ».

Source : réponses du CGET au questionnaire du rapporteur spécial

Certains préfets de région ont fait le choix de conserver une part de l'enveloppe au niveau régional pour permettre à l'échelon régional de soutenir des projets jugés plus « structurants ».

« La deuxième enveloppe « contrats de ruralité » est notifiée aux préfectures de région qui auront ensuite à convenir des modalités de répartition dans chacun des départements , en collaboration avec les préfectures concernées. L'existence, le nombre des contrats de ruralité dont la signature est envisageable jusqu'au 30 juin 2017 ainsi que la nature de leurs plans d'actions sont à prendre en compte, tout comme les caractéristiques propres des départements (contexte socio-économique, dominante rurale du département, montants attribués en 2016, etc). (...)

Une part de l'enveloppe régionale pourra éventuellement être conservée par la préfecture de région au titre d'une « réserve » , pour des attributions d'arbitrage ou des projets particuliers, toujours dans le cadre des contrats de ruralité en vigueur dans la région, sans que cela ne porte atteinte à la rapidité de l'engagement des fonds ».

Source : instruction ministérielle et note technique du 24 janvier 2017 relatives au FSIL 2017

En somme, les modalités de répartition des engagements sont donc totalement déconcentrées et n'ont pas fait l'objet d'instruction nationale . Cette situation entraîne un manque de lisibilité pour les collectivités bénéficiaires.

B. UN DÉPLOIEMENT RAPIDE DES PREMIERS CONTRATS DE RURALITÉ

1. Le rythme de consommation des crédits prévu pour les premiers contrats était plutôt soutenu

Avant le vote de ces crédits en loi de finances, les instructions données aux services déconcentrés de l'État 12 ( * ) indiquaient que les premiers contrats devaient être signés avant le 30 juin 2017 , délai finalement repoussé afin de permettre aux collectivités qui le souhaitaient de signer un contrat jusqu'à la fin 2017. Au surplus, au moins un contrat de ruralité devait être signé dans chaque département avant la fin 2016.

En effet, conformément au principe d'annualité budgétaire, l'ensemble des autorisations d'engagement réparties entre régions devait être effectivement engagé avant le 31 décembre 2017 . Le montant de crédits de paiement prévu en 2017, soit 30 millions d'euros , correspondait à 15 % des engagements prévus, ce qui est considéré par le CGET comme un rythme de consommation relativement rapide par comparaison avec d'autres dispositifs contractuels .

La circulaire du 23 mai 2016 enjoignait les préfets de région à inciter les PETR et intercommunalités, dans un délai d'un mois , à faire acte de candidature pour la signature d'un contrat de ruralité.

Les services de l'État ont donc bénéficié d'une grande latitude pour informer les collectivités concernées et sélectionner les territoires retenus. Concrètement, l'information a été relayée, fin 2016 et début 2017, auprès des EPCI et PETR par les préfectures et leur réseau de sous-préfectures en partenariat avec les associations départementales d'élus (Association des Maires de France, Association des Maires Ruraux de France).

Les préfets de département ont également pu recenser et sélectionner les dossiers en s'appuyant par exemple sur des appels à projets dont les travaux n'avaient pas encore débuté, ou en fixant des dates de clôture d'appel à manifestation d'intérêt - par exemple, le préfet de la Somme a lancé dès le mois de juillet 2016 un appel à manifestation d'intérêt.

Source : plaquette de présentation des contrats de ruralité

En tout état de cause, le soutien financier apporté par l'État devait être affecté en priorité aux projets d'investissement présentant une maturité suffisante pour pouvoir démarrer rapidement afin d'assurer la consommation des autorisations d'engagement prévues en loi de finances.

Par exemple, le préfet de la Somme a sélectionné les collectivités susceptibles de signer un contrat sur la base des critères suivants : maturité du projet de territoire couvrant les six volets prioritaires, identification des partenaires et inscription territoriale du contrat de ruralité dans les politiques publiques.

Dans l'ensemble, les premiers contrats de ruralité ont donc été signés dans des délais relativement contraints , lesquels, s'ils découlent principalement d'un impératif budgétaire, se heurtent toutefois à la philosophie des contrats de ruralité, reposant sur une initiative et une stratégie locales .

J'estime donc que la fixation de délais limites pour la signature avec l'État ne paraît pas opportune ni compatible avec l'ambition d'une contractualisation sur la base d'un projet de territoire concerté et abouti.

2. ... et a nécessité une forte réactivité des collectivités

Ce rythme a donc supposé une mobilisation rapide des PETR et des intercommunalités intéressés, tant pour réaliser le diagnostic des besoins que pour élaborer le projet de territoire - qui constituent les seuls éléments de cadrage explicitement prévus au niveau national.

Si le CGET a fourni un modèle-type de contrats aux préfectures , l'élaboration d'un contrat de ruralité implique un travail de recensement des partenaires potentiels et la construction d'une stratégie territoriale partagée par les porteurs du contrat.

Or, ces éléments nécessitent de pouvoir mobiliser rapidement des compétences en matière d'ingénierie , afin par exemple d'animer les comités de pilotage ou les groupes de travail pour élaborer le projet de territoire, ce dont ne bénéficient pas tous les territoires ruraux.

De plus, la campagne de signature des premiers contrats de ruralité s'est déroulée dans un contexte électoral et institutionnel particulier :

- la période de signature devait s'achever au 30 juin 2017, après les élections présidentielles et législatives, même si ce délai a finalement été repoussé (cf. supra ) ;

- l'année 2017 constituait une année charnière pour les collectivités territoriales, la mise en oeuvre des lois « MAPTAM » 13 ( * ) et « NOTRe » 14 ( * ) impliquant la fusion d'EPCI au 1 er janvier 2017 et ayant mobilisé les élus locaux sur la répartition et la prise en compte à l'échelle intercommunale de nouvelles compétences.

Ces éléments ont emporté plusieurs conséquences :

- une meilleure réactivité des PETR et pays existants , comme le relèvent l'ADCF et l'ANPP : « les Pays et PETR existants se sont avérés armés et réactifs pour répondre au mieux dans le temps imparti aux exigences des contrats de ruralité, alors que les communautés isolées devaient composer avec les réorganisations entrées en vigueur au 1 er janvier 2017 » ;

- une reprise fréquente , dans les contrats de ruralité, des projets de territoire déjà élaborés , par exemple, dans le cadre d'élaboration de documents de planification. Le bilan-flash réalisé par le CGET (cf. infra ) indique « lors de la signature, la plupart des structures signataires disposaient d'un projet de territoir e, d'autres étaient en train de le refonder, certaines commençaient à l'élaborer », à la suite des regroupements d'EPCI. En tout état de cause, lorsqu'un projet de territoire préexistait au contrat, les délais contraints ont incité les collectivités à reprendre les projets existants.

Ces contraintes de délais ont pu entraîner, pour la première génération de contrats, un manque de projection dans la durée .

En dépit de ces contraintes découlant d'un impératif budgétaire, ce nouvel outil a suscité l'intérêt d'un grand nombre d'intercommunalités situées en milieu rural, manifestant le besoin d'un dispositif consacré au soutien du développement rural, reposant sur trois éléments :

- des crédits dédiés ;

- une stratégie territoriale partenariale ;

- un programme pluriannuel d'actions.

DEUXIÈME PARTIE :
MALGRÉ UN BILAN À MI-PARCOURS ENCOURAGEANT, LES CONTRATS DE RURALITÉ ONT FAIT L'OBJET D'UNE RÉFORME INADÉQUATE DE LEUR FINANCEMENT

I. LES CONTRATS DE RURALITÉ PRÉSENTENT UN PREMIER BILAN À MI-PARCOURS ENCOURAGEANT

Le « bilan flash » des contrats de ruralité , réalisé par le ministère de la cohésion des territoires à partir d'une évaluation qualitative menée par des consultants indépendants auprès de six territoires test, a dressé un bilan très satisfaisant de ce dispositif . Les déplacements de terrain que j'ai réalisés confirment ces conclusions.

A. UN CADRE MULTI PARTENARIAL DE SOUTIEN À DES PROJETS DE TERRITOIRE

1. Les contrats de ruralité ont permis de mobiliser des partenariats très divers

Les instructions données aux préfets de région et de département 15 ( * ) précisaient qu'ils devaient être élaborés en priorité avec les PETR . En cas d'absence de PETR sur le territoire, les préfets pouvaient contractualiser avec des EPCI.

Dans les faits, comme l'illustrent les graphiques ci-dessous, sur les 463 contrats de ruralité signés au 1 er janvier 2018, 20 % l'ont été avec des PETR et 65 % avec des communautés de communes, seules ou groupées 16 ( * ) .

En effet, certains contrats ont été portés par des regroupements d'EPCI ayant l'habitude de travailler ensemble ou souhaitant mutualiser les outils financiers disponibles. D'autres ne concernent qu'une seule intercommunalité, par exemple en cas d'absence de PETR, ou lorsque le portage du contrat sur un périmètre élargi ne semblait pas opportun.

Le CGET explique également que « le territoire national et les territoires ruraux sont essentiellement structurés en communautés de communes ce qui explique cette part importante de signataires » 17 ( * ) .

En outre, 15 % des contrats sont signés avec des communautés d'agglomérations ou communautés urbaines, car « dans le cadre de la récente refonte de la carte intercommunale et de l'apparition des EPCI dits « XXL », les communautés d'agglomération et urbaines ont pu signer des contrats de ruralité afin de pouvoir en faire bénéficier les parties rurales de leurs territoires ». C'est notamment le cas, par exemple, pour Grand Poitiers Communauté urbaine, où j'ai rencontré les porteurs du contrat de ruralité .

Portage des contrats de ruralité signés au 1 er janvier 2018

Source : « les contrats de ruralité au 1 er janvier 2018 », CGET, août 2018

Ainsi, comme l'a confirmé l'Association nationale des pôles territoriaux et des pays (ANPP), les PETR, principale cible du dispositif, sont intégralement concernés par un contrat de ruralité.

Les préfets de région devaient porter attention aux politiques contractuelles menées par les conseils régionaux en faveur des territoires ruraux et veiller à ce que les contrats de ruralité s'articulent avec ces politiques. La dynamique partenariale attendue au niveau local de la mise en place des contrats de ruralité s'est toutefois révélée inégale.

En premier lieu, la mobilisation des collectivités territoriales s'est traduite par de nombreux partenariats. La très grande majorité des départements se sont ainsi associés aux contrats, pour lesquels « ils apportent, outre leur contribution à la réflexion sur les enjeux de cohésion sociale qui sont au coeur de leurs compétences, un soutien financier à certains projets » 18 ( * ) .

La cohérence des politiques contractuelles des conseils régionaux en faveur des territoires ruraux avec les ambitions des contrats de ruralité n'a été que partiellement assurée .

