EXAMEN EN COMMISSION

__________

(MERCREDI 11 DÉCEMBRE 2019)

M. Philippe Bas, président . - Nous examinons ce matin le rapport d'information sur la sécurité des sapeurs-pompiers de nos collègues Catherine Troendlé, qui préside le Conseil national des sapeurs-pompiers volontaires ; Patrick Kanner, qui a présidé le plus gros service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de France, celui du Nord ; et Loïc Hervé, notre rapporteur spécialiste des sapeurs-pompiers.

M. Patrick Kanner, rapporteur . - Public Sénat a diffusé ce matin un reportage sur une cérémonie de la Sainte-Barbe en Indre-et-Loire dans lequel on voit les sapeurs-pompiers quitter la cérémonie et tourner le dos aux élus. Ce sont des images étonnantes qui démontrent le profond mal-être de ce service public républicain.

Au mois de mars dernier, notre commission a examiné la proposition de loi relative à la sécurité des sapeurs-pompiers que j'avais déposée avec mes collègues du groupe socialiste et que notre rapporteur Loïc Hervé avait largement améliorée sur le plan juridique. Quelques mois après son adoption par le Sénat - malgré l'avis défavorable du Gouvernement - et la création de notre mission d'information, mes collègues rapporteurs et moi sommes heureux de vous présenter ce rapport que nous vous proposerons d'intituler « Violences contre les sapeurs-pompiers : 18 propositions pour que cesse l'inacceptable » . Nos forces républicaines de sécurité civile doivent être sanctuarisées, tout particulièrement s'agissant de leurs moyens. J'attire également votre attention sur la situation très dégradée des SDIS outre-mer.

Notre objectif était de porter un diagnostic sur les violences dont sont victimes les pompiers, afin d'en tirer des préconisations opérationnelles sur le volet pénal, la coordination des différentes forces de sécurité - bleu, blanc, rouge -, la formation, l'adaptation des matériels, les campagnes d'information, etc .

La présentation de notre rapport a été retardée de quelques semaines afin de tenir compte des mesures annoncées par le Gouvernement au Congrès national de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF) qui s'est tenu à Vannes en septembre dernier. Ce faisant, le Gouvernement a voulu nous brûler la politesse, mais son plan regroupe une majorité d'actions déjà mises en oeuvre ou en passe de l'être. L'expérimentation des caméras-piétons, sa mesure phare, est issue d'une loi dont l'initiative revient à notre collègue Jean-Pierre Decool, datant de plus d'un an et dont le décret d'application a été publié plusieurs semaines avant cette annonce.

Pour débuter, voici le témoignage vidéo de Julien, jeune sapeur-pompier de 31 ans récemment agressé, que nous avons rencontré à Marseille en juillet dernier.

La commission visionne un document vidéo.

M. Loïc Hervé, rapporteur . - Le cas de Julien n'est pas isolé. Les violences subies par les sapeurs-pompiers sont de plus en plus nombreuses et de plus en plus graves.

Les agressions sont en augmentation constante : selon l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP), 2 813 agressions ont été déclarées en 2017, contre 2 280 en 2016, soit une augmentation de 23 %. Sur 10 000 interventions, six sapeurs-pompiers ont été agressés en 2017 contre cinq l'année précédente. Ce nombre a encore plus significativement augmenté en dix ans, avec 1 914 agressions de plus en 2017 qu'en 2008, soit une augmentation de 213 %. Les chiffres transmis par le ministère de l'intérieur pour les cinq premiers mois de l'année 2019 confirment cette augmentation tendancielle puisqu'ils sont supérieurs de 50 % à ceux relevés sur la même période en 2018.

Le Premier ministre a annoncé en octobre dernier la disparition de l'ONDRP ; or les notes annuelles de cet organisme constituent une banque de données homogènes indispensable pour dégager des tendances de fond : nous regrettons donc vivement cette disparition.

