C. LA CNCCFP ET SON ENVIRONNEMENT : POUR UN RENFORCEMENT DE « L'ESPRIT DE FACILITATION » AU SERVICE DES ASSUJETTIS ET DES CITOYENS

Les missions de la CNCCFP la conduisent à exercer un rôle de défense de l'intérêt général qui trouve des prolongements très concrets pour son environnement, qu'il s'agisse des assujettis ou de l'opinion publique.

Cette dimension des missions de la CNCCFP n'a pas été ignorée par celle-ci.

Toutefois, les dispositions prises pour ajouter au caractère « répressif » de l'action de la commission un aspect plus marqué par une préoccupation de service rendu à son environnement pourraient être renforcées.

1. Les décisions de la CNCCFP sur les comptes de campagne ne sont contestables que moyennant des voies conjecturales

Les décisions de la CNCCFP sur les comptes de campagne d'un candidat peuvent être contestées par le candidat lui-même, à l'exclusion de toute autre personne. En particulier, un candidat concurrent ne peut contester les décisions rendues par la CNCCFP.

Cette situation peut engendrer des frustrations que les candidats concurrents peuvent tenter de surmonter en saisissant le juge de l'élection.

Dans ces conditions, les recours formés devant le juge de l'élection peuvent être l'occasion d'un quasi-contrôle juridictionnel sur les décisions de la CNCCFP à la disposition des personnes admises à agir.

Le juge de l'élection les définit assez largement puisqu'il s'agit des personnes susceptibles de participer au suffrage.

Il existe ainsi une voie de recours citoyen sur les décisions de la CNCCFP dont il faut garder à l'esprit qu'elles conditionnent notamment l'accès au remboursement forfaitaire sur crédits publics.

Toutefois, le recours au juge de l'élection n'est pas équivalent à la voie de droit qui consisterait à contester directement les décisions de la CNCCFP quel que soit leur sens.

Le recours au juge de l'élection ne peut pas aboutir à une contestation par un tiers des décisions de la CNCCFP concernant un candidat battu.

En outre, malgré la prise en compte de plus en plus forte des réglementations financières applicables à la vie politique, le juge de l'élection peut avoir tendance à se focaliser davantage sur les enjeux principaux auxquels il doit répondre (le sort de l'élection, le statut du candidat au regard de l'éligibilité) qu'à des enjeux strictement financiers.

Ces derniers du reste sont susceptibles de lui opposer les mêmes difficultés substantielles que celles que rencontre la CNCCFP 88 ( * ) .

2. La CNCCFP est de plus en plus soumise à une transparence à laquelle elle se prête généralement mais des évolutions supplémentaires doivent être envisagées
a) L'accompagnement des candidats aux élections

La CNCCFP a pris l'heureuse habitude de diffuser auprès des candidats aux élections des guides rappelant, avec un certain détail, les règles qui leur sont prescrites.

Il s'agit en somme de quasi-circulaires qui présentent une réelle utilité. Par ailleurs, la CNCCFP indique mettre à la disposition des candidats un service d'expertise auprès duquel ils peuvent obtenir des éclaircissements sur tel ou tel point de la réglementation.

Il conviendrait de renforcer ces procédures.

Si les guides présentent une utilité réelle ils ne peuvent épuiser la casuistique, au demeurant mouvante, des situations que peuvent rencontrer des candidats, desquels, au demeurant, on ne peut pas demander une connaissance parfaite des déclinaisons ponctuelles d'une réglementation foisonnante et qui voit, du reste, s'instaurer parfois des conflits d'interprétation entre la CNCCFP et les juges de l'élection.

Une professionnalisation des conseils émanant des services de la CNCCFP s'impose.

En outre, alors qu'à ce jour les informations sollicitées par les candidats ne lient pas le collège de la CNCCFP, il pourrait être utile de progresser vers l'instauration d'un système de rescrits.

Même s'il peut présenter quelques lourdeurs, il pourrait être envisagé de l'instaurer sur une base au besoin modulée selon les enjeux des problèmes rencontrés par les candidats pour la compétition électorale et la conformité des comptes.

On ne doit pas cacher que la question de son opposabilité devant le juge de l'élection devrait alors être tranchée.

b) L'accompagnement des formations politiques

Les conseils comptables des formations politiques sont naturellement les commissaires aux comptes. La CNCCFP n'intervient qu'une fois les formalités de dépôt des comptes censées avoir été satisfaites.

Si jusqu'à présent, ce cadre d'action qui s'est accompagné d'un « dialogue » entre la CNCC et la CNCCFP, a pu être considéré comme satisfaisant, l'approfondissement des obligations comptables des partis politiques, au demeurant consolidées par la nature réglementaire des normes comptables applicables, pourrait conduire à susciter des demandes plus nourries de clarifications.

Elles pourraient se trouver comblées par une intensification des échanges entre la CNCC et la CNCCFP ou encore, par un accès plus direct des commissaires aux comptes des formations politiques à la CNCCFP.

c) La publicité des délibérations de la CNCCFP

La commission dispose d'un pouvoir d'appréciation plus ou moins étendu selon les problématiques rencontrées. Il n'est pas question ici de le déplorer puisqu'aussi bien l'entière détermination de ses décisions pourrait aboutir à des situations très peu souhaitables.

On l'a évoqué en mentionnant la modulation ouverte à la commission dans le cadre des suites données à ces contrôles.

