PLACE DES FEMMES DANS LES MÉDIAS AUDIOVISUELS : DERRIÈRE DES CHIFFRES EN PROGRESSION,
UNE RÉALITÉ CONTRASTÉE

Pour la cinquième année consécutive, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) a publié, le 5 mars 2020, un rapport sur la représentation des femmes à la télévision et à la radio établissant un bilan statistique et comptable de la place des femmes dans les médias audiovisuels.

L'instauration de ce rapport annuel du CSA a constitué une avancée majeure en termes de mesure et donc d'objectivation de la représentation des femmes à la télévision et à la radio : il permet de dresser chaque année un bilan des progrès ou des régressions constatés dans ce domaine, de pointer les zones grises qui doivent faire l'objet d'une vigilance renforcée et de formuler des recommandations pour améliorer la place des femmes dans les médias audiovisuels.

Si mesurer et compter ont le mérite de rendre visibles les écarts existants entre ce qui relève de la perception de la présence des femmes dans les médias audiovisuels et la réalité de cette présence, pour autant cela ne saurait dispenser les éditeurs de programmes de mener des politiques volontaristes en matière de recherche de la parité dans les programmes diffusés à l'antenne, de lutte contre les stéréotypes sexistes et de promotion de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes au sein de leurs structures internes.

Au terme d'un cycle d'auditions des différents acteurs du secteur audiovisuel, menées entre la fin du mois de janvier et la mi-juin 2020, ayant permis l'expression de constats et de propositions formulés par ces différents acteurs, la délégation présente ici son diagnostic de la représentation actuelle des femmes dans les médias audiovisuels.

1. L'encadrement juridique de la place des femmes dans les médias audiovisuels : de la mesure de la « diversité » à celle de la juste représentation des femmes

Sur le plan juridique, la question de l'amélioration de la visibilité et de la représentation des femmes dans les médias, de même que celle de la lutte contre les stéréotypes et préjugés sexistes, ont fait l'objet d'un encadrement, plus ou moins explicite, par la loi depuis près de trente-cinq ans.

En effet, ainsi que l'a rappelé le directeur général des médias et industries culturelles du ministère de la culture, Jean-Baptiste Gourdin, lors de son audition par les rapporteures de la délégation, l'action du régulateur dans ce domaine, le Conseil supérieur de l'audiovisuel, s'est fondée, dans un premier temps, sur les articles 1 er et 15 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, qui fixent les motifs pour lesquels l'exercice de la liberté de communication peut être limité, en particulier pour assurer le respect de la dignité de la personne humaine, la prohibition de la haine et de la violence fondée sur le sexe, et la protection du jeune public.

Aux termes du dernier alinéa de l'article 15 de la même loi, le CSA est en effet chargé de veiller « à ce que les programmes mis à disposition du public par un service de communication audiovisuelle ne contiennent aucune incitation à la haine ou à la violence pour des raisons de race, de sexe, de moeurs, de religion ou de nationalité ».

Ce cadre d'intervention a été complété par la loi n° 2006-396 du 31 mars 2006 pour l'égalité des chances qui a confié au CSA de nouvelles missions en matière de lutte contre les discriminations et de promotion de la diversité de la société française.

C'est donc, dans un deuxième temps, à travers le prisme de la diversité que le Conseil a agi sur les questions des droits des femmes.

En mars 2008, il a institué un observatoire de la diversité dans les médias audiovisuels afin de suivre les actions mises en oeuvre par les éditeurs s'agissant de la diversité prise dans toutes ses composantes (origine, âge, sexe, handicap...). Cet observatoire s'appuie sur un baromètre de suivi des programmes élaboré par l'institut TNS Sofres et publié annuellement à partir de l'analyse de deux semaines consécutives de programmation.

Il a ainsi adopté, le 10 novembre 2009, une délibération visant à favoriser la représentation de la diversité de la société française dans les programmes des chaînes nationales hertziennes gratuites et de Canal + . Cette délibération comporte des engagements des éditeurs pour améliorer la représentation de la diversité (origine, âge, sexe, handicap...). Ces engagements couvrent les modalités contractuelles de commande des programmes, les représentations à l'antenne, la pédagogie des bonnes pratiques auprès des responsables de la programmation et de la rédaction. Cette délibération prévoit également l'obligation pour l'éditeur de fournir chaque année avant le 31 mars un bilan du respect de ses engagements.

On peut toutefois légitimement s'interroger sur le recours à la notion de « diversité » pour promouvoir la place des femmes dans les médias audiovisuels - et dans la société de façon générale - alors qu'elles représentent 52 % de la population.

Mais c'est véritablement la loi n° 2014-873 du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes qui, par ses modifications apportées à la loi du 30 septembre 1986, a donné au CSA les instruments appropriés en faveur de la représentation des femmes dans les médias audiovisuels et pour la lutte contre les stéréotypes et préjugés sexistes .

L'article 3-1 de la loi du 30 septembre 1986 a ainsi été modifié pour donner au CSA la mission d'assurer « le respect des droits des femmes dans le domaine de la communication audiovisuelle. À cette fin, il veille, d'une part, à une juste représentation des femmes et des hommes dans les programmes des services de communication audiovisuelle et, d'autre part, à l'image des femmes qui apparaît dans ces programmes, notamment en luttant contre les stéréotypes, les préjugés sexistes, les images dégradantes, les violences faites aux femmes et les violences commises au sein des couples. Dans ce but, il porte une attention particulière aux programmes des services de communication audiovisuelle destinés à l'enfance et à la jeunesse ».

L'article 20-1-A de la même loi impose aux principaux éditeurs de diffuser des programmes contribuant à la lutte contre les préjugés sexistes et les violences faites aux femmes. Ces services doivent fournir au Conseil des indicateurs qualitatifs et quantitatifs sur la représentation des femmes et des hommes dans leurs programmes et permettant au conseil d'apprécier le respect des objectifs fixés à l'article 3-1 de la loi de 1986. Ces informations donnent lieu à une publication annuelle.

Sur le fondement de l'article 20-1-A, le CSA a adopté une délibération n° 2015-2 du 4 février 2015 qui a pour objet de préciser les programmes relatifs à la lutte contre les préjugés sexistes et les violences faites aux femmes que ces services doivent diffuser, de fixer les indicateurs qualitatifs et quantitatifs sur la représentation des femmes et des hommes dans les programmes et d'encourager les diffuseurs à souscrire des engagements volontaires.

L'éditeur communique chaque année au CSA, avant le 31 janvier, l'ensemble des indicateurs qualitatifs et quantitatifs, lui permettant de procéder annuellement à l'analyse de ces indicateurs. Pour pallier les insuffisances qu'il aura éventuellement relevées, des objectifs de progression sont, pour l'année à venir, déterminés en concertation avec les éditeurs concernés.

Plus récemment enfin, les missions du CSA en matière de contrôle des messages publicitaires diffusés par les services de communication audiovisuelle ont été étendues à l'image des femmes qui y est présentée, permettant de compléter l'action de l'Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP).

Sur le fondement de cette nouvelle compétence, le Conseil a conclu, fin 2017, une charte d'engagements avec les professionnels du secteur pour la lutte contre les stéréotypes sexuels, sexistes et sexués dans la publicité, après la réalisation d'une étude relative à l'image de la femme dans les publicités télévisées.

2. « Compter les femmes pour que les femmes comptent »3 ( * ) : une nécessité absolue aujourd'hui reconnue

Les bilans chiffrés publiés chaque année par le CSA 4 ( * ) permettent d'objectiver la place réelle des femmes dans les médias audiovisuels . Ils sont par ailleurs utilement complétés par les rapports d'autres instances d'horizons divers, telles que le CNC, l'INA au titre de ses activités de recherche mais aussi le Haut Conseil à l'égalité 5 ( * ) ou encore le Global Media Monitoring project 6 ( * ) .

Quantifier la place des femmes dans les médias audiovisuels, c'est non seulement la mesurer à l'antenne avec la définition de critères quantitatifs tels que ceux utilisés par le CSA, mais aussi la constater dans les structures internes des médias à la fois en termes d'effectifs et en termes de positionnement hiérarchique .

Ø À l'antenne : la question de la présence des femmes et de leur représentation

Depuis 2016, le CSA publie chaque année un rapport sur la représentation des femmes dans les programmes de télévision et de radio se fondant notamment sur leur taux de présence à l'antenne, sur une base déclarative de la part des chaînes de télévision et de radio.

