ANNEXES DES PROLÉGOMÈNES

Annexe 1 : Le naufrage du premier Titanic libéral

Le « côté jardin » du siècle libéral qui commence vers 1830, c'est l'instauration d'une « paix de cent ans » pour reprendre l'expression de Polanyi, période marquée par un fort développement de l'industrialisation et des échanges. Une « paix de cent ans » puisque de 1815 à 1914, les grandes puissances européennes - Angleterre, France, Prusse, Autriche, Italie, Russie - ne se seront fait la guerre que dix-huit mois au total.

Lors des deux siècles précédents, chaque pays avait été en guerre contre un autre en moyenne soixante à soixante-dix ans par siècle !

Une paix évidemment favorable à la circulation de capitaux et à la recherche des investissements les plus rentables ainsi qu'aux échanges de marchandises. Belle illustration du « doux commerce » cher à Montesquieu !

Quatre institutions 18 ( * ) assuraient l'équilibre de cette première mondialisation : l'équilibre des puissances qui, comme on l'a vu, ne se firent qu'exceptionnellement et uniquement localement, la guerre (guerre de Crimée, aventures coloniales) ; l'étalon or international qui garantissait la convertibilité des monnaies ; le marché autorégulateur ; l'État libéral qui se gardait de perturber le libre fonctionnement des marchés, sauf exception.

Quatre institutions, plus une : la haute finance, dans le rôle de facilitateur des échanges et de gardien de la paix générale favorable à l'enrichissement 19 ( * ) .

Côté « cour et arrière-cour », le nouvel ordre mondial fut nettement moins riant, très contrasté et de plus en plus contesté.

J.M. Keynes résume la situation en une formule : « Les deux vices marquants du monde économique où nous vivons sont le premier que le plein emploi n'y est pas assuré, le second que la répartition de la fortune et du revenu y est arbitraire et manque d'équité » 20 ( * ) .

Le titre d'un des recueils de ses articles et interventions - La pauvreté dans l'abondance 21 ( * ) - est tout aussi parlant : le paradoxe et le scandale, c'est un système créant richesse et pauvreté en même temps.

Le siècle qui commence en 1830 sera effectivement ponctué de crises financières et économiques, de poussées inflationnistes et de stagnations avec leur cortège de chômage et de misère endémique ou paroxystique lorsque ces crises durent comme en 1919-1924 en Allemagne ou dans les années 1929-1930 et suivantes aux USA.

Après trente ans de croissance régulière, les crises se multiplient à partir de 1873, qui marque le début d'une période de stagnation jusqu'en 1896-97. Seuls y échapperont les USA qui voient leur population doubler entre 1870 et 1910, devenant alors la première puissance économique mondiale.

Durant cette période dite de « Grande dépression », la croissance annuelle du PIB/habitant se limitera à 0,1 %, ce qui, au final, et sur une longue période, relativisera fortement la croissance qu'on aurait pu attendre de la modernisation économique. Ce sont pourtant les fluctuations de court terme, entretenant un sentiment de précarité, qui caractérisent la période : deux années de croissance du PIB sont en moyenne suivies d'une année de régression, soit trente années entre 1830 et 1911. Toute ressemblance avec la situation actuelle n'est pas vraiment fortuite.

Mais, c'est à partir du début du XX e siècle que les choses se gâtent vraiment. Outre la Première Guerre mondiale et ses conséquences calamiteuses, ce début de siècle connaîtra, en effet, une forte instabilité financière : 1907, panique bancaire aux USA ; 1911, crise bancaire en Europe ; 1920-21, récession aux USA ; 1919-1924 crise financière, économique, sociale et politique en Allemagne ; 1929-1930 et suivantes, Grande crise. Face aux contradictions et à l'impuissance du libéralisme et de la social-démocratie qui pourtant se renforcent électoralement, apparaîtront des alternatives nouvelles : communisme soviétique, fascisme sous des formes diverses en Europe et paroxystique avec l'hitlérisme, interventionnisme d'État revendiqué et généralisé avec le New Deal de F. D. Roosevelt.