Les sapeurs-pompiers sont confrontés à des formes de violence de plus en plus brutales. Il n'est plus aujourd'hui uniquement question d'outrages, mais « de véritables guets-apens : jets de pierre, de cocktails Molotov ou de parpaings, agressions à l'arme blanche ou encore attaques et destructions de véhicules et de centres de secours », comme le souligne la FNSPF que nous avons entendue. Les actes ayant pour finalité de blesser ou tuer des pompiers sont malheureusement nombreux. Plusieurs exemples récents l'illustrent : en octobre dernier, à Champigny-sur-Marne, des sapeurs-pompiers ont fait l'objet d'un guet-apens organisé par une quinzaine de personnes qui ont procédé à des tirs de mortiers et de feux d'artifice, et qui s'apprêtaient à faire usage de cocktails Molotov ; des faits similaires ont été relevés à Toulouse, en mai dernier, avec la découverte d'une bonbonne de gaz attachée à un scooter à côté d'une poubelle volontairement enflammée.

Mme Catherine Troendlé, rapporteur . - Les sapeurs-pompiers sont en souffrance depuis de nombreuses années. Nous connaissons leurs revendications et leur colère. Néanmoins, je n'accepte pas que des sapeurs-pompiers professionnels tournent le dos aux élus comme ils l'ont fait en Indre-et-Loire, alors que nous travaillons tous ensemble pour améliorer leurs conditions de travail !

Les pompiers sont devenus les victimes collatérales des conditions sanitaires ou sociales dégradées de leur milieu d'intervention. La sécurité civile est, au fil des années, devenue le palliatif universel au recul des différents services publics. Comme le révélait déjà le rapport de 2016 dont j'ai été rapporteur avec Pierre-Yves Collombat, le secours d'urgence aux personnes a explosé au détriment des missions traditionnelles des sapeurs-pompiers telles que la lutte contre les incendies et les feux de forêt. En 1998, les sapeurs-pompiers sont intervenus 3,5 millions de fois, dont 50 % au titre du secours d'urgence aux personnes. En 2018, le nombre d'interventions est passé à 4,6 millions, dont 84 % pour les secours d'urgence aux personnes.

Cette mutation de la mission des sapeurs-pompiers est le principal vecteur de l'insécurité dont ils sont victimes pour deux raisons majeures.

La première est qu'ils ne disposent d'aucun fichier leur permettant d'identifier les personnes souffrant de pathologies psychiatriques avant une intervention. Le décès du sapeur-pompier Geoffroy Henry survenu le 4 septembre 2018, poignardé par un homme atteint de schizophrénie auquel il était venu porter secours, est emblématique.

La seconde est qu'ils effectuent des interventions qui relèvent souvent des urgences psychiatriques. C'est le brouillage des compétences entre le 15 et le 18 que nous dénonçons depuis 2016. Et les pompiers interviennent trop souvent pour gérer des individus en très grande détresse sociale ou précarité, parce qu'aucun autre service public ne souhaite prendre en charge ces personnes.

Les conséquences de ces agressions sont multiples. La première est un risque pour les futures vocations de sapeurs-pompiers, notamment volontaires. La seconde est la formation d'une véritable bulle de détresse psychologique chez les pompiers : comment supporter d'être agressé alors que l'on a choisi de consacrer sa carrière professionnelle ou son temps libre à porter secours à son prochain ?

M. Patrick Kanner, rapporteur . - La situation de la psychiatrie en France n'est plus un simple problème, c'est un véritable danger pour notre société : on ferme les hôpitaux psychiatriques, mais on n'accompagne pas les malades ! Les sapeurs-pompiers sont les premiers à intervenir en cas de délire sur la voie publique ou à domicile.

Nos principales propositions sont classées en trois catégories : celles qui permettent d'agir en amont pour éviter les violences ; celles qui permettent d'agir pendant l'agression pour en limiter les effets ; et enfin celles qui viennent après, pour sanctionner les violences et en réparer les conséquences.

Une de nos principales propositions pour agir en amont de l'agression est la réalisation d'une campagne audiovisuelle de sensibilisation. Les violences commises sur les sapeurs-pompiers sont souvent mal connues du grand public et les agresseurs n'ont pas toujours conscience de l'extrême gravité de leurs actes. Une grande campagne de prévention audiovisuelle permettrait de sensibiliser la population, de lutter contre la banalisation et de rappeler le rôle fondamental des sapeurs-pompiers dans notre société. Dès 2018, la FNSPF avait d'ailleurs pris l'initiative d'une campagne sur les réseaux sociaux avec le slogan #TouchePasÀMonPompier.