Pour l'exercice 2019 , le rapport du CSA, publié le 5 mars 2020, se base sur 50 000 programmes déclarés et dresse les constats suivants :

- pour la première fois depuis 2016, la part des femmes présentes à l'antenne - télévision (42 %) et radio (40 %) confondues - dépasse la barre des 40 % (41 % de femmes contre 59 % d'hommes) ;

- le temps de parole des femmes à l'antenne - télévision et radio confondues - mesuré de façon automatique par l'INA 7 ( * ) , est inférieur à leur taux de présence (36 % contre 41 %) , ce qui laisse supposer qu'à présence égale, les femmes s'expriment moins que les hommes ;

- l'écart entre la télévision et la radio, en défaveur de celle-ci, s'agissant de la présence des femmes à l'antenne a tendance à se résorber , puisque, pour la première fois en 2019, la part des femmes à la radio atteint la barre des 40 % (+ 3 points par rapport à 2018) alors que cette part reste stable à la télévision (42 %) ;

- à la radio, la présence des femmes est en hausse dans les matinales considérées comme le prime time des radios (41 % soit + 2 points) mais le temps de parole constaté est bien inférieur à ce taux de présence (32 %) ;

- le taux d'expertes, télévision et radio confondues, continue de progresser (38 % d'expertes, soit + 1 point par rapport à 2018 et + 8 points par rapport à 2016) ;

- le taux d'invitées politiques, télévision et radio confondues, est celui qui enregistre la progression la plus significative (33 % soit + 6 points par rapport à 2018 8 ( * ) ) ;

- une forte implication des chaînes de télévision et de radio est saluée s'agissant de la diffusion de programmes luttant contre les violences faites aux femmes ;

- s'agissant des émissions de téléréalité, au sein desquelles les propos stéréotypés ou les situations dévalorisantes pour les femmes sont particulièrement présents, le CSA a relevé en 2019 lors de ses visionnages que ceux-ci étaient moins systématiques à l'égard des femmes.

En l'espace d'un an, les progrès réalisés en 2019 par les médias audiovisuels en termes de représentation des femmes à l'antenne ont donc été notables . En effet, les résultats pour l'exercice 2018 , dévoilés par le CSA en mars 2019, avaient été particulièrement décevants et marqués par un recul de la présence des femmes à l'antenne en raison notamment d'une contre-performance de la moyenne des radios, une sous-représentation des femmes aux heures de forte audience à la télévision, une baisse des proportions de femmes dans les catégories habituellement les mieux représentées, à savoir les présentatrices et les journalistes, une progression du taux d'expertes mais une très faible représentation des invitées politiques.

Ces bilans statistiques sont indispensables pour faire bouger les lignes et progresser la représentation des femmes dans ces médias.

Ainsi que le formulait Léa Lejeune, présidente de l'association Prenons la Une ! lors de la table ronde du 27 février 2020 organisée par la délégation, « l'idée est toujours de compter, de mesurer, et d'essayer de sanctionner. Le fait d'avoir compté a permis de noter des progrès. En particulier, le rapport du CSA sur la représentation des femmes dans les médias nous paraît être un pilier. La mise en place de politiques volontaristes, comme celle que met en oeuvre Delphine Ernotte à France Télévisions , permet la progression de la part des femmes : dans les émissions de débat, les expertes sont désormais à 42 % » .

Toutefois, malgré les progrès enregistrés et les politiques volontaristes mises en oeuvre par certains médias, on est parfois encore loin de la parité dans l'ensemble des catégories statistiques identifiées par le CSA (présentatrices, journalistes/chroniqueuses, expertes, invitées politiques, autres intervenantes) alors qu'il s'agit d'un objectif clairement affiché par de nombreux médias.

En outre, la lecture des constats généraux et des chiffres du CSA présentés dans leur globalité comme affichant une progression doit être nuancée pour les raisons suivantes :

- le taux de temps de parole des femmes (36 %) bien inférieur à leur taux de présence à l'antenne (plus de 40 %) rappelle que les femmes s'expriment moins que les hommes même à présence égale ;

- seuls 10 % des éditeurs (chaînes de télévision et stations de radio) présentent un taux de parole des femmes supérieur à 45 % quand 24 % présentent un temps de parole des femmes inférieur à 27 % . À la télévision, ce sont sur les chaînes du service public que l'on entend, en moyenne, le plus de femmes (45 %). Pour ce qui concerne les chaînes d'information en continu, on observe une forte disparité entre les chaînes privées - CNEWS , LCI et BFMTV - pour lesquels le pourcentage de parole des femmes est compris entre 31 et 34 %, et la chaîne du service public France info qui se distingue par un temps de parole de 44 % ;

- cette divergence de résultats entre chaînes privées et chaînes du service public s'observe également s'agissant de la proportion de présentatrices, sur les chaînes d'information en continu par exemple : si ce taux est l'un des plus hauts sur les chaînes de télévision (57 % en hausse d'un point par rapport à 2018), ce bon résultat s'explique uniquement par les progressions enregistrées par les chaînes du service public : France 24 compte ainsi 65 % de présentatrices et France info 52 %. Si le taux de LCI a augmenté d'un point (54 %), les autres chaînes privées présentent des taux en baisse : - 9 points pour CNEWS (29 %) et - 1 point pour BFMTV (41 %). Les taux de présentatrices les plus bas sont constatés sur des chaînes thématiques privées telles que RMC Découverte (10 %) et L'Équipe (14 %) ;

- le constat est le même s'agissant de la présence de journalistes femmes sur les chaînes de télévision généralistes : si les chaînes du service public enregistrent une légère hausse (42 % soit + 1 point par rapport à 2018), les chaînes historiques privées présentent un taux global en baisse (34 % ; - 1 point) ; pour les chaînes d'information en continu, le taux de femmes journalistes est stable par rapport à 2018 (41 %), toutefois les chaînes du service public sont les deux seules à ne pas connaître une baisse de leur taux : le CSA encourage dès lors BFMTV (37 % soit - 6 points), CNEWS (41 %) et LCI (42 % ; - 2 points) à retrouver une dynamique favorable à une meilleure exposition des femmes journalistes sur leur antenne ;

- si le taux de femmes expertes présentes à la radio et à la télévision n'a cessé de progresser depuis 2016 (+ 8 points pour atteindre 38 % en 2019), la présence d'expertes, au global, est toujours plus importante sur les chaînes généralistes publiques que privées (40 % contre 35 %) même si cet écart tend à se résorber (passé de 14 points en 2018 à 5 points en 2019). Cette tendance s'explique par une légère baisse enregistrée par les chaînes du service public (une progression sur France 2 et France 5 neutralisée par une très forte baisse de 27 points sur France 3 ) ; le CSA relève également une hausse significative de la présence d'expertes sur les chaînes historiques privées, (35 % contre 28 %) ainsi qu'une légère augmentation sur les chaînes d'information en continu, principalement publiques. En revanche, BFMTV enregistre une baisse de dix points (22 %). En outre, en 2019, pour la première année, les radios généralistes du service public comptent plus d'expertes que les radios privées ;

- enfin, les femmes sont encore sous-représentées dans certains programmes , notamment le sport (12 %) ou les divertissements-jeux (25 %), et ne sont pas représentées à parité dans les programmes d'information (42 % dans les journaux et 37 % dans les magazines).

Ces bilans chiffrés du CSA sont précieux pour les médias audiovisuels, comme l'ont souligné tous les participants de la table ronde du 27 février 2020. Ils ont en effet souligné le rôle primordial joué par la publication annuelle de statistiques par le régulateur audiovisuel et l'influence de ces statistiques sur le comportement des décideurs du secteur audiovisuel .

Ainsi, Marie-Anne Bernard , directrice de la responsabilité sociale et environnementale (RSE) de France Télévisions (FTV), a déclaré au sujet de la politique mise en oeuvre par FTV pour améliorer la visibilité et la place des femmes à l'antenne : « nous avons commencé par mettre en place une méthodologie et par dresser un état des lieux afin de fixer des objectifs, pour ensuite construire les outils d'évaluation adéquats. Le rôle du CSA en la matière a été absolument capital, en particulier avec la délibération de 2015, qui nous a permis, à nous diffuseurs, de poser cette méthodologie très précise, et de pouvoir évaluer tous les ans les résultats ».

S'agissant de la place des femmes à l'antenne de France Télévisions , elle poursuit : « comme tous les diffuseurs, nous remplissons tous les ans les tableaux du CSA, ce qui nous permet de comptabiliser le nombre des femmes animatrices, journalistes, chroniqueuses, invitées, invitées politiques - et en particulier la catégorie des expertes, que nous comptons toute l'année, sur un certain nombre d'émissions choisies en accord avec le CSA. Sur l'ensemble de la représentation sur nos antennes, il y a des secteurs où nous avons une majorité de femmes. C'est notamment le cas dans la présentation de nos journaux télévisés ».

