B. L'ORGANISATION DE LA PREMIÈRE RÉUNION DU CONSEIL MUNICIPAL

La réunion d'installation permet de « mettre en route » le conseil municipal en élisant le maire et ses adjoints .

Contrairement à d'autres réunions, cette première réunion du conseil municipal devra se tenir en présentiel , non en visioconférence.

D'une part, le caractère secret du scrutin 85 ( * ) doit être préservé, ce qui exclut un vote à main levée par visioconférence . L'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalités (AMF) confirme que la « suppression du scrutin secret (...) ne paraît pas une bonne solution, notamment dans la perspective de la bonne cohésion des équipes municipales » 86 ( * ) . Cet enjeu est particulièrement important dans les communes de moins de 1 000 habitants, dans lesquelles il n'existe pas nécessairement de « tête de liste ».

D'autre part, le Gouvernement a écarté la possibilité d'utiliser un dispositif de vote électronique pour élire le maire et ses adjoints .

L'hypothèse d'un vote électronique

La loi d'urgence du 23 mars 2020 habilitait le Gouvernement à légiférer par ordonnances, dans un délai d'un mois, afin de prévoir « toute forme appropriée de vote à l'urne ou à distance » pour l'élection des exécutifs municipaux.

Le 14 avril dernier, la mission de suivi a entendu trois prestataires de vote électronique afin de mieux connaître leurs solutions techniques, dont certaines sont utilisées pour les élections professionnelles et notamment pour des ministères ayant des effectifs nombreux et répartis sur tout le territoire comme le ministère de l'intérieur.

Toutes les entreprises s'estiment en capacité d'organiser une élection dématérialisée , en respectant le secret du vote et les recommandations de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL). Un délai d'au moins quatre semaines serait nécessaire pour mettre au point le dispositif, auquel s'ajouterait un délai d'au moins deux semaines pour organiser l'appel d'offres. Ce dernier présenterait d'ailleurs certaines complexités, avec la nécessité d'organiser un groupement de commandes coordonné par une collectivité territoriale de niveau plus élevé ou par l'État.

Le Gouvernement n'a toutefois pas mis en oeuvre son habilitation à légiférer par ordonnances, dont le délai est aujourd'hui échu.

Lors de son audition, le ministre de l'intérieur a confirmé son opposition à l'utilisation d'un dispositif de vote électronique pour l'élection du maire et des adjoints. Il a notamment déclaré : « les prestataires sont toujours prêts à dire qu'il n'y a pas de problème de sécurité, mais si vous leur demandez de s'engager sur un montant financier important pour garantir que leur système est inviolable, ils sont moins nombreux... » 87 ( * ) .

La réunion d'installation du conseil municipal doit donc être organisée très en amont et de manière méthodique , afin d'éviter tout risque sanitaire pour les participants. Le cas échéant, des mesures d'ordre législatif pourraient être prises pour adapter le droit en vigueur.

Les co-rapporteurs invitent le Gouvernement à publier un « mode d'emploi » reprenant les principales consignes sanitaires (organisation de la salle, protections à prévoir, gestes « barrières », etc .). Si les mesures de confinement sont prolongées dans certains territoires, des attestations dérogatoires devront être prévues pour que les élus puissent participer à la réunion.

Outre l'élection du maire et des adjoints, cette réunion pourrait également servir à préciser les délégations accordées au maire et à désigner les représentants de la commune dans diverses instances (syndicats, centre communal d'action sociale, commission d'appel d'offres, etc .). Comme l'a confirmé la direction générale des collectivités locales (DGCL), rien n'interdit que d'autres points soient inscrits à l'ordre du jour de la séance, sous réserve de leur inscription dans la convocation 88 ( * ) .

Cette « bonne pratique » permettrait de réduire le nombre de réunions mais également d'agir plus rapidement face à la crise économique et sociale.

Le conseil municipal doit pouvoir se réunir en tout lieu permettant de préserver la santé de ses membres et des agents de la commune . Lorsque la municipalité ne dispose pas des locaux adaptés, la réunion pourrait avoir lieu dans une autre commune. Une mesure législative s'avère toutefois nécessaire pour modifier l'article L. 2121-7 du code général des collectivités territoriales, qui dispose que les réunions du conseil municipal ont lieu « sur le territoire de la commune » 89 ( * ) .

Se posera également la question du huis clos .

