B. UNE SUPERPOSITION D'ORGANISMES AUX MISSIONS PLUS OU MOINS JUSTIFIÉES, UNE GOUVERNANCE DÉFECTUEUSE ET UNBESOIN DE FINANCEMENT NON ASSUMÉ

1. L'Institut national de l'origine et de la qualité (INAO) chargé de la mission stratégique de garantir la confiance dans l'agriculture biologique, ne suit pas assez rigoureusement les délégations qu'il accorde

L'INAO est chargé d'une mission essentielle pour l'agriculture biologique, celle de veiller à l'intégrité de la certification dont elle bénéficie qui est à la fois un élément fondamental pour la loyauté de la concurrence entre producteurs et la base de la confiance des consommateurs des productions bio.

Sans cette dernière, la courbe de demande de produits bio dessinée par les consommateurs perdrait ses caractéristiques propres, dont dépendent l'ensemble de l'économie de l'agriculture biologique, et par conséquent, les chances de succès du projet porté par la politique de développement de l'agriculture biologique.

Comme c'est souvent le cas, la formule de l'établissement public, qui est celle de l'INAO, permet d'introduire un degré, élevé dans le cas de l'INAO, de participation des parties concernées par l'action administrative dévolue à l'organisme à la conception et à la réalisation de cette action.

S'agissant de l'agriculture biologique en tout cas, il convient cependant de tempérer cette observation dans la mesure où les modalités selon lesquelles l'INAO accomplit ses missions, et les moyens dont il dispose à cet effet, n'offrent pas les garanties suffisantes d'un accomplissement totalement satisfaisant de ses missions.

En outre, il existe, comme c'est classique dans un paysage administratif caractérisé par une superposition d'acteurs d'une même politique publique, des difficultés de coordination entre l'INAO et les autres acteurs de la politique de développement de l'agriculture biologique.

a) Un organisme « participatif » aux missions diverses essentielles pour l'agriculture biologique

L'INAO est un établissement public administratif de l'État chargé de la mise en oeuvre des dispositions législatives et réglementaires relatives aux signes d'identification de la qualité et de l'origine, dont la mention « agriculture biologique ».

La dimension participative de l'INAO, très nettement illustrée au cours des débats sur la loi de finances pour 2020 (voir infra ), offre une forte typicité à l'organisme mais qui joue moins , à ce jour, pour l'agriculture biologique que pour d'autres domaines de ses interventions.

Il n'en reste pas moins que l'INAO est chargé dans le domaine de l'agriculture biologique de missions tout à fait déterminantes .

(1) Un organisme « mixte », participatif

L'INAO incarne l'une des raisons d'être du recours à la formule de l'établissement public pour conduire les politiques publiques : sa capacité à assurer une participation de différentes parties prenantes , associant l'administration et les milieux intéressés.

La portée effective de ce principe participatif est toutefois variable selon les champs d'intervention de l'INAO et de ses instances de gouvernement.

L'article R 642-4 du code rural et de la pêche maritime (CRPM) qui règle l'organisation de l'INAO témoigne de l'intention de conférer à l'INAO une logique de participation des parties concernées à la définition et à la mise en oeuvre de son activité.

La prééminence reconnue aux professionnels ressort du dispositif qui prévoit qu'au sein du conseil permanent (composé d'un président, de membres des comités nationaux et du conseil des agréments et contrôles , de représentants de l'administration, nommés par arrêté conjoint des ministres chargés de la consommation et de l'agriculture ainsi que de deux représentants du personnel de l'institut), les membres appartenant aux comités nationaux et au conseil des agréments et contrôles , comprenant les présidents de ces comités et de ce conseil, soient prépondérants (ils sont au nombre de vingt-six), tandis que les représentants de l'administration représentent au plus le tiers des membres du conseil permanent.

S'agissant des comités nationaux , dont celui de l'agriculture biologique , les représentants des secteurs professionnels constituent au moins la moitié des membres du comité, les représentants de l'administration constituant le quart au plus des membres de chaque comité.

Il faut relever que la portée effective du principe participatif qui empreint l'INAO prend une force particulière dans la définition des allocations de moyens de l'établissement.

Ainsi, le conseil permanent a le pouvoir de délibérer sur toutes les questions concernant la politique générale de l'institut , son budget et ses modifications, ainsi que le compte financier et sur la promotion et la défense des signes d'identification de la qualité et de l'origine , y compris au plan international dans le respect des compétences de l'Agence française pour le développement et la promotion de l'agriculture biologique.

Cette situation, qui obéit à une logique en l'état très robuste , appelle cependant une certaine vigilance dans la mesure où il est souhaitable que les choix d'allocation de moyens respectent certains déséquilibres.

À cet égard, il conviendrait de mieux calibrer les effectifs et les moyens alloués, au sein de l'INAO, aux différentes dimensions du pilotage et de l''expansion des productions de l'agriculture biologique, objectif qui, à l'évidence, dépend au premier chef des moyens généraux accordés à l'INAO (voir infra ) .

Dans ce contexte, il faut ajouter que les attributions des instances de gouvernance de l'INAO ne conduisent pas à leur reconnaître un rôle plein et autonome de détermination des actions destinées à assurer l'intégrité de la politique de développement de l'agriculture biologique .

Un grand nombre d'obligations extérieures pèsent en ce domaine sur l'INAO.

Par ailleurs, les attributions des instances ressortent souvent comme consultatives , et, de ce fait, inégalement pratiques et normatives.

Quant au comité national de l'agriculture biologique , ses fonctions sont davantage marquées par une vocation consultative puisqu'il propose l'homologation des cahiers des charges exigés des opérateurs, mais seulement pour les produits dont les règles de production ne sont pas définies ou ne sont pas détaillées par la réglementation de l'Union européenne relative à l'agriculture biologique, étudie et propose toute mesure de nature à favoriser l'amélioration de la qualité et des caractéristiques des produits issus de l'agriculture biologique, émet tous avis sur les mesures techniques destinées à l'amélioration de la production et de la qualité de ces produits et se trouve encore consulté sur toutes les questions relatives au mode biologique de production et de transformation des produits qui lui sont soumises par le ministre chargé de l'agriculture ou le ministre chargé de la consommation.