La catégorie des expertes invitées sur les antennes reste un marqueur primordial de la place réellement occupée par les femmes dans les médias audiovisuels et de leur perception par l'opinion publique.

À cet égard, Marie-Anne Bernard, de France Télévisions , soulignait devant la délégation, le 27 février 2020, « la catégorie des experts est pour nous un indicateur fondamental, parce que l'expert dit la transmission du savoir et symbolise le recours à la compétence . Dès 2013, avec le concours de Brigitte Grésy, nous avons inscrit le premier avenant au contrat d'objectifs et de moyens, pour fixer un objectif de 30 % de femmes expertes en 2015. C'est en effet à partir de 30 % que la présence des femmes devient perceptible. Nous y sommes parvenus fin 2015. À son arrivée, Delphine Ernotte a fixé un nouvel objectif pour les cinq ans à venir, qui était tout simplement d'arriver à la parité pour les experts. C'est un objectif très ambitieux. Le CSA n'a pas encore validé nos chiffres, mais en 2018 nous étions à 42 % d'expertes, et je pense que nous n'avons pas progressé en un an - ce que Delphine Ernotte n'a pas manqué de nous faire remarquer. Ce sont les derniers kilomètres qui sont les plus difficiles ! Pour l'année en cours, l'objectif de 50/50 est toujours fixé . Nos rédactions et les maisons de production avec lesquelles nous travaillons, comme celle qui produit C dans l'air , ont constitué chacune leur propre catalogue d'experts ».

Pour Radio France , l'objectif est le même qu'à France Télévisions , comme le rappelait Bruno Laforestrie, président du Comité « Diversité et égalité » de Radio France et directeur de la radio Mouv' lors de la table ronde précitée du 27 février 2020 : « nous sommes dans une logique de sondages et d'évaluation de la parole des femmes sur nos antennes. Deux mois par an, nous sondons l'ensemble des programmes. Actuellement, 43 % de la parole à Radio France est une parole féminine : on est passé de 39 à 43 % en un an. L'objectif est de passer à 50 % en 2022. Nous avons pris à bras le corps la question des expertes, en sondant dix-sept rendez-vous : nous avions 40 % d'expertes en 2019. Là aussi, il faut encore progresser, et l'objectif est le même que celui de France Télévisions ».

S'agissant toujours du service public audiovisuel, Marie-Christine Saragosse , présidente directrice générale de France Médias Monde (FMM), auditionnée par la délégation le 15 juin 2020, précisait que, depuis 2015, en lien avec le CSA, FMM a mis en place un outil de comptage spécifique de la présence des femmes sur ses antennes en français. Le comptage a lieu toute l'année (pas seulement pendant les deux mois tests retenus par le CSA) et sur l'intégralité de l'offre en français correspondant à environ quatre-vingt émissions. Un logiciel spécifique de comptage a été mis en place : il est renseigné par les journalistes eux-mêmes qui sont sensibilisés, par la gouvernance de France Médias monde , à la question de la place des femmes sur les antennes. En outre, des objectifs de progression sont fixés d'une année sur l'autre : en 2019, le taux de 50,3 % de femmes sur les antennes de RFI et France 24 a été atteint, dont 30 % d'expertes sur France 24 et 36 % sur RFI .

S'agissant d'un opérateur privé tel que la chaîne TF1 , Christelle Chiroux, rédactrice en chef de 20H Le Mag au sein de la rédaction de TF1 , précisait à la délégation lors de la table ronde du 27 février 2020 : « le groupe TF1 a été souvent cité parmi les groupes privés peu actifs en la matière, pourtant TF1 mène une politique ambitieuse pour améliorer la représentation des femmes, tant en interne que dans ses contenus - aussi bien dans l'information que dans la fiction ou dans le sport. La direction de l'information a engagé une vraie dynamique sur ce sujet. Avec l'aide de Brigitte Grésy, nous avons réalisé une étude, quantitative et qualitative, en 2016, sur le nombre de femmes présentes dans nos journaux télévisés. À l'issue de cette étude, nous avons mis en place un plan d'amélioration et d'action pluriannuel. Brigitte Grésy nous a accompagnés pour développer la sensibilisation aux stéréotypes ».

Sur la question centrale de la présence des expertes à l'antenne , Christelle Chiroux indiquait également : « nous avons [...] développé notre carnet d'adresses d'expertes au sein des différentes rédactions de TF1 et LCI . Nous essayons de l'étoffer et de le faire évoluer régulièrement pour éviter d'inviter toujours les mêmes personnes ».

En outre, elle annonçait à la délégation « une nouvelle étude, aussi bien quantitative que qualitative, en 2020, comme nous en avons conduit en 2016, 2018, et 2019. Les chiffres s'améliorent : les femmes représentent 41 % des personnes interrogées dans nos reportages en 2019, soit huit points de plus qu'en 2016 ; la hausse a été de dix points pour les expertes et de dix-sept points pour les expertes en plateau. [...] Comme France Télévisions , nous visons la parité parfaite le plus tôt possible. Chaque chef de service a un objectif en matière de parité qui influe sur la part variable de sa rémunération. Ainsi, chacun est mobilisé ».

À cet égard, Nathalie Lasnon, directrice des affaires réglementaires et concurrence du groupe TF1 , précisait également : « nous avons signé [...] une convention avec le CSA dans laquelle nous nous engageons à ce que la part des femmes en plateau tende vers la parité en matière d'information, y compris pour les femmes politiques, ce qui n'est pas toujours aisé ».

Si la déclinaison des statistiques par catégorie de personnes intervenant à l'antenne est intéressante, une analyse fondée sur la nature des programmes diffusés est également révélatrice de la place réservée aux femmes dans les médias audiovisuels, qu'il s'agisse de l'information, de la fiction ou des programmes sportifs notamment.

Ainsi que le précisait par exemple Nathalie Lasnon, directrice des affaires réglementaires et concurrence du groupe TF1 , le 27 février 2020 : « nous avons mis l'accent sur l'information, parce que la représentation des femmes dans les émissions d'information constitue un enjeu important ; toutefois notre effort n'a pas porté uniquement sur les émissions d'information. Notre rôle est de refléter la société, mais aussi de faire évoluer les consciences collectives. Nos fictions et nos séries, comme Alice Nevers par exemple, comportent de nombreuses héroïnes féminines qui occupent des postes de responsabilité. Elles traitent aussi des sujets d'actualité. Nous nous sommes ainsi attaqués aux violences faites aux femmes avec le téléfilm L'Emprise. Une autre tendance forte est l'émergence du sport féminin sur les antennes. Il y a cinq ans, nous avons acquis les droits de l'équipe de France féminine de football. Nous accompagnons aussi l'équipe de France féminine de handball. Nous avons été surpris et ravis de constater que l'Euro de football féminin puis la Coupe du monde féminine ont atteint la même audience que les matchs de l'équipe de France masculine. Cela en dit long sur l'évolution de notre société ! ».

S'agissant plus spécifiquement de la fiction , genre qui exerce une réelle influence sur l'opinion publique tant du point de vue de la visibilité des femmes à l'antenne que de celui de leur représentation et de la déconstruction des stéréotypes sexistes encore véhiculés dans notre société, la délégation a constaté que, dans ce domaine, les médias audiovisuels étaient aujourd'hui à la croisée des chemins et que la mise en oeuvre d'une politique volontariste était inévitable .

Ainsi, Marie-Anne Bernard, directrice de la RSE à France Télévisions , indiquait à la délégation lors de la table ronde du 27 février 2020 : « Delphine Ernotte a pris l'engagement, l'an dernier, de faire des propositions concrètes sur la question, majeure, des réalisatrices. L'unité fiction de France Télévisions prépare actuellement un rapport extrêmement détaillé sur le nombre de réalisatrices qui ont tourné au cours de l'année 2019. C'est sur ce fondement que seront définis nos objectifs, chiffrés et progressifs ».

L'association Pour la place des femmes dans les médias , créée en 2012 et réunissant pour la première fois des femmes de différents médias, auditionnée par la délégation aux droits des femmes dans le cadre de sa table ronde du 27 février 2020, a ainsi publié avec l'INA en mars 2020 une étude 9 ( * ) inédite portant sur dix ans de diffusion de fictions à la télévision. Cette étude a notamment révélé que les femmes ne représentent aujourd'hui que 12 à 15 % en moyenne de ceux qui réalisent des fictions diffusées à la télévision et qu'aucune évolution significative dans ce domaine n'a été constatée depuis dix ans.