Le plan d'action contre les violences commises contre les sapeurs-pompiers annoncé par le ministre de l'intérieur au mois de septembre 2019 comporte une campagne de sensibilisation qui devrait être mise en oeuvre d'ici à la fin de l'année. Mais attention à ne pas faire une campagne-choc comme celles réalisées pour la sécurité routière : un ton outrancier ou caricatural risquerait de décourager les vocations et rendrait l'engagement insupportable pour les proches. Sans minimiser les faits, il faudra trouver le ton juste.

Mme Catherine Troendlé, rapporteur . - S'agissant des propositions visant à diminuer les effets des violences lorsqu'elles surviennent, lors de nos travaux, une demande récurrente a concerné l'adaptation des équipements au nouveau contexte d'intervention. Il s'agit principalement de vitrages feuilletés pour les véhicules et de gilets pare-lames.

Comme je le demandais au ministre de l'intérieur il y a deux semaines lors de l'examen, en séance publique, des crédits du programme « Sécurité civile », l'État doit soutenir financièrement les SDIS pour l'acquisition de ces matériels. Ce financement pourrait être pris en charge via la dotation de soutien aux investissements structurants des SDIS qui ne cesse de se réduire depuis 2017.

En 2016, la réforme de la prestation de fidélisation et de reconnaissance versée aux sapeurs-pompiers volontaires a permis à l'État de réaliser une économie de l'ordre de 30 millions d'euros par an. L'État s'était alors engagé à soutenir les investissements structurants des SDIS par une dotation abondée à due concurrence, mais cet engagement n'a tenu qu'un an et la différence entre les économies réalisées et les montants reversés aux SDIS atteint aujourd'hui 60 millions d'euros : c'est un véritable hold-up ! Ces économies doivent revenir aux SDIS pour y être prioritairement fléchées vers l'acquisition de matériels de sécurité.

M. Loïc Hervé, rapporteur . - Nous devons recoordonner les forces « bleu, blanc, rouge » afin de sécuriser le champ opérationnel des sapeurs-pompiers. Le brouillage des compétences entre les services du 15 et du 18 concourt à la surchauffe opérationnelle des SDIS et nuit à la sécurité des sapeurs-pompiers. Dans un rapport de mars dernier, la Cour des comptes a appelé de ses voeux la clarification des compétences respectives des services de santé et de la sécurité civile. Nous soutenons cette démarche qui nécessitera d'évaluer la pertinence actuelle de la ligne de partage entre les interventions des SDIS et celles des services d'aide médicale urgente (SAMU). Cette clarification est aussi une condition nécessaire à la montée en puissance des plateformes uniques de réception des appels d'urgence voulues par le Président de la République. À quoi bon regrouper des services au sein d'une même structure si aucune règle claire ne permet d'identifier qui doit agir ? Les quelques centres communs d'appels déjà mis en place dans certains départements, en Haute-Savoie par exemple, font leurs preuves. Plus nombreux - comme la commission des lois le recommande depuis 2016 -, ils permettraient un meilleur partage de l'information sur la dangerosité de certaines personnes du fait d'antécédents psychiatriques, sans porter atteinte au secret médical.

M. Patrick Kanner, rapporteur . - Enfin, nous souhaitons que les pompiers agressés puissent bénéficier de la protection fonctionnelle que la loi leur accorde, mais également de l'assistance juridique de leur SDIS. Le dépôt de plainte du sapeur-pompier agressé doit être facilité - c'était le sens de la proposition de loi que j'avais déposée - et en cas d'absence de dépôt de plainte par la victime - souvent par crainte de représailles -, le SDIS ou son directeur doit systématiquement saisir la justice.

M. Philippe Bas, président . - Je vous remercie. Je veux relayer votre inquiétude sur l'avenir de l'ONDRP : pour traiter un phénomène, nous avons besoin de données objectives. Vos propositions sont de natures très diverses - sur la sensibilisation, sur les équipements, sur la coordination des forces « bleu, blanc, rouge » et les plateformes uniques d'appels, sur la question des plaintes, etc . C'est un rapport extrêmement riche et complet.