(2) Des missions essentielles

Le développement de l'agriculture biologique repose sur un principe de différenciation qualitative qui conditionne la dynamique de la demande adressée à ses productions.

Les responsabilités confiées à l'INAO lui attribuent un rôle prééminent de garantie des produits griffés « agriculture biologique » .

L'organisme est ainsi le garant ultime de la certification biologique à travers les missions qu'il exerce pour assurer la robustesse des certificats délivrés aux producteurs.

Les missions de l'INAO prévues par le code rural et de la pêche maritime

L'article L 640-2 du code rural et de la pêche maritime indique qu'à ce titre, l'INAO notamment :

- propose la reconnaissance des produits susceptibles de bénéficier des signes d'identification de la qualité et de l'origine et la révision de leurs cahiers des charges ;

- prononce la reconnaissance des organismes qui assurent la défense et la gestion (ODG) des produits bénéficiant d'un signe d'identification de la qualité et de l'origine ;

- définit les principes généraux du contrôle ;

- prononce l'agrément des organismes de contrôle et assure leur évaluation ;

- s'assure du contrôle du respect des cahiers des charges et, le cas échéant, prend les mesures sanctionnant leur méconnaissance ;

- donne son avis sur les dispositions relatives à l'étiquetage et à la présentation de chacun des produits relevant de sa compétence ;

- peut être consulté sur toute question relative aux signes d'identification de la qualité et de l'origine et peut proposer toute mesure concourant au bon fonctionnement, au développement ou à la valorisation d'un signe dans une filière ;

- contribue à la défense et à la promotion des signes d'identification de la qualité et de l'origine tant en France qu'à l'étranger ;

- peut être consulté par les organismes de défense et de gestion sur les prescriptions environnementales ou relatives au bien-être animal ;

- détermine les dispositions de contrôle communes à plusieurs cahiers des charges ou à plusieurs organismes de contrôle ;

- approuve les plans de contrôle ou d'inspection exposés dans les cahiers des charges des signes de qualité.

L'INAO est ainsi chargé du contrôle du respect par les opérateurs des conditions leur permettant de se réclamer de la certification biologique selon des modalités qui passent par une délégation du contrôle primaire à des organismes de certification , le contrôle exercé par l'INAO consistant, de son côté, à accréditer les organismes de certification (OC) qui doivent réunir des conditions pour être accrédités, et à en superviser l'activité, à travers une évaluation régulière (tous les douze mois).

Dans le domaine de l'agriculture biologique, deux caractéristiques particulièrement saillantes doivent être mises en évidence.

En premier lieu, les compétences générales de l'INAO sont particulièrement encadrées dans ce domaine par la réglementation européenne . Les normes de l'agriculture biologique en relèvent alors que pour les autres signes de qualité gérés par l'INAO les cahiers des charges trouvent leur origine dans les opérateurs des filières concernées. En outre, la réglementation européenne impose aux États membres de respecter des obligations institutionnelles et de contrôle strictes.

En second lieu, au vu des besoins d'interprétation de textes , qui, en dépit de leur caractère foisonnant, appellent sur bien des points des précisions complémentaires, l'INAO exerce une sorte d'activité de jurisconsulte , d'une importance stratégique.

Il faut toutefois relever qu'outre une activité générale d'interprétation des textes , l'INAO est également l'organisme qui est censé accorder les dérogations aux opérateurs sur le fondement des facultés prévues par les textes européens et nationaux.

Or, dans ce domaine comme dans les autres, l'INAO n'exerce en fait ses compétences qu'en seconde main. Dans la pratique, les dérogations sont demandées par les opérateurs et accordées par les organismes de certification 85 ( * ) sous le contrôle particulièrement lointain de l'INAO.

b) Un opérateur de l'État confronté à des défis nouveaux auquel l'agriculture biologique reste à plus pleinement intégrer
(1) Un organisme qui doit renforcer des fonctions opérationnelles

D'ores et déjà, un quart des agriculteurs sont impliqués dans des productions sous signe de qualité , qui représentent un tiers du « chiffre d'affaires agricole ».

La promotion des signes de qualité est un axe important de la « montée en gamme » des produits agricoles et alimentaires qui constitue l'un des piliers de la politique agricole française. L'INAO occupe une situation centrale dans cette perspective à laquelle l'agriculture biologique apporte une évidente contribution.

Avant que d'envisager plus en détail certains aspects majeurs (ceux relatifs au contrôle des opérateurs) de l'action de l'INAO dans ce dernier domaine, qui n'est que l'un des champs d'action de l'établissement, au demeurant relativement récent par rapport à d'autres axes de son activité, il importe d'évoquer les diagnostics généraux réalisés sur les difficultés rencontrées par l'INAO tels qu'ils ressortent des études réalisées à son sujet en les mettant en perspective avec la problématique particulière de l'agriculture biologique.

À cet égard, les analyses du CGAAER , qui a réalisé une revue de l'INAO en amont du renouvellement de son contrat d'objectifs et de performance (COP) 86 ( * ) , méritent une mention préalable 87 ( * ) .

Le CGAEER avait alors formulé les 9 recommandations suivantes, dont plusieurs peuvent concerner directement les activités de l'établissement dans le domaine particulier de l'agriculture biologique.

Recommandations formulées par le CGAAER relatives à l'INAO

1. Recentrer le prochain COP sur un nombre limité d'objectifs réellement stratégiques et munis d'indicateurs dotés de sens, porter sa durée à 5 ans.

2. Fiabiliser la mission de contrôle de deuxième niveau en explorant la voie de la labellisation, notamment en appliquant les concepts d'une démarche de qualité.

3. Formaliser et renforcer la défense juridique des signes d'identification de la qualité et de l'origine (SIQO) et de la marque AB.

4. Limiter et cadrer les initiatives des professionnels concernant tant les nouveaux produits que la modification des cahiers des charges existants.

5. Élaborer une vraie stratégie de communication, construite avec des professionnels de la communication, en vue d'un changement d'échelle.