Ainsi que le soulignait le 27 février 2020, Laurence Bachman, co-présidente de l'association Pour les femmes dans les médias aux côtés de Bouchera Azzouz , « aujourd'hui, les deux tiers des sociétés de production ayant produit au moins un épisode de fiction en 2018 n'ont pas fait appel à des réalisatrices. De plus, 88 % des auteurs réalisateurs d'oeuvres inédites sont des hommes, selon les chiffres du CSA de 2018. En novembre 2019, le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) a publié une étude relative à la diffusion à la télévision des oeuvres cinématographiques réalisées par les femmes : en 2018, les films réalisés par des femmes représentent 8 % de l'ensemble des diffusions par les chaînes historiques ».

En effet, sur l'année 2018, le CNC a établi que seules 8 % des fictions diffusées à la télévision avaient été réalisées par une femme -- le chiffre s'établissant à 18 % dans le cas des co-réalisations. Une proportion qui apparaît en retrait par rapport au monde du cinéma , qui, tout en restant très loin de la parité, affiche des chiffres un peu plus élevés : en France, le CNC a par exemple mesuré que 27 % des films sortis en 2017 avaient été réalisés par des femmes, quand le Conseil de l'Europe, dans une étude portant sur la période 2003-2017, décomptait que les femmes représentaient 21 % des réalisateurs de films produits dans plus d'une trentaine de pays européens.

Laurence Bachman précisait également à la délégation : « du côté de la diffusion en avant-soirée, 23 % des épisodes de fictions audiovisuelles inédits sont réalisés par des femmes - c'est l'effet des trois feuilletons quotidiens en France depuis deux ans. Toutefois, la présence des femmes pour la réalisation des séries de 52 minutes, qui est le format dominant, reste très faible : moins de 10 % des épisodes diffusés. [...] En 2019 et 2020, sur 42 téléfilms, six ont été réalisés par des femmes, et sur 87 épisodes de séries, douze l'ont été par des femmes. Nous avons encore beaucoup à faire, mais la question ne se résume pas à la présence des femmes réalisatrices. C'est pourquoi nous devons produire des études affinées pour étendre ce champ d'action aux monteuses, aux directrices photo, directrices de production, chefs déco, directrices artistiques, autrement dit, aux principaux chefs de postes. À ce jour, aucune enquête n'est susceptible de nous donner une vision d'ensemble de la présence des femmes à ce niveau ».

Au-delà des aspects quantitatifs et des données statistiques très précieuses fournies annuellement par le CSA, il importe également d'affiner les critères d'évaluation définis par le régulateur audiovisuel en y intégrant une dimension plus qualitative qui permettrait, à terme, aux médias audiovisuels d'objectiver non seulement le taux de présence des femmes à l'antenne mais aussi le contenu de leur propos, les sujets dont elles traitent ou encore leur temps de parole.

Ainsi que le soulignait David Doukhan, chercheur à l'INA et auteur d'une étude publiée en mars 2019 intitulée À la télé et à la radio, les femmes parlent deux fois moins que les hommes , au sujet du rapport annuel publié par le CSA : « le rapport annuel du CSA publie depuis 2015 un baromètre sur la représentation des femmes et des hommes dans les programmes se fondant sur leur taux de présence, sur une base déclarative. Cette année, 50 000 programmes ont été déclarés. Mais cela ne dit pas de quoi ni combien de temps les gens parlent... ».

DEUX ÉTUDES RÉCENTES DE L'INA SOULIGNENT LA FRAGILITÉ PERSISTANTE
DE LA PLACE DES FEMMES DANS LES MÉDIAS AUDIOVISUELS

Publiées dans le cadre de la Revue des médias respectivement en mars 2019 et en mars 2020, et considérées par l'association Pour les femmes dans les médias comme une « première mondiale », deux études récentes de l'INA rappellent que, même sur un plan quantitatif, selon les critères analysés, la place et la représentation des femmes dans les médias audiovisuels restent fragiles .

La première étude, publiée en mars 2019 par David Doukhan, intitulée À la radio et à la télé, les femmes parlent deux fois moins que les hommes , présente une série d'analyses quantitatives issues de l'analyse du contenu des médias.

Fondé, d'une part, sur la détection des voix masculines et féminines tant à la télévision qu'à la radio permettant une mesure de leur taux d'expression, et d'autre part, sur la détection des visages d'hommes et de femmes permettant une mesure de leur taux d'exposition visuelle, enfin sur la reconnaissance automatique de la parole permettant notamment le calcul du nombre de mentions orales à des personnalités hommes ou femmes, le corpus de cette étude pour l'analyse du temps de parole atteint 756 000 heures au total, avec vingt-deux chaînes de télévision (sept publiques et quatorze privées) sur la période 2010-2018 et vingt-et-une stations de radio (sept publiques et quatorze privées) sur la période 2001-2018.

Les principales conclusions de cette étude sont les suivantes :

- Les hommes parlent deux fois plus que les femmes à la télévision et à la radio : en moyenne, sur la période 2010-2018, à la radio , entre 5 heures du matin et minuit, les hommes monopolisent 68,8 % du temps de parole contre 31,2 % pour les femmes ; à la télévision, entre 10 heures du matin et minuit, ces chiffres sont respectivement de 67,3 % pour les hommes et 32,7 % pour les femmes. En outre, les femmes parlent davantage sur les chaînes qui ciblent un public féminin, mais même sur celles-ci, leur temps de parole, s'il est équivalent à celui des hommes, ne lui est pas supérieur. Les femmes parlent très peu sur les chaînes de sport, et un peu moins que les hommes sur les chaînes culturelles, notamment sur Arte ;

- le pourcentage de taux de parole des femmes à la radio a évolué de 25,1 % en 2001 à 34,4 % en 2018 ;

- sur les chaînes de télévision privées, le pourcentage de parole des femmes décroît de près de 8 points aux heures de forte audience alors que la présence vocale des femmes sur les chaînes de télévision publiques ne présente pas de différences majeures aux heures de forte audience . Toutefois cette méthodologie comporte une limite dans la mesure où une forte audience ne revêt pas nécessairement la même réalité pour toutes les chaînes. Pour être plus rigoureux, il conviendrait de définir des heures de forte audience pour chaque chaîne ;

- sur une semaine type, celle du 8 avril 2019, de dix heures à minuit, la comparaison du temps d'exposition visuelle des femmes par rapport à leur temps de parole révèle le résultat suivant : on voit davantage les femmes qu'on ne les entend, leur présence vocale moyenne est en effet inférieure de cinq points à leur présence visuelle . Cette différence est moins importante sur des chaînes comme Arte et France 3 ;

- enfin, l'étude analyse également le lexique utilisé pour parler des hommes et des femmes en fonction des chaînes . Sur TF1 , le terme « mademoiselle » est beaucoup employé, alors qu'il n'existe plus à l'état civil. C'est sur Canal + qu'on observe la plus forte utilisation du terme « meuf » et ses variantes. On utilise davantage « femme » sur Arte , et « fille » sur M6 . Cela étant, la réalité est la même pour les hommes : « mec » sur Canal + , « homme » sur Arte et « garçon », sur M6 .

La seconde étude, publiée en mars 2020 par Xavier Eutrope, David Doukhan et Jean Carrive, en collaboration avec l'association Pour les Femmes dans les Médias , intitulée À la télé, près de neuf réalisateurs de fictions sur dix sont des hommes , mesure la place accordée aux femmes dans les fictions diffusées à la télévision, tant derrière la caméra, comme réalisatrices, qu'à l'écran, via leur temps de parole.

Elle arrive à la conclusion qu' entre 2008 et 2018, seuls 12 % des réalisateurs des fictions diffusées sur les chaînes de télé étaient ainsi des réalisatrices, et les personnages féminins parlaient près de moitié moins que les hommes .

Pour la première fois, La Revue des médias de l'INA, grâce aux travaux et analyses des équipes de recherche de l'INA, et sur une idée de l'association Pour les Femmes dans les Médias , s'est attachée à établir un constat chiffré de long terme sur la place des femmes dans la fiction diffusée à la télévision sur une période de dix ans, entre 2008 et 2018, tant « derrière la caméra », à la réalisation, qu'à l'écran, via une mesure du temps de parole des personnages féminins dans les fictions.

