III. L'EXIGENCE DE SÉCURITÉ DU MÉDICAMENT ET DES DISPOSITIFS MÉDICAUX

En ce qui concerne le renforcement du suivi de l'utilisation des médicaments ne disposant pas d'une AMM ou en dehors de leur indication initiale, notamment dans le cadre d'une ATU ou d'une recommandation temporaire d'utilisation (RTU), votre rapporteure partage les conclusions de la Cour des comptes sur la nécessité de développer les compétences de l'ANSM en pharmacoépidémiologie par la collecte de données d'étude en vie réelle . Ses recommandations relatives au renforcement de la collaboration entre l'ANSM et la caisse nationale de l'assurance maladie (CNAM) au sein du groupement d'intérêt scientifique EPI-Phare , chargé de piloter et coordonner des études épidémiologiques en vie réelle, sont donc bienvenues.

Comme l'indique la Cour, les RTU, dont seulement 13 sont en cours et font l'objet d'une prise en charge par l'assurance maladie, sont loin de couvrir le spectre des prescriptions hors AMM qui représentent aujourd'hui près de 20 % des médicaments prescrits. Il est donc indispensable que l'ANSM et l'assurance maladie se donnent les moyens d'une surveillance renforcée de ces prescriptions. Afin de capitaliser l'expertise de l'ensemble de nos agences en matière de sécurité sanitaire, votre rapporteure préconise d' intégrer dans ce groupement la Haute Autorité de santé, l'institut national du cancer (INCa) et Santé publique France . Ces trois établissements, chargés pour la HAS et l'INCa d'élaborer des recommandations de bonne pratique en direction des professionnels de santé et des patients, et pour Santé publique France d'assurer une veille épidémiologique et sanitaire, devraient en effet permettre d'accompagner l'ANSM dans la définition et la réactualisation des règles d'usage des médicaments administrés en dehors de leur indication initiale.

Proposition n° 3 : Renforcer la collaboration entre l'ANSM, la CNAM, la Haute Autorité de santé, l'INCa et Santé publique France dans le suivi en vie réelle de l'utilisation de médicaments en dehors de leur indication initiale et intégrer la HAS, l'INCa et Santé publique France dans le groupement EPI-Phare.

À la suite des révélations de l'enquête « Implant Files » publiée par plusieurs journaux européens, l'exigence de renforcement de la sécurité des dispositifs médicaux a pris une nouvelle actualité. La réglementation européenne, qui conditionne la commercialisation de ces dispositifs à l'attribution d'un marquage « CE » et non d'une AMM, réduit cependant la marge de manoeuvre des pouvoirs publics au niveau national.

Dans un souci de renforcement de la traçabilité des dispositifs médicaux , l'article 46 de la dernière loi « Santé » 7 ( * ) du 24 juillet 2019 prévoit l'inscription des dispositifs médicaux implantables délivrés et posés dans le dossier pharmaceutique de chaque patient. Il est néanmoins possible d'aller plus loin, comme le suggère la Cour des comptes dans son enquête, en imposant aux industriels et aux professionnels de santé une obligation de traçabilité des dispositifs de la classe « IIb » 8 ( * ) , à savoir des dispositifs non nécessairement implantables mais susceptibles de présenter un risque sérieux pour la santé. Votre rapporteure propose ainsi de compléter l'article L. 5212-3 du code de la santé publique, renvoyant à un décret le soin de définir les règles particulières de matériovigilance applicables à des dispositifs médicaux dont la liste est fixée par arrêté du ministre chargé de la santé, par une obligation de traçabilité des dispositifs médicaux relevant des classes IIb et III qui s'imposeraient tant aux établissements de santé qu'aux industriels et aux professionnels de santé.

Il s'agirait ainsi de prévoir que tout établissement de santé et tout professionnel de santé, notamment les médecins, les chirurgiens-dentistes et les pharmaciens, sont tenus d' enregistrer dans leur système d'information, dans le dossier médical du patient ou dans son dossier pharmaceutique les données nécessaires à l'exercice de la traçabilité de chaque dispositif médical relevant des classes IIb ou III utilisé chez un patient , en particulier l' identifiant unique du dispositif . Il convient, en complément, d'imposer à tout fabricant ou distributeur de dispositifs médicaux relevant de ces catégories de tenir un registre des identifiants uniques des dispositifs médicaux commercialisés en France , afin de permettre plus facilement leur détection en cas de mise en oeuvre de mesures de sécurité sanitaire, telles qu'un retrait de lot défectueux.

Proposition n° 4 : Imposer aux industriels, aux établissements de santé et aux professionnels de santé une obligation de traçabilité des dispositifs relevant de la classe « IIb ».

Par ailleurs, dans un rapport 9 ( * ) de juillet 2017 sur les signalements relatifs aux dispositifs médicaux de la société Haemonetics, l'IGAS avait regretté que l'ANSM se contente, en cas de signalement d'un dysfonctionnement relatif à un dispositif médical, des seules analyses et explications du fabricant, sans procéder à des investigations complémentaires et contradictoires. Par conséquent, afin de renforcer l'effectivité de notre dispositif de matériovigilance, votre rapporteure recommande :

- de rendre obligatoire le recours par l'ANSM à des expertises indépendantes et contradictoires en cas de dysfonctionnement sur un dispositif médical, en complément des explications fournies par le fabricant ;

- d'imposer à l'ANSM de procéder à un audit annuel des décisions prises par ses agents en matière de matériovigilance , en sollicitant l'expertise de tiers qualifiés, afin d'identifier les éventuels risques d'insuffisance, et à transmettre sans délai les résultats de cette évaluation au minsitre chargé de la santé, conformément aux recommandations du rapport d'octobre 2018 de l'IGAS sur la maîtrise des risques sanitaires par l'ANSM ;

- de prévoir la possibilité pour l'ANSM de prononcer des sanctions financières 10 ( * ) à l'encontre des fabricants qui n'auraient pas mis en oeuvre les mesures correctrices décidées par ses agents dans le cadre de procédures de matériovigilance.

Proposition n° 5 : Rendre obligatoire le recours par l'ANSM à des expertises indépendantes et contradictoires en cas de dysfonctionnement sur un dispositif médical, en complément des explications fournies par le fabricant.

Proposition n° 6 : Imposer à l'ANSM de procéder à un audit annuel des décisions prises par ses agents en matière de matériovigilance, en sollicitant l'expertise de tiers qualifiés, afin d'identifier les éventuels risques d'insuffisance.

Proposition n° 7 : Permettre à l'ANSM de prononcer des sanctions financières à l'encontre des fabricants qui n'auraient pas mis en oeuvre les mesures correctrices décidées par ses agents dans le cadre de procédures de matériovigilance.


* 7 Loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l'organisation et à la transformation du système de santé.

* 8 Appareils de dialyse, préservatifs, pompes à perfusion, implants dentaires...

* 9 Inspection générale des affaires sociales, Signalements relatifs aux dispositifs médicaux de la société Haemonetics, rapport n° 2017-033R, juillet 2017.

* 10 L'article L. 5461-9 du code de la santé publique pourrait ainsi utilement être complété par un alinéa permettant à l'ANSM de sanctionner financièrement le fait pour le fabricant d'un dispositif médical ayant fait l'objet d'un signalement de matériovigilance de ne pas mettre en oeuvre les mesures correctrices qui lui sont imposées par l'agence.

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