6. Qualifier les domaines d'interopérabilité requis et les doter de systèmes intégrés, notamment par la mise en oeuvre de la convention multipartenariale créant l'observatoire économique des SIQO. Le COP doit afficher une ambition de résultat en ce domaine.

7. Recentrer en cinq ans les délégations territoriales dans les capitales régionales, auprès des DRAAF et des équipes de FranceAgriMer.

8. Mettre en place un plan d'amélioration de la comptabilité analytique reflétant mieux les missions stratégiques afin de mieux assurer le pilotage de l'établissement.

9. Explorer la possibilité d'asseoir les droits versés par les professionnels sur le chiffre d'affaires et décider l'élargissement à l'agriculture biologique du financement de l'INAO.

Il importe tout particulièrement ici de mettre en exergue les recommandations relatives à « la fiabilisation » du contrôle de l'INAO , qui, de fait, dans le domaine de l'agriculture biologique paraît marqué par des insuffisances (voir infra ) et à la défense juridique de la certification AB .

Ce dernier point est difficilement palpable faute de disposer d'éléments sur l'activité contentieuse de l'INAO dans ce domaine.

Aux yeux de vos rapporteurs spéciaux, la problématique paraît davantage consister à mieux consolider l'économie de l'agriculture biologique , la défense de la marque AB passant, en outre, plus par un pilotage opérationnel plus satisfaisant des productions et des échanges , notamment internationaux, des produits de l'agriculture biologique, toutes missions qui n'entrent, jusqu'à présent, que pour partie dans le champ des compétences de l'INAO. Cette dernière situation appelle des évolutions d'organisation (voir infra ).

Il convient, à cet égard, de veiller à ce que les problèmes posés, selon le rapport, par les relations entre l'INAO et l'Agence Bio , le CGAAER indiquant l'absence de relations institutionnalisées et d'échanges entre les deux systèmes d'information, y compris, de la part de l'Agence Bio, sur le dénombrement des structures engagées dans l'agriculture biologique, soient surmontés.

Enfin, le rapport du CGAAER comportait la préconisation d'une meilleure participation financière de l'agriculture biologique aux coûts engagés par l'INAO, préconisation qui appelle des réserves de la part de vos rapporteurs spéciaux (voir infra ).

Vos rapporteurs spéciaux estiment qu'il serait important que l'INAO puisse assurer un suivi de la capacité des sols à accueillir des productions biologiques. Dans le domaine des appellations d'origine, l'INAO a développé une expertise géographique, qu'il pourrait étendre, en la renouvelant, à une problématique importante, compte tenu de la rémanence des polluants dans les sols.

(2) Un organisme qui ne dispose que de peu de moyens pour l'agriculture biologique

La question des moyens de l'INAO apparaît centrale.

Sur ce point, il est peu contestable que la contrainte financière globale qui s'exerce sur l'INAO présente un retentissement particulier dans le domaine de l'agriculture biologique .

Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2020, l'intention du Gouvernement de réformer le mécanisme de financement de l'INAO s'était traduite par un projet de suppression des « droits INAO » avec la perspective, du moins dans un premier temps, de leur substituer une subvention pour charges de service public financée à partir des crédits de la mission.

Les « droits INAO »

L'article L 642-13 du code rural et de la pêche maritime inséré dans les dispositions relatives aux ressources de l'Institut national de l'origine et de la qualité (INAO) prévoit l'établissement d'un droit sur les produits bénéficiant d'une appellation d'origine, d'une indication géographique ou d'un label rouge.

Le produit de ce droit est affecté à l'INAO dans la limite du plafond mentionné au I de l'article 46 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012.

Les taux des droits perçus sont fixés sur proposition du conseil permanent de l'institut après avis du comité national compétent par arrêté des ministres chargés du budget et de l'agriculture, sous des limites qui varient selon le produit et la qualité du signe officiel de la qualité et de l'origine (SIQO).

Le tarif va de 15 centimes par hectolitre pour les vins bénéficiant d'une distinction d'appellation d'origine à 0,75 centime par hectolitre pour les boissons alcoolisées bénéficiant d'un label rouge.

Les droits sont acquittés annuellement par les opérateurs habilités sur la base des quantités produites en vue d'une commercialisation sous SIQO.

L'assiette peut toutefois être adaptée sur proposition du comité national compétent pour reposer sur des moyennes de production ou être réduite des quantités retenues par l'opérateur.

Le droit est perçu sans considération de la destination intérieure ou étrangère des produits.

La liquidation des droits et leur recouvrement sont effectués auprès d'opérateurs habilités par l'INAO selon les règles et sous les garanties, privilèges et sanctions prévus en matière de contributions indirectes.

L'article L 642-14 du code rural et de la pêche maritime précise que l'organisme de défense et de gestion d'un produit, bénéficiant d'un SIQO, peut assurer, par délégation de l'INAO, la liquidation et le recouvrement des droits acquittés au titre de l'article L 642-13 du code rural et de la pêche maritime.

Cette intention a été abandonnée en cours de route, les parties versantes s'opposant, une fois n'est pas coutume, à la suppression d'un prélèvement qui touche leurs productions.

Les droits indirects affectés à l'INAO correspondants représentent environ 7 millions d'euros, les ressources fiscales affectées à l'établissement, qui proviennent pour la majeure partie de la production viticole, étant complétées par une subvention pour charges de service public imputée au budget du ministère de l'agriculture, de l'ordre de 16,6 millions d'euros. Cette dernière représente près des deux tiers des moyens de l'INAO.

Données synthétiques relatives au compte de résultat de l'INAO pour 2019

Source : Jaune budgétaire « Opérateurs », projet de loi de finances pour 2020

Avec un budget total d'un peu moins de 25 millions d'euros, l'INAO consacre l'essentiel de ses ressources à une masse salariale qui en 2019 atteignait 18,6 millions d'euros.

Elle permet d'assurer les rémunérations brutes d'effectifs soumis à un plafond d'emplois de 235 ETPT 88 ( * ) en 2019. Le plafond d'emplois a été réduit depuis 2015, année au cours de laquelle il était de 243 ETPT, (- 8 ETPT) avec un repli de 3,3 % entre ces deux échéances, qui témoigne de gains de productivité au vu du renforcement des missions de l'INAO.