Les régions et départements ont en effet pu percevoir le dispositif comme une contractualisation supplémentaire dissociée de leur propre politique contractuelle.

« Plusieurs régions se sont également associées à cette nouvelle contractualisation, dans des formes et des niveaux d'intensité toutefois très variables d'une région à l'autre . En effet, la création des contrats de ruralité a correspondu à la période où la plupart des Régions ont été amenées à redéfinir une politique en faveur de leurs territoires ruraux. Ces politiques prennent toutefois des formes diverses qu'elles consistent en des fonds de soutien à l'investissement sur des thématiques spécifiques (comme la revitalisation des centres-bourgs et des pôles de centralité ou le soutien à l'innovation et au développement économique), en un soutien financier direct à des projets communaux ou en des formes de contractualisation à des mailles diverses ».

Source : réponses du CGET au questionnaire du rapporteur spécial

J'estime que l'association de la région, collectivité cheffe de file en matière d'aménagement du territoire, devrait être plus systématique , car elle permet d'une part, de développer une politique cohérente d'aménagement du territoire régional et, d'autre part, de préserver les spécificités de chaque territoire rural.

Il en va de même des conseils départementaux, qui développent de nombreux outils de contractualisation aves les communes et les EPCI, dont il s'agit d'assurer la cohérence avec les actions portées par les contrats de ruralité.

Des coopérations locales ont été mises en oeuvre par exemple avec des opérateurs tels l'ADEME, la Caisse des dépôts et consignations (CDC) ou encore avec les parcs naturels régionaux.

Ces partenariats, dès lors qu'ils contribuent à insuffler une dynamique locale, vont dans le bon sens .

Cependant, l'association d'acteurs privés, de mouvements associatifs et de représentants de la société civile est restée très limitée, tout comme la participation des citoyens à l'élaboration des contrats.

L'Union nationale des acteurs du développement local (UNADEL) 19 ( * ) a constaté une association insuffisante de la société civile à la co-construction des contrats de ruralité, qui n'est pas propre à ce dispositif mais témoigne de la nécessité plus large de redynamiser la démocratie locale .

Pour remédier à cette situation, il pourrait être utile, comme le recommande le bilan-flash du CGET, de s'inspirer des démarches de budget participatif mis en place par plusieurs villes, afin d'effectuer des choix d'investissements.

« Le Ministère de la cohésion des territoires mène actuellement une réflexion afin de faire évoluer ce dispositif contractuel, tout en le confortant. Parmi les pistes d'évolution, il s'agit notamment de renforcer le caractère partenarial des contrats . Alors que ceux-ci avaient été conçus à l'origine comme de véritables outils d'animation au service du développement local , force est de constater qu'ils sont pour l'essentiel demeurés des outils de contractualisation entre l'État et les collectivités pour le financement d'équipements publics . L'enjeu des mois à venir sera de davantage impliquer dans la démarche les acteurs de la société civile (acteurs économiques, associations, monde éducatif, porteurs de projets privés...) et d'élargir le champ d'intervention des contrats au-delà du seul soutien à l'investissement en prenant en compte l'ensemble des politiques publiques territorialisées que ce soit dans le domaine de la santé, de l'éducation, des pratiques culturelles, du numérique, de la préservation des ressources naturelles ou de l'alimentation ».

Source : réponses du CGET au questionnaire du rapporteur spécial

Proposition n° 9 : Encourager la participation des acteurs sociaux, économiques et des citoyens à l'élaboration des contrats de ruralité, afin de partager les diagnostics et les solutions aux problématiques du développement rural.

2. Un appui concret au déploiement de projets de territoire

Le projet de territoire constitue la « clé de voute » du contrat de ruralité : il permet aux porteurs du contrat de poser une vision partagée des besoins du territoire , de définir une stratégie territoriale afin de prévoir les investissements nécessaires pour y répondre.

En outre, le contrat de ruralité offre l'opportunité d'adopter une approche intercommunale du projet de territoire , tout en favorisant la mise en cohérence des projets à cette échelle .

Le PETR ou l'EPCI élabore le projet de territoire en partenariat avec les communes (ou les intercommunalités) qui le composent . Cette co-construction a favorisé les échanges entre les PETR et les communautés de communes et a permis d'identifier le PETR comme coordonnateur des financements au niveau du territoire de projet .

La conclusion des contrats de ruralité a également favorisé l'émergence de projets de territoires au sein des nouvelles intercommunalité, constituées simultanément au déploiement du dispositif .

B. UN CONTRAT PERMETTANT DE RENFORCER LE DIALOGUE ENTRE L'ÉTAT ET LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

1. Un dialogue renouvelé entre l'État et les collectivités territoriales s'agissant du développement rural

La gouvernance déconcentrée des contrats de ruralité offre l'occasion d'un dialogue renouvelé entre les services de l'État et les collectivités territoriales. La mise en oeuvre des contrats de ruralité présente, pour l'État et les collectivités signataires, de multiples atouts .

D'une part, pour l'État , ils participent d'une meilleure connaissance des projets des territoires et des besoins d'investissement à court et moyen termes , dans les principaux domaines de développement des territoires, ce qui permet d'anticiper les besoins de cofinancement par l'État et de les adapter aux spécificités des territoires .

D'autre part, pour les collectivités signataires , les contrats de ruralité ont légitimé de nouveaux périmètres territoriaux , après la reconfiguration intercommunale intervenue au 1 er janvier 2017 et l'attribution de nouvelles compétences. La direction des politiques territoriales du Grand Poitiers estime ainsi que « la signature du contrat de ruralité deux mois après la fusion des EPCI a été un signe politique fort en faveur des communes rurales du nouveau territoire. L'élaboration du contrat a permis à la nouvelle agglomération de se constituer une identité rurale, en complément de la politique de la ville » 20 ( * ) .

Ce dispositif a enfin permis de placer le PETR comme interlocuteur de contractualisation pour l'État dans les territoires ruraux . Comme le relèvent l'ADCF et l'ANPP, « le contrat de ruralité fait donc la promotion d'une nouvelle échelle de contractualisation, le PETR », voire a pu accompagner sa mise en place. Ce fut notamment le cas pour le contrat de ruralité Santerre Haute-Somme, dont le rapporteur a rencontré les porteurs au cours d'un déplacement : comme il est indiqué dans le contrat, si ce sont les EPCI membres du syndicat mixte du Santerre Haute-Somme qui ont conduit l'élaboration du contrat et en sont les signataires, le syndicat était en cours de transformation en PETR au moment de l'élaboration du contrat.

2. Un outil de coordination et de structuration de politiques publiques territorialisées

Selon le CGET, les contrats de ruralité sont désormais « considérés par les services de l'État comme le nouveau cadre privilégié de coordination de l'action publique au sein des territoires ruraux même si cette prise en compte est encore partielle et progressive » 21 ( * ) .

La méthode d'élaboration des contrats a en effet permis d'instaurer un dialogue entre les acteurs divers concourant au développement des territoires ruraux. Il s'agit d'un socle partagé visant à intégrer les démarches de développement local mises en oeuvre de façon séparée et à les valoriser, par la coordination des dispositifs en place (qu'il s'agisse de dispositifs contractuels, d'appels à projets, de financements de « guichets »), tout en bénéficiant par ailleurs de crédits dédiés par l'État.

C'est ce qu'ont par exemple mis en exergue les signataires du contrat de ruralité du Pays d'Arles, comme l'illustre le graphique ci-après.

Extrait du contrat de ruralité du Pays d'Arles

Source : contrat de ruralité du Pays d'Arles

Les signataires décrivent le contrat comme un « document intégrateur des démarches locales pour répondre aux enjeux du territoire » (projet de territoire du Pays d'Arles, documents stratégiques des EPCI et Parcs naturels régionaux, CRET du Pays d'Arles, etc), et précisent que « son élaboration s'est appuyée sur l'existant, avec la volonté de mettre en cohérence les stratégies de ces documents cadres et d'identifier des projets structurants et opérationnels pour atteindre ses objectifs (...) ».

Cette dimension intégratrice a toutefois pu se limiter aux dispositifs mis en oeuvre au niveau local par les différents échelons de collectivités territoriales, sans toujours tenir compte des dispositifs proposés par l'État.

En effet, les instructions ministérielles chargeaient le préfet de région de veiller à la cohérence de la démarche sur le territoire régional , en mobilisant les dispositifs de niveau régional (volet territorial des CPER, actions des opérateurs de l'État comme l'ADEME ou l'ARS) en appui des contrats de ruralité.

Or, les interventions des opérateurs et agences de l'État (ARS, ADEME, ANAH) au niveau intercommunal n'ont pas systématiquement fait l'objet d'une consolidation au sein des contrats, tout comme ils n'ont pas été suffisamment associés en tant que partenaires à l'élaboration des contrats.

Au regard du nombre parfois important de contrats signés par département, les services de l'État ont pu rencontrer des difficultés pour associer de façon systématique ces opérateurs et agences.

C. UN CONTRAT MULTITHÉMATIQUE QUE LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES SE SONT RAPIDEMENT APPROPRIÉ

1. Une couverture géographique hétérogène

D'après les données transmises par le CGET, au 1 er octobre 2018, 485 contrats de ruralité étaient signés ou en cours de signature.

Toutefois, d'après les données de novembre 2017, l'ADCF et l'ANPP indiquaient que la carte des porteurs de contrats de ruralité présentait quelques disparités : ainsi par exemple « 12 départements sont entièrement couverts par les contrats de ruralité (l'Allier, les Ardennes, l'Ariège, la Charente, le Gers, la Haute Marne, les Hautes Alpes, les Hautes Pyrénées, la Lozère, la Mayenne, la Vendée ou encore les Vosges), alors que des départements comme les Pyrénées Orientales ou l'Eure-et-Loir n'ont qu'un seul contrat signé ». Le Cantal est par ailleurs entièrement couvert les contrats de ruralité.

Le nombre de contrats de ruralité par département ne constitue pas en soi un indicateur pertinent pour mesurer le succès du dispositif . La multiplication du nombre de contrats par département et une couverture homogène du territoire pourraient au contraire emporter le risque d'un « saupoudrage » des crédits de l'État.

2. Des thématiques inégalement traitées

Le contrat s'articule autour de six volets mais peut, sur la base des spécificités locales, être complété par d'autres . En pratique, les porteurs du contrat ont presque systématiquement suivi la trame des six volets proposés sans en ajouter d'autres.

Les six thématiques devaient être traitées, au sein desquelles des priorisations pouvaient toutefois être effectuées. Il est donc possible d'indiquer dans le contrat les principales thématiques pour lesquelles des actions seront prioritairement engagées , comme y invitait la plaquette de présentation des contrats de ruralité produite par le CGET.