Le fascisme sous toutes ses formes ayant été éliminé au prix du sang 22 ( * ) , puissance étasunienne et keynésianisme aidant, c'est finalement la formule rooseveltienne du libéralisme politique interventionniste économiquement qui s'imposera dans l'Empire américain et le communisme bureaucratique, plus ou moins totalitaire selon les pays et les époques, dans l'Empire russe, dans sa galaxie et en Chine.

Annexe 2 : L'État-providence et les « Trente glorieuses »

À la fin de la Seconde Guerre mondiale, la puissance étasunienne et le keynésianisme aidant, c'est donc finalement la formule rooseveltienne du libéralisme politique interventionniste économiquement qui s'imposera en Occident, face à ce qui devenait le « bloc communiste » qui s'avérera finalement moins monolithique et moins solide que d'apparence.

L'installation progressive des « États-providence », associés aux accords de Bretton Woods conclus avant même la fin de la guerre (juillet 1944) firent que l'Occident capitaliste ne connut pas de crises financières jusqu'à la dénonciation unilatérale par les USA en 1971 - qui n'y trouvaient plus leur compte - des accords de régulation du système monétaire international. Qu'il s'agisse des « États-providence » redistributeurs de la richesse produite, contrôleurs des mouvements financiers ou du système de Bretton Woods, les leviers de l'action politique étaient les mêmes : la règlementation et la régulation en lieu et place de la totale liberté de circulation des capitaux.

Cette organisation nouvelle se voulait une réponse pérenne à la paupérisation de masse, à la montée des inégalités, aux problèmes sociaux, politiques puis internationaux majeurs qu'avait fait naître la première libéralisation et mondialisation financière et économique. Accessoirement c'était le moyen - qui s'avérera efficace - de miner l'attractivité du communisme, qui, avec la guerre avait étendu son influence en Europe, en Chine puis dans les anciennes colonies.

John K. Galbraith pourra écrire en 1975 : « Les historiens célèbreront sans doute la vingtaine d'années qui va de 1948 à 1967 comme l'ère la plus faste de l'histoire des économies industrielles et aussi de la science économique. Ces deux décennies ne connurent ni panique, ni crise, ni dépressions, à peine des récessions mineures...

Que la croissance fût saine, personne assurément n'en doutait. Peu de chômage durant ces années, du moins par rapport aux années trente...

Et par rapport aux années qui suivirent, l'inflation fut négligeable...

Cette description vaut tout particulièrement pour les États-Unis, mais dans les autres pays industriels les choses allaient à peine moins bien. Les destructions de la guerre furent vite effacées... » 23 ( * )

Quant à l'historien britannique, Eric Hobsbawm 24 ( * ) , en 1994 et donc plus de dix ans avant le krach, il résume ainsi cette courte période : « À une ère de catastrophes, de 1914 aux suites de la Seconde Guerre mondiale, succédèrent quelque vingt-cinq ou trente années de croissance économique et de transformation sociale extraordinaires, qui ont probablement changé la société humaine plus profondément qu'aucune autre période d'une brièveté comparable. Avec le recul, on peut y déceler une sorte d'Âge d'or, et c'est bien ainsi qu'on l'a perçu presque au moment où il touchait à sa fin, au début des années 1970. La dernière partie du siècle a été une nouvelle ère de décomposition, d'incertitude et de crise... »

Mais cette « Grande Transformation », pour reprendre, encore une fois, l'expression de Polanyi, ne se résumait pas à des dispositions relevant de la technique financière ou du pragmatisme politique. Elle résultait de la prise de conscience que l'ordre libéral du XIX e siècle n'était pas mort seulement du krach financier de 1929-1930 mais de ses conséquences politiques, que ce soit aux USA avec l'arrivée au pouvoir de F.D. Roosevelt, que ce soit en Europe sur le mode apocalyptique avec l'arrivée des fascismes au pouvoir dans de nombreux pays, les délires racistes hitlériens et finalement la guerre mondiale. Conséquences politiques d'un système non viable de régulation économique et sociale par le marché libre. C'était donc cette idéologie et son mode de régulation de l'économie et de la société même qu'il s'agissait de remplacer.

