C. L'ÈRE DES « TRAVAILLEURS PAUVRES »

Partout les « travailleurs pauvres » 93 ( * ) se multiplient, dans les pays particulièrement touchés par la crise (Grèce, Espagne...) mais aussi dans les pays qui, comme les USA (voir annexe 1) et tous les pratiquants de « l'optimisation du taux de chômage », lui ont préféré le sous-emploi (Allemagne, Italie...).

À noter que si le taux du Royaume-Uni a peu varié depuis 2005, c'est qu'il avait été un précurseur en la matière 94 ( * ) .

Selon l'Observatoire des inégalités (13 juin 2018), un salarié sur six en Europe serait un « travailleur pauvre ».

6. Les travailleurs pauvres en Europe

7. Les travailleurs pauvres en Europe

Selon l'Observatoire des inégalités toujours, le taux français correspond à deux millions de personnes.

Au seuil de pauvreté de 50 % du revenu médian, les travailleurs pauvres seraient un million « seulement » 95 ( * ) .

Ces chiffres n'ont pas varié depuis 2000, ce qui montre l'intérêt des « amortisseurs sociaux ».

Selon Eurostat, la part des bas salaires parmi les salariés s'élevait déjà à 17,2 % dans l'Union européenne en 2014, avec de grandes variations selon les pays comme on peut le voir.

C'est en Europe de l'Est et centrale que les proportions de salariés à bas salaires sont les plus visibles (Roumanie, Pologne, Hongrie), pays qui ont, parmi les premiers, développé un « populisme » spécifique.

D. LA DISCRIMINATION PAR LE TRAVAIL

Particulièrement touchés par le sous-emploi, les femmes et plus encore les jeunes.

Inutile de préciser, qu'indépendamment de l'injustice que cela représente, une entrée dans la vie active avec le chômage pour perspective ne peut que créer le ressentiment des intéressés et, au-delà, de leur famille envers une société qui s'accommode de cette situation.

D'autant plus que, dans les pays les plus touchés par le chômage des jeunes que la construction européenne était censée avoir éloigné à jamais, ces jeunes doivent émigrer dans l'espoir d'un avenir meilleur : cas de la Grèce, de l'Espagne et de l'Italie.

La première discrimination dont sont victimes les femmes, c'est le niveau de salaire, nettement plus bas que celui des hommes (voir courbe ci-dessous).

La seconde c'est de devoir accepter, plus souvent que les hommes, des emplois à temps partiel ou précaires.

8. La discrimination par le travail

France : proportion des actifs employés à temps partiel, INSEE 2017

En effet, même si nombre de femmes font le choix du temps partiel pour des raisons familiales, il est clair que l'écart entre les taux d'emploi à temps partiel masculin et féminin est trop important pour que ce soit la seule explication de la surreprésentation de celles-ci parmi les employés à temps partiel. 96 ( * )

9. La discrimination par le travail en Europe

Écart d'emplois à temps partiel entre hommes et femme en Europe, en % (Eurostat)

Pour une moyenne de 26,5 % en zone euro, la France se situe à 21,9 % et l'Allemagne à 35,5 %.

Ainsi, sur 4,8 millions d'Allemands pour lesquels les « mini-job » sont la seule source de revenus, il y a 3 millions de femmes. Beaucoup risquent de se retrouver sans retraite.

Seconde catégorie des personnes les plus touchées par le chômage et le sous-emploi, les jeunes (15-24 ans pour le BIT ou moins de 25 ans pour Eurostat).

10. Chômage des moins de 25 ans en pourcentage de la population active jeune

Allemagne 6,2 %

Slovaquie 14,9 %

Italie 32,2 %

Pays-Bas 7,2 %

Belgique 15,8 %

Espagne 34,3 %

Hongrie 10,6 %

Suède 16,7 %

Grèce 39,9 %

Pologne 11,8 %

France 20,8 %

USA 8,6 %

Zone euro 16,9 %

Grande-Bretagne 11,3 %

Eurostat (2019) Sauf USA

Particulièrement inquiétant, comme on peut le voir sur l'exemple français, ces taux de chômage élevés des jeunes, endémiques, tendent à augmenter.

11. Le chômage des jeunes en France

Première conséquence de ces taux élevés : la précarité juvénile.

Elle est particulièrement évidente dans les pays pratiquant l'optimisation du taux de chômage comme l'Italie et la Grande-Bretagne.

En Italie, selon l'OCDE, le taux des jeunes Italiens en situation professionnelle instable est passé de 43 % en 2011 à 55 % en 2015.

Dans le même temps, le taux de chômage des 15-24 ans s'est accru de dix points, dépassant la barre des 40 %.

En 2016, les 16/24 ans représentaient 40% des « contrats zéro heure » en Grande-Bretagne.

12. Chômage et précarité des jeunes

La précarité est d'autant plus probable que le niveau de formation des intéressés est faible.

13. Précarité et niveau de formation

Il en résulte que, selon une enquête d'IPSOS 97 ( * ) auprès de jeunes Européens, 4 jeunes sur 10 se sentent menacés de basculer dans la précarité ou la pauvreté à court terme. 44 % le pensent en France, 56 % en Italie contre 32 % en Grande-Bretagne et 28 % en Pologne.

Ainsi, plus de deux jeunes Européens (étudiants, demandeurs d'emploi, voire jeunes actifs à temps partiel et même à temps plein) sur trois demandent de l'aide à leurs parents pour subvenir à leurs besoins, notamment en matière d'hébergement.

Cette situation semble normale aux autorités des divers pays européens (Royaume-Uni, Allemagne, Danemark ou Pays-Bas) qui, par diverses mesures encouragent les jeunes à rester chez leurs parents.

Il faut dire que le logement représente une part importante du budget de ces jeunes, obligés de restreindre leurs dépenses d'alimentation ou de santé comme en témoignent les nombreuses enquêtes sur l'état sanitaire des étudiants ou des demandeurs d'emploi.

Autre résultat de cette situation angoissante : la résignation devant les offres d'emplois même sous-payés, ne correspondant pas au niveau d'étude de l'intéressé.


* 93 Selon La Tribune du 9 mars 2018, la part des travailleurs pauvres en zone euro est passée de 7,3 % en 2006 à 9,5 % en 2016.

* 94 Pour connaître ce qu'est la vie d'un travailleur pauvre au Royaume-Uni, on verra avec profit le film de Ken Loach : Sorry we missed you.

* 95 Seuil de pauvreté fixé à la moitié du revenu médian (855 euros par mois pour une personne seule en 2016). Si on fixe le seuil de pauvreté à 60 % du niveau de vie médian (1 026 euros), on en compte deux millions.

* 96 Officiellement 70 % du temps partiel féminin serait volontaire. Difficile d'en juger mais 60 % paraît plus près de la réalité.

* 97 Enquête auprès des Jeunes européens, préparée par le Secours populaire français (Octobre 2018).

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