Évolution des effectifs de l'INAO entre 2015 et 2019

Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux sur le budget 2020

Il reste que, malgré la réduction des emplois ouverts à l'INAO, la masse salariale a progressé depuis 2015 (+ 1 million d'euros) pour un alourdissement du coût unitaire du travail de l'ordre de 9 % en cinq ans soit un peu plus que l'inflation au cours de la période.

Il est à noter que la majeure partie du ressaut de charges de personnel constaté entre les deux dates est due à l'alourdissement des charges de pensions civiles supportées par l'INAO.

Évolution de la masse salariale de l'INAO entre 2015 et 2019

Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux sur le budget 2020

De leur côté, les dépenses de fonctionnement ont augmenté dans des proportions analogues à celles des dépenses de personnel, le budget voté en 2015 de 5,1 millions d'euros passant en 2019 à 5,6 millions d'euros.

Le déficit de comptabilité analytique de l'INAO relevé plus haut ne permet pas d'identifier la part des moyens consacrés à l'agriculture biologique.

Néanmoins, selon les informations recueillies par vos rapporteurs spéciaux auprès de la direction générale de l'établissement, l'exercice des missions de l'INAO au titre de l'agriculture biologique représenterait un coût annuel de 1 million d'euros, principalement du fait de la charge de rémunération de 9,3 ETP.

Ainsi, l'INAO ne consacrerait que 4 % de ses moyens à l'agriculture biologique, tant du point de vue budgétaire que de celui de ses effectifs.

Cette situation reflète une implication opérationnelle de l'INAO dans le champ de l'agriculture biologique encore trop faible.

Les modalités que suit l'organisation des contrôles de la qualité biologique des opérateurs, tant au stade de la certification qu'à celui des contrôles, qui repose sur la délégation des contrôles primaires à des organismes certificateurs privés, si elles permettent à l'INAO d'exercer ses missions à très bas coût, relèvent d'un agencement fortement perfectible, qui doit notamment éviter que l'INAO n'exerce également ses missions qu' à trop « bas bruit ».

2. L'Agence bio, un bouquet de missions hétéroclites, un apport à la conception et à la mise en oeuvre de la politique publique en faveur de l'agriculture biologique qui reste à démontrer
a) Un organisme financé par l'État et géré par une partie seulement des entités impliquées par l'agriculture biologique

L'Agence Bio est un groupement d'intérêt public (GIP) créé en décembre 2001, placé sous la tutelle du ministère de l'agriculture et de l'alimentation (MAA). Le conventionnement qui fonde le GIP doit être renouvelé tous les cinq ans et il l'a été en 2016 avant même que ne soit défini un nouveau contrat d'objectifs et de performance.

De fait, l'agence est liée avec l'État par un contrat d'objectifs et de performance (COP) dont le dernier en date, pour les années 2014 à 2017 a été prorogé pour une année, dans l'attente de la conclusion d'un nouveau contrat pluriannuel. Ce dernier a enfin été signé le 26 février 2019 et couvre la période 2019-2023.

Le GIP est, en outre, considéré comme un opérateur de l'État et, à ce titre, fait l'objet d'une présentation, devenue malheureusement encore plus sommaire qu'auparavant à partir du projet de loi de finances pour 2019, des moyens qui lui sont consacrés par le budget de l'État et des interventions et dépenses qu'ils sont censés financer.

L'agence présente des faiblesses institutionnelles auxquelles il convient à tout le moins d'apporter des correctifs, l'éventualité d'une suppression de l'agence ne devant pas être écartée, à condition que ses missions, qui méritent d'être révisées pour certaines d'entre elles, soient reprises par des structures existantes.

Les missions de l'agence sont d'accroître :

- la connaissance du secteur,

- la promotion et la communication,

- la structuration de filières, et les synergies entre acteurs,

- la gestion des notifications des professionnels 89 ( * ) .

Il s'agit ainsi pour l'essentiel de missions de service public au demeurant assez hétéroclites puisque l'agence est à la fois une sorte de service statistique, une agence de communication destinée à défendre et illustrer le projet, et ses réalisations, d'agriculture biologique, un teneur de données permettant de suivre l'identité biologique des opérateurs et un pilote d'infrastructures.

La vocation de l'agence de servir une politique publique relevant de la responsabilité de l'État est pleinement confirmée par la structure de son financement.

Le budget de l'Agence Bio est alimenté par des ressources provenant essentiellement de l'État alors que l'organisme est largement marqué par l'influence des opérateurs, qu'ils soient directement ceux de l'agriculture biologique ou qu'ils puissent s'intéresser à cette dernière de faon moins spécifique.

Tel était le constat de la Cour des comptes dans son rapport de mars 2015 et les évolutions intervenues par rapport aux données alors exposées (voir le tableau ci-dessous) ne conduisent pas à le modifier.

Financement de l'Agence Bio

Source : Cour des comptes. Mars 2015

La subvention pour charges de service public versée en 2017 s'est montée à 1,372 million d'euros en progression de 35 % par rapport à 2013 et les crédits votés à ce titre en 2018 se sont élevés à 1,425 million d'euros, soit une croissance de 3,9 % par rapport à 2017.

Les subventions versées sur crédits budgétaires pour assurer le fonctionnement de l'agence représentent près de 97 % de ses moyens .

Les cotisations des autres membres n'ont pas été revalorisées, les recettes propres du GIP correspondantes demeurant en 2018 de 40 000 euros, soit une contribution essentiellement symbolique .

La Cour des comptes avait pu observer que la structure de financement de l'Agence Bio n'était guère cohérente avec sa composition , nuançant toutefois cette observation par le constat d'une prééminence de l'État en termes de droits de vote et par l'existence d'un droit de véto accordé au commissaire du gouvernement.

Lorsqu'on ajoute que la gestion du « fonds avenir bio » par l'agence la conduit à disposer de moyens entièrement financés sur des crédits publics et portés désormais de 4 millions d'euros à 8 millions d'euros chaque année , le décalage entre la gouvernance de l'agence et ses responsabilités opérationnelles s'accentue encore.