En conséquence, des thématiques ont été davantage traitées que d'autres . Le bilan-flash indique qu'en 2017, « l'essentiel des contrats porte en premier lieu sur l'accès aux services publics (maisons de santé) et la revitalisation des bourgs centres , et secondairement sur l'attractivité du territoire ». Il est précisé qu'en 2017, « la transition énergétique n'est pas présente dans 4 cas sur 6, et la mobilité dans 3 cas sur 6 ».

Les données de consommation des crédits par volet en 2017 communiquées par le CGET confirment ce constat.

Répartition par volet des crédits consommés de l'enveloppe
« contrats de ruralité » de la DSIL en 2017

(en euros)

Activité

AE

CP

Contrats de ruralité - Revitalisation des centres bourg

36 835 243

1 922 184

Contrats de ruralité - Développement des services au public

44 885 847

2 501 039

Contrats de ruralité - Usage du numérique

3 224 973

155 448

Contrats de ruralité - Transition écologique et énergétique

11 053 030

676 803

Contrats de ruralité - Cohésion sociale

20 276 666

1 027 993

Contrats de ruralité - Intervention économique

21 141 209

548 156

Contrats de ruralité - Services liés à la mobilité

7 056 718

376 573

Contrats de ruralité - Soutien à l'ingénierie

620 127

72 162

Total

145 093 813

7 280 358

Source : réponses du CGET au questionnaire du rapporteur spécial

La transition écologique et énergétique ne représente que 8 % des AE et 10 % des CP consommés , tandis que la revitalisation des centres bourgs représente environ 25 % des AE et CP consommés et le développement des services au public 31 % des AE et 26 % des CP consommés.

Les actions d'investissement dans ces secteurs nécessitent en effet des études préalables et des éléments de diagnostics des besoins sur le territoire que les collectivités territoriales n'avaient pas systématiquement engagés au moment de la signature des contrats (c'est notamment le cas en matière de transition écologique).

Au surplus, s'il a été demandé aux préfets de région d'allouer « au moins 33 % » de l'enveloppe globale de la DSIL aux priorités de l'axe « accélération de la transition écologique » du Grand plan d'investissement (c'est-à-dire les initiatives visant à réduire l'empreinte énergétique des bâtiments publics et à soutenir le développement de solutions de transport innovant et répondant aux besoins des territoires) 22 ( * ) , l'instruction ministérielle n'a pas concerné les contrats de ruralité mais les projets financés au titre des grandes priorités d'investissement (GPI).

Aussi, certains territoires ruraux ont-ils pu bénéficier de crédits DSIL au titre de cette priorité, mais les projets n'étaient pas inscrits dans les contrats de ruralité. Toutefois, d'après le CGET, « des projets de transition écologique et énergétique ont bénéficié de subvention DSIL pour 2018 au titre des contrats de ruralité, mais ce montant n'est pour l'heure pas connu ».

En somme, il s'agira donc que la prochaine génération de contrats de ruralité prenne davantage en compte les thématiques qui constituent les « parents pauvres » de la première génération des contrats, d'autant qu'il s'agit de thématiques pour lesquelles l'action au niveau local est susceptible de produire un « effet levier » déterminant.

3. Une centralisation des financements appréciée

Le contrat de ruralité permet aux intercommunalités et aux PETR de mettre en lumière leur projet de territoire et de présenter les actions qu'ils comptent mettre en oeuvre pour en assurer la traduction concrète. La construction du contrat assure également la visibilité des financements mobilisés pour chaque projet et permet d'identifier la contribution de chaque partenaire.

Le CGET a dressé un panorama des financements qui ont été mobilisés, en 2017, au sein des contrats de ruralité. En effet, la quasi-totalité des contrats mobilisent des financements autres que ceux prévus en 2017 sur le programme 112.

S'agissant des aides financières de l'État venant le plus fréquemment en complément des crédits dédiés, environ 170 millions d'euros de DETR ont été consacrés aux contrats de ruralité, ce qui constitue un montant supérieur à l'enveloppe DSIL qui y était spécifiquement dédiée.

Plusieurs opérations des contrats de ruralité sont cofinancées par des fonds et programmes européens, notamment à travers la mobilisation du FEADER. Néanmoins, la gestion de ce fonds relevant depuis 2014 de la responsabilité des régions, « il n'existe pas d'outil statistique permettant aux services de l'État d'apprécier la consommation de crédits à l'échelle des contrats de ruralité ».

Le CGET estime ainsi que tous financements de l'État confondus, plus de 425 millions d'euros ont été consacrés aux contrats de ruralité en 2017 , dont 145 millions d'euros de DSIL « enveloppe 2 » (programme 112), 52,2 millions d'euros de DSIL enveloppe « 1 » 23 ( * ) et 170,9 millions d'euros de DETR 24 ( * ) .

Pour 2018, le CGET affirme que ce sont plus de 455 millions d'euros de crédits de l'État qui ont été mobilisés sur les contrats de ruralité , soit 30 millions de plus qu'en 2017 , « auxquels s'ajoutent 116 millions d'euros des conseils régionaux, 97 millions d'euros des conseils départementaux et 112 millions d'euros de crédits européens » 25 ( * ) .

Exemples de financement par l`État d'opérations
portées par les contrats de ruralité

En 2018, la préfecture de région Nouvelle-Aquitaine a alloué au département de la Vienne 1,34 million d'euros de DSIL au titre des « Grandes priorités d'investissement » et une enveloppe de 1,42 millions d'euros pour les quatre contrats de ruralité (406 587 euros pour le contrat de ruralité du Grand Poitiers).

La préfète du département a complété le financement des opérations du contrat de ruralité du Grand Poitiers par des subventions de la part de la DSIL « Grandes priorités d'investissement » (637 825 euros, soit 47,6 % de l'enveloppe départementale DSIL  « Grandes priorités d'investissement ») et des subventions complémentaires de la DETR pour 420 882 euros. Au total, les aides d'État au contrat de ruralité du Grand Poitiers s'élèvent donc à 1,47 million d'euros.

Source : documents transmis par la préfecture de la Vienne

4. Un soutien de l'État indispensable

Sur la base d'environ 450 contrats signés en 2017, en moyenne, 320 000 euros de l'enveloppe « contrat de ruralité » de la DSIL ont été attribués à chaque contrat de ruralité 26 ( * ) .

Le financement apporté par l'État apparaît indispensable, En effet, la participation financière de l'État crée un véritable « effet levier » dans la mobilisation d'autres financements et dans l'inscription des projets aux plans d'investissements des ECPI et PETR. Comme le souligne le CGET, « le soutien financier de l'État a permis très souvent de parachever des plans de financement qui n'auraient pu l'être sans l'apport des contrats ».

Quel que soit le coût des investissements, qui peut être très variable, l'intervention financière de l'État constitue donc un réel accélérateur de projets qui auraient mis plus de temps à voir le jour ou n'auraient pu être mis en oeuvre.

En cela, les contrats de ruralité ont atteint un de leurs objectifs, celui d'accélérer la réalisation de projets utiles aux habitants et au développement local mais aussi de contribuer à la relance de l'investissement public local.

Les contrats de ruralité constituent donc un outil d'accompagnement des collectivités en milieu rural particulièrement pertinent , qui a reçu un accueil enthousiaste des élus locaux, ce qu'atteste la montée en puissance très rapide du dispositif.

Les interlocuteurs que j'ai rencontrés lors de déplacements confirment ces éléments et saluent l'existence d'un contrat dédié aux problématiques particulières de la ruralité .

Néanmoins, alors qu'il devait matérialiser un engagement financier de l'État sur plusieurs années, afin de conférer une visibilité indispensable à l'investissement local, les récentes évolutions des modes de financement des contrats et les mesures de régulation budgétaire retenues n'ont pas été à la hauteur des attentes .

II. DES CHOIX BUDGÉTAIRES REGRETTABLES ONT EMPORTÉ DES CONSÉQUENCES SUR LE SOUTIEN DE L'ÉTAT AUX PROJETS LOCAUX

A. DES ANNULATIONS DE CRÉDITS PERTURBATRICES EN GESTION

Sur les 216 millions d'euros en autorisations d'engagement prévus par la loi de finances pour 2017, 145 millions d'euros ont été consommés, soit un taux d'exécution d'environ 70 % .

S'agissant des crédits de paiement , alors que 25,5 millions d'euros ont été ouverts par la loi de finances initiale pour 2017, seuls 7,3 millions d'euros ont été exécutés.

Cette sous-exécution des autorisations d'engagement et des crédits de paiement découle pour partie des annulations de crédits intervenues au cours de l'été 2017.

En effet, le décret d'avance du 20 juillet 2017 27 ( * ) , traduisant les premières orientations budgétaires du Gouvernement, a procédé à l'annulation de 106 millions d'euros d'autorisations d'engagement et de 32,1 millions de crédits de paiement sur le programme 112, afin de permettre l'ouverture d'AE et de CP à titre d'avances sur d'autres missions.

Consommation des crédits d'État dédiés aux contrats de ruralité en 2017

Source : réponses du CGET au questionnaire du rapporteur spécial

Ces annulations de crédits ont eu des conséquences sur le soutien financier apporté par l'État dans le cadre des contrats de ruralité.

D'une part, lorsque les conventions financières n'étaient pas encore établies, ces annulations ont pu avoir un impact dans la sélection des projets à financer, en réduisant le nombre d'opérations soutenues.

D'autre part, pour les conventions déjà établies, la situation a été appréciée par les préfets de département en fonction du taux de la réduction de leurs crédits et de l'étape d'engagement de l'action. Le CGET indique ainsi que « les annulations sèches semblent avoir été très limitées » et que, dans la plupart des cas, les préfectures ont négocié un report des engagements sur 2018 . D'autres préfectures ont maintenu les mêmes montants de subventions sur les contrats de ruralité en complétant les crédits dédiés par des crédits DSIL de droit commun, ou par la DETR .

D'après les informations communiquées par la préfecture de la Vienne, « il était prévu initialement une aide du programme budgétaire 112 de 1,2 million d'euros pour les opérations de la convention financière de 2017 du contrat de ruralité de Grand Poitiers. L'annulation d'autorisations d'engagement de ce programme a entrainé une diminution de 375 072 euros du soutien financier prévu, lequel a dû être réduit à 782 300 euros. Cette baisse a dû être compensée par un accroissement identique des subventions de la DETR du programme budgétaire 119, alors que cette dotation avait elle-même été concernée par les mesures d'annulation de crédits du décret du 20 juillet 2017 ».

Néanmoins, le bilan de la première année de mise en oeuvre des contrats de ruralité réalisé par l'ADCF et l'ANPP souligne que « certaines préfectures ont fait valoir que, pour respecter les objectifs de baisse qui leur avaient été fixés, elles ont dû remettre en cause des autorisations d'engagement sur des opérations qui étaient des « coups partis », ce qui a pu déstabiliser (au moins temporairement) le plan de financement de certaines opérations (et la trésorerie du maître d'ouvrage de l'opération concernée) ».