Avant le report des réunions d'installation prévues entre le 20 et le 22 mars 2020, une circulaire du 17 mars 2020 précisait que le conseil municipal se tiendrait « sans public. Ceci résulte de l'interdiction pour les personnes autres que les membres du conseil municipal et les agents municipaux nécessaires à l'organisation de ce conseil, et le cas échéant les journalistes, de se rendre au lieu de tenue du conseil municipal » 90 ( * ) .

Contraire à l'article L. 2121-18 du code général des collectivités territoriales (CGCT), cette position ne sera toutefois plus tenable après le déconfinement.

L'organisation du huis-clos :
l'état du droit (article L. 2121-18 du CGCT)

1. Le conseil municipal doit commencer par siéger en séance publique ;

2. La demande de huis clos doit être formulée par au moins trois conseillers municipaux. Elle ne peut pas émaner du seul président de séance 91 ( * ) ;

3. Cette demande est ensuite mise aux voix sans débat et adoptée à la majorité des conseillers municipaux présents ou représentés.

Dans le contexte de crise sanitaire, il pourrait être envisagé de permettre au président de séance de prévoir le huis clos en amont de la réunion ou de limiter le nombre de personnes présentes 92 ( * ) .

Les co-rapporteurs s'interrogent, enfin, sur les règles de quorum pour l'élection du maire et de ses adjoints.

Pendant l'état d'urgence sanitaire et en application de l'ordonnance du 1 er avril 2020 93 ( * ) , le conseil municipal peut délibérer lorsqu'un tiers de ses membres est présent ou représenté 94 ( * ) . Chaque membre peut disposer de deux procurations 95 ( * ) .

En pratique, le maire et les adjoints d'un conseil municipal de sept membres pourraient donc être élus par un seul membre présent et porteur de deux procurations, ce qui affaiblirait considérablement la légitimité du scrutin. Peu de conseils municipaux devraient s'y risquer.

Il pourrait donc être envisagé de revenir à l'esprit initial de la loi du 23 mars 2020 en permettant l'élection du maire et de ses adjoints par un tiers des membres présents, sans que les procurations soient prises en compte pour le calcul du quorum .

L'élection du maire et des adjoints

Droit commun

Ordonnance du 1 er avril 2020

Hypothèse envisagée

(hors de l'état d'urgence sanitaire)

(pendant l'état d'urgence sanitaire)

(pendant l'état d'urgence sanitaire)

Quorum

La moitié
des membres

Un tiers
des membres

Un tiers
des membres

Nombre de procurations par conseiller municipal

1

2

2

Prise en compte des procurations dans le calcul du quorum

NON

OUI

NON

Source : mission de suivi


* 85 Secret du vote aujourd'hui garanti par l'article L. 2122-7 du code général des collectivités territoriales.

* 86 Contribution écrite transmise aux co-rapporteurs.

* 87 Audition devant la commission des lois du Sénat, 16 avril 2020.

* 88 Le maire nouvellement élu peut décider qu'un point de l'ordre du jour sera examiné à une séance ultérieure. Il ne peut, en revanche, ajouter de nouveaux points, qui ne figureraient pas dans la convocation.

* 89 La loi d'urgence du 23 mars 2020 habilitait le Gouvernement à légiférer par ordonnances pour résoudre cette difficulté. Cette habilitation n'a toutefois pas été mise en oeuvre.

* 90 Circulaire sur l'élection des conseillers municipaux et communautaires et des exécutifs et le fonctionnement des organes délibérants.

* 91 Conseil d'État, 16 décembre 1996, Commune de Ruynes-en-Margeride , affaire n° 180389.

* 92 Cette difficulté pourrait être surmontée par ordonnances, la loi d'urgence du 23 mars 2020 autorisant le Gouvernement à modifier, jusqu'au 24 juin 2020, « les règles de fonctionnement des collectivités territoriales et de leurs établissements publics, s'agissant notamment de leurs assemblées délibérantes ».

* 93 Ordonnance n° 2020-391 visant à assurer la continuité du fonctionnement des institutions locales et de l'exercice des compétences des collectivités territoriales et des établissements publics locaux afin de faire face à l'épidémie de covid-19.

* 94 Alors que le quorum s'établit, en dehors de l'état d'urgence sanitaire, à la moitié (et non au tiers) des membres présents, sans prendre en compte les procurations.

* 95 Contre une seule procuration en dehors de l'état d'urgence sanitaire.

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