Il est significatif que la réforme du système monétaire international à Bretton Woods en juillet 1944 ait été suivie, quelques mois plus tard, de la reconnaissance unanime par la conférence de Philadelphie de la nature non marchande du travail (10 mai 1944). Significatif également qu'à la domination du marché sur l'économie et le partage de la richesse succède un pilotage financier de l'économie par un improbable mélange de monétarisme et de keynésianisme, l'interventionnisme économique de l'État (New deal aux USA, programme du Conseil national de la Résistance (CNR) et planification incitative en France, etc.) ou d'organisations internationales (Banque mondiale, CECA). Significatif aussi sur le plan social, le développement de politiques réductrices des inégalités et la mise en place « d'amortisseurs sociaux » ( Welfare state de Beveridge en Grande-Bretagne, New Deal (Roosevelt puis Johnson, sécurité sociale française, etc.)

C'était le temps de l'Empire américain triomphant, tellement assuré de sa puissance que les accords de Bretton Woods ne prévoyaient pas seulement un système de taux de changes fixes liant les monnaies à un dollar convertible en or mais aussi un mécanisme mondial de recyclage des excédents commerciaux et monétaires, au départ surtout étasuniens, réinjectés dans les économies déficitaires sous forme d'investissements directs, d'aides ou d'assistance. Le plan Marshall en fut l'une des formes.

Il ne s'agissait évidemment pas de philanthropie, même si l'idée de faire le bien caresse toujours l'âme américaine. Comme le rappelle Yanis Varoufakis dans son « Minotaure planétaire » 25 ( * ) , il s'agissait d'intérêts bien compris, le but final étant d'asseoir le camp des démocraties capitalistes, face au camp communiste, en aidant l'Europe, notamment l'Allemagne ainsi que le Japon, à se relever : « Pour maintenir la prospérité et la croissance américaine écrit Varoufakis , Washington offrit à dessein un morceau du « gâteau » global à ses protégés : tandis que les États-Unis perdirent près de 20 % de leur part du revenu mondial durant la période du Plan mondial, l'Allemagne vit la sienne augmenter de 18 % et le Japon connut une croissance phénoménale de 156,7 % » . La part de la France augmenta de 4,9 % alors que celle de la Grande-Bretagne diminua de 35,4 %.

Annexe 3 : L'utopie libérale selon Karl Polanyi26 ( * )

Selon l'analyse de Karl Polanyi, le libéralisme du XIX e et du début du XX e siècle - comme sa version néolibérale qui commencera sa reconquête dès la dénonciation des Accords de Bretton Woods et la mise en flottement du dollar - ne renvoie pas seulement à une transformation du mode de production capitaliste manufacturier ancien, puis du capitalisme managérial de l'Après-guerre, il représente une véritable mutation culturelle en ce sens qu'il institue les lois du marché devenu autonome, en régulateur de l'activité humaine dans toutes ses dimensions, en lieu et place de toutes autres règles sociales ou politiques. La concurrence « non faussée » entre des entités individuelles indépendantes, mues par leur seul intérêt, la loi de l'offre et de la demande, ne sont plus seulement le mode de régulation souhaitable pour la sphère économique mais pour la société toute entière, en lieu et place du politique, du religieux, de la tradition, etc.

« Pour la première fois, on se représentait une sorte particulière de phénomènes sociaux, les phénomènes économiques, comme séparés de la société et constituant à eux seuls un système distinct auquel tout le reste du social devait être soumis. » 27 ( * )

Peu de chose à voir donc avec le libéralisme classique pour qui le « laisser faire, laisser passer » 28 ( * ) , la loi de l'offre et de la demande, valaient seulement pour l'économie (production et commerce) , l'État conservant toujours le droit d'intervenir en cas de nécessité.

Pour Karl Polanyi, la totale nouveauté de l'utopie libérale moderne tient donc à une double innovation :

1- Des marchés économiques de plus en plus importants, interconnectés, constituant ainsi un « grand marché » autonome par rapport à la société.

2- Des règles de fonctionnement du reste de l'activité humaine alignées sur celles censées assurer l'efficacité de la sphère économique.