Il s'agit certainement d'une avancée mais qui n'est pas sans limites et qui mériterait d'être complétée par d'autres initiatives qui pourraient concerner d'autres aspects de la doctrine mise en oeuvre par la commission dès les stades amont au cours desquels elle arrête les comptes de campagne et s'inscrit dans le processus qui finit par la publication des comptes des formations politiques.

Des progrès de transparence semblent cependant devoir être accomplis. Si aucun élément objectif ne permet de prétendre que le processus décisionnaire de la commission soit biaisé, et encore moins vicié par des intentions quelconques, il reste que le nombre considérable des comptes à examiner, et les conditions difficiles de cet examen, peuvent aboutir à des variabilités.

Une publication des délibérations de la commission pourrait constituer un élément de progrès, parmi d'autres déjà évoqués. Elle pourrait contribuer à fournir un étai durable à l'exigence d'harmonie des décisions, en particulier pour les décisions les plus lourdes d'enjeux (par exemple, les décisions de rejet des comptes de campagne ou de fortes modulations).

Cette publication ne devrait pas poser de problèmes juridiques excessifs dès lors qu'une anonymisation systématique assure la protection des personnes en cause. Le Conseil d'Etat dans une décision n° 382083 du 27 mars 2015 a confirmé une décision d'un tribunal administratif contestée par la CNCCFP lui enjoignant de faciliter la consultation d'une procédure contradictoire portant sur un compte de campagne.

d) Les saisines du juge de l'élection par la CNCCFP

La CNCCFP doit saisir le juge de l'élection dans un certain nombre de cas, cette obligation tendant à conférer à certaines de ses décisions, sans suites judiciaires appréciables, des conséquences pratiques lourdes pour des candidats tenus de se défendre devant les juridictions.

Il convient de vérifier que dans ces situations les personnes déférées puissent bénéficier de toutes les protections de la loi.

En particulier, les frais exposés pour leur défense doivent pouvoir être assumés, en tout ou partie, par l'État.

En plus de cette recommandation, il serait justifié d'explorer les voies de la définition d'un « de minimis » autour de la reconnaissance de l'absence d'enjeux présentés par certaines irrégularités. Ce « de minimis », qui pourrait être sécurisé par le recours à un système de présomptions, les unes irréfragables, les autres simples, et qui, sans doute, est déjà mis en oeuvre par la commission (voir supra ), pourrait gagner à être mieux formalisé. Il appelle l'intervention du législateur.

e) Le raccourcissement des délais mobilisés par la commission pour accomplir ses missions

L'activité de la commission relativement aux comptes de campagne est enfermée dans des délais (variables ainsi qu'on l'a relevé plus haut). Ce n'est pas le cas pour la mission de publication des comptes des partis politiques.

Il est évident qu'un objectif de rapidité doit être poursuivi. Il recèle différents enjeux, dont certains sont liés au contrôle, d'autres à l'information citoyenne 89 ( * ) , d'autres encore à la répartition de l'aide publique aux partis politiques 90 ( * ) .

On doit également observer que, du fait des dispositions législatives adoptées en 2017, la CNCCFP n'assure plus la publication sommaire des comptes mais la publication des comptes tels que déposés.

On peut considérer que la publication des comptes des partis politiques relatifs à l'année 2018, qui n'est intervenue qu'en février 2020, est trop tardive.

On doit relever pour s'en féliciter que, s'agissant des comptes de campagne, des obligations formelles de publication soient intervenues pour en faciliter la « lecture » ouverte.

Cependant, l'objectif de célérité doit être concilié avec le maintien de la qualité des missions exercées par la CNCCFP. L'on a indiqué que tel n'était pas nécessairement le cas actuellement.

L'ensemble de ces éléments invitent à souhaiter qu'un renforcement des moyens de la CNCCFP intervienne, notamment pour assurer la publication des comptes des formations politiques.

Sans que cette proportion doive être gravée dans le marbre, la CNCCFP indique que 30 % de ses effectifs sont usuellement employés aux missions relatives aux comptes des partis politiques. Les tâches consistant à rendre anonymes les informations seraient lourdes et fortement consommatrices de moyens.

Il faut donc également se féliciter que des innovations plus qualitatives soient sur le point d'intervenir dans le contexte de dématérialisation des données échangées.

Votre rapporteur spécial souhaite que ces derniers progrès, trop longtemps retardés, franchissent les étapes nécessaires tout en appelant à ce qu'elles soient entourées des meilleures sécurités accessibles.

Quant aux comptes de campagne, ils sont justiciables des mêmes recommandations, auxquelles il faut ajouter celle d'assurer une plus forte proactivité des missions de la CNCCFP.


* 88 À cet égard, il pourrait être d'un certain intérêt que les délibérations du juge de l'élection « sur le siège » soient rendues publiques, la motivation des décisions apportant sans doute des garanties mais qu'une publicité des séances renforcerait tout en permettant un accès plus détaillé aux données des affaires, accès didactiquement utile.

* 89 Les comptes des partis ne sont communicables qu'après la publication au Journal Officiel.

* 90 Des problèmes concrets se sont ainsi posés à la suite des élections de 2017, résolus par la distribution d'avances (voir le rapport budgétaire de votre rapporteur spécial sur le projet de loi de finances pour 2019 portant sur la mission AGTE).

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