Ainsi, en dépit de l'engagement financier de l'État, qui s'est traduit par l'inscription de crédits dédiés dans les conventions financières annexées aux contrats signés, les porteurs de certains contrats ont été confrontés à des diminutions de crédits, et donc, à un désengagement de l'État quelques mois à peine après la mise en oeuvre du dispositif .

Je considère que ce désengagement quelques mois après la signature des contrats est pénalisant. Fort heureusement, il n'y a pas eu d'annulations de crédits en 2018 sur le programme 112 qui auraient pu affecter les crédits de paiement dédiés aux contrats de ruralité.

B. UNE DILUTION DU FINANCEMENT DES CONTRATS DE RURALITÉ AU SEIN DE LA DSIL QUI MANQUE DE COHÉRENCE

1. 2018 a marqué l'arrêt du financement de nouveaux engagements concernant les contrats de ruralité sur le programme 112

La loi de finances pour 2018 a acté l'arrêt du financement de nouveaux engagements concernant les contrats de ruralité sur le programme 112, transféré vers le programme 119 « Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements » de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».

Les crédits de paiement prévus sur le programme 112 entre 2018 et 2020 servent donc uniquement à la couverture des restes à payer des engagements pris en 2017.

Alors qu'en 2017, la deuxième enveloppe de la DSIL était spécifiquement fléchée vers le financement de mesures prévues dans les contrats de ruralité, en 2018, la DSIL se compose d'une enveloppe unique, d'un montant total de 615 millions d'euros , consacrée au financement de plusieurs catégories d'opérations.

L'article 157 de la loi de finances pour 2018 prévoit que la DSIL est destinée au soutien :

- de projets d'investissement des communes et de leurs groupements à fiscalité propre s'intégrant dans l'une des « grandes priorités d'investissement » suivantes :

(a) rénovation thermique, transition énergétique et développement des énergies renouvelables ;

(b) mise aux normes et sécurisation des équipements publics ;

(c) développement d'infrastructures en faveur de la mobilité ou en faveur de la construction de logements ;

(d) développement du numérique et de la téléphonie mobile ;

(e) création, transformation et rénovation des bâtiments scolaires ;

(f) réalisation d'hébergements et d'équipements publics rendus nécessaires par l'accroissement du nombre d'habitants.

- des opérations visant au développement des territoires ruraux inscrites dans un contrat de ruralité.

Il avait été précisé qu'une enveloppe d'environ 45 millions d'euros au sein de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) pourrait être consacrée aux engagements en matière de contrats de ruralité en 2018 .

Ce montant revêt un caractère purement indicatif et ne constituait pas un fléchage contraignant. Autrement dit, les 45 millions d'euros d'autorisations d'engagement prévus n'ont pas été réservés aux contrats de ruralité, mais sont venus abonder l'enveloppe totale de DSIL. Je me satisfais néanmoins que 194 millions d'euros aient été consacrés aux contrats en 2018.

En pratique, les préfets ont été invités à répartir l'enveloppe qui leur a été attribuée entre les catégories d'opération, « en fonction des priorités locales » 28 ( * ) . Le CGET confirme d'ailleurs que « la part de l'enveloppe unique de DSIL fléchée vers les contrats de ruralité est laissée à l'appréciation des préfets de région, en lien avec les préfets de départements ».

Ainsi, en 2018, il n'existe plus en 2018 de budget opérationnel de programme (BOP) spécifique destiné aux crédits des contrats de ruralité.

C'est précisément cette volonté de simplification administrative qui a justifié le transfert du financement des contrats de ruralité en 2018 vers la DSIL. Comme l'indique le CGET, « le transfert des crédits relatifs au financement des contrats de ruralité du programme 112 vers le programme 119 permet aux préfets de ne gérer plus qu'un seul BOP au lieu de deux ».

2. L'absence de financement dédié aux contrats de ruralité peut marquer un recul de la ruralité dans le spectre des priorités nationales

Je déplore ce transfert, qui, d'un point de vue budgétaire, manque de cohérence . En effet, la mission « Cohésion des territoires » assure le financement de dispositifs contractualisés similaires aux contrats de ruralité, en particulier les CPER (programme 112) et les contrats de ville (programme 147 « Politique de la ville »).

Le non renouvellement du financement d'engagements dédiés aux contrats de ruralité constitue donc un recul pour le programme 112 « Impulsion et coordination de l'aménagement du territoire » , censé regrouper les crédits dédiés au pilotage de la politique d'aménagement du territoire de l'État.

En outre, en 2019, la DSIL ne comprend plus d'abondement dédié aux contrats de ruralité , comme l'indique le projet annuel de performances annexé à la mission « Relations avec les collectivités territoriales » : en 2019, le niveau d'AE de 2018 pour la DSIL a été reconduit, « hors l'abondement exceptionnel de 45 millions d'euros opéré l'année dernière au titre du financement des contrats de ruralité ».

Engagements DSIL entre 2017 et 2019

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat

570 millions d'euros ont donc été proposés au titre de la DSIL en 2019, contre 615 millions d'euros en 2018, même s'il a été précisé que « la dotation pourra toujours financer des investissements, au sein des actions prévues dans les contrats de ruralité signés localement par les préfets », comme en 2018.

Dès lors que les crédits sont fongibles au sein de l'enveloppe DSIL, le montant des crédits alloués aux contrats de ruralité n'est pas garanti. De plus, l'attribution de crédits aux contrats de ruralité s'effectue au détriment du financement d'autres types de projets par la DSIL, dans le contexte de sa diminution.

En effet, le transfert de financement des contrats du programme 112 vers la DSIL a entraîné une conséquence importante sur la gestion du contrat : la nécessité de préserver les équilibres entre les dispositifs et les territoires . La DSIL doit en effet financer, avec une enveloppe plus resserrée, à la fois les « grandes priorités nationales », les actions du dispositif « Coeur de ville » et les contrats de ruralité.

Par ailleurs, ce transfert a pu rendre plus compliqué le pilotage et le suivi national du financement des contrats de ruralité, dès lors que la gestion nationale de la DSIL est assurée par la direction générale des collectivités locales (DGCL) et que le pilote national du dispositif reste le CGET. Le CGET affirme que « les deux administrations, qui ont désormais le même ministère de tutelle, s'efforcent toutefois d'articuler au mieux l'exercice de leurs responsabilités respectives et veillent à un partage étroit des données financières relatives à ces contrats ».

Surtout, cette situation constitue une régression par rapport au progrès que constituait la création de contrats de ruralités dotés d'un financement dédié . Autrement dit, l'absence de financement dédié aux contrats de ruralité marque un recul de la ruralité dans le spectre des priorités nationales.

Je déplore cette évolution et partage le constat de l'Assemblée des Communautés de France (AdCF), auditionnée, selon lequel « la DSIL n'offre pas les garanties d'une enveloppe fléchée ».

En somme, les contrats de ruralité ont connu plusieurs changements dans leurs modalités de financement depuis leur création en 2017, passant d'une sous-enveloppe dédiée au sein de la DSIL en 2017 à un abondement exceptionnel au titre des contrats de ruralité de l'enveloppe unique de DSIL en 2018. Enfin, en 2019, l'enveloppe unique de DSIL ne comporte plus d'abondement spécifiquement réservé aux contrats de ruralité, marquant le risque d'une disparition du financement de ces contrats.

Crédits dédiés aux contrats de ruralité entre 2017 et 2019

(en millions d'euros)

2017

2018

2019

Pro. 112

Pro. 119

Pro. 112

Pro. 119

Pro. 112

Pro. 119

Crédits prévus en PLF

AE

212,2

45

-

CP

25,5

44,2

nc*

33,4

-

Crédits exécutés

AE

145,1

193,8

-

CP

7,3

41,5

nc

-

-

* nc : non communiqué

- : montant pas encore fiabilisé au niveau national

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

TROISIÈME PARTIE :
ALORS QUE LEUR AVENIR APPARAÎT INCERTAIN,
LES CONTRATS DE RURALITÉ CONSTITUENT
UN OUTIL PERTINENT D'ACCOMPAGNEMENT
DES STRATÉGIES DE DÉVELOPPEMENT RURAL
À CONFORTER ET À AMÉLIORER

I. UN AVENIR INCERTAIN POUR LES CONTRATS DE RURALITÉ DANS LE CADRE DU DÉPLOIEMENT À VENIR DES « CONTRATS DE COHÉSION TERRITORIALE »

A. DANS LE CADRE DE LA MISE EN PLACE DE L'AGENCE NATIONALE DE COHÉSION DES TERRITOIRES, LE DEVENIR DES CONTRATS DE RURALITÉ APPARAÎT INCERTAIN

1. Le maintien d'un contrat dédié à la ruralité n'est à ce jour pas confirmé

La proposition de loi n° 2 (2018-2019) 29 ( * ) portant création d'une Agence nationale de la cohésion des territoires et la proposition de loi organique n° 43 (2018-2019) 30 ( * ) relative à la nomination du directeur général de cette agence ont été adoptées en nouvelle lecture, par l'Assemblée nationale le 21 mai et par le Sénat le 20 juin.

Si elles s'inspirent du rapport de préfiguration de Serge Morvan, Commissaire général à l'égalité des territoires, toutes les propositions de ce dernier ne sont pas retenues, en particulier s'agissant du périmètre de l'agence et des moyens d'intervention mobilisables par cette dernière - le préfigurateur proposait notamment de regrouper les crédits budgétaires d'intervention de plusieurs programmes de la mission « Cohésion des territoires » et d'une action du programme 123 de la mission Outre-mer au sein du budget de l'Agence.

D'après le projet annuel de performances annexé à la mission « Cohésion des territoires » dans le projet de loi de finances pour 2019, « cette agence, qui fédérera plusieurs organismes, développera une offre de services pour tous les territoires, différenciée selon leurs besoins . Son organisation sera largement déconcentrée, puisque les préfets de départements constitueront les délégués territoriaux de l'agence . Celle-ci interviendra dans le déploiement de grands programmes nationaux d'intervention et en appui spécifique aux territoires en transition économique, écologique ou démographique ».

Concrètement, d'après le rapport de préfiguration, l'ANCT piloterait ou co-piloterait les programmes nationaux au service de la cohésion des territoires (Action coeur de ville, programme national de rénovation urbaine), tout en « adaptant son offre aux besoins de chaque territoire » et en fournissant une ingénierie au bénéfice des acteurs locaux .

L'Agence appuiera la mise en oeuvre, sur la base des projets de territoire élaborés par les acteurs locaux, de « contrats de cohésion territoriale » , qui auraient vocation, à terme, à se substituer à tous les contrats existants actuellement entre l'État et les collectivités .

Le CGET précise qu'il s'agirait d'un « contrat englobant de mise en cohérence des politiques publiques sans pour autant constituer un contrat unique d'intervention de l'ANCT sur un territoire ».