Prolongeant la perplexité qu'inspire l'agence depuis sa création du fait de sa gouvernance, le COP récemment conclu pour la période 2019-2023 en comporte une illustration, parmi d'autres envisageables, avec la problématique de la prévention et de la révélation des conflits d'intérêts .

Il se contente toutefois d'en appeler à la mise en place par le conseil d'administration de l'établissement de procédures destinées à permettre la prévention, la révélation et la gestion des conflits d'intérêt, l'agence bio étant priée de désigner un administrateur ou un personnel référent pour les questions de déontologie et de prévention de conflits d'intérêt.

Au demeurant, c'est plus largement que la gouvernance de l'agence pose problème.

Sa composition n'est pas de nature à impliquer l'ensemble des parties prenantes de l'agriculture biologique.

L'agence comprend six membres :

- le ministère chargé de l'agriculture ;

- le ministère chargé de l'écologie et du développement durable ;

- la fédération nationale de l'agriculture biologique (FNAB) ;

- l'assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA) ;

- le SYNABIO (syndicat de réseau des entreprises agroalimentaires Bio) ;

- COOP de France (institution confédérale représentant la coopération agricole).

L'administration et le monde agricole disposent chacun de six représentants. Tous siègent à l'assemblée générale et au conseil d'administration. Une présidence tournante est assurée mais par les seuls membres de statut privé.

Au vu de ses missions, la composition de l'Agence Bio n'est pas satisfaisante en particulier du fait de l'absence de représentation du secteur de la distribution, qui est un maillon important de la filière.

Cette situation est appelée à évoluer selon les informations transmises à vos rapporteurs spéciaux dont les termes figurent ci-dessous :

« La fédération du commerce et de la distribution (FCD) a sollicité le président du conseil d'administration de l'Agence Bio par courrier du 17 juillet 2018 pour intégrer le conseil d'administration de l'agence.

Le président du conseil d'administration (CA), avec l'accord de ces membres, a proposé que cette demande d'adhésion soit examinée par l'assemblée générale (AG), compétente pour de nouvelles adhésions, en application des dispositions de la convention constitutive.

La demande de la FCD a été repoussée à l'unanimité des membres de l'AG.

L'assemblée générale a en effet considéré que si la distribution de produits biologiques, et notamment par la grande distribution, devait être mieux représentée au sein de l'agence bio (la part de marché de la grande et moyenne distribution (GMS) dans la bio est de presque 50 %), l'entrée de la FCD ne permettait pas d'assurer le représentativité totale de la grande distribution (elle représente 60 % des parts de marché de la GMS, certains distributeurs tels que Leclerc et Intermarché ne sont pas adhérents de la FCD).

Toutefois, les membres du CA actuels, État et professionnels, ont fait le choix, dans le cadre du nouveau contrat d'objectifs et de performance (COP) 2019-2023 signé le 26 février 2019 par le ministre de l'agriculture et de l'alimentation et le président du CA de l'Agence Bio, de renforcer le rôle des commissions (communication ; filières ; environnement et territoires, etc.), véritable bras armé opérationnel du conseil d'administration.

Certaines familles d'acteurs non membres du conseil d'administration participeront à ces commissions comme les interprofessions et la distribution. Il a été acté que seront désignés pour participer à chacune de ces commissions des présidents et vice-présidents. Ces présidents et vice-présidents seront associés au CA lorsque des décisions stratégiques et budgétaires seront à prendre. La FCD se verra proposer une de ces places ».

Vos rapporteurs spéciaux s'interrogent sur la portée concrète d'une évolution dont les contours tels qu'évoqués par la réponse ministérielle demeurent encore incertains.

De la même manière , l'absence de ministères ou d'opérateurs de l'État particulièrement impliqués dans la production biologique (le ministère des finances, à travers ses responsabilités dans le domaine de la consommation, les Agences de l'Eau...) ou celle des régions, qui gèrent les crédits européens destinés aux opérateurs et dessinent sur le terrain des projets de développement de l'agriculture biologique , représentent autant d'anomalies.

b) Un ensemble de missions hétéroclites à la mise en oeuvre perfectible ; le besoin d'audit des interventions du « fonds avenir bio »
(1) Des missions hétéroclites difficiles à concilier, une mise en oeuvre perfectible

Le budget de l'agence bio témoigne de la diversité de ses missions mais également de la polarisation de ses interventions autour de la gestion du « fonds avenir bio ».

Ces dernières années, si le budget de l'agence a progressé passant, en ressources de 6,1 millions d'euros en 2015 à 11,7 millions d'euros en 2019 (+ 5,6 millions d'euros, soit + 90 %) et, en dépenses, de 6,1 millions d'euros à 10,9 millions d'euros (+ 4,8 millions d'euros, soit + 78,7 %), le gros de l'augmentation des moyens de l'agence est venu du renforcement des moyens du « fonds avenir bio » .

Ce dernier qui a longtemps été doté de 4 millions d'euros chaque année à partir des crédits du budget du ministère de l'agriculture a été porté à 8 millions d'euros à partir de 2019.

Données relatives au compte de résultat de l'Agence Bio en 2015

Source : Rapport annuel de performances, projet de loi de règlement pour 2015

Données synthétiques relatives au compte de résultat de l'Agence Bio pour 2019

Source : Jaune budgétaire « Opérateurs », projet de loi de finances pour 2020

Le plafond d'emplois de l'agence bio est particulièrement faible au vu de ses missions.

Plafonds d'emplois de l'agence bio

Source : projet annuel de performances, PLF 2020

L'augmentation du budget de l'agence bio s'est accompagnée d'une augmentation de son fonds de roulement qui atteint désormais 6,3 millions d'euros, soit presque une année des crédits consommés désormais au titre du « fonds avenir bio ».

Fonds de roulement du GIP-BIO

Source : Jaune budgétaire « Opérateurs », projet de loi de finances pour 2020

L'origine de l'accroissement du fonds de roulement n'est pas accessible dans la mesure où le taux de consommation de chaque chapitre des dépenses de l'agence n'est rendu public que moyennant certaines approximations.

Des données éparses mobilisables (voir ci-dessous), il semble ressortir que l'alourdissement du fonds de roulement se nourrit d'une sous-exécution des dépenses d'intervention (elles représentent les deux tiers des dépenses de l'agence) plutôt que des charges de personnel ou de fonctionnement de l'agence bio.