Le libéralisme moderne n'est donc pas qu'une manière de penser l'organisation économique. C'est d'abord et fondamentalement une utopie politique de réorganisation de la société dans tous ses secteurs et toutes ses dimensions, un projet idéologique.

Le propre des idéologies étant d'être imperméable aux faits, lesquels ne sauraient invalider le dogme, quand pour le commun des mortels la réalité dément la thèse des bienfaits de la concurrence quel que soit le secteur considéré, c'est simplement qu'elle n'y est pas encore assez parfaite, qu'elle est entravée. Quand une politique budgétaire restrictive, une politique fiscale favorable aux détenteurs de capitaux, ne donnent aucun des résultats attendus, c'est qu'elles n'ont pas encore eu le temps de produire tous leurs effets ou qu'elles ne sont pas allées assez loin 29 ( * ) .

Dans un tel système, la succession des crises financières et économiques n'est que la manifestation exacerbée de la « destruction créatrice » 30 ( * ) , principe vital du capitalisme qui ne survit qu'en se renouvelant continuellement.

Quant aux effets sociaux négatifs des crises, ce sont seulement des collatéraux temporaires, le prix à payer pour assurer le dynamisme d'une création de richesse profitant à tout le monde.

Si, comme dit Karl R. Popper « Une théorie qui n'est réfutable par aucun événement qui se puisse concevoir est dépourvue de caractère scientifique » 31 ( * ) , alors la théorisation libérale, à l'évidence, n'est pas une science.

C'est à l'Angleterre, nation dominante du XIX e siècle que reviendra l'initiative de commencer la construction du « grand marché » mondial interconnecté, fonctionnant de manière autonome, autrement dit le premier Titanic libéral.

C'est là qu'en sera construit le prototype par une série d'étapes décisives : création d'un « marché du travail » (Loi sur les pauvres en Angleterre 1834) 32 ( * ) , d'un marché de la monnaie ( Bank Act de 1844 fixant les règles de l'étalon or), d'un marché de la terre devenue outil de production comme les autres (Lois rendant la propriété de la terre transférable, abrogation de la loi sur le blé de 1846). Le marché des richesses naturelles et de l'environnement au sens large 33 ( * ) s'ajoutera à ces marqueurs d'une mutation de portée générale. Le processus de marchandisation généralisé avec la création de « marchandises fictives », fictives en ce sens qu'elles n'ont pas été produites pour être vendues, une fois lancé n'aura plus de limite. Son champ d'action est potentiellement infini, la prochaine marchandise attendant son marché étant le vivant 34 ( * ) .

Il faudra une Première Guerre mondiale, la Révolution d'octobre en Russie, l'émergence du fascisme un peu partout en Europe, du nazisme et surtout la Grande crise de 1929-1930, suivie d'une Seconde Guerre mondiale pour que la viabilité de l'utopie libérale soit sérieusement mise en doute au sein des sphères dirigeantes et par les esprits « éclairés », encore pas par tous, loin de là. À peine l'armistice signé, les irréductibles reprendront leur bâton de prêcheur pour la construction d'un Titanic néolibéral étasunien, encore plus puissant et insubmersible que son ancêtre.

Annexe 4 : Le bêtisier de Maastricht

En 1997, cinq ans après le référendum sur le traité de Maastricht, Jean-Pierre Chevènement publiait Le Bêtisier de Maastricht (Éditions Arléa). La campagne électorale qui mobilisa tout ce que la France comptait « d'esprits éclairés », la victoire s'annonçant incertaine, sera l'occasion d'un déferlement de déclarations péremptoires très révélatrices de la considération que nos élites portent au « commun » et accessoirement de sa lucidité.