Mme Brigitte Lherbier . - Je suis touchée de voir à quel point les pompiers sont victimes. Mais supprimer le thermomètre qu'est l'ONDRP n'est pas la solution !

La montée des questions psychiatriques est une évidence : à Roubaix, les hôpitaux sont confrontés à des situations de violences extraordinaires. Comment voulez-vous faire avec seulement deux infirmiers psychiatriques à l'hôpital de nuit pour gérer les situations de violence à l'intérieur de l'établissement ?

Bien souvent, dans les situations de violence sur enfant, la police laisse les pompiers intervenir, car ils interviennent dans les familles avec plus de délicatesse ; mais c'est extrêmement difficile pour les pompiers !

Je me demande s'il ne faudrait pas changer la couleur du véhicule : le blanc conférerait un caractère plus médical. Dans les quartiers difficiles, on constate une réaction hostile à l'égard de tout ce qui est bleu, blanc ou rouge. Certaines émissions de télévision ont eu des effets dévastateurs sur les pompiers, car elles ont encouragé la population à se tourner vers eux, dans les quartiers difficiles, en cas de désertification médicale, de fermeture de la maternité de proximité, etc.

M. Alain Marc . - Ce constat est globalement très noir, mais nous aurions besoin d'une évaluation département par département, car les situations sont certainement très diverses entre le Cantal, l'Aveyron ou les Bouches-du-Rhône. J'approuve les propos de Patrick Kanner au sujet d'une campagne de sensibilisation qui pourrait avoir pour effet de décourager les vocations.

Le financement des SDIS est assuré pour moitié par le département et pour l'autre moitié par les autres collectivités territoriales. Je ne verrais que des avantages à ce que l'État participe au financement des gilets pare-lames.

M. Philippe Bas, président . - Vous trouverez dans le rapport un état des lieux région par région. Les SDIS prennent en charge des dépenses qui traditionnellement relèvent de l'assurance maladie ou du ministère de la santé : la protection des sapeurs-pompiers devrait être assurée par l'État.

M. Jean-Luc Fichet . - Les pompiers sont soit des agents de la fonction publique territoriale, soit des militaires ; ils sont financés par les collectivités territoriales, mais dirigés au plan opérationnel par le préfet ; ils sont soit volontaires soit professionnels ; leur mission initiale était la lutte contre les incendies, aujourd'hui ces missions se sont diversifiées - et la lutte contre les incendies ne représente plus que 10 % de leurs interventions. Tout cela rend confuse notre lecture de leur action et nourrit le malaise des pompiers. Il faudrait clarifier leur statut. Je suis un fervent partisan des pompiers volontaires : c'est l'un des derniers lieux où l'on peut donner de son temps au service de l'intérêt général.

Mme Laurence Harribey . - Je remercie les rapporteurs d'avoir mis en lumière cette importante question. Faut-il rénover le statut des pompiers ?

Comme l'a dit le jeune sapeur-pompier qui s'exprimait dans la vidéo, le métier a changé : si l'on en prend acte, il faut former différemment, notamment à la résistance aux agressions, comme pour les métiers sociaux.

Faut-il différencier entre le rural et l'urbain ? Je viens d'un département qui allie le très rural et le très urbain ; or je vois aussi monter les agressions dans le rural, en particulier lorsque les sapeurs-pompiers pallient la désertification du service public et notamment l'absence de service pour accompagner les personnes en difficultés psychiatriques.

M. Pierre-Yves Collombat . - Je m'associe aux louanges adressées à ce rapport, qui fait le tour d'une question à la fois complexe, délicate et à ce stade sans solution.

Nous assistons à une nouvelle manifestation du délitement social qui s'installe dans notre beau pays depuis des années, et qui résulte notamment de l'abandon par l'État de son rôle de garant de la cohésion sociale. Dussé-je faire le cuistre, cela me rappelle ce que disait Platon de l'art royal, l'art politique : l'homme politique est comme le tisserand qui associe des fils de couleurs et de natures différentes. Mais aujourd'hui, l'art politique, c'est d'être un « manager », avec les résultats que l'on connaît !