Les quatre domaines de compétence de l'agence peuvent être précisés à partir de l'analyse qu'en a proposée le CGAAER dans son rapport préalable à la conclusion d'un nouveau COP.

Les attributions de compétence de l'Agence Bio

Source : rapport n° 16081 du CGAAER

La répartition des interventions de l'Agence fait ressortir la très forte hétérogénéité des missions de l'organisme qui superpose des activités de promotion, de financeur, de service statistique et d'étude, et de gestion administrative de certaines procédures.

Les tableaux ci-dessous présentent la répartition des dépenses fonctionnelles de l'agence en 2013, en 2017 et en 2019.

Répartition des dépenses fonctionnelles de l'Agence Bio en 2013

Source : Cour des comptes, 2015

Répartition des dépenses fonctionnelles de l'Agence Bio en 2017

Source : CGAAER, 2017

Dépenses de l'Agence Bio par destination en 2019

Source : Jaune budgétaire « Opérateurs », projet de loi de finances pour 2020

Les éléments de comptabilité analytique disponibles montrent que, si ces dernières années les dépenses de l'agence bio ont été marquées par certaines évolutions du fait du renforcement du « fonds avenir bio », l'empreinte des opérations de communication et de promotion a été régulièrement très forte .

Comparativement, les charges de gestion des notifications des opérateurs, qui constituent la mission administrative confiée à l'agence (et s'intègrent dans un ensemble de processus assurant le suivi des intervenants sur le segment bio dont certaines parties relèvent d'autres entités) ainsi que les dépenses consacrées à une meilleure connaissance du secteur sont relativement peu développées.

Ces deux observations doivent être considérées dans le prolongement des conclusions de la mission d'évaluation préalable au renouvellement du contrat d'objectifs et de performance de l'agence effectuée par le CGAAER 90 ( * ) .

La culture de la performance nourrit une nomocratie qui semble souvent reposer sur une relation inverse entre la simplicité des missions des organismes qui lui sont soumis et la luxuriance des modalités de suivi de ces missions, au prix d'un gaspillage des moyens consacrés à informer des indicateurs qui finissent par ne plus indiquer grand-chose à grand monde et peuvent conduire à perdre de vue l'esprit des missions.

Le précédent COP de l'Agence Bio reflétait cette pathologie de l'évaluation. Il identifiait six axes opérationnels, dont deux déclinés en sous-axes, pour un total de quatorze orientations opérationnelles, assorties de 73 indicateurs de performance pour lesquels des valeurs cibles sont fixées pour chaque année du COP.

Les axes opérationnels déterminés par le COP de l'Agence Bio

- gérer les notifications des opérateurs en agriculture biologique ;

- développer la connaissance économique du secteur ainsi que des effets environnementaux, sociaux et territoriaux ;

- développer la communication sur l'agriculture biologique ;

- contribuer à la structuration de filières avec la gestion du fonds Avenir Bio ;

- optimiser le fonctionnement de l'Agence BIO ;

- faire le lien entre le Fonds de structuration des filières biologiques françaises et l'Observatoire National de l'Agriculture Biologique », pour mettre de la cohérence entre deux axes majeurs (la structuration des filières et l'Observatoire national de l'agriculture biologique)

Deux de ces axes opérationnels sont déclinés en sous-axes.

Il s'agit:

- du développement de la communication sur l'agriculture biologique décliné comme suit :

* mise en oeuvre du programme d'information et de communication cofinancé par l'Union européenne ;

* pérennisation d'actions de communication, d'information et de promotion d'intérêt permanent ;

* approfondissement de thématiques ;

* renforcement des partenariats et des synergies entre acteurs professionnels, interprofessionnels et publics, au niveau national et régional ;

* renforcement du rayonnement international ;

* prévention de crise.

- de la contribution à la structuration de filières avec la gestion du fonds Avenir Bio, décliné comme suit :

* gestion du Fonds Avenir Bio ;

* synergies avec les financeurs ;

* bilan complet des programmes d'action et impacts sur le développement des filières biologiques ;

* dispositif d'information permanent ;

* dispositif d'information et de rayonnement renforcé.

Il n'est donc que peu surprenant que la mission du CGAAER ait pu conclure à la surabondance des indicateurs et juger qu'un certain nombre d'entre eux se trouvaient totalement dépourvus de caractère stratégique .

Au demeurant, seul un indicateur du dispositif de performances de la mission budgétaire AAFAR paraît effectivement nourri par des données sur lesquelles l'Agence Bio est présumée exercer une action , d'ailleurs non exclusive (puisque ces données semblent recueillies par le service statistique du ministère), l'indicateur relatif à la part des superficies agricoles cultivées en agriculture biologique.

En ce qui concerne les dépenses consacrées à la connaissance du secteur, dont le présent rapport a largement montré la nécessité, le rapport du CGAAER avait suggéré que la vocation statistique de l'Agence Bio était rien moins que « naturelle », ajoutant que la qualité médiocre des statistiques réunies pouvait conduire à recommander qu'un rapprochement avec le service de la statistique et de la prospective (SSP) du ministère de l'agriculture soit envisagé.

Vos rapporteurs spéciaux prennent acte de l'appréciation du CGAAER d'autant plus qu'à l'occasion de leur étude ils ont relevé le déficit de production d'analyses technico-économiques pourtant indispensables et la publication de données (voir celles relatives à l'emploi créé par l'agriculture biologique) ne vérifiant aucune condition méthodologique robuste.

Mais il convient encore de mentionner l'analyse par laquelle le CGAAER a été conduit à considérer les difficultés rencontrées pour assurer une gestion convenable des notifications imposées aux opérateurs.

Ainsi, selon le CGAAER, les données « remontées » par les organismes certificateurs (OC) ne seraient pas fiables.

Dans ces conditions, on se serait attendu à ce que les moyens nécessaires à la fiabilisation des notifications aient été dégagés par l'agence bio, le défaut de fiabilité des notifications étant d'autant moins admissible que les organismes de certification facturent à l'agence la fourniture de données , cette prestation n'ayant pas été envisagée au moment de la définition des conditions de l'agrément des organismes de certification. Le plus important organisme de certification parmi les huit organismes agréés aurait facturé 31 000 euros à ce titre en 2017.

