B. LE SOUS-EMPLOI COMME REMÈDE AU CHÔMAGE

En Europe comme aux USA, si les chiffres officiels ( voir annexe 1 de cette partie) reflètent la réalité, c'est d'une manière déformée par des artifices de construction, par une collecte biaisée des données et la transformation du chômage en sous-emploi et en emploi à bas coût, avec comme conséquence une dégradation des conditions du travail, chaque pays privilégiant telle ou telle méthode en jouant sur plusieurs leviers : minoration du nombre de demandeurs d'emploi 87 ( * ) , raccourcissement de la moyenne du temps de travail annuel 88 ( * ) , baisse des rémunérations 89 ( * ) , augmentation du nombre d'emplois à temps partiel 90 ( * ) , suppression des garanties habituellement attachées à un emploi et des rémunérations qui vont avec (voir encadré ci-dessous) 91 ( * ) ...

4. La variation des estimations du chômage,
selon les choix méthodologiques USA

5. La montée du temps partiel en France

Comme on le voit, depuis 1975, le travail à temps partiel progresse régulièrement, y compris pendant la crise.

Un cas est significatif, celui de l'Allemagne qui, en même temps qu'un taux de chômage très bas, multiplie les emplois précaires, n'offrant aucune protection sociale.

En mars 2018, on comptait 7,6 millions de « mini-jobs » - emplois à temps partiel plafonnés à 450 euros par mois et une durée de 51 heures par mois, sans cotisations sociales ni retraites. Cela concernait un salarié sur six.

Un certain nombre de ces « mini-jobers » n'ont pas d'horaires fixes mais travaillent à la demande de leur employeur.

L'autre particularité tient à ce qu'une partie de ces emplois précaires viennent en complément d'un travail principal.

Cela concernerait 2,8 millions de personnes. 92 ( * )

L'autre champion de la flexibilité de l'emploi est le Royaume-Uni, inventeur du « contrat zéro heure », qui n'engage ni l'employeur à fournir un travail, ni l'employé à effectuer les heures demandées.

En 2015 les travailleurs en contrat «?zéro heure?» gagnaient en moyenne 118 £ par semaine (239 euros), contre 479 £ (610 euros) en moyenne dans le cadre d'un contrat ordinaire.

En 2008, 19 % de ces travailleurs n'arrivaient pas à trouver un emploi en contrat plein temps. Ils sont 41 % aujourd'hui (voir Les Échos du 7 janvier 2015).

Un an plus tard (juillet 2016), les contrats « zéro heure » concernaient 2,9 % des actifs soit 900 003 personnes.

Séduits par la formule, les Pays Bas l'ont adoptée : c'est le « nul uren contract ».

Mais la méthode la plus efficace pour faire disparaître les demandeurs d'emploi des statistiques officielles - faite de détails, d'accumulation d'obstacles techniques et d'absurdité bureaucratiques, de rebuffades et d'échecs répétés - reste encore de décourager les demandeurs d'emplois.

Renvoyés au-delà du cercle extérieur, ils disparaissent alors progressivement des statistiques du chômage.

En France, leur nombre est estimé entre 600 et 700 000 personnes. Constatons déjà que la moitié des allocataires du RSA ne sont pas inscrits à Pôle emploi (de l'ordre de 1 million de personnes en 2018).

Aux USA cela représenterait autour de 25 millions de personnes.

Ces conditions de travail dégradées auront un double effet discriminant :

- multiplier les travailleurs pauvres - souvent obligés de cumuler plusieurs « mini jobs », alors qu'en moyenne les revenus du travail se maintiennent ou progressent légèrement ;

- toucher plus les femmes que les hommes et surtout les jeunes qui, partout en Europe, pâtissent de cette situation, et, dans certains pays, de manière dramatique.


* 87 Minoration du nombre de demandeurs d'emploi : augmenter la population carcérale (USA), transformer des chômeurs en handicapés ou malades permanents (Grande-Bretagne), durcir les conditions d'inscription sur le registre des demandeurs d'emplois ou assouplir les règles de radiation (France)...

* 88 En Allemagne

* 89 Allemagne, Grande-Bretagne

* 90 USA, Allemagne, Italie, France...

* 91 « Mini job », « emplois zéro heure » (Allemagne, Grande-Bretagne, Italie)

* 92 Libération du 18 décembre 2018.

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