L'État a abandonné son rôle : les pompiers assurent, sur financement territorial, des missions qui relèvent de ministères, en particulier celui de la santé. On réduit le budget de la santé et on demande aux collectivités territoriales et aux pompiers de faire le boulot ! Et sur les maintiens de l'ordre, on les envoie à l'avant prendre la première volée de cailloux ! Dans le cas des guets-apens, je m'étonne du peu de suites judiciaires : on ne me fera pas croire qu'on ne sait pas qui fait ça !

Il ne faut pas se lasser de répéter ces vérités : les murs de Jéricho ont bien fini par tomber !

M. Jean-Pierre Sueur . - Je tiens à remercier nos trois rapporteurs pour ce précieux travail.

Aux différentes cérémonies de pompiers auxquelles j'assiste, je rappelle toujours qu'il est inadmissible que ces hommes et ces femmes qui prêtent secours soient agressés. Qu'un camion de pompiers soit caillassé est en train de devenir banal ! Il y a là quelque chose de détraqué dans notre société et la réponse s'appelle Justice, avec des peines exemplaires, connues et dissuasives.

Dans leur proposition n° 8, nos rapporteurs préconisent de « réexaminer le partage des compétences de la sécurité civile et des services de santé ». Qu'entendent-ils par là ?

M. Vincent Segouin . - Agresser un pompier devient banal. La réponse de la justice devrait être plus forte, avec éventuellement le recours à des travaux d'intérêt général. Aujourd'hui, nous ne sommes pas à la hauteur.

Mme Josiane Costes . - En milieu rural, la situation n'est pas tout à fait la même : dans le nord du Cantal, la population est très reconnaissante aux pompiers qui jouent un rôle essentiel en matière sanitaire, notamment pour les urgences médicales ou les accouchements. Mais l'État devrait financer ces missions, car les sapeurs-pompiers déchargent les hôpitaux ! En revanche, à Aurillac, on sent poindre une certaine violence, car nous manquons de psychiatres à l'hôpital et les malades ne sont plus suivis.

M. François Bonhomme . - Les atteintes verbales ont très fortement augmenté, même si elles sont difficilement comptabilisables et sanctionnables. Les pompiers n'ont pas été formés pour faire face aux nouvelles situations qu'ils rencontrent, c'est un problème tant pour eux que pour les personnes secourues. Dans le Tarn-et-Garonne, l'expérimentation de la plateforme commune aux 15, 18 et 115, regroupe les services de santé, les pompiers et les services sociaux. En six mois, elle a permis de casser l'augmentation naturelle des interventions par une meilleure coordination des flux d'appels, car on ne met pas dans la même file d'attente la grippe et l'arrêt cardiaque. Cette expérimentation est peut-être une préfiguration d'un numéro unique que la FNSPF attend depuis longtemps. Le pacte de refondation des urgences de Mme Agnès Buzyn semble également aller dans cette voie.

M. Yves Détraigne . - Nous aurions besoin d'une campagne d'information et d'instruction civique sur les missions premières des pompiers, car aujourd'hui ils sont appelés pour tout et n'importe quoi, et surtout des bricoles !

M. Philippe Bas, président . - Nous partageons tous cette recommandation.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio . - Les délinquants et les voyous qui attaquent pompiers, policiers et élus sont dans une situation d'impunité. Il faut des sanctions exemplaires. C'est aussi une question d'éducation au respect : il y a des défaillances éducatives.

Mme Marie Mercier . - L'urgence psychiatrique est très difficile à gérer et nos rapporteurs nous font une proposition très intéressante.

M. Philippe Bas, président . - Le naufrage de la psychiatrie en France est un problème aigu. Il y a eu cet assassinat de 2018 et nos sapeurs-pompiers ne sont malheureusement pas toujours formés à gérer ces personnes malades.

M. Patrick Kanner, rapporteur . - Beaucoup de vos questions trouveront réponse dans notre rapport d'information. Le champ de vos douze interventions est vaste - de la couleur des camions à la politique éducative du pays - et elles nous confortent sur l'axe choisi pour notre travail. Nous faisons un travail de lanceur d'alerte, mais ne prétendons pas tout régler. Nous voulons dire aux sapeurs-pompiers que nous les avons compris et souhaitons que les pouvoirs publics se réorganisent pour répondre à leurs préoccupations. La réforme qui a confié la gestion des SDIS au département était une bonne réforme, car elle a considérablement amélioré les moyens des sapeurs-pompiers : le SDIS du Nord, que j'ai eu l'honneur de présider, compte 7 000 collaborateurs, parfois mieux équipés que nos militaires !