Les principales conclusions de cette étude sont les suivantes :

- des hommes sont majoritairement les réalisateurs des fictions programmées par les chaînes de télévision françaises : seuls 12 % des réalisateurs des fictions programmées entre 2008 et 2018 sont des réalisatrices . La tendance longue montre une amélioration, réelle, mais qui reste très limitée : cette proportion a augmenté de quasiment cinq points entre 2008 et 2018, passant de 10 à 15 %, mais la hausse n'est pas continue, et des reculs ont par ailleurs été enregistrés ;

- pour qualifier la représentation des femmes à l'écran, l'INA a également cherché à calculer le temps de parole donné aux femmes dans les fictions programmées. Là encore, le verdict est sans appel : les personnages féminins disposent de seulement 35,4 % du temps de parole, contre 64,6 % pour les personnages masculins . Ce rapport de deux tiers de temps de parole des hommes versus un tiers de temps de parole des femmes est d'ailleurs assez proche de celui qui avait été établi par l'INA, suivant la même méthode, sur 700 000 heures de programmes télé diffusés entre 2010 et 2018, tous types de programmes confondus, y compris les programmes de flux ;

- le taux de parole des femmes atteint son plus bas dans les fictions réalisées uniquement par des hommes avec 34,6 %. Il dépasse en revanche la moyenne du temps de parole mesuré dans le cas des fictions réalisées uniquement par des femmes, à 38,2 %, et devient maximal dans les fictions coréalisées par des hommes et des femmes, avec un taux de parole de 40,8 % ;

- dans le détail : TF1 et France 2 arrivent en tête de classement pour la part des réalisatrices . TF1 , avec une proportion moyenne de 15,76 % de femmes réalisatrices, compte deux fois plus de réalisatrices dans les fictions diffusées sur la période 2008-2018 que France 3 , qui arrive en dernière position avec 7,38 % de femmes réalisatrices. Entre ces deux extrêmes, on trouve, dans l'ordre décroissant, Canal + , avec 15,33 %, France 2 , à 14,38 %, Arte , à 13,91 %, M6 , à 13,27 %, et France 5 , à 9,29 % ;

- sur l'ensemble de la période concernée, les dynamiques mesurées dessinent plusieurs « groupes » distincts chez les diffuseurs :

TF1 et France 2 , qui font en 2018 nettement la course en tête sur la question de la proportion de femmes réalisatrices, avec 28 % de fictions diffusées réalisées par des femmes chez TF1 et 23 % chez France 2 , étaient pourtant fortement en retard en 2008, avec respectivement 10 % et 9 % de femmes réalisatrices. Les deux chaînes ont connu des hausses (relativement) continues, qui ont été très marquées à partir de 2016 ;

Canal + et Arte font également partie des chaînes dont le taux de réalisatrices dans les diffusions de fictions a évolué positivement sur la période, mais on relèvera que ce taux était déjà supérieur à la moyenne en 2008, et que la hausse générale sur la période est moins marquée. La chaîne franco-allemande est ainsi passée de 13 à 15 %, tandis que la chaîne cryptée a vu le taux de réalisatrices augmenter de trois points entre 2008 et 2018, passant de 16 à 19 % ;

France 3 , tout en ayant doublé en dix ans le taux de réalisatrices, passant de 3 à 7 %, reste toutefois la chaîne où celui-ci est le plus faible, une place occupée de manière quasi continue sur l'intégralité de la période ;

enfin, chez France 5 et M6 , la part de réalisatrices est en baisse : une baisse de un point sur dix ans, avec des évolutions en dents de scie, et dans un volume général de fictions diffusées assez faible sur France 5 , notamment hors du genre de l'animation ; mais une chute quasi ininterrompue sur M6 . Ainsi, au début de la période étudiée, M6 était la chaîne qui programmait le plus de fictions réalisées par des femmes, 20 % en 2009, alors qu'elle n'en compte en 2018 plus que 8 %, soit une chute de 10 points en dix ans ;

- sur l'ensemble de la période considérée, on constate une plus forte proportion de réalisatrices dans les diffusions de fictions sur les chaînes privées, avec un taux moyen de 15 %, contre 9 % pour les chaînes publiques . Sur les chaînes privées, ce taux augmente sensiblement à partir de 2016, avec une évolution portée par TF1 et Canal + , et s'établissait en 2018 à 20 %, soit deux fois plus que sur les chaînes publiques ;

- si dans les fictions unitaires, c'est-à-dire les films et une partie des téléfilms, le taux de réalisatrices reste plus ou moins constant sur la période observée, celui-ci a presque doublé lorsque l'on s'intéresse au genre des séries , avec une forte progression à partir de 2015, pour atteindre 14 % en 2018. L'augmentation récente de la proportion de femmes réalisatrices dans les fictions diffusées viendrait donc notamment de la multiplication du nombre de créatrices de séries.

Avec la question de la nature des programmes diffusés se pose inévitablement celle de la persistance des stéréotypes sexistes dans les médias audiovisuels.

Auditionnée dans le cadre de la table ronde du 27 février 2020, Sylvie Pierre-Brossolette, présidente de la commission Lutte contre les stéréotypes du Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes , affirmait ainsi « au-delà des décomptes, il faut aussi veiller à la nature des programmes diffusés : certaines émissions, comme les émissions de téléréalité ou l'élection des Miss France , véhiculent souvent des stéréotypes qu'il convient de corriger ».

En 2016 déjà, dans son premier rapport relatif à la représentation des femmes dans les programmes des services de télévision et de radio pour l'exercice 2015 publié le 8 mars 2016, le CSA indiquait que « dans le cadre de l'étude que le Conseil a menée en 2014 sur les stéréotypes féminins pouvant être véhiculés dans les programmes de divertissement, de fiction et d'animation, il avait relevé que, d'une manière générale, les programmes de divertissement étaient particulièrement vecteurs de stéréotypes que ce soit par les profils mis en scène ou les rapports hommes-femmes qui sont présentés. Dans ces programmes les femmes sont essentiellement valorisées au travers de leur apparence physique ».

La délégation aux droits des femmes réaffirme la nécessaire vigilance quant aux programmes susceptibles de véhiculer une image ou des propos dégradants pour les femmes ainsi que des stéréotypes sexistes affectant la représentation du rôle des femmes.

Ces programmes, que ce soit ceux de la téléréalité de « huis clos » ou des programmes de divertissement, pour la plupart destinés à un jeune public à des heures de forte audience, font l'objet d'un suivi étroit par le régulateur audiovisuel qui dispose d'une vaste palette d'outils de sanction lui permettant d'intervenir efficacement auprès du diffuseur en cas de dérapage manifeste. En outre, le CSA fait également très régulièrement l'objet de saisines directes par les téléspectateurs ou auditeurs signalant des dérapages de nature sexiste ou diffamant pour les femmes.

Ainsi que le formulait Sylvie Pierre-Brossolette devant la délégation le 27 février 2020, si « les rapports annuels du CSA sont très importants, les possibilités de sanction dont il dispose en cas de dérapages ou pour réagir à des images ou des propos dégradants ont aussi joué un rôle certain ».

SAISINE ET SANCTIONS DU CSA : MODE D'EMPLOI

Les différentes modalités de saisine du CSA

Comme le précise le Conseil supérieur de l'audiovisuel sur son site Internet, chaque citoyen peut alerter le CSA sur un programme ou une publicité diffusée à la télévision, à la radio ou accessibles sur un service à la demande, en application des dispositions des articles L. 112-7 et suivants du code des relations entre le public et l'administration, relatifs au droit de saisine des administrations par voie électronique et aux modalités de ces saisines.

Le CSA examine tous les signalements des auditeurs et des téléspectateurs ; il intervient auprès de la chaîne, de la station ou du service s'il constate de leur part une infraction au cadre juridique de l'audiovisuel.

Ces signalements peuvent bien évidemment concerner tout propos ou image considéré comme sexiste et/ou dégradant pour les femmes.

Pour alerter le Conseil supérieur de l'audiovisuel il existe deux possibilités : faire simplement une remarque au CSA de façon anonyme ou bien le saisir officiellement .

En cas de remarque anonyme formulée via le formulaire intitulé « Vos remarques au CSA » accessible depuis le site Internet du CSA : une équipe chargée des relations avec les publics lit attentivement chacune des remarques et réalise tous les mois des statistiques sur les tendances. Ces statistiques constituent des indicateurs importants sur la perception des programmes de radio et de télévision par l'auditeur et le téléspectateur mais aussi des pistes de réflexion pour l'action du CSA.

