B. L'ENJEU SÉCURITAIRE

Outre le risque sanitaire, un deuxième motif d'inquiétude préoccupait la mission de suivi au début du confinement : la crainte que des tensions, voire des mutineries, résultant notamment de la dégradation des conditions de détention, ne remettent en cause la sécurité en prison.

Des violences graves se sont parfois produites, notamment à la prison d'Uzerches, en Corrèze : le 22 mars, près de 200 détenus sont parvenus à prendre le contrôle, pendant plusieurs heures, d'un des bâtiments composant cet établissement. L'intervention de l'équipe régionale d'intervention et de sécurité (ERIS), appuyée par la gendarmerie, a été nécessaire pour rétablir l'ordre.

Dans la plupart des établissements, les tensions ont pris la forme de refus de réintégrer les cellules à la fin de la promenade, ce refus pouvant s'accompagner de dégradations. De tels incidents ont notamment été rapportés dans les prisons de Bois d'Arcy (Yvelines), de Nanterre (Hauts-de-Seine), de Villefranche-sur-Saône (Rhône), à Lyon-Corbas, à Aiton (Savoie), à Grenoble et Reims, à Béziers, à Sequedin près de Lille, aux Baumettes à Marseille, à Draguignan, au Mans ou encore à Varenne-le-Grand (Saône-et-Loire).

L'administration pénitentiaire a cependant réussi à conserver la maîtrise de ces événements, qui n'ont pas donné lieu à des évasions, et le calme paraît revenu en détention depuis la fin du mois de mars.

L'administration pénitentiaire a répondu à ces troubles par un mélange de fermeté (140 sanctions disciplinaires), d'accompagnement social et de pédagogie pour expliquer aux détenus les raisons des décisions prises.

Pour permettre aux détenus de conserver le lien avec leurs proches, chaque détenu a reçu un forfait téléphonique de 40 euros par mois (ce qui correspond à onze heures de communication en France métropolitaine vers une ligne fixe et à cinq heures vers un téléphone portable), la gratuité de la télévision a été accordée et une aide de 40 euros par mois versée aux détenus les plus démunis pour leur permettre de « cantiner 60 ( * ) ».

La mission de suivi accueillerait favorablement un geste supplémentaire de l'administration pénitentiaire tendant à accorder la gratuité des communications téléphonique aux détenus, comme le propose la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté, de manière à ce qu'ils puissent conserver un lien fort avec leurs familles . L'arrêt du travail en détention, sauf pour les missions relevant du service général (entretien des locaux et restauration), a en outre réduit les ressources de nombreux détenus, qui ne sont pas éligibles au dispositif de l'activité partielle, puisqu'ils ne sont pas titulaires d'un contrat de travail,. Cette situation inédite pose la question plus générale des règles de droit social, dérogatoires du droit commun, applicables au travail en détention.

Les enseignants de l'éducation nationale qui interviennent habituellement en détention ont cessé de s'y rendre depuis le début du confinement. L'absence de connexions internet complique le travail à distance avec les jeunes détenus, dont le niveau scolaire est très hétérogène. Ceci plaide pour une reprise des cours si possible dès le mois de mai, dans des conditions compatibles avec la sécurité sanitaire . Si les groupes d'élèves sont généralement très réduits en détention, il reste à s'assurer que la configuration des locaux permet de respecter les distances de sécurité. Dans l'attente, il est souhaitable que les éducateurs de la PJJ assurent un suivi pédagogique. Dans ce cadre, il pourrait être fait plus largement usage de certains outils, tels que des tablettes éducatives, verrouillées pour éviter que les élèves aillent sur internet, qui permettent une progression par niveau.

Les témoignages recueillis par les rapporteurs suggèrent que la distribution de masques, à compter du 28 mars, a également contribué à l'apaisement du climat en détention en rassurant les détenus sur le risque de contamination. Lors de son audition, la garde des sceaux, Nicole Belloubet, a souligné que tous les surveillants portent désormais un masque de protection lorsqu'ils sont dans une situation de contacts directs et prolongés avec les détenus. Les détenus qui distribuent les repas sont également pourvus de masques. La continuité de l'approvisionnement paraît assurée puisqu'une production de masques est assurée dans certains ateliers pénitentiaires.

Les dispositions de l'ordonnance n° 2020-303 du 23 mars 2020, qui ont exclu du bénéfice des mesures de réduction de peine les détenus ayant participé à des actions de mutinerie, ont aussi favorisé le retour au calme dans les établissements pénitentiaires. L'ordonnance a prévu que les juges de l'application des peines pouvaient octroyer une réduction supplémentaire de la peine d'une durée maximale de deux mois et qu'ils pouvaient assigner à leur domicile les détenus qui doivent effectuer un reliquat de peine d'une durée inférieure à deux mois 61 ( * ) .


* 60 La cantine désigne la possibilité pour un détenu d'acheter en prison des produits de la vie courante.

* 61 Les personnes condamnées pour crime, dans des affaires de terrorisme ou pour violences au sein du couple ne peuvent bénéficier de ces dispositions.

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