Cette situation doit être corrigée.

D'une part, il est difficilement compréhensible, autrement que par une allocation insuffisante de moyens vers cette mission, que semble confirmer la structuration du budget de l'Agence bio, que cette dernière ne s'appuie pas sur les informations fournies par les opérateurs dans le cadre des notifications qui leur sont réglementairement imposées.

D'autre part, la fourniture de données par les organismes de certification devrait être une composante des conditions d'obtention de leur agrément, les modes de communication numériques permettant d'assumer une telle obligation à des coûts très raisonnables.

Le rapport du CGAAER concluait sur ce point à cinq recommandations.

Les recommandations du rapport du CGAAER

1. La refonte du système d'information de l'Agence Bio, dont la nécessité a été bien prise en compte, doit être poursuivie de manière urgente.

2. Les données recueillies par les organismes certificateurs, leur utilisation pour leur analyse de risque, leur transmission à l'INAO pour son analyse de risque et leur utilisation par l'Agence Bio à des fins statistiques, devront faire l'objet d'une étude et leurs modalités de paiement renégociées.

3. Le renforcement des liens entre l'Agence Bio, l'INAO, FAM, et le SSP sur des projets structurants de recueil et de mise à disposition des données doit se poursuivre sous l'impulsion de la tutelle.

4. La communication de l'Agence Bio doit pouvoir s'appuyer sur des expertises relatives aux externalités positives du Bio et prendre en compte le fait que les nouveaux consommateurs de Bio seront plus sensibles à des campagnes médiatiques pouvant altérer leur confiance.

5. Le COP de l'Agence Bio devra définir des indicateurs de performance à visée stratégique, en nombre limité. L'Agence Bio devra pouvoir agir sur ces indicateurs. Le COP sera réalisé dans le cadre d'une démarche participative.

Il reste que la perpétuation de l'Agence bio devrait être sérieusement examinée.

À l'analyse aucune des missions de l'agence n'apporte en soi une justification de ce point de vue puisqu'aussi bien chacune d'entre elles pourrait être conduite par d'autres entités : l'INAO, par exemple, pour la gestion des notifications, les services statistiques et d'étude du ministère de l'agriculture et, d'ailleurs, du ministère de l'écologie ou encore de l'INRA pour la composante correspondante, les professionnels pour la promotion de l'agriculture biologique avec l'appui des structures publiques chargées de ce type d'action.

Que l'agence bio ait eu un temps sa justification comme point d'ancrage d'une politique naissante n'est guère discutable, mais la question de son adéquation aux enjeux de l'agriculture biologique d'aujourd'hui doit être posée.

Cela apparaît d'autant plus souhaitable qu'au-delà des difficultés crées par les modalités de sa gouvernance, la coexistence de missions éventuellement contradictoires représente une autre sérieuse difficulté, difficulté encore accrue par le développement de sa fonction de financeur dans le cadre d'un « fonds avenir bio » auquel l'agence est censée apporter une expertise dont les moyens semblent lui manquer , et dont la gestion , malgré les précautions prises pour prévenir toute dérive, mériterait un audit .

(2) La gestion du fonds avenir bio, un besoin d'audit

La structure des dépenses de l'agence bio s'est déformée au profit d'une augmentation des moyens consacrés à la structuration des filières qui ont absorbé les ressources nouvellement attribuées à l'agence bio sans, pour autant, que les ressources internes consacrées à la gestion des engagements du fonds n'aient réellement suivi.

En 2013, même si les actions de communication absorbaient une proportion considérable (31 %) des ressources de l'agence bio, les actions de structuration des filières appuyées sur les ressources logées dans le « fonds avenir bio» occupaient la première place (59 %) des dépenses de l'organisme. L'abondement du fond « Avenir Bio » passé à 8 millions d'euros a accentué cette situation.

La gouvernance du « fonds avenir bio » a été entourée d'un luxe de précautions mais l'emploi des ressources publiques qui sont attribuées au fonds mériterait un audit complet.

Parmi les précautions l'on citera que :

- le fonds s'appuie sur la procédure d'appel à projet ;

- en outre, au sein de l'agence, a été constitué un « comité Avenir Bio » spécifiquement chargé (à côté des instances que sont le conseil d'administration, le grand conseil d'orientation du bio et quatre commissions thématiques) de statuer sur les dossiers de demande d'intervention du fonds. Le comité est composé de représentants des ministères de l'agriculture et de l'écologie, du conseil d'administration, des interprofessions et du « club des financeurs ». Le contrôle général économique et financier (CGEFI) est associé aux travaux du comité.

Ces deux caractéristiques n'ont pas empêché que parmi les objectifs du nouveau COP de l'agence bio figurent, dans le prolongement des recommandations du CGAAER, une amélioration des modalités de gestion et d'instruction des dossiers présentés au financement du fonds avenir bio, une amélioration de la programmation pluriannuelle et de son suivi, un renforcement du suivi et de l'évaluation du fonds, une meilleure articulation avec les autres financeurs et la poursuite du renforcement du dispositif d'information sur les financements accessibles.

Vos rapporteurs spéciaux souhaitent ajouter la nécessité d'un meilleur compte rendu de l'emploi des fonds publics qui alimentent en totalité le fonds.

Sur ce point, l'information est en effet particulièrement sommaire, les données disponibles se bornant à quelques vagues informations illustrées par le contenu du bilan des interventions du fonds entre 2008 et 2015.

On y relève que le fonds intervient au soutien de projets relevant essentiellement d'investissements matériels ou immatériels mais également d'études de marché, autour de thématiques générales visant à renforcer l'offre, faire émerger des économies d'échelle et sécuriser les débouchés.

Répartition de la programmation du fonds

Source : Agence bio

Ces thématiques sont adaptées aux besoins de développement de l'agriculture biologique, la question demeurant posée de savoir comment elles sont déclinées en pratique et quelle est la valeur ajoutée du financement public apporté au fonds.