2. Or, la mise en oeuvre d'un contrat unique emporte le risque d'une dilution des crédits dédiés à la ruralité

Le « contrat de cohésion territoriale » rendrait certes plus lisible la contractualisation existante. Néanmoins, à défaut de crédits spécifiquement dédiés aux enjeux ruraux, je crains une dilution de ces moyens dans d'autres enjeux nationaux.

Le Gouvernement souhaite inscrire sa politique des contrats de ruralité dans une réflexion globale sur l'évolution des politiques contractuelles et des politiques territorialisées de l'État. Le récent recensement effectué par le CGET a en effet mis en évidence l'existence de 1 100 contractualisations en cours avec des territoires, avec des périmètres et des objets très diversifiés. Ce foisonnement nuit à l'évidence à la lisibilité et à l'efficacité de l'intervention de l'État, et plus généralement des pouvoirs publics. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a décidé d'engager, dans le cadre des travaux de la Conférence nationale des territoires, une réflexion approfondie sur ce sujet, autour de plusieurs objectifs :

- simplifier les dispositifs existants pour les élus locaux et en harmoniser les règles ;

- partir des projets de territoires portés par les collectivités plutôt que de dispositifs définis au niveau national ;

- élargir le champ des partenaires aux acteurs économiques, sociaux et associatifs ; prendre mieux en compte l'ensemble des politiques publiques (éducation, santé, culture, tourisme, transition écologique, numérique...) et pas uniquement celles relatives à l'aménagement ou à l'équipement du territoire ;

- et enfin contribuer au renforcement des liens de coopération entre les territoires.

Source : réponses du CGET au questionnaire du rapporteur spécial

Parmi les programmes nationaux dont la gestion serait confiée à l'agence figurent le programme Action Coeur de ville, les maisons de services au public, voire les dispositifs relatifs à la politique de la ville. Le préfigurateur indique seulement que « d'autres programmes de même nature pourront être lancés comme l'accompagnement des territoires ruraux ». La question de la prise en compte des enjeux ruraux apparaît pourtant extrêmement importante.

B. UNE ABSENCE DE VISIBILITÉ ET DE STABILITÉ CONTRAIRE À LA PHILOSOPHIE DES CONTRATS DE RURALITÉ

1. Les contrats de ruralité doivent s'inscrire dans la durée pour créer un effet de levier sur le développement des territoires ruraux

Le risque d'une dissolution des moyens dévolus à la ruralité dans d'autres enjeux territoriaux plaide pour le maintien de contrats de ruralité distincts.

Je souhaite ainsi que ces contrats conservent leur autonomie sans être intégrés aux futurs « contrats de cohésion territoriale », pour plusieurs raisons.

En premier lieu, « l'effet de levier » attendu des contrats sur le développement des territoires ruraux nécessite qu'ils s'inscrivent dans la durée et requiert une certaine stabilité .

Le bilan-flash commandé par le CGET souligne que le caractère pluriannuel a pu faire défaut aux premiers contrats de ruralité, certains contrats « se contentant de rassembler par année une liste de projets sans arbitrage, indiquant seulement le coût global estimatif, voire en plus, les partenaires financiers envisagés - sans indication de montant - et le calendrier prévisionnel de réalisation 2017-2020 ».

L'ambition d'un renforcement du caractère pluriannuel des contrats est louable, mais elle doit s'accompagner d'une stabilité des modalités de financement et des contrats dans la durée , qui justifie de maintenir leur autonomie et de ne pas les intégrer aux futurs contrats de cohésion territoriale.

Au même titre que les contrats de ville, dont l'intégration au sein des « contrats de cohésion territoriale » n'est pas envisagée à ce stade, je recommande que les contrats de ruralité conservent leur autonomie afin de répondre à l'exigence de lisibilité sur l'avenir du dispositif réclamée par les collectivités territoriales et de garantir les moyens qui leur sont affectés.

Le maintien de ces contrats présente une dimension symbolique importante pour les élus locaux, en particulier des communes rurales, qui considèrent cet outil comme un instrument spécifiquement consacré à la ruralité.

Proposition n° 1 : Reconduire le dispositif des contrats de ruralité pour une deuxième génération à compter de 2020 et pour cinq ans, qui coïncidera avec la nouvelle mandature municipale.

Proposition n° 2 : Maintenir des contrats de ruralité distincts des futurs « contrats de cohésion territoriale », au même titre que les contrats de ville, afin d'éviter une dilution des moyens dédiés à la ruralité dans des enveloppes concernant d'autres enjeux nationaux.

2. Pour ce faire, un engagement lisible de la part de l'État est indispensable

Dans ce cadre, il serait pertinent de consacrer de nouveau une enveloppe dédiée au financement des contrats sur le programme 112, en particulier sur le Fonds national d'aménagement du territoire (FNADT).

D'abord, cette enveloppe dédiée garantit une plus grande lisibilité des crédits affectés aux contrats de ruralité mais elle offre également une plus grande souplesse dans la sélection des projets, tout en permettant un meilleur suivi de l'utilisation des crédits .

L'enveloppe de crédits dédiée aux contrats sur le programme 112 offre également davantage de visibilité sur l'engagement financier de l'État .

En outre, le FNADT présente de nombreux avantages pour le soutien à l'investissement rural par rapport à la DSIL .

Les crédits portés par la DSIL ne peuvent soutenir que des projets d'investissements ou des dépenses immatérielles associées à ces projets portés par des EPCI ou des PETR ou leurs communes membres, ce qui rend impossible :

- d'une part, le financement de projets d'animation territoriale, qui ne sont pas des projets d'investissements ; ainsi, les dépenses « exclusives » d'ingénierie ne sont pas finançables par la DSIL (cf. infra ) alors que les collectivités ont besoin de renforcer leur ingénierie ;

- d'autre part, le financement de projets portés par d'autres maîtres d'ouvrages (associations, syndicats mixtes, acteurs privés...).

S'agissant de ces deux enjeux, le portage des crédits dédiés aux contrats de ruralité par le FNADT constituerait une solution intéressante.

Proposition n° 3 : Revenir à une enveloppe de crédits dédiée sur le programme 112, affectée au FNADT, qui présente des atouts par rapport à la DSIL (souplesse, financement de l'ingénierie territoriale, de projets associant collectivités locales et acteurs privés, etc.), afin de garantir la lisibilité des crédits affectés par l'État aux contrats de ruralité.

Enfin, un engagement lisible de l'État dans le temps est indispensable pour sécuriser les projets d'investissements des porteurs du contrat .

Les contrats reposent en effet sur des conventions annuelles et offrent peu de visibilité sur trois ou quatre ans des financements mobilisables , tant de la part de l'État que des autres collectivités ou partenaires. L'engagement de l'État dans un cadre financier pluriannuel permettrait aux intercommunalités et aux communes membres de projeter leurs investissements et les cofinancements attendus de l'État sur plusieurs années.

La définition d'engagements pluriannuels de la part de l'État se heurte néanmoins au principe d'annualité budgétaire , qui implique que l'autorisation budgétaire donnée par le Parlement en loi de finances ne l'est que pour une année.

Je partage la recommandation du bilan-flash du CGET, visant à favoriser une programmation pluriannuelle. Il préconise en effet que l'engagement de l'État prenne la forme d'une « promesse » d'une contractualisation pluriannuelle , « en s'inspirant de l'approche d'engagements des contrats de plan État-région ».

Proposition n° 4 : Assurer la visibilité des engagements de l'État sur la durée des contrats, à l'instar de la méthode déployée sur les CPER, afin que les élus appuient leur stratégie de développement sur une programmation pluriannuelle financièrement sécurisée.

II. UN OUTIL CONTRACTUEL À CONSOLIDER DONT L'EFFICACITÉ PEUT ÊTRE RENFORCÉE

A. DES COMPÉTENCES EN MATIÈRE D'INGÉNIERIE SONT NÉCESSAIRES POUR ASSURER LA QUALITÉ ET LA MISE EN oeUVRE DES PROJETS PORTÉS PAR LES CONTRATS DE RURALITÉ

1. Une ingénierie nécessaire pour porter et animer le contrat dans la durée

Lors de mon contrôle sur le FNADT, j'ai souligné que le soutien à l' « ingénierie territoriale de développement » est indispensable pour permettre aux intercommunalités rurales de « monter en compétence » et ainsi de réussir leur contrat et son animation dans la durée.

Les territoires disposant de compétences d'ingénierie ont ainsi été plus réactifs pour l'élaboration des contrats . Par exemple, les PETR, disposant d'une ingénierie plus structurée, ont ainsi pu élaborer des projets de territoire plus aboutis et mieux hiérarchiser leurs projets d'investissements.

De plus, le bilan-flash réalisé par le CGET souligne que la projection des contrats dans la durée et l'inscription des opérations dans un cadre pluriannuel a nécessité de fortes capacités d'ingénierie pour planifier les projets et assurer leur suivi .

« La qualité du contenu des contrats tient beaucoup à la qualité de l'organisation des territoires et à l'expérience du montage des dossiers en articulation avec le projet global . L'engagement dans la réalisation du programme prévu dépend aussi beaucoup de la capacité d'animation du dit contrat. Lorsqu'une structure de type Pays préexiste, l'ingénierie d'animation facilite l'élaboration collective des dossiers et l'anticipation des moyens nécessaires à leur mise en oeuvre.

Cela montre bien l'importance de maintenir et de conforter l'affectation d'un pourcentage suffisant du montant global du contrat destiné à l'ingénierie pour en assurer la préparation et l'animation.

L'investissement dans la ressource humaine en capacité de jouer le rôle de l'ensemblier au service de la collectivité et de ses habitants est manifestement une condition de réussite de la contractualisation ».

Source : Union nationale des acteurs du développement local

Certains contrats de ruralité détaillent les organisations de travail mises en oeuvre : des collectivités ont recruté un chargé de mission afin de coordonner le contrat , d'autres ont sollicité les services d'administration générale pour les missions relevant de leurs compétences , quand certaines ont eu recours à des bureaux d'études externes.

En outre, l'ingénierie est également indispensable à l'animation des contrats dans le temps et au pilotage de leur mise en oeuvre (par exemple, par le biais de l'animation de groupes de travail entre les partenaires par exemple).

Les communes appartenant à une communauté urbaine bénéficient d'atouts précieux en la matière, grâce à l'expertise de services de leur intercommunalité, mise à leur disposition. C'est notamment le cas pour les communes rurales du Grand Poitiers, dont les maires rencontrés par le rapporteur ont souligné la qualité du soutien apporté dans la mise en oeuvre des projets par les services de la communauté urbaine.

Exemple de l'ingénierie mobilisée par le Grand Poitiers

Le suivi technique et le secrétariat du contrat sont assurés par les agents de la direction générale politiques territoriales de Grand Poitiers en lien avec l'équipe technique des pays auxquels appartient Grand Poitiers et avec l'appui technique des services déconcentrés de l'État et plus particulièrement les services de la direction départementale des territoires.

