C. UN PLAN DE RELANCE AMBITIEUX DOIT ÉLOIGNER LE SPECTRE DE LA FAILLITE, RENFORCER LES FONDS PROPRES DES ENTREPRISES, SOUTENIR LA TRANSITION NUMÉRIQUE DES PME ET PROMOUVOIR L'APPRENTISSAGE

Les rapporteurs rappellent qu' aucune PME, aucun commerçant ou artisan, n'observera de relance de son activité sans une demande solvable . Alors que la crise entame le pouvoir d'achat, que le chômage augmente et que les incertitudes conduisent les consommateurs à épargner par précaution, ils soulignent que la problématique du pouvoir d'achat des clients est absolument centrale et ne saurait être traitée comme un sujet secondaire . L'ensemble des efforts fournis (humains et financiers) pour soutenir les PME serait annihilé si l'exécutif ne plaçait pas ce sujet au coeur du plan de relance. Une réflexion large en la matière doit donc être engagée au plus vite , par exemple autour du thème de la baisse de TVA pour certains secteurs, ce que l'Allemagne a acté dès le début de la crise.

Au-delà, un plan de relance ambitieux doit traiter quatre autres priorités et renouer avec un volontarisme économique audacieux.

Premièrement , la relance du commerce et de l'artisanat n'a de sens que si la crise n'a pas conduit à la faillite préalable de ces PME. Si le nombre de ces faillites nombre a pu être contenu durant le confinement, l'extinction des mesures de soutien , à partir du mois de juin, entraînerait inévitablement au deuxième semestre 2020 des destructions d'emplois , de capital et, in fine , de valeur , du fait notamment des impayés et de l'endettement des commerçants et artisans. Considérer le 11 mai comme un retour à la normale reviendrait à commettre une cruelle erreur d'interprétation.

Les mesures de soutien spécifiques à certains secteurs (exonérations de charges, maintien du chômage partiel, élargissement du Fonds de solidarité), aussi légitimes soient-elles, ne sauraient donc se limiter aux entreprises interdites d'accueil du public , et ainsi introduire une inégalité de traitement, alors que :

- d'une part, de nombreux secteurs dépendent en tout ou partie de ces entreprises (les brasseurs vis-à-vis des restaurateurs, par exemple, mais aussi le commerce de gros) ;

- d'autre part, une partie des PME autorisées à rouvrir va continuer d'enregistrer des baisses d'activité de plus de 50 % durant les mois à venir , soit du fait du recul de la demande ou de la limitation de la capacité d'accueil de la clientèle, soit car des maillons de la chaîne d'approvisionnement ont disparu ou sont désorganisés.

Deuxièmement , la dette (bancaire, fiscale, sociale, commerciale, etc.) ne pouvant être l'horizon indépassable du soutien public au commerce et à l'artisanat, il importe de diversifier les outils de soutien et de développement, afin de rétablir les capacités d'investissement de ces entreprises et de renforcer leur solvabilité. De tels dispositifs peuvent prendre la forme de prêts participatifs ou d' obligations convertibles . La nécessité de renforcer les fonds propres des entreprises est largement reconnue pour les grandes entreprises, mais insuffisamment traitée pour les PME.

Troisièmement, les commerçants et artisans doivent être durablement accompagnés dans la transition numérique et le commerce de proximité doit être revalorisé. La crise illustre la nécessité vitale pour les commerçants d'être visibles sur internet et de proposer des ventes en ligne et rappelle cruellement que nos PME souffrent d'un retard préjudiciable en matière de numérisation, ainsi qu'un récent rapport de la Délégation aux entreprises du Sénat l'a souligné 5 ( * ) .

À titre d'exemple, la mise en place de click and collect par les enseignes non-alimentaires a ainsi permis d'assurer en moyenne 25 % de leur chiffre d'affaires habituel. Surtout, le confinement semble avoir accéléré certaines évolutions des habitudes de consommation, rendant d'autant plus urgente l'appropriation par les commerçants des outils numériques, un Français sur cinq ayant « acheté une nouvelle catégorie de produits en ligne pendant le confinement 6 ( * ) ».

- 70 % des consommateurs achètent et paient en ligne, 12,5 % seulement des PME vendent en ligne ;

- 45 % des dirigeants de PME n'ont pas de vision pour leur entreprise en matière de transition numérique ;

- 25 % du CA habituel réalisé en click & collect par le non alimentaire pendant la crise.

Quatrièmement , l'apprentissage doit être soutenu afin d'éviter la perte de compétences et de capital humain et assurer un bon appariement de l'offre et de la demande sur le marché du travail. Avant la crise, il connaissait un essor important, le nombre d'apprentis s'établissant en effet à 491 000 fin 2019, soit une hausse de 16 % par rapport à 2018.

Or les incertitudes liées à la crise vont dégrader cette bonne dynamique, ce qui a des répercussions graves à moyen terme : les contrats non signés en 2020 se traduiront par autant de compétences en moins durant les années à venir. Le déficit de compétences se fera donc sentir précisément au moment où la France tentera de renouer avec une trajectoire positive de sa croissance économique.

Ne pas soutenir l'apprentissage aurait, en outre, un coût social et budgétaire très élevé : un plan de soutien aux centres de formation des apprentis serait alors nécessaire, des dépenses sociales à destination des jeunes les plus précaires sans contrat (garantie jeunes) seraient engagées, de moindres recettes sociales (les entreprises payant des cotisations sur les contrats) et fiscales (l'apprenti consommant son revenu) seraient enregistrées.


* 5 Les données chiffrées proviennent du rapport d'information n° 635 fait au nom de la délégation aux entreprises sur l'accompagnement de la transition numérique des PME : comment la France peut-elle rattraper son retard ?, présenté par Mme Pascale Gruny.

* 6 Etude Yougov pour Keley Consulting, relayée par le site spécialisé LSA : https://www.lsa-conso.fr/coronavirus-comment-le-click-collect-et-le-drive-s-imposent-dans-le-non-alimentaire,347784

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