Mme Catherine Troendlé, rapporteur . - Les émissions télévisées ont permis de sensibiliser les jeunes des quartiers à l'importance des missions des sapeurs-pompiers. Depuis, on constate que ces jeunes s'engagent dans les jeunes sapeurs-pompiers (JSP) de leur SDIS.

M. Patrick Kanner, rapporteur . - Un paragraphe de notre rapport est spécifiquement consacré aux cadets du bataillon de marins-pompiers de Marseille.

Mme Catherine Troendlé, rapporteur . - Nous avons décliné les taux d'agression par région. D'après les éléments que nous a transmis l'ONDRP, la Nouvelle-Aquitaine et la Bourgogne-Franche-Comté connaissent les plus forts taux d'agression. Ceux-ci ne sont toutefois pas très fiables, car ils se fondent sur les déclarations des victimes. Or, dans de nombreux cas, les sapeurs-pompiers victimes ne déclarent pas leur agression.

M. Loïc Hervé, rapporteur . - Ces chiffres montrent également qu'il n'y a pas de corrélation entre le taux d'agression et le milieu rural, rurbain ou urbain. Les taux d'agression en Nouvelle-Aquitaine et en Bourgogne-Franche-Comté sont très élevés alors que ce sont des régions largement rurales. Dans leur immense majorité, les Français aiment les pompiers et les respectent.

Mme Catherine Troendlé, rapporteur . - Les différents statuts qui cohabitent au sein des sapeurs-pompiers fonctionnent plutôt bien : je ne suis pas favorable à l'édiction d'un nouveau statut global. En revanche, les psychologues qui interviennent dans les SDIS et qui sont, le plus souvent, des volontaires-experts auraient besoin d'un statut ad hoc et d'être plus nombreux par SDIS.

Dans notre proposition n° 6, nous préconisons des formations spécifiques anti-agressions, mais les sapeurs-pompiers ne les souhaitent pas toujours. Pour eux, l'intervention sur des violences relève des forces de l'ordre.

M. Patrick Kanner, rapporteur . - Nous ne l'avons pas évoqué dans le rapport, mais il est bien évidemment hors de question d'armer les sapeurs-pompiers.

Mme Catherine Troendlé, rapporteur . - Laissons le statut tel qu'il est, mais clarifions les missions des uns et des autres. Il faut tout remettre à plat. Mais, bien souvent, nous ne réussissons à mettre tous les acteurs autour de la table, y compris les ministères de l'intérieur et de la santé, que dans des contextes de crise. Ce fut le cas pour les carences ambulancières : les SDIS sont désormais remboursés à hauteur de 117 euros - alors que le coût réel de leur intervention est de l'ordre de 400 euros -, mais j'ai appris récemment qu'ils doivent parfois intenter des recours contre l'agence régionale de santé (ARS) pour être payés par l'hôpital !

Le caillassage des véhicules devient malheureusement banal. Il faut désormais des vitres feuilletées, des tôles plus épaisses, etc . La justice doit taper fort, mais il faut aussi que les pompiers portent plainte.

Je continue de le dire : les sapeurs-pompiers sont malheureusement le dernier service public de santé de proximité. Les agressions en ville sont les plus spectaculaires et les plus médiatisées, mais les agressions au quotidien sont partout : les problèmes d'alcool, de stupéfiants et de psychiatrie concernent aussi le milieu rural.

Nous sommes tous favorables à un numéro unique d'appel et la FNSPF le réclame aussi depuis des années. Mais l'Intérieur et la Santé ne réussissent pas à se mettre d'accord...

M. Pierre-Yves Collombat . - C'est au Premier ministre d'arbitrer ! Mais à quoi sert-il ?

M. Alain Marc . - Il est important de disposer de remontées précises département par département, pour avoir une évaluation fine et mettre en place des actions ciblées.

La commission autorise la publication du rapport.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page