Quelques extraits des citations mises en exergue dans ce Bêtisier :

« [Les partisans du "non"] sont des apprentis sorciers. [...] Moi je leur ferai un seul conseil : Messieurs, ou vous changez d'attitude, ou vous abandonnez la politique. Il n'y a pas de place pour un tel discours, de tels comportements, dans une vraie démocratie qui respecte l'intelligence et le bon sens des citoyens. » Jacques Delors (Quimper, 29 août 1992)

« Ce qui n'était pas prévu, c'est que les peuples puissent refuser ce que proposent les gouvernements. » Michel Rocard ( International Herald Tribune , 28 juillet 1992)

« Le traité de Maastricht fait la quasi-unanimité de l'ensemble de la classe politique. Les hommes politiques que nous avons élus sont tout de même mieux avertis que le commun des mortels. » Élisabeth Badinter ( Vu de Gauche , septembre 1992)

« Maastricht apporte aux dernières années de ce siècle une touche d'humanisme et de Lumière qui contraste singulièrement avec les épreuves cruelles du passé. » Michel Sapin, alors ministre socialiste des finances (Le Monde, 6 mai 1992)

« Interrogez les peuples de Bosnie, de l'ex-Yougoslavie, de Pologne et des autres pays. Ils nous disent : "chers amis français, entendez-nous. Apportez-nous votre soutien et votre oui. Ce sera un oui à la française, à l'amitié, à la paix, à l'union. Votre oui à l'union fera tache d'huile dans nos pays où nous souffrons tant ”. Les gens qui sont aujourd'hui sous les bombes seraient désespérés si les Français tournaient le dos à l'unité européenne. » Jack Lang (France Inter, 18 septembre 1992)

« Oui, pour aller de l'avant dans les conquêtes sociales, il n'est d'autre avenir que la Constitution de l'Europe. » Julien Dray

« Mon raisonnement est profondément socialdémocrate. À vrai dire, je n'ai pas encore compris pourquoi les libéraux veulent de cette Europe-là ». Michel Rocard (Assemblée nationale, 6 mai 1992)

« Le traité de Maastricht agit comme une assurance-vie contre le retour à l'expérience socialiste pure et dure. » Alain Madelin (Libération, 3 août 1992)

« Si le “non” l'emporte, on ne reparlera plus de l'Europe mais des batailles qui se sont déroulées au cours des siècles passés. » Simone Veil (14 septembre 1992)

« Un “non” au référendum serait pour la France et l'Europe la plus grande catastrophe depuis les désastres engendrés par l'arrivée de Hitler au pouvoir. » Jacques Lesourne (Le Monde, 19 septembre 1992)

« Je suis persuadé que les jeunes nazillons qui se sont rendus odieux à Rostock votent “non” à Maastricht. » Michel Rocard (Le Figaro, 17 septembre 1992

« En votant “non”, nous donnerions un magnifique cadeau, sinon à Hitler, à Bismarck. » Alain-Gérard Slama (Le Figaro, 18 septembre 1992)

« Moi aussi, j'ai peur de l'Allemagne. [...] Il ne faut pas prendre l'Allemagne pour un gros chien dressé parce qu'elle a été irréprochablement démocratique depuis quarante-cinq ans. » Françoise Giroud (Le Nouvel Observateur, 3 septembre 1992)

« M. De Villiers, donc s'installa à l'Élysée. [...] Le “non” français à Maastricht fut interprété, de fait, comme un encouragement aux nationalismes. Il relança la guerre dans les Balkans. [...] Si bien que, sans aller, comme certains, jusqu'à imputer à ce maudit “non” le soulèvement transylvain, la nouvelle guerre de Trente ans, entre Grèce et Macédoine, les affrontements entre Ossètes du Nord et du Sud, puis entre Russes et Biélorusses, bref, sans aller jusqu'à lui attribuer toutes les guerres tribales, ou paratribales, qui enflammèrent l'Europe de l'Est, on ne peut pas ne pas songer que c'est lui, et lui seul, qui offrit à Berlin l'occasion de son nouveau “Reich”. » BHL (Le Figaro, 18 septembre 1992)

« Maastricht constitue les trois clefs de l'avenir : la monnaie unique, ce sera moins de chômeurs et plus de prospérité ; la politique étrangère commune, ce sera moins d'impuissance et plus de sécurité ; et la citoyenneté, ce sera moins de bureaucratie et plus de démocratie » Michel Rocard (Ouest-France, 27 août 1992)

« Si le Traité était en application, finalement la Communauté européenne connaîtrait une croissance économique plus forte, donc un emploi amélioré. » Valéry Giscard d'Estaing (RTL, 30 juillet 1992)