En cas de saisine officielle du CSA déposée via le formulaire intitulé « Alertez-nous sur un programme » accessible depuis le site Internet du CSA, le « plaignant » doit laisser ses coordonnées afin qu'à la fin de l'instruction du dossier par le CSA, celui-ci informe le citoyen de la suite donnée à sa plainte au regard du cadre juridique de l'audiovisuel (loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, décrets, cahier des charges des chaînes publiques ou conventions des chaînes privées, etc.). Seule une plainte pour laquelle auront été précisés le nom de la chaîne, la date, l'heure de diffusion, le titre du programme en cause et le motif, pourra être examinée par les services du CSA.

Les saisines, quel qu'en soit le nombre, ne déterminent ni l'action du CSA, ni l'instruction de la plainte. C'est le fond du problème posé qui justifie uniquement un examen par le CSA.

Que se passe-t-il après une saisine du CSA ?

Le temps nécessaire à l'examen d'une saisine par le CSA dépend de plusieurs facteurs, tels que la complexité juridique de la saisine et le délai d'attente des observations de la chaîne qui a un droit de réponse. Il peut donc être de plusieurs semaines.

L'instruction se déroule en plusieurs étapes :

1. - Examen de la saisine au niveau de la direction du CSA concernée par le sujet ;

2. - examen de la saisine au niveau du groupe de travail du CSA concernée par le sujet ;

3. - examen au niveau du Collège plénier ;

4. - décision du Collège.

Une fois ce processus terminé et si la plainte aboutit à une décision du CSA, le plaignant recevra une réponse par voie électronique. Les décisions prises par le CSA font également l'objet d'une publication sur son site Internet.

Un pouvoir de régulation et de sanction du CSA
qui s'exerce de façon graduée

La mission du CSA, telle que décrite sur son site Internet, est de « prévenir avant de sanctionner ».

Dans cet esprit, toute sanction éventuelle est systématiquement précédée d'une mise en demeure (sauf concernant l'article 42-3 de la loi du 30 septembre 1986). Cette dernière a valeur d'avertissement.

Elle est envoyée lorsque le CSA constate un manquement lié à des obligations législatives, réglementaires ou à des engagements conventionnels.

La plupart des mises en demeure sont elles-mêmes précédées d'une lettre de mise en garde ou d'une lettre de rappel ferme à la réglementation . Son objectif est d'intervenir de manière graduée, afin d'éviter la sanction immédiate.

Si la personne ayant fait l'objet d'une mise en demeure ne se conforme pas à celle-ci, un rapporteur nommé par le vice-président du Conseil d'État est informé par le directeur général . Le rapporteur décide si les faits portés à sa connaissance justifient l'ouverture d'une procédure de sanction. Dans l'affirmative, au terme de son instruction, il propose au CSA le cas échéant l'adoption de l'une des sanctions prévues par la loi ou sa convention. Il appartient ensuite au CSA de décider s'il y a lieu de prononcer une sanction. Celle-ci tiendra compte de la gravité du manquement.

Les différentes sanctions possibles

Différents types de sanctions peuvent être infligés, en fonction de la gravité des manquements commis :

- la suspension de l'édition, de la diffusion, de la distribution du ou des services d'une catégorie de programme, d'une partie du programme ou d'une ou plusieurs séquences publicitaires pour un mois ou plus ;

- la réduction de la durée de l'autorisation ou de la convention dans la limite d'une année ;

- une sanction pécuniaire assortie éventuellement d'une suspension de l'édition ou de la distribution du ou des services ou d'une partie du programme ;

- le retrait de l'autorisation ou la résiliation unilatérale de la convention.

Pour l'ensemble des éditeurs, privés ou publics, le CSA peut également ordonner l'insertion dans les programmes d'un communiqué, dont il fixe les termes et les conditions de diffusion ( cf . articles 42-4 et 48-3 de la loi du 30 septembre 1986).

S'agissant des sanctions pécuniaires , leur montant dépend de la gravité des manquements commis et est en relation avec les avantages tirés de celui-ci.

Il n'excédera pas 3 % du chiffre d'affaires hors taxes, réalisé au cours du dernier exercice clos calculé sur une période de douze mois. Ce maximum est porté à 5 % en cas de nouvelle violation de la même obligation.

Fin 2017 par exemple, le CSA avait prononcé à l'encontre de la SAS NRJ une sanction pécuniaire d'un montant d'un million d'euros . Cette sanction faisait suite à la diffusion, dans l'émission C'Cauet , le 9 décembre 2016, d'un canular téléphonique durant lequel les auteurs avaient formulé des commentaires avilissants relatifs au physique d'une femme, victime du canular, ainsi que des insultes et des propos dégradants concernant sa vie intime.

Le Conseil a notamment considéré, que ces propos méconnaissaient gravement les dispositions de l'article 3-1 de la loi du 30 septembre 1986 qui dispose notamment que le Conseil « assure le respect des droits des femmes dans le domaine de la communication audiovisuelle. À cette fin, il veille (...) à l'image des femmes qui apparaît dans ces programmes, notamment en luttant contre les stéréotypes, les préjuges sexistes, les images dégradantes, les violences faites aux femmes et les violences commises au sein des couples. Dans ce but, il porte une attention particulière aux programmes des services de communication audiovisuelle destines à l'enfance et à la jeunesse ».

Si le manquement est constitutif d'une infraction pénale, le montant de la sanction pécuniaire ne peut excéder celui prévu pour l'amende pénale.

Lorsque le CSA a prononcé une sanction pécuniaire devenue définitive avant que le juge pénal ait statué définitivement sur les mêmes faits ou des faits connexes, celui-ci peut ordonner que la sanction pécuniaire s'impute sur l'amende qu'il prononce. Sont agrégées au montant du chiffre d'affaires l'ensemble des recettes publicitaires provenant de l'activité du service. Les sanctions pécuniaires sont recouvrées comme les créances de l'État étrangères à l'impôt et au domaine.

Dans le cadre de la procédure d'urgence prévue à l'article 42-10 de la loi du 30 septembre 1986 (procédure dite de « référé audiovisuel »), le président du CSA peut demander au président de la section du contentieux du Conseil d'État, qui statue en référé et dont la décision est immédiatement exécutoire, qu'il soit ordonné à la personne qui en est responsable, de se conformer aux dispositions de la loi du 30 septembre 1986, de mettre fin à l'irrégularité ou d'en supprimer les effets.

Cette demande peut avoir pour objet de faire cesser la diffusion, par un opérateur satellitaire, d'un service de télévision relevant de la compétence de la France dont les programmes portent atteinte à l'un au moins des principes mentionnés aux articles 1 er , 3-1 ou 15 de la loi du 30 septembre 1986.

Par ailleurs, en vertu de l'article 42-11 de la loi du 30 septembre 1986, le CSA saisit le Procureur de la République de toute infraction aux dispositions de la loi du 30 septembre 1986.

Source : site Internet du Conseil supérieur de l'audiovisuel

Ø La présence des femmes dans les structures internes des médias

La représentation paritaire au sein des structures internes des médias audiovisuels, et notamment au sein des équipes dirigeantes, est aussi une préoccupation exposée à la délégation par les représentants de trois groupes audiovisuels présents à la table ronde du 27 février 2020 : France Télévisions , Radio France et le groupe TF1 .

Ainsi, Marie-Anne Bernard, directrice de la RSE à France Télévisions , rappelait que « la question de la place des femmes à France Télévisions , c'est évidemment d'abord la question de leur place à l'intérieur de l'entreprise. Nous avons une présidente, comme Radio France , Arte et France Médias Monde . Son premier geste a été de nommer un comité exécutif paritaire, ce qui change considérablement la physionomie d'un groupe. Cela permet de descendre dans les autres niveaux de direction. Actuellement, 45 % des salariés de France Télévisions sont des femmes. Parmi les journalistes, elles sont 40 %. Les comités de direction sont composés de 45 % de femmes. Les cadres supérieurs et dirigeants sont, pour 40 %, des femmes ».

De même, Bruno Laforestrie, président du comité « Diversité et égalité » de Radio France , indiquait à la délégation : « le comité exécutif de Radio France est en majorité féminin : 56 % de femmes. Outre le comité exécutif, un comité « Diversité et égalité » a été créé dès 2016. Les fonctions managériales, les fonctions de gestion, de communication, mais aussi les fonctions éditoriales, à la tête de radios importantes, sont toutes concernées. Le mouvement de féminisation de l'antenne porté depuis quatre ans est d'ailleurs un élément du succès de nos antennes : le gain d'auditeurs est un gain d'auditrices aussi ! ».

