B. LES SOLUTIONS ENVISAGÉES POUR ÉCARTER LES MOTIFS D'INCOMPATIBILITÉ SOULEVÉS PAR LA CJUE

Pour répondre aux objections de la CJUE dans son avis 2/13, les solutions suivantes sont envisagées :

- sur le mécanisme du codéfendeur : pour le contrôle de plausibilité, il est proposé que la Cour européenne des droits de l'Homme informe systématiquement l'Union et ses États membres en cas de recours les concernant, et que ceux-ci disposent d'un droit inconditionnel, sur simple demande, à devenir codéfendeur. Il est également prévu d'exclure la possibilité pour cette Cour de déroger de sa propre initiative à la règle de la responsabilité conjointe du défendeur et du codéfendeur, ce qui permet de répondre à l'autre objection soulevée par la CJUE. Certaines exceptions à la règle de la responsabilité conjointe seraient toutefois prévues : d'une part, le codéfendeur pourrait se retirer de la procédure de sa propre initiative ; d'autre part, dans le cas où un État membre aurait émis une réserve sur la disposition dont la violation est alléguée, il ne pourrait être tenu responsable de cette violation en tant que codéfendeur. En tout état de cause, un tel État membre ne pourrait être mis en cause en tant que défendeur ;

- sur le mécanisme de l'implication préalable : la solution proposée prévoit que, lorsque l'Union est codéfendeur, elle dispose d'un droit inconditionnel à demander la mise en oeuvre de l'implication préalable. En outre, il est précisé que le mécanisme de l'implication préalable ne concerne pas seulement la validité, mais également l'interprétation du droit dérivé ;

- sur l'articulation entre l'article 344 du TFUE et les procédures prévues à l'article 33 de la CEDH et le Protocole n° 16 de la CEDH : une information de l'Union est prévue dans l'hypothèse où un recours serait introduit par un État membre contre un autre sur le fondement de l'article 33 de la CEDH ou un avis serait demandé par une juridiction d'un État membre sur le fondement du Protocole n° 16. En outre, la procédure devant la Cour européenne des droits de l'Homme serait suspendue si l'Union lui faisait savoir qu'une procédure en manquement a été introduite contre l'État membre à l'origine du recours. Dans ce cas, l'Union informerait la Cour de l'issue de cette procédure en manquement. En cas de constat que l'État membre en cause a manqué à ses obligations au titre du droit de l'Union en introduisant le recours devant la Cour de Strasbourg, le litige devant cette Cour devrait être radié. Dans le cas inverse, la procédure devant la Cour reprendrait. Le mécanisme de l'implication préalable ne s'appliquerait pas dans le cas d'une demande d'avis consultatif sur le fondement du Protocole n° 16 ;

- sur la coordination entre l'article 53 de la CEDH et l'article 53 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : il est proposé de préciser que l'utilisation des pouvoirs conférés aux États membres par l'article 53 de la CEDH est limitée par les obligations découlant du droit de l'Union, telles qu'interprétées par la CJUE ;

- sur le principe de confiance mutuelle : il est proposé de reconnaître l'importance fondamentale du principe de confiance mutuelle entre les États membres de l'Union et de prévoir qu'en application de ce principe, lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit de l'Union, les États membres peuvent être tenus, en vertu de ce même droit, de présumer le respect des droits fondamentaux par les autres États membres ;

- sur la PESC : il est prévu que l'Union et un État membre puissent faire une déclaration commune permettant de considérer qu'un acte de l'Union est un acte de cet État membre. Dans ce cas, il est prévu que le recours contre cet acte devant la Cour européenne des droits de l'Homme soit considéré comme dirigé contre cet État membre. La procédure devant cette Cour serait alors suspendue pour une durée à déterminer et s'étendant jusqu'à l'épuisement des voies de recours internes si un tel recours est introduit. Cette solution permettrait de soustraire l'Union au contrôle de la Cour de Strasbourg pour les actes PESC qui échappent à la compétence de la CJUE, en prévoyant un mécanisme par lequel un ou des États membres se substituent à l'Union comme défendeur. Afin d'éviter qu'en raison de cette réattribution du litige à un État membre en lieu et place de l'Union, le requérant se voit opposer la règle de l'épuisement préalable des voies de recours internes, une suspension de la procédure de la Cour européenne des droits de l'Homme est prévue le temps nécessaire à la résolution du litige par les juridictions nationales.

De nombreux interlocuteurs, tant bruxellois que strasbourgeois, rencontrés par les rapporteurs ont insisté sur l' importance des effets du contrôle externe des actes PESC dans un contexte marqué par l'imbrication croissante de compétences entre l'Union européenne et ses États membres, qui pourrait donner lieu à de nouveaux contentieux . Plusieurs d'entre eux ont notamment cité les activités de Frontex, dont beaucoup ont un lien étroit avec le respect des droits fondamentaux. Or, il existe actuellement des incertitudes sur la responsabilité de Frontex dans l'hypothèse où, par exemple, cette agence européenne bafouerait les droits fondamentaux d'un migrant au cours d'une opération.

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