« Le traité d'union européenne se traduira par plus de croissance, plus d'emplois, plus de solidarité. » Michel Sapin

« Si vous voulez que la Bourse se reprenne, votez “oui” à Maastricht ! » Michel Sapin, ministre socialiste des finances, (Le Figaro, 20 août 1992)

« L'Europe, ce sera plus d'emplois, plus de protection sociale et moins d'exclusion. » Martine Aubry (Béthune, 12 septembre 1992)

« Avec Maastricht, on rira beaucoup plus. » Bernard Kouchner (Tours, 8 septembre 1992)

« Si vous voulez que la Bourse se reprenne, votez “oui” à Maastricht ! » Michel Sapin, ( université d'été du PS à Avignon , 31 août 1992)

« Pour pouvoir dîner à la table de l'Europe [monétaire], encore faut-il savoir se tenir à cette table et ne pas manger avec ses doigts. [...] Si la monnaie unique a un mérite, et un seul, c'est d'obliger les pays à se conduire correctement. » Jean-Marc Sylvestre (France Inter, 18 septembre 1992)

« La France est une locomotive. Elle n'a pas le droit d'être dans le wagon de queue. [...] Le train de l'espoir ne passe pas deux fois. » Jack Lang (RTL, 23 août 1992)


* 18 « La civilisation du XIX e siècle reposait sur quatre institutions. La première était le système de l'équilibre des puissances ; la deuxième, l'étalon-or international, symbole d'une organisation unique de l'économie mondiale ; la troisième, le marché autorégulateur, qui produisit un bien-être matériel jusque-là insoupçonné ; la quatrième, l'État libéral... Parmi ces institutions, l'étalon or est celle dont l'importance a été reconnue décisive ; sa chute fut la cause immédiate de la catastrophe. Quand il s'effondra, la plupart des autres institutions avaient été sacrifiées dans un vain d'effort pour le sauver ». (Karl Polanyi - La Grande Transformation )

* 19 « La haute finance, institution sui generis propre au dernier tiers du XIX e siècle et au premier tiers du XX e , fonctionna, au cours de cette période, comme le lien principal entre l'organisation politique et l'organisation économique mondiale. Elle fournit les instruments d'un système de paix internationale, qui fut élaboré avec l'aide des puissances, mais que les puissances elles-mêmes n'auraient pu ni créer ni maintenir... »

« En réalité, le commerce et la finance furent responsables de nombreuses guerres coloniales, mais on leur doit aussi d'avoir évité un conflit général. Chaque guerre, ou presque, était organisée par les financiers ; mais ils organisaient aussi la paix. » (Karl Polanyi - La Grande Transformation )

* 20 Théorie générale de l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie, 1936, Traduction 1969, Payot

* 21 La pauvreté dans l'abondance, Gallimard, Tel 2002.

* 22 À l'exception notable de l'Espagne et du Portugal, dont les régimes avaient su mener double jeu durant la guerre, et devenus bien utiles quand la Guerre Froide aura remplacé la Guerre Chaude.

* 23 L'argent - (Gallimard).

* 24 L'Âge des extrêmes : le court XX e ?siècle , Le Monde diplomatique - André Versaille éditeur.

* 25 Le Minotaure planétaire - Éditions Enquêtes et Perspectives.

* 26 Karl Polanyi, né en 1886 sous François-Joseph I er d'Autriche, est un intellectuel hongrois inclassable, tout à la fois anthropologue, sociologue, historien et économiste, journaliste, écrivain et militant politique. Avec l'arrivée d'Hitler au pouvoir, il émigre à Londres, puis aux USA où il enseignera, notamment à l'université de Columbia.

Paru en 1944 aux USA, La Grande Transformation est l'ouvrage qui le rendra célèbre. À noter qu'il faudra attendre 1983 pour qu'une traduction en soit donnée aux éditions Gallimard, disponible actuellement dans la collection Tel. Disponibles aussi en français : Essais de Karl Polanyi (Seuil 2008) qui traite, notamment de la crise économique mondiale, des rapports entre économie et démocratie, du fascisme etc. ; La subsistance de l'Homme (Flammarion 2011) qui traite de la place de l'économie dans l'histoire de la société.

