B. LA FIN DE L'ESPOIR D'UN EMPLOI SÛR, POUR SOI ET SES ENFANTS

L'un des apports les plus appréciés des Trente glorieuses, c'est certainement un quasi plein emploi qui tranchait avec les incertitudes de l'avant-guerre, conséquence immédiate de la marginalisation des crises financières et économiques de la période précédente.

Conséquence aussi, en France, de l'intense politique d'investissement de l'État, à travers le Fonds de modernisation et d'équipement, le Crédit foncier et le Crédit agricole.

La productivité de l'économie française est forte et le taux de croissance du PNB élevé : en moyenne annelle plus de 5 % entre 1950 (fin de la reconstruction) et 1974 12 ( * ) .

La traduction la plus immédiate donc de la Grande Transformation libérale c'est, le chômage de masse permanent en Europe et l'instabilité de l'emploi aux USA que les expédients réglementaires et les exploits statistiques ont du mal à masquer. Une certitude, en tous cas, le sous-emploi, le mal-emploi, le chômage massif des jeunes entraînant leur émigration dans un certain nombre de pays européens, la stagnation en valeur des revenus du travail et leur baisse relative par rapport à ceux du capital ont remplacé le plein emploi rémunérateur.

Pour l'analyse plus fouillée, plus technique et quantifiée de la question, on verra la partie II.

Ce chômage et ce sous-emploi s'enracinent, évidemment, dans la maladie de langueur qui depuis la crise de 2008 frappe l'économie européenne et, quoiqu'à un moindre degré et sous des formes différentes, les USA. La différence cependant entre les deux rives de l'Atlantique c'est qu'aux USA, parvenir au plus bas niveau de chômage possible est l'objectif prioritaire du gouvernement (que les moyens utilisés ne soient pas sans risques est une autre affaire) alors qu'en Europe c'est l'équilibre budgétaire et l'euro fort.

Pour dire les choses clairement, en faisant de tels choix, l'Europe a fait le choix du chômage, espérant de cette rigueur et des politiques de l'offre qui se résument à des cadeaux fiscaux aux plus riches, une relance économique que l'on attend toujours.

À côté de ces choix strictement idéologiques interdisant toute relance par l'investissement public, l'autre cause de la stagnation économique - alors même que les liquidités banque centrale et scripturales abondent, et que les taux d'intérêt restent très bas - c'est que l'essentiel de la masse monétaire ne vient pas irriguer l'économie réelle mais se perd dans la sphère spéculative. Là se trouve le problème essentiel.

Contrairement à ce que prétendent ses représentants, le financement des entreprises - crédits bancaires ou émissions boursières - n'est pas la principale préoccupation du système financier. Compte tenu du manque d'informations pertinentes, on en est réduit à estimer que la part des prêts bancaires destinée au financement de l'économie se situe entre 10 et 20 % au grand maximum des bilans bancaires, l'essentiel étant destiné aux grandes entreprises et de l'ordre de 5 % aux PME.

Le financement par les marchés, quant à lui, est essentiellement pratiqué par les grandes entreprises multinationales, surtout en vue du rachat d'entreprises concurrentes (fusions acquisitions) ou pour doper la valeur boursière de l'entreprise. La plupart des transactions portant sur des actions ou obligations déjà émises, on peut estimer que le financement d'investissements nouveaux ne dépasse pas 5 % du montant des échanges.

En conclusion, l'activité du système financier se résumant à des opérations au sein même du système, sans lien avec la production réelle, on peut dire qu'il joue le même rôle qu'un parasite, un parasite dangereux à en juger par les krachs ravageurs dont il porte la responsabilité.


* 12 À comparer aux 2 % de croissance entre 1974 et 2007, aux 1,3 % de croissance du PIB annoncé pour 2019 et à l'effondrement général de la productivité.

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