B. ÉCHEC DE LA RÉGULATION DU SYSTÈME FINANCIER

L'échec est encore plus patent dès lors qu'on ne considère pas seulement le système bancaire mais ses relations avec ses partenaires au sein du système financier, à commencer par la « finance parallèle » qui loin d'être « fantôme » vit en symbiose avec lui 296 ( * ) .

Force est alors de constater que le durcissement du contrôle des banques a été suivi comme son ombre de l'augmentation de l'activité de la finance parallèle.

Selon François Villeroy de Galhau, le « narrow shadow banking » représenterait 160 000 Md$ aujourd'hui, soit près de la moitié des actifs financiers détenus par les institutions financières à l'échelle mondiale.

Plus de 45 000 Md$ de ces actifs, toujours selon le Gouverneur de la Banque de France, présenteraient des risques pour la stabilité financière.

On aura compris que les velléités de durcissement du contrôle bancaire, de limitation des marges de manoeuvre des banques, ont été amplement compensées par le développement d'une finance parallèle à l'abri des regards et de tout contrôle, sans même une réglementation de ses relations avec la finance officielle. Autant dire que le résultat est pitoyable.

Rien d'étonnant donc si le carburant des bulles et des crises, le crédit et son corollaire, l'endettement, n'ont pas cessé d'augmenter.

La première erreur des responsables politiques et des régulateurs est d'avoir voulu croire que la crise résultait seulement de l'exubérance naturelle d'un système bancaire libéré de ses contraintes et qu'il suffirait, après quelques fusions et recapitalisations bancaires, d'un minimum de réglementation pour le stabiliser et ainsi restreindre ses capacités de création monétaire.

Or c'est l'ensemble d'un système financier complexe, avec des secteurs opaques, qui était concerné.

L'erreur fatale, cependant, c'est d'avoir privatisé un privilège d'État essentiel : le monnayage ; qui plus est, avec le droit d'en abuser à sa guise !

C. ÉCHEC DE LA RELANCE ÉCONOMIQUE

Un système bancaire qui a oublié les raisons de son privilège de créer de la monnaie

En se focalisant presque uniquement sur le système bancaire, sur son sauvetage et sur les moyens d'assurer sa survie, au prix d'un minimum de contraintes, les responsables politiques et des banques centrales ont oublié l'essentiel, que la stabilité de celui-ci était inextricablement liée au mode de financement de l'économie réelle dont, par ailleurs, dépend l'emploi et donc la stabilité sociale et politique.

Or, l'essentiel de l'activité bancaire n'est plus le financement de l'économie réelle mais la spéculation.

La fuite en avant des banques centrales dans la production directe ou indirecte de liquidités qui, au lieu de stimuler l'économie réelle, sont venues alimenter la machine à laver spéculative est non seulement inefficace mais dangereuse, puisqu'elle augmente encore le risque d'un nouveau krach.

Comme le dit Adair Turner, l'objectif final d'une véritable réforme de système financier ne saurait se limiter à stabiliser le système, à régler la question des établissements systémiques, même s'il faut le faire, mais « de gérer la quantité de crédit et d'influencer son allocation dans l'économie réelle. » Ce qui signifie, a contrario , limiter l'activité spéculative des banques.

Autrement dit, il s'agit de faire en sorte que le système financier crée de la valeur dans l'économie réelle, ce qui n'est pas le cas (voir partie II).

La stagnation économique, largement à l'origine du malaise social puis de la perte de confiance dans les institutions et le personnel politique vient de l'incapacité du système financier, contrairement à ce qu'assure la théorie, à réaliser une bonne allocation des fonds à sa disposition.

Cette incapacité est renforcée par le dogme néolibéral de l'interdiction de toute intervention économique de l'État - sauf évidemment pour sauver les banques et en Europe pour veiller sur son équilibre budgétaire garant de la qualité de ses dettes et donc les créances des établissements financiers.


* 296 De l'ordre de 8 % de l'énorme bilan du shadow banking européen est détenu par des banques, via des filiales.

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