La direction générale politiques territoriales de Grand Poitiers accompagne les communes souhaitant développer un projet dans le cadre du contrat de ruralité. Elle aide les communes dans la définition de leur projet et assure le lien avec le comité technique.

Le suivi opérationnel est assuré par le comité technique créé dès la mise en oeuvre du contrat. Il est constitué de l'équipe de la direction générale politiques territoriales de Grand Poitiers, des représentants des directions générales de Grand Poitiers, du conseil de développement, des services de la préfecture et des services déconcentrés de l'état, et, en tant que de besoin, d'experts, en fonction des thématiques de développement et des projets couverts par le contrat de ruralité. Ce comité technique rend compte de son travail au comité de pilotage.

Source : contrat de ruralité pour le territoire de Grand Poitiers

2. Or, le dispositif ne permet pas à ce jour de financer de réels moyens d'ingénierie

L'une des principales limites du financement des contrats de ruralité par la DSIL est l'impossibilité de financer des dépenses d'ingénierie non directement rattachables à un projet d'investissement au sein des contrats de ruralité, alors même que les territoires ruraux isolés souffrent souvent d'un déficit en moyens d'ingénierie , par exemple pour financer un chef de projet.

En effet, les crédits DSIL ne peuvent figurer qu'à la section d'investissement du budget des bénéficiaires - contrairement au FNADT, qui peut financer de l'ingénierie (cf. supra ).

La mobilisation de la DSIL en matière d'ingénierie est possible uniquement pour des dépenses de fonctionnement non récurrentes, telles les études, missions courtes ou des actions préalables liées à un projet opérationnel d'investissement précis, dans la limite de 15 % du montant de la subvention en 2017.

Les attributions au titre de cette dotation (DSIL) sont inscrites à la section d'investissement du budget des bénéficiaires. Par dérogation, une partie des crédits attribués au titre de la première part et de la troisième part de la première enveloppe et au titre de la seconde enveloppe peut financer des dépenses de fonctionnement non récurrentes , notamment relatives à des études préalables , et être inscrite en section de fonctionnement de leur budget, dans la limite, en ce qui concerne la première part de la première enveloppe et la seconde enveloppe, de 15 % du montant total de la subvention .

Source : article 141 de la loi de finances pour 2017

Ce taux a même été diminué à 10 % en 2018 . Ainsi, seuls 620 127 euros d'autorisations d'engagement ont été consommés en 2017 au titre du soutien à l'ingénierie (soit 0,4 % des AE consommées) et 72 162 euros de crédits de paiement .

Ces montants paraissent dérisoires face aux attentes des collectivités territoriales en ce domaine.

Le CGET précise que « le soutien direct au fonctionnement n'a jamais été prévu dans le dispositif des contrats de ruralité, mais, compte tenu des besoins exprimés en la matière, il s'agit d'un point qui pourra être examiné dans le cadre des missions de la future ANCT et de l'agenda rural annoncé par la Ministre ».

Un financement des contrats par le FNADT comme proposé permettrait de résoudre cet écueil.

Le « bilan-flash » propose de financer au moins la première année du contrat « un poste de chargé(e) de développement local consacré au contrat de ruralité (éventuellement dégressif après et incitant à un renforcement de l'ingénierie de l'intercommunalité ou au niveau du PETR/Pays), en fonction des financements régionaux et départementaux déjà attribués, pour favoriser un projet stratégique et disposer de la matière grise nécessaire ».

Je souhaite conditionner la signature d'un contrat de ruralité à la désignation d'un chef de projet dédié à son animation et au suivi de sa mise en oeuvre , et d'assurer le financement de ce poste à hauteur de 80 % par l'État dans le cadre du financement prévu pour les contrats de ruralité.

Proposition n° 7 : Conditionner la signature d'un contrat de ruralité à la désignation d'un chef de projet dédié à son animation et au suivi de sa mise en oeuvre. Dans les territoires ruraux dont l'EPCI compte moins de 60 000 habitants, assurer le financement de ce poste à hauteur de 80 % par l'État dans le cadre des crédits prévus pour ce contrat.

Proposition n° 8 : Instaurer une clause de revoyure du contrat à mi-parcours permettant une première évaluation de sa mise en oeuvre et un éventuel avenant.

B. DES AMÉLIORATIONS DU DISPOSITIF POURRAIENT UTILEMENT ÊTRE MISES EN oeUVRE

1. Clarifier les critères d'attribution des enveloppes pour chaque territoire

Les contrats de ruralité n'ont pas été assortis d'orientations nationales précises s'agissant des territoires prioritaires. Si la gestion déconcentrée présente certains avantages pour permettre aux préfets de s'adapter à la réalité des territoires, l'absence de cadrage au niveau national nuit à la lisibilité du dispositif pour les collectivités portant les contrats et ne semble pas satisfaisante.

Le préfet de la région Auvergne Rhône-Alpes a par exemple attribué des enveloppes à partir d'un critère de population et de surface .

Le Secrétaire général aux affaires régionales (SGAR), que j'ai auditionné, a fait un état des méthodes d'attribution des enveloppes par territoire signataire . La population et la surface sont réparties par « classe », qui détermine un montant de subvention, critères auxquels s'ajoute une part fixe.

Répartition des classes

Population

Surface

1

2

3

4

De 0 à 10 000

De 10 001 à 30 000

De 30 001 à 90 000

Plus de 90 000

1

2

3

4

De 0 à 300

De 301 à 700

De 701 à 1 000

Plus de 1000

(en euros)

Part fixe

Part population

Part surface

140 000

83 000

52 000

Source : documents communiqués par la préfecture de région Auvergne Rhône-Alpes

Ce système est intéressant car il permet d'allouer une subvention aux contrats de ruralité en fonction d'un critère pondérant le nombre d'habitants par la superficie , mais ne semble pas suffisant.

Afin d'apporter un cadrage national, je propose que soient définis des critères d'attribution des crédits par territoire, fondés notamment sur la fragilité des territoires . Trois critères sont ainsi à retenir : la densité de population, le revenu par habitant et l'évolution démographique (évolution du nombre d'habitants au cours des cinq dernières années par exemple).

La proposition de loi adoptée par le Sénat en octobre 2015 réservait d'ailleurs la signature des contrats aux territoires ruraux en difficulté.

Article 2 de la proposition de loi

Sont définis comme territoires ruraux en difficulté, au sens de l'article 1 er de la présente loi, les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre caractérisés par une faible densité de population et un faible revenu par habitant, en référence à des valeurs nationales.

Un décret en Conseil d'État précise les conditions d'application du présent article.

Source : proposition de loi n° 22 visant à instaurer des contrats territoriaux de développement rural adoptée par le Sénat le 22 octobre 2015

Proposition n° 5 : Prévoir au niveau national des critères d'attribution fondés sur la fragilité des territoires (densité de population, évolution démographique et revenu par habitant), afin de garantir une meilleure efficacité des contrats et la transparence des modalités de répartition des crédits.

Proposition n° 10 : Instaurer une majoration de 10 % de l'enveloppe allouée par l'État aux territoires ayant subi une baisse démographique sur la moyenne des cinq dernières années.

2. Recentrer les contrats de ruralité sur les territoires ruraux les plus fragiles

Néanmoins, dans le système qui a prévalu en Auvergne Rhône Alpes, une communauté d'agglomération comportant 130 000 habitants et ayant une surface de plus de 1 000 km 2 se voit attribuer une subvention de 680 000 euros (4*83 000 + 4*52 000 + 140 000).

Il importe dans ce cas de veiller à ce que cette subvention bénéficie en premier lieu aux communes rurales de la communauté d'agglomération , afin de respecter la philosophie du contrat de ruralité, qui consiste à stimuler le développement rural. Ce fut le cas en région Nouvelle-Aquitaine, pour le contrat de ruralité porté par la communauté urbaine du Grand Poitiers, où j'ai effectué un déplacement.

« La répartition entre les EPCI choisie par la préfecture de département était calquée sur la répartition régionale : elle était proportionnelle au nombre d'habitants dans les unités urbaines de moins de 50 000 habitants. Or cette répartition a tendance à favoriser les villes moyennes, comme Châtellerault, qui sont en dessous de ce seuil de 50 000 habitants et qui ont une certaine densité de population, au détriment des territoires vraiment ruraux, où la population est peu dense.

Grand Poitiers ayant exclu d'emblée l'Unité urbaine de Poitiers, la densité de population des territoires considérés comme ruraux n'est pas très élevée ».

Source : réponses de la direction des politiques territoriales du Grand Poitiers au questionnaire du rapporteur spécial

En effet, la communauté urbaine a veillé à ce que seules les communes « rurales » du Grand Poitiers bénéficient d'un soutien financier au titre du contrat de ruralité.

Pour ce faire, une définition a contrario des communes rurales a été retenue : les huit communes faisant partie de l'unité urbaine 31 ( * ) de Poitiers ont été exclues du contrat de ruralité. Ainsi, les autres communes de Grand Poitiers sont considérées comme des communes rurales et sont celles qui accueillent les projets du contrat de ruralité.

Le cas échéant, la répartition de l'enveloppe par territoire signataire selon le seul critère de population pourrait entraîner une concentration des subventions dans la commune centre.

Proposition n° 6 : Veiller à ce que seules les communes dites « rurales » bénéficient du soutien financier de l'État prévu dans le cadre de ce contrat, lorsqu'une communauté urbaine porte un contrat de ruralité.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 17 juillet 2019, sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, la commission a entendu une communication de M. Bernard Delcros, rapporteur spécial, sur les contrats de ruralité.

M. Vincent Éblé , président . - Nous commençons notre réunion par la communication de notre rapporteur spécial Bernard Delcros sur les contrats de ruralité. Nous avions convié Louis-Jean de Nicolaÿ, membre de la commission l'aménagement du territoire et du développement durable, mais ce dernier n'a pas pu se joindre à nous.

M. Bernard Delcros , rapporteur spécial . - Permettez-moi au préalable un bref rappel historique.

Le Gouvernement a mis en place les contrats de ruralité en 2017, une décision qui s'inspire d'une initiative sénatoriale. En effet, nous avions adopté en octobre 2015 une proposition de loi visant à mettre en place des « contrats territoriaux de développement rural », malgré l'avis défavorable du Gouvernement. J'ai repris cette idée en 2016, dans mon rapport d'information intitulé Repenser le FNADT en faveur du développement rural .

Nous souhaitions la mise en place d'un outil destiné à la ruralité, calqué sur le modèle des contrats de ville, pour accompagner les territoires ruraux dans la mise en oeuvre d'une stratégie de développement globale, partenariale et pluriannuelle, associant l'État et les collectivités locales.

