II. RENFORCER ET PROTÉGER LE CAPITAL DES ENTREPRISES INDUSTRIELLES

5. Transformer une partie de la dette des entreprises en quasi-fonds propres

L'arrêt quasi-total de l'activité industrielle française dans les premiers jours de la crise sanitaire a fortement pesé sur la trésorerie des entreprises. Si un soutien public s'est rapidement organisé afin de leur permettre de contracter des prêts garantis par l'État pour faire face à leurs échéances les plus proches ; il n'en reste pas moins que l'endettement qui en résulte sera un poids durable au bilan des entreprises. L'industrie française, en particulier les PME, se caractérisait dès avant la crise par un taux d'endettement important, avec un encours de crédit total de près de 142 milliards d'euros. Dans le secteur sidérurgique par exemple, caractérisé par des coûts fixes très importants, près d'une entreprise sur quatre était endettée à plus de 50 % de ses actifs en 2018.

L'endettement additionnel provoqué par la crise économique liée au coronavirus - estimé à environ 66 milliards d'euros de prêts garantis par l'État sur l'ensemble des secteurs économiques, contractés à 81 % par des PME et des TPE - risque donc de compliquer durablement l'accès des petites entreprises industrielles aux marchés bancaires - certaines ayant déjà, on l'a vu, peiné à obtenir des prêts en dépit de la garantie publique - et surtout d'obérer leur capacité d'investissement . L'INSEE prévoit ainsi une chute de près de 10 points de l'investissement des entreprises industrielles en 2020.

Afin de rendre leur bilan plus lisible, et d'assurer leur solidité financière à long terme, la cellule « Industrie » propose de transformer une partie de la dette des PME et TPE, contractée en raison des pertes d'activité liées à la pandémie au cours des derniers mois, en quasi-fonds propres. Cette solution pourrait être mise en oeuvre soit à l'échelle de chaque entreprise ; soit par l'intermédiaire d'un fond public garanti par l'État qui reprendrait ces créances, voire les titriserait à long terme. Elle pourrait cibler en priorité les secteurs industriels stratégiques et prioritaires pour la relance, tels que l'automobile, l'aéronautique ou encore les équipements électriques et électroniques.

6. Intensifier temporairement le contrôle de l'investissement étranger en France

La crise économique liée à la pandémie de coronavirus, de même que la relance à venir, s'inscrivent dans un contexte de concurrence mondiale exacerbée entre les grandes puissances économiques , en particulier les États-Unis, la Chine et l'Union européenne. Le regain de fragilité de certaines entreprises industrielles, lié à un nouvel encours de crédit, à une moindre performance commerciale ou encore à un trop faible niveau de fonds propres les exposera à un risque accru de prédation par des acquéreurs opportunistes.

Si l'investissement étranger peut contribuer au développement des PME et ETI françaises, en consolidant leurs fonds propres et en leur offrant de nouveaux marchés, il peut aussi avoir pour objet le transfert de savoir-faire ou de technologies vers des compétiteurs et des pays tiers. La France compte de nombreuses entreprises industrielles innovantes, positionnées sur des segments de marchés stratégiques ou essentiels à la souveraineté économique. Par exemple, les équipementiers automobiles ou aéronautiques comptent parmi les plus performants au monde et approvisionnent toute une filière, engageant souvent d'énormes montants dans la R&D. L'industrie de défense française repose aussi sur un petit nombre de producteurs de pièces stratégiques, dont il importe de conserver la fabrication sur le sol national.

Au vu de la situation exceptionnelle, et de la fragilité accrue d'un certain nombre de ces entreprises, la cellule « Industrie » recommande d'intensifier temporairement le contrôle de l'investissement étranger dans les entreprises françaises. Elle propose un abaissement du seuil de prise de participation dans une société déclenchant le contrôle du ministre de l'économie, en le portant à 10 % contre 25 % actuellement. Cette mesure temporaire permettra d'affiner le maillage du dispositif d'autorisation préalable, en faisant entrer dans son champ des opérations d'acquisition de participations même à faible hauteur.

7. Renforcer les fonds d'investissement en fonds propres associant public et privé

Les petites et moyennes entreprises industrielles françaises se démarquent par la faiblesse de leurs fonds propres. Pourtant, l'accroissement des fonds propres représente un moyen de financement au même titre que la dette. Cette faiblesse est souvent citée comme l'une des raisons pour lesquelles les PME françaises peinent à se développer, à se transformer en ETI et à conquérir de nouveaux marchés.

Si Bpifrance intervient de longue date auprès des industriels afin d'apporter des fonds propres aux entreprises en développement, la fragilité accrue des entreprises en raison de la crise économique liée à la pandémie de coronavirus appelle à augmenter la « force de frappe » du soutien public en fonds propres, aux côtés des grands industriels français.

La cellule « Industrie » appelle donc à développer davantage et dans tous les secteurs industriels verticaux les fonds d'investissement en fonds propres associant acteurs publics et privés.

Ceux-ci ont déjà démontré leur efficacité, comme « Aerofund » dans l'aéronautique ou le Fonds Avenir Automobile (FAA). Dotés à la fois par les grands constructeurs, comme Airbus ou PSA, par les principaux équipementiers, mais aussi par la Caisse des dépôts et Bpifrance, ils ont pour but d'investir dans les fournisseurs de rangs 1 et 2, dans un esprit de renforcement de la filière dans son ensemble. L'annonce du Président Emmanuel Macron d'un fonds d'investissement public-privé de 600 millions d'euros dans la filière automobile s'inscrit dans cette logique, de même que l'étude d'un « Aerofund 4 » de près de 500 millions d'euros. Il faut reproduire ce modèle d'investissement partenarial en fonds propres et le diffuser à d'autres secteurs industriels, par exemple dans le secteur de l'électronique ou l'approvisionnement en pièces détachées qui sont d'importance stratégique.

Plusieurs fonds d'investissement existent déjà à l'échelle régionale, comme l'Institut régional de développement industriel de Midi-Pyrénées (IRDI), partenaire de Bpifrance. Ceux-ci pourraient être abondés par l'État ou Bpifrance afin d'augmenter leurs capacités dans le contexte de la relance .

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