Il reconnaissait toutefois que Radio France « avait pris du retard » s'agissant de la promotion de l'égalité professionnelle au sein du groupe et de la création par l'entreprise des conditions d'un réel épanouissement professionnel des femmes travaillant au sein de Radio France : « l'index d'égalité professionnelle est désormais obligatoire dans les entreprises. Celui que Radio France publiera dans quelques jours sera de 93 sur 100. Sur toutes les fonctions, sur toutes les questions de rémunération, d'évolution, d'automatisation des promotions suite à une maternité, sur toutes les questions aussi de la part des femmes dans les dix meilleures rémunérations, une analyse statistique est menée par les ressources humaines. Cela permet d'objectiver la question de l'épanouissement et de l'évolution professionnelle au sein des entreprises de médias, publics comme privés ».

S'agissant du groupe TF1 , Nathalie Lasnon, directrice des affaires réglementaires et de la concurrence , a précisé que « TF1 compte 56 % de salariées. Le comité de management de TF1 , qui regroupe les principaux managers, compte 40 % de femmes ». En outre, Christelle Chiroux, rédactrice en chef de 20H Le Mag au sein de la rédaction de TF1 , indiquait que « le comité de direction de la direction de l'information est assez paritaire. Plusieurs émissions sont présentées par des femmes ».

À France Médias Monde , entreprise du service public audiovisuel, dont la présidente directrice générale, Marie-Christine Saragosse, a été auditionnée par la délégation le 15 juin 2020, la parité est respectée puisqu'au sein des effectifs globaux, on compte 50,5 % de femmes, et 56 % de femmes au sein des effectifs de journalistes . S'agissant de la gouvernance, sur deux des trois médias que compte l'entreprise la direction est assurée par une femme et le Comité exécutif de France Médias monde est paritaire. Enfin, s'agissant de l'encadrement journalistique des rédactions, les femmes constituent 48 % des effectifs encadrants.

Pour autant, des marges de progression sont possibles et souhaitables dans l'ensemble des médias audiovisuels, publics et privés, à tous les niveaux de responsabilité, car les chiffres dans leur globalité sont encore loin de la parité .

Ainsi que le rappelait Léa Lejeune, présidente de l'association Prenons la Une ! , regroupant exclusivement des femmes journalistes, lors de son intervention au cours de la table ronde du 27 février 2020, à propos de la création de cette association en 2014 : « l'idée était de dénoncer à la fois la sous-représentation des femmes dans les médias, les stéréotypes avec lesquels elles étaient décrites et le fait qu'il n'y avait, à l'époque, que 18 % de femmes expertes représentées dans les médias. Nous établissions alors un lien entre cette sous-représentation et le fait qu'il y ait très peu de femmes aux postes de direction : la Commission paritaire de la carte de presse indique en effet qu'en 2018, il n'y avait que 19 % de directrices de média en France et 34 % de rédactrices en chef. Nous pensons que compter est la meilleure des manières de dénoncer les faits ».

On notera récemment, le 22 juin 2020, l'élection à la présidence du directoire d' Arte France , par les membres du conseil de surveillance, de M. Bruno Patino, en remplacement de Mme Véronique Cayla, en poste depuis 2011 et atteinte par la limite d'âge de 70 ans pour occuper cette fonction. Mme Cayla figurait parmi les quatre femmes dirigeantes de l'audiovisuel public au même titre que Delphine Ernotte pour France Télévisions , Sybile Veil pour Radio France et Marie-Christine Saragosse pour France Médias Monde .

En outre, certaines tranches horaires ou certains types d'émissions, à la radio ou à la télévision, demeurent encore des « bastions » masculins . C'est le cas par exemple des « matinales » à la radio, « case » la plus valorisée dans le monde de la radio, qui, ainsi que le formulait, avec humour, Léa Lejeune lors de la table ronde du 27 février 2020, « restent des mati-mâles ». Et même lorsqu'elles sont à l'antenne aux heures de forte audience, les femmes journalistes ne sont pas « seules aux manettes » mais forment souvent un binôme avec un confrère masculin.

Enfin, la place des femmes dans les médias ne saurait être dissociée de celle de la lutte contre le harcèlement et les agissements sexistes dans les médias. C'est pourquoi l'association Pour les femmes dans les médias (PFDM), auditionnée par la délégation lors de sa table ronde du 27 février 2020, a lancé en 2019 une Charte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes dans les médias , signée par 69 professionnels de l'audiovisuel, du cinéma, de la presse, de la musique, du digital de l'audiovisuel entre 2019 et 2020, en présence du ministre de la culture. Cette charte a notamment abouti à la mise en place, au mois de juin 2020, d'une « cellule d'alerte et d'écoute à destination des victimes de violence et de harcèlement sexuel et sexiste » dans le spectacle vivant, l'audiovisuel et le cinéma.

LES ENGAGEMENTS RÉGLEMENTAIRES ET CONTRACTUELS DE L'AUDIOVISUEL PUBLIC EN FAVEUR DE L'ÉGALITÉ FEMMES-HOMMES

1. Radio France

1.1. Rappel du cadre réglementaire et contractuel

Extrait du cahier des missions et des charges

Article 5 - « La société veille au respect de la personne humaine et de sa dignité, de l'égalité entre les femmes et les hommes ainsi qu'à la protection des enfants et adolescents. Elle avertit les auditeurs sous une forme appropriée lorsqu'elle programme des émissions de nature à heurter leur sensibilité . »

Extrait du Contrat d'objectifs et de moyens (COM) 2015-2019

Article 10.3 - « Inscrire la responsabilité sociale et environnementale au coeur de la performance de l'entreprise

Radio France poursuivra la politique d'égalité des chances et de traitement des collaborateurs. Dans cette perspective, l'entreprise développera une politique volontariste avec des objectifs chiffrés (nombre de postes à responsabilité occupés par des femmes, accessibilité des métiers et des bâtiments aux personnes en situation de handicap...) faisant l'objet d'un suivi annuel dans le rapport de gestion.

S'agissant plus particulièrement de l'égalité professionnelle, différentes actions seront engagées :

- favoriser la nomination de cadres femmes, notamment dans le réseau Bleu ;

- promouvoir la mixité dans les équipes et dans certains métiers (notamment techniques) ;

- sensibiliser l'ensemble des collaborateurs à la lutte contre les préjugés et les stéréotypes ;

- promouvoir les actions favorisant l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée : aménagement des horaires de réunions, souplesse de l'organisation du temps de travail, etc. »

1.2. Réalisations

Rapport d'exécution du cahier des missions et des charges pour l'année 2018

Radio France s'est engagée depuis le 8 mars 2017, et conformément à la recommandation du Conseil supérieur de l'audiovisuel, sur un objectif chiffré de progression de la présence des femmes sur les antennes. Par ailleurs, l'augmentation des programmes recensés comme contribuant à la lutte contre les préjugés sexistes et les violences faites aux femmes se poursuit en 2018 : 288 programmes ont ainsi été diffusés contre 251 en 2017 et 143 en 2016. Radio France poursuit sa politique de promotion de l'égalité entre les femmes et les hommes en interne. En 2018, le pourcentage des rédactrices en chef du Réseau France Bleu est de 50 %.

Le tableau ci-dessous restitue la part des femmes au sein de l'effectif total de l'entreprise et dans ses différentes instances de direction.

Un nouvel accord triennal sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes à Radio France a été signé le 31 juillet 2018. Dans cet accord quatre domaines d'actions prioritaires sont soulignés : la promotion professionnelle ; la rémunération effective ; l'évolution des mentalités et la lutte contre les discriminations liées au sexe ; et enfin, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle.

2. France Télévisions

2.1. Rappel du cadre réglementaire et contractuel

Extrait du cahier des missions et des charges

Article 37 : « La lutte contre les discriminations et la représentation de la diversité à l'antenne

France Télévisions prend en compte, dans la représentation à l'antenne, la diversité des origines et des cultures de la communauté nationale.

Elle veille à ce que ses programmes donnent une image la plus impartiale possible de la société française dans toute sa diversité. Elle accorde également une attention particulière au traitement par les programmes qu'elle offre des différentes composantes de la population. À cet égard, elle contribue à la visibilité des populations et cultures ultramarines sur l'ensemble de ses services notamment par la présence de programmes de fictions et de documentaires relatifs à l'outre-mer.

De façon générale, elle promeut les valeurs d'une culture et d'un civisme partagés.

Dans le cadre des recommandations du Conseil supérieur de l'audiovisuel, la société met en oeuvre les actions permettant d'améliorer la représentation de la diversité de la société française. ».