Alors que la première génération de contrats arrive à échéance en 2020, deux constats m'ont conduit à mener ce contrôle : d'une part, l'arrêt du financement des contrats par une enveloppe dédiée, c'est-à-dire une dilution des crédits en faveur des contrats de ruralité dans des crédits de droit commun et, d'autre part, l'absence de visibilité quant au devenir de ces contrats de ruralité, dans le cadre de la mise en place des futurs contrats de cohésion territoriale qu'appuierait l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT).

Premièrement, quel bilan peut-on dresser de ces contrats à mi-parcours ? Deuxièmement, le changement du mode de financement opéré en 2018 et 2019 est-il pertinent ? Enfin, quel est l'avenir des contrats de ruralité ?

Je veux d'abord rappeler que ces contrats constituaient un outil novateur pour la ruralité. Les projets soutenus dans le contrat doivent s'inscrire dans un projet de territoire, axé sur six volets thématiques : l'accès aux services et aux soins, la cohésion sociale, la transition écologique, les mobilités, l'attractivité du territoire et la revitalisation des bourgs-centres.

Ce nouvel outil contractuel a été doté de crédits spécifiques sur le programme 112 de la mission « Politique des territoires » en 2017, pour un montant de 216 millions d'euros en autorisations d'engagement, avec un triple objectif : accompagner la mise en oeuvre d'un projet de territoire reposant sur une stratégie globale de développement local ; fédérer les partenaires dans les territoires ruraux autour d'un programme pluriannuel d'actions et apporter un soutien spécifique de l'État aux projets des collectivités rurales.

À l'issue des auditions réalisées et des deux déplacements que j'ai effectués à Poitiers et Péronne, je tire un bilan encourageant des contrats à mi-parcours.

Ce nouvel outil a très vite suscité l'intérêt d'un grand nombre de pôles d'équilibre territorial et rural (PETR) et d'intercommunalités. Ainsi, au 1 er octobre 2018, 485 contrats de ruralité étaient signés ou en cours de signature.

S'agissant des moyens engagés par l'État : en 2017, 425 millions d'euros ont été consacrés aux contrats de ruralité, dont 145 millions d'engagements exécutés sur le programme 112.

Je formulerai cependant deux observations. Premièrement, la participation à l'élaboration des contrats d'acteurs sociaux, économiques, de mouvements associatifs est restée très limitée, tout comme celle des citoyens. Je souhaite que, pour la prochaine génération, la participation de ces acteurs soit encouragée. Deuxièmement, certaines thématiques, pourtant à fort enjeu, ont été peu prises en compte : par exemple, pour l'exécution de 2017, la transition énergétique ne représente que 8 % des autorisations d'engagement et 10 % des crédits de paiement.

J'en viens à la deuxième question.

Je ne pense pas que le changement du mode de financement opéré en 2018 et en 2019 était pertinent. Alors que ces contrats devaient donner de la visibilité aux acteurs des politiques de développement local, leur financement a fait l'objet d'évolutions incohérentes.

D'abord, au cours de l'été 2017, les annulations de crédits ont été perturbatrices en termes de gestion : certaines préfectures ont fait le choix de maintenir les subventions sur les contrats de ruralité en complétant les crédits dédiés par des crédits versés au titre de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) ou de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), tandis que d'autres ont dû remettre en cause des engagements.

Ensuite et surtout, la loi de finances de 2018 a acté l'arrêt du financement de nouveaux engagements sur le programme 112 et l'a transféré vers le programme 119 de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». Ainsi, la DSIL s'est vu attribuer 615 millions, dont 45 millions ont été fléchés vers les contrats de ruralité.

Je considère que ce transfert est dommageable pour plusieurs raisons.

D'abord, d'un point de vue budgétaire, il manque de cohérence. La mission « Cohésion des territoires » assure le financement de dispositifs contractualisés similaires aux contrats de ruralité, en particulier les contrats de plan État-région (CPER) et les contrats de ville. Ce recul pour le programme 112, qui regroupe les crédits dédiés au pilotage de la politique d'aménagement du territoire de l'État, marque une véritable incohérence. Ensuite, la DSIL doit désormais financer, avec une enveloppe plus resserrée, à la fois les « grandes priorités nationales », le programme Actions Coeur de ville et les contrats de ruralité. Enfin, en 2019, la DSIL ne comprendra plus de part réservée aux contrats de ruralité et leur financement ne sera donc plus garanti. J'y vois un risque de recul du fait rural dans le champ des priorités nationales, car la DSIL n'offre pas les garanties d'une enveloppe fléchée.

C'est pourquoi je formule plusieurs propositions concernant le financement de ces contrats.

Il convient de revenir à une enveloppe dédiée au financement des contrats sur le programme 112, en particulier sur le Fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT). En effet, ce fonds présente de nombreux avantages pour le soutien au développement rural : souplesse d'utilisation, possibilité de financement de l'ingénierie territoriale ou de projets associant collectivités et acteurs privés.

Par ailleurs, un engagement lisible de l'État dans le temps est indispensable pour sécuriser les projets d'investissement. La définition d'engagements pluriannuels de la part de l'État se heurte bien sûr au principe d'annualité budgétaire. Mais il est possible d'assurer la visibilité des engagements de l'État sur la durée des contrats, comme c'est d'ailleurs le cas pour les CPER. Cela permettrait aux élus d'appuyer leur stratégie de développement sur une programmation pluriannuelle financièrement sécurisée.

Quel avenir pour ces contrats ?

En premier lieu, dans le cadre de la mise en place de l'Agence nationale de la cohésion des territoires, le maintien de ces contrats n'est à ce jour pas confirmé : les nouveaux contrats de cohésion territoriale pourraient avoir vocation, à terme, à se substituer à plusieurs types de contrats entre l'État et les collectivités territoriales. Si tel était le cas, la ruralité serait diluée dans d'autres enjeux nationaux.

L'effet de levier attendu des contrats sur le développement des territoires ruraux requiert stabilité et visibilité : ils doivent être identifiés en tant que tels, bénéficier de financements spécifiques et s'inscrire dans la durée.

Aussi, je souhaite que les contrats de ruralité soient reconduits pour une deuxième génération à compter de 2020, et ce pour une durée de cinq ans, afin de les faire coïncider avec la nouvelle mandature municipale. En outre, je propose qu'ils conservent leur autonomie, au même titre que les contrats de ville, dont l'intégration au sein des nouveaux contrats de cohésion territoriale n'est pas envisagée à ce stade.

Par ailleurs, j'en suis convaincu, le soutien à l'ingénierie territoriale de développement est indispensable pour permettre aux intercommunalités rurales de monter en compétence. Or, actuellement, la mobilisation de la DSIL en matière d'ingénierie n'est possible que si elle est rattachée à un projet d'investissement précis. Pour les territoires ruraux ne disposant pas de l'expertise des services d'une ville-centre importante, il est donc indispensable de renforcer le soutien à l'ingénierie territoriale de développement. Le financement par le FNADT que je propose permettrait de consacrer davantage de crédits au soutien à l'ingénierie - c'est un enjeu majeur de la réussite du développement rural.

Je propose également de conditionner la signature d'un contrat de ruralité à la désignation d'un chef de projet dédié à son élaboration et à sa mise en oeuvre. Pour les intercommunalités rurales de moins de 60 000 habitants - un seuil à discuter -, je suggère que l'État finance ce poste à hauteur de 80 % sur les crédits consacrés aux contrats de ruralité. Je préconise aussi d'instaurer une clause de revoyure du contrat à mi-parcours, ce qui permettrait de procéder à une première évaluation, avec la possibilité de signer un avenant.

Les contrats de ruralité n'ont pas été assortis d'orientations nationales précises s'agissant des territoires prioritaires. Il existe de très grandes disparités d'une région à l'autre s'agissant des critères. Il me paraît donc indispensable d'établir des critères de répartition des crédits par territoire, fondés sur leur fragilité - la densité de population, le revenu par habitant et l'évolution démographique, par exemple - de manière à donner plus de lisibilité et de transparence. Ainsi les contrats seraient recentrés sur les territoires ruraux les plus fragiles. Enfin, une communauté urbaine peut porter un contrat de ruralité à condition que les subventions bénéficient exclusivement aux communes rurales de la communauté urbaine répondant à ces critères. C'est d'ailleurs le cas au Grand Poitiers où je me suis rendu et où seules les communes rurales bénéficient d'un soutien financier au titre du contrat de ruralité, tout en bénéficiant de l'ingénierie de la ville-centre.

En conclusion, je considère que le contrat de ruralité est un outil d'avenir indispensable pour relever les défis de la ruralité - c'est d'ailleurs le titre que j'ai retenu pour mon rapport d'information. Je souhaite que la deuxième génération propose des contrats plus ciblés, plus lisibles dans la durée et plus efficaces. Je formule dix propositions concrètes.

Mme Sylvie Vermeillet . - Je félicite notre collègue pour son travail de qualité. Je suis quelque peu atterrée par la disparition des crédits fléchés en faveur des contrats de ruralité. Cela a-t-il compromis des projets ?

M. Marc Laménie . - Je remercie notre collègue de sa clairvoyance. Je partage les inquiétudes qu'il a exprimées quant à la baisse des crédits. Même si j'ai l'honneur de faire partie d'une commission pour la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) dans mon département, je ne suis pas sûr que l'on y soit écouté ou entendu. Les crédits de la DSIL ne sont pas tous fléchés vers le monde rural. Et je ne parle pas de feu la réserve parlementaire ! Tous ces crédits sont censés soutenir des projets ruraux. Quel est le montant réel alloué aux contrats de ruralité ?

M. Patrice Joly . - Je remercie Bernard Delcros pour la qualité de son travail et la finesse de son analyse. Je veux rappeler que la ruralité n'est jamais une évidence dans les politiques publiques en France. Ce n'est pas la première fois que l'on voit les dispositifs se déliter.

Les contrats de ruralité visent à élaborer un projet global, en donnant aux territoires une vision d'avenir et des perspectives communes. Le projet doit être co-construit avec des acteurs privés et publics, ce qui a fait défaut dans la plupart des territoires eu égard au caractère d'urgence lié aux échéances de 2017 que vous connaissez. Or les territoires ne peuvent avancer que s'ils ont des assurances sur les partenariats financiers. La mise en oeuvre de ces contrats est loin de cette philosophie. En effet, il n'y a pas de culture de projet territorial dans l'administration d'État, que ce soit au niveau national ou local. Les financements dédiés ont disparu, comme cela a été souligné. Surtout, il n'y a pas eu d'engagement pluriannuel, ce qui constitue une véritable difficulté : on note donc une absence de lisibilité. Aussi, il faut absolument revenir à la philosophie d'origine, comme le propose le rapporteur spécial, pour des raisons d'efficacité dans l'action publique, mais aussi pour une bonne utilisation des fonds publics.