Les interventions du fonds se sont élevées à 99,3 millions d'euros dont 22,7 millions d'euros de crédits publics.

Le bilan présenté indique que le fonds a permis de soutenir 75 projets « multipartenariaux » et « multiterritoriaux » avec 360 partenaires (mais la plaquette se réfère aussi à 160 partenaires 91 ( * ) ) impliqués. Au vu du nombre des entités engagées dans l'agriculture biologique, le nombre est faible, sans que l'agence n'en soit nécessairement responsable.

Selon qu'on se réfère au chiffre bas (160) ou au chiffre élevé (360), on remarque qu'en moyenne, chaque projet a mobilisé entre 2,1 et 4,8 intervenants ce qui traduit un « multipartenariat » encore mesuré et une taille moyenne des projets assez modeste (1,3 million d'euros en moyenne, dont à peu près 300 000 euros de fonds publics), moyenne qui, la dispersion des interventions n'étant pas publiée, ne permet pas de saisir la protée concrète des interventions du fonds.

Celles-ci ont principalement bénéficié à des transformateurs et à des structures d'accompagnement . La production primaire , y compris celle mise en oeuvre sous forme sociétaire, n'a mobilisé qu'un tiers des interventions .

Répartition des interventions du fonds

Source : Agence bio

Parmi les entreprises bénéficiaires, la plaquette publiée par l'agence bio mentionne des PME et des entreprises intermédiaires, sans plus de précisions.

Le fonds a apporté ses financements à une grande variété de productions, toutes les filières étant représentées, mais moyennant une forme de hiérarchie qui ne reflète pas celle de la production primaire en bio.

On relève que les grandes cultures et les monogastriques ont davantage profité de ses interventions que ce qu'annoncent leurs poids respectifs dans la production biologique, la situation s'inversant pour d'autres filières. Le coût variable des investissements venant à l'appui des filières est probablement à l'origine de cette discordance.

Répartition des interventions du fonds par filière

Source : Agence bio

Enfin, la répartition régionale (interrégionale en fait) des interventions du fonds a été caractérisée par la prédominance des financements accordés dans le sud du pays et dans son grand-ouest (plus de la moitié des financements).

Répartition territoriale des interventions du fonds avenir bio

Source : Agence bio

On peut, en croisant ces données, relever notamment que les productions de grandes cultures du bassin parisien « élargi » n'ont guère bénéficié des soutiens du fonds, ne les ayant peut-être guère sollicités, ce qui viendrait confirmer l'une des limites pratiques du projet de développement de l'agriculture biologique.

Les informations publiées sont essentiellement factuelles et ne disent pas grand-chose sur l'effet concret des interventions du fonds sur la capacité de production potentielle de l'agriculture biologique. À tout le moins, il serait souhaitable que des indicateurs économiques présentant l'activité des bénéficiaires soient restitués. De la même manière, les créances compromises mériteraient d'être recensées.

Cette dernière donnée devrait être intégrée à un renforcement de l'information financière fournie. À titre d'exemple, les conditions de coût, pour les bénéficiaires, des interventions des financeurs privés ne sont pas accessibles.

Ne le sont pas davantage les niveaux d'engagement de chacun des financeurs de sorte que l'implication des intermédiaires financiers dans le bio n'est pas documentée.

On retrouve là les problèmes , classiques dans le cadre de la gestion de fonds mêlant soutiens publics et financements privés, de maîtrise des risques et d'aléa moral.

Or, malgré la composition du comité de sélection des appels à projet, force est de relever que le défaut de renforcement significatif des équipes de l'agence bio chargées d'instruire les dossiers et l'absence de comptes rendus d'exécution adaptés n'invitent pas à conclure que ces problèmes sont anodins.

Enfin, l'articulation des interventions du « fonds avenir bio » avec d'autres fonds, comme ceux consacrés au financement de l'investissement en agriculture, ou avec d'autres crédits publics (ceux consacrés aux activités d'animation de l'agriculture biologique par le ministère de l'agriculture 92 ( * ) , des collectivités territoriales ou des entités relevant du ministère de l'écologie ou de la recherche, par exemple), reste à explorer, en dépit des initiatives mentionnées pour assurer une meilleure coordination avec des intervenants jouant un rôle important (FranceAgrimer, INAO...) dans le domaine de l'agriculture biologique.


* 85 Situation qui ne manque pas de créer de sérieux problèmes au regard de la préoccupation d'éviter des conflits d'intérêts (voir infra).

* 86 « Revue de l'INAO en amont du renouvellement de son contrat d'objectifs et de performance », CGAAER, septembre 2017 n° 16085.

* 87 Bien avant l'audit du CGAAER, la Cour des comptes avait publié un référé relatif à l'INAO en 2004 dont les recommandations, même si elles ont été suivies de certains effets, attendaient encore, selon le suivi effectué par la Cour des comptes en 2009, leurs prolongements complets. Cette attente demeure assez largement d'actualité sur certains points, en particulier quant à la construction d'une véritable comptabilité analytique (voir infra). Par ailleurs, la Cour des comptes avait pu relever que le plan de charge de l'INAO était assez largement grevé par son activité consultative relative à l'adoption des documents d'aménagement et d'urbanisme et aux autorisations d'installations dans les aires géographiques protégées.

* 88 Dont 175 fonctionnaires.

* 89 La notification est une déclaration d'activité obligatoire des opérateurs en agriculture biologique auprès de l'Agence Bio. Elle est nécessaire à la reconnaissance de la qualité d'opérateur en agriculture biologique et pour l'obtention des aides attribuées par l'État et les régions. La notification permet en outre, une fois l'engagement au respect du mode de production biologique validé par l'organisme certificateur, de figurer sur l'annuaire officiel des opérateurs notifiés en agriculture bio.

* 90 « Revue de l'Agence Bio en amont du renouvellement de son contrat d'objectifs et de performance » ; rapport n° 16 081, CGAAER, octobre 2017.

* 91 On ne sait que choisir.

* 92 Vos rapporteurs spéciaux ont été rendus sensibles aux difficultés rencontrées par la FNAB pour accéder à des financements qui lui permettraient de conforter son activité de diffusion des pratiques biologiques.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page