Extrait du COM 2016-2020

Des programmes qui reflètent la société française :

« La mission de juste représentation a deux dimensions : favoriser une plus grande diversité des visages présents à l'antenne et, au sein de l'entreprise, s'assurer que les recrutements et les promotions, notamment aux postes de décision liés à l'antenne et aux programmes, reflètent la diversité sociale et culturelle de la société française. Si l'entreprise a déjà engagé une politique et une réflexion offensive en matière de diversité, les résultats continuent toutefois à se faire attendre. Cette juste représentation doit prendre toutes les formes, à la fois dans les oeuvres, à commencer par la fiction, à travers la présence de tous les parcours de vie et de tous les rôles. Elle doit aussi se voir dans les émissions quotidiennes, dans les magazines et au sein des programmes d'information, notamment avec l'invitation d'experts. L'entreprise continuera à améliorer ses résultats et conduira une évaluation en lien avec le Conseil supérieur de l'audiovisuel.

La représentation des femmes à l'antenne reste loin d'avoir atteint un objectif d'égalité. C'est pourquoi, confirmant les engagements pris par France Télévisions depuis 2012, la part des expertes sollicitées ès qualités dans les émissions de débat et d'information continuera d'augmenter de cinq points par an, jusqu'à atteindre la parité en 2020. »

2.2. Réalisations

Rapport d'exécution du COM 2016-2020 pour l'année 2018

• Promotion de l'égalité femmes-hommes

France Télévisions s'est engagée à augmenter le nombre de femmes « expertes » qui interviennent sur ses antennes. L'objectif est d'atteindre la parité complète en 2020. En 2018, cette part continue de progresser pour atteindre 42 % sur l'ensemble des chaînes du Groupe (contre 30 % en 2015), tout en diversifiant les secteurs d'expertise (économie, affaires internationales, technologies...).

Par ailleurs, France Télévisions , partenaire du « Guide des expertes » avec Radio France , a mis en place un outil numérique et gratuit qui répertorie plus de 1 000 profils de femmes expertes sur près de 200 thématiques à destination des journalistes, programmateurs mais également d'entreprises, collectivités, associations ou universités.

Selon l'Institut national de l'audiovisuel, c'est sur les chaînes publiques que l'augmentation du temps de parole des femmes est la plus visible de 2010 à 2018 (+7,2 %), notamment aux heures de grande écoute (+8,8 %), contre une progression de 4,7 % en moyenne sur l'ensemble des chaînes.

À travers les visages de ses émissions quotidiennes, qui se sont considérablement féminisés au cours des dernières années, comme à travers son offre de fiction mettant en scène des premiers rôles féminins ( Un si grand soleil , Capitaine Marleau , Candice Renoir , Nina , Lebowitz contre Lebowitz ...), France Télévisions participe à la lutte contre le sexisme et les stéréotypes. Tout au long de l'année, France Télévisions se mobilise en faveur de l'égalité des droits entre les femmes et les hommes et la lutte contre les violences faites aux femmes.

• Chiffres clés

- Index égalité hommes/femmes 2018 : 94/100

- 44,7 % de femmes au sein des salariés permanents de France Télévisions ;

- 56 % de femmes dans le comité de direction de France Télévisions ;

- 43,6 % de femmes dans les fonctions à responsabilité du réseau France 3 ;

- 43% de femmes au conseil d'administration de France Télévisions.

3. France Médias Monde

3.1 Rappel du cadre réglementaire et contractuel

Extrait du cahier des charges

Article 21 - DROITS DE LA PERSONNE

« Chacun des services mentionnés à l'article 2 est édité dans le respect de la personne humaine et de sa dignité, de l'égalité entre les femmes et les hommes ainsi qu'en veillant à la protection des enfants et des adolescents . »

Extrait du COM 2016-2020

1.A.1. « Le groupe confirme également son engagement en faveur de l'égalité entre femmes et hommes dans ses programmes comme dans la gestion de ses ressources humaines. Les médias continuent à favoriser la représentation des femmes dans leurs différents programmes dans une démarche d'amélioration continue en lien avec le Conseil supérieur de l'audiovisuel. Enfin, il s'agit d'une préoccupation transverse qui se concrétise dans les engagements sociétaux de l'entreprise . »

3.A.2 « L'égalité entre femmes et hommes

En politique RH : il est prévu de poursuivre une politique de réduction des écarts salariaux entre les hommes et les femmes.

Sur les antennes : une vigilance accrue continuera d'être portée à la présence des femmes sur les antennes. Dans le cadre de la loi du 4 août 2014 sur l'égalité réelle entre les femmes et les hommes et de la délibération du CSA du 4 février 2015, France Médias Monde fournit désormais une évaluation annuelle de la représentation des femmes et des hommes dans ses programmes, à travers des indicateurs qualitatifs et quantitatifs. En lien avec le CSA, des objectifs de progression portant sur les journalistes à l'antenne mais aussi sur les expertes et invitées sur les plateaux sont fixés chaque année. FMM s'engage à atteindre un objectif d'au moins 40 % de femmes présentes sur ses antennes toutes catégories confondues au terme du COM ainsi qu'à faire progresser la part des femmes invitées sur ses antennes (expertes, autres intervenantes) pour atteindre un objectif de 33 % en 2020.

Le rapport sur la responsabilité sociale et environnementale de France Médias Monde rendra compte des progrès faits chaque année par l'entreprise en la matière . »

3.2 Réalisations

Rapport d'exécution du COM 2016-2020 pour l'année 2018

Convaincue que la prise de conscience passe par le suivi d'indicateurs chiffrés, FMM suit tout au long de l'année la représentation des femmes sur ses antennes et fournit ses données chiffrées au CSA en se fixant chaque année des objectifs de progression dans une démarche d'amélioration continue. En 2018, les femmes représentaient ainsi 49 % des présences sur les antennes, et les expertes et autres intervenantes ont atteint 31 % sur France 24 et RFI .

L'engagement de FMM pour l'égalité entre les hommes et les femmes est également au coeur des programmes proposés par RFI et France 24 au travers d'émissions dédiées (« Actuelles » sur France 24 , « Priorité Santé » et « 7 milliards de voisin(e)s » sur RFI ). Pour les seuls magazines de RFI et France 24 en français, ce sont ainsi plus de 260 émissions dédiées à ces thématiques qui ont été diffusées sur les antennes en 2018. Ce volume illustre le volontarisme éditorial des médias du groupe qui consacrent au moins une émission ou un sujet inédit tous les deux jours aux droits des femmes.

Enfin, l'étude menée par INA Global menée en début d'année 2019 indique que RFI et France 24 s'illustrent parmi les médias français les plus paritaires en ce qui concerne la représentation des femmes sur leurs antennes.

France Médias Monde compte 50,5 % de femmes dans ses effectifs et constate une mixité des emplois dans la plupart de ses secteurs d'activité.

Le groupe veille à respecter la parité à travers la place des femmes au sein de son encadrement. Ainsi, son comité exécutif comme son conseil d'administration, constitués de quinze membres, comptent chacun sept femmes. Les femmes sont également bien représentées dans l'encadrement journalistique dont elles constituent 46 % des effectifs en 2018.

Un regard spécifique est porté lors des décisions de promotions : Les trois dernières années se soldent par une proportion de mesures individuelles plus élevées en faveur des femmes : 51 % en 2015, 53 % en 2016 et près de 54 % en 2017/2018 alors qu'elles ne représentent que 50 % des effectifs. Cela s'inscrit dans le cadre d'une politique de réduction des écarts salariaux avec une volonté réelle de remédier aux disparités lors des augmentations annuelles.

Résultat de cette politique volontariste en matière d'égalité professionnelle, FMM a atteint pour 2018 la note quasi-maximale de 99/100 attribuée dans le cadre du nouvel index sur l'égalité femmes/hommes, rendu obligatoire par la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

Enfin, France Médias Monde est extrêmement vigilant aux risques de harcèlement sexuel et moral, pris en charge dans le cadre de son CHSCT, à travers le document unique et le plan annuel de prévention des risques professionnels et d'amélioration des conditions de travail. Une procédure d'alerte formalisée à la disposition des collaborateurs vient également d'être mise en place pour compléter le dispositif. FMM est signataire depuis mars 2019 de la charte PFDM (Pour les Femmes dans les Medias) : « Les médias s'engagent contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes ».

Source : Direction générale des médias et industries culturelles, sous-direction de l'audiovisuel, ministère de la culture

3. L'importance de compléter les statistiques par des critères qualitatifs affinés

Comme l'a précisé à la délégation Sylvie Pierre-Brossolette, présidente de la commission « Lutte contre les stéréotypes » du Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCE) , lors de la table ronde du 27 février 2020, « de grands progrès ont été réalisés, mais il reste encore beaucoup à faire. On ne compte que 42 % de femmes sur les antennes : la proportion de