Cela a été évoqué, nos territoires ont besoin d'une ingénierie pour pallier la disparition d'une partie des agents publics et d'opérateurs de services publics ou privés. Par exemple, 1 500 emplois publics ont disparu entre 2000 et 2015 dans la Nièvre. Cette ingénierie de projet, d'animation est indispensable. Par ailleurs, cessons de distinguer les opérations d'investissement des opérations de fonctionnement.

J'approuve l'idée d'envisager une nouvelle génération de contrats de ruralité en vue d'accompagner les territoires ruraux dans leur développement, car ils peuvent contribuer au redressement de notre pays et répondre aux défis que nous avons en commun.

M. Philippe Dallier . - Je comprends que notre collègue s'inquiète quant au devenir de ces contrats et qu'il en demande la pérennisation. Mais à y regarder de plus près, quel empilement : la dotation de solidarité urbaine (DSU), la dotation de solidarité rurale (DSR), les contrats de ville, les contrats de ruralité, la DSIL, la DETR, feu la réserve parlementaire, les problèmes de la DGF... Au fond, la multiplication des dispositifs ne permet-elle pas au Gouvernement de faire un jeu de bonneteau budgétaire ? Ne faudrait-il pas simplifier ? À multiplier les dispositifs, le résultat est plutôt négatif pour les collectivités territoriales.

M. Bernard Lalande . - Bernard Delcros est l'un des spécialistes de la ruralité. Existe-t-il une échelle de mesure de la fragilité des territoires ruraux ? Un territoire rural ou péri-urbain est, par essence, fragile. Par ailleurs, pourquoi le Fonds d'intervention pour la sauvegarde de l'artisanat et du commerce (FISAC) n'est-il pas intégré dans les contrats de ruralité ?

Mme Sylvie Vermeillet . - Tout à fait.

M. Jean-Claude Requier . - Je félicite moi aussi Bernard Delcros, le chantre de la ruralité. Je rejoins les propos de Philippe Dallier : il est très difficile de s'y retrouver et il faudrait simplifier, afin que ce soit plus clair pour les élus et les citoyens.

Je suis d'accord, il faut favoriser l'ingénierie, mais veillons à ne pas fonctionnariser les postes. Il faudrait pouvoir bénéficier d'une ingénierie temporaire.

La ruralité intéresse aux mois de juillet et d'août lors des festivals, des concerts... Mais à la fin du mois d'août, on tire le rideau.

M. Bernard Delcros , rapporteur spécial . - Sylvie Vermeillet, les choses se sont passées différemment selon les territoires : dans certains territoires, les enveloppes ont été maintenues grâce au prélèvement sur des crédits de la DETR et de la DSIL, tandis que, dans d'autres, les engagements n'ont pas été maintenus. Dans le Cher, par exemple, l'enveloppe a été divisée par deux. Ce fut au détriment de projets intégrés dans les contrats de ruralité ou d'autres projets qui auraient pu bénéficier de crédits de droit commun.

Marc Laménie, on peut comprendre qu'il faille à un moment réduire les dépenses, vu le contexte actuel, mais il importe de veiller à ce que la diminution des crédits ne concerne pas une seule catégorie de territoires. Il est essentiel que la ruralité soit reconnue en tant que telle. Or les crédits sont désormais fongibles ; les réponses sont donc différentes suivant les départements et les régions.

Patrice Joly, je vous rejoins : la ruralité n'est pas une évidence, que les gouvernements soient de droite ou de gauche d'ailleurs. C'est pourquoi il importe de sécuriser les moyens attribués à la ruralité. Sur la question de la culture du projet territorial dans les services, il faut progresser. Je le redis, il faut certes s'attacher aux volumes de crédits, tous territoires confondus, urbains et ruraux, mais il importe surtout d'avoir des crédits fléchés sécurisés.

Philippe Dallier, j'en conviens, il faudrait travailler à la mise en place de mesures de simplification, mais pas seulement pour ce qui concerne la ruralité.

M. Philippe Dallier . - J'ai aussi parlé de l'urbain.

M. Bernard Delcros , rapporteur spécial . - Le dispositif contractuel avec des crédits fléchés vers la ruralité a disparu aujourd'hui, contrairement à celui consacré aux contrats de ville. Il faut des mesures de simplification pour tous, mais simplification ne signifie pas dilution. Il importe de flécher des crédits en faveur du milieu urbain et du milieu rural.

Bernard Lalande, nombreux sont les territoires fragiles, mais pour des raisons différentes. Mon département continue à perdre des habitants ; l'évolution démographique d'un territoire est un critère de fragilité. En revanche, d'autres territoires peuvent être fragiles, alors que leur démographie augmente. Nous devons mettre en place des critères nous permettant de mesurer la fragilité de nos territoires. Il faut définir des critères si l'on veut que les dispositifs soient efficaces. D'où mes propositions pour les contrats de ruralité.

Les dispositifs sont souvent cloisonnés. On aurait intérêt à avoir sur un territoire donné, en fonction de critères définis, un bouquet de mesures pour accompagner le territoire. Aujourd'hui, le FISAC est en voie de disparition, alors qu'il s'agit d'un bon outil et de seulement quelques dizaines de millions d'euros à l'échelle nationale. Dans le cadre de mon rapport d'information sur les zones de revitalisation rurale (ZRR), je réfléchis à l'idée de rassembler un certain nombre de mesures pour plus d'efficacité.

Jean-Claude Requier, la ruralité plaît en effet à tout le monde au mois d'août. L'objectif est non pas d'assister la ruralité, ni même d'assurer sa survie, mais de lui permettre de jouer pleinement son rôle pour participer à la cohésion nationale et sociale de notre pays. Tel est l'enjeu. Dans cette perspective, on est obligé de sécuriser les dispositifs mis en place en faveur de la ruralité.

La commission a autorisé la publication de la communication de M. Bernard  Delcros sous la forme d'un rapport d'information.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

AUDITIONS AU SÉNAT

Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET)

- M. Serge MORVAN, commissaire général à l'égalité des territoires ;

- Mme Sophie DUVAL-HUWART, directrice du développement des capacités des territoires.

Secrétariat général pour les affaires régionales (SGAR) Auvergne Rhône-Alpes

- M. Guy LÉVI, secrétaire général pour les affaires régionales (SGAR) Auvergne Rhône-Alpes ;

- Mme Nathalie PICHET, chargée de mission auprès du préfet de région pour l'aménagement du territoire.

Assemblée des communautés de France (AdCF)

- M. Pierre JARLIER, secrétaire national et président de Saint-Flour communauté ;

- M. Maxime GOUDEZEUNE, conseiller santé et ruralité ;

- Mme Amandine FOUCHÉ, responsable des relations parlementaires.

Association des maires ruraux de France (AMRF)

- M. Luc WAYMEL, président de l'association des maires ruraux du Nord.

Association nationale des pôles territoriaux et des pays (ANPP)

- M. Michaël RESTIER, directeur.

DÉPLACEMENTS

Poitiers (18 mars 2019)

Somme (23 avril 2019)


* 1 Proposition de loi n° 22 visant à instaurer des contrats territoriaux de développement rural adoptée par le Sénat le 22 octobre 2015.

* 2 Circulaire du 16 septembre 2016 relative au financement des contrats de ruralité.

* 3 Instruction ministérielle et note technique du 24 janvier 2017 relatives au fonds de soutien à l'investissement local (FSIL) 2017.

* 4 Extrait des précisions méthodologiques relatives à la convention annuelle de financement des contrats de ruralité annexées au modèle de contrat de ruralité fourni par le CGET.

* 5 En 2017, une enveloppe de crédits dédiée DSIL budgétée sur le programme 112 était consacrée au financement des contrats de ruralité (cf. infra).

* 6 Le fonds de soutien à l'investissement local créé en 2016 est renommé dotation de soutien à l'investissement local en 2017.

* 7 Article 159 de la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016.

* 8 Article 141 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017.

* 9 La population à prendre en compte est celle définie à l'article L. 2334-2 du code général des collectivités territoriales et les unités urbaines sont celles qui figurent sur la liste publiée par l'INSEE.

* 10 « Les contrats de ruralité, retour sur la première année d'application du dispositif », l'Assemblée des communautés de France et l'Association nationale des pôles territoriaux et des pays

* 11 Réponses du CGET au questionnaire du rapporteur spécial.

* 12 Circulaire du 23 juin 2016 relative au lancement des contrats de ruralité.

* 13 Loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles.

* 14 Loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République.

* 15 Circulaire du 16 septembre 2016 relative au financement des contrats de ruralité.

* 16 Dans certains cas, résultant d'un accord et d'un appui en ingénierie au niveau d'un Pays, le Pays ne pouvant être officiellement porteur mais pouvant être cosignataire.

* 17 Réponses du CGET au questionnaire du rapporteur spécial

* 18 Réponses fournies par le CGET au questionnaire du rapporteur spécial.

* 19 « Mise en oeuvre des contrats de ruralité, Accompagnement par l'UNADEL de 5 territoires ruraux, éléments de synthèse », Union nationale des acteurs du développement local (UNADEL), décembre 2016 - juillet 2017.

* 20 Réponses de la direction des politiques territoriales du Grand Poitiers au questionnaire du rapporteur spécial.

* 21 Réponses du CGET au questionnaire du rapporteur spécial.

* 22 Circulaire DSIL du 7 mars 2018 aux Préfets de région.

* 23 Montants communiqués par les SGAR hors Occitanie, Guadeloupe, Martinique, La Réunion et La Guyane.

* 24 Montants communiqués par les SGAR hors Occitanie, Guadeloupe, Martinique et La Réunion.

* 25 Réponses du CGET au questionnaire du rapporteur spécial.

* 26 Réponses du CGET au questionnaire du rapporteur spécial.

* 27 Décret n° 2017-1182 du 20 juillet 2017 portant ouverture et annulation de crédits à titre d'avance.

* 28 Instruction ministérielle du 7 mars 2018 relative à la DSIL 2018.

* 29 Déposée le 2 octobre 2018 au Sénat par M. Jean-Claude Requier et les membres du groupe du Rassemblement démocratique et social européen, elle définit le statut, les missions, l'organisation, le fonctionnement et les moyens financiers et humains de la future ANCT.

* 30 Déposée au Sénat le 16 octobre 2018 par MM. Hervé Maurey et Jean-Claude Requier comporte un article unique visant à prévoir que la nomination du directeur général de la future ANCT s'exerce après avis public de la commission compétente de chaque assemblée, selon les dispositions du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution humains de la future ANCT.

* 31 La notion d'unité urbaine de moins de 50 000 habitants est retenue dans ce contrat en référence au b) du I. de l'article 141 de la loi de finances initiale pour 2017 et à la circulaire du ministre de l'Aménagement du Territoire, de la Ruralité et des Collectivités Territoriales du 16 septembre 2016

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