* 27 Louis Dumont, préface à l'édition française de La Grande Transformation de Karl Polanyi

* 28 Maxime attribuée à Vincent de Gournay (1712-1759)

* 29 Un exemple récent très significatif est l'étude que le Centre de Politique Européenne, un think tank libéral allemand, vient de consacrer aux effets de l'euro sur les croissances respectives des pays de la zone. Elle montre que seuls l'Allemagne et les Pays-Bas massivement, sont gagnants, tous les autres perdants, particulièrement la France et l'Italie. Le CPE conclut-il pour autant que la France et l'Italie auraient intérêt à quitter la zone euro ? Que nenni !

« Au lieu de conseiller à la France de reprendre le contrôle de sa monnaie, et donc de précipiter la fin de la monnaie unique, commente le Figaro, le think tank souligne plutôt l'importance d'engager des améliorations structurelles sur l'économie et l'État : « des réformes structurelles sont nécessaires maintenant ». Jusqu'à donner un avis très personnel sur la politique économique française : « pour profiter de l'euro, la France doit suivre avec rigueur la voie de la réforme du président Macron », conclut l'étude. (Le Figaro 27/02/2019)

* 30 « L'impulsion fondamentale qui met et maintient en mouvement la machine capitaliste est imprimée par les nouveaux objets de consommation, les nouvelles méthodes de production et de transport, les nouveaux marchés, les nouveaux types d'organisation industrielle - tous éléments créés par l'initiative capitaliste. [Ce mouvement perpétuel de mutations industrielles] révolutionne incessamment de l'intérieur la structure économique, en détruisant continuellement ses éléments vieillis et en créant continuellement des éléments neufs. Ce processus de Destruction Créatrice constitue la donnée fondamentale du capitalisme : c'est en elle que consiste, en dernière analyse, le capitalisme et toute entreprise capitaliste doit, bon gré mal gré, s'y adapter. » (Joseph Schumpeter : Capitalisme, socialisme et démocratie , éditions Payot)

* 31 Karl R. Popper : Conjectures et réfutations, Éditions Payot

* 32 Les propos de la Commission d'enquête préparatoire à la loi sur les pauvres entendent montrer que, contrairement aux apparences, cette modernisation est un progrès pour tous, y compris pour ceux qui en souffriront le plus, refrain appelé à un grand avenir : « Personne en Europe, si ce n'est en Angleterre, n'a eu l'idée que l'assistance, obligatoire ou volontaire, doive servir à autre chose qu'à secourir l'indigence, c'est-à-dire l'état d'une personne incapable de travailler ou d'obtenir, en échange de son travail, le moyen de subsister. On n'a jamais considéré comme normal d'étendre l'assistance jusqu'à secourir la pauvreté, c'est-à-dire l'état d'une personne qui est obligée d'avoir recours au travail pour obtenir uniquement de quoi subsister.

Les témoignages recueillis par la Commission permettent de penser qu'un système obligatoire d'assistance aux indigents peut fonctionner valablement pour tous selon des principes clairement définis ; une fois admis ces principes, on pourrait offrir une protection meilleure qu'aujourd'hui contre le danger de mourir dans le dénuement, tandis que seraient réprimés la mendicité et le vagabondage, puisque tous deux seraient privés de leur meilleur argument, la crainte de mourir de faim. »

L'une des dispositions les plus emblématiques de la loi, est la fin de l'assistance aux indigents en tant que tels et leur enfermement en workhouses ou « maisons de travail » dans des conditions particulièrement sévères. Pas d'assistance sans travail en contrepartie.

* 33 La création d'un marché du carbone, plus clairement parlant des droits à polluer, en est la forme la plus aboutie à ce jour mais il ne faut pas désespérer.

* 34 Ce marché existe déjà dans certains pays - marché d'organes, location d'utérus pour couples en mal d'enfants - et il n'y a aucune raison qu'il ne se généralise pas. Le dernier avis du comité consultatif national d'éthique sur la gestation pour autrui est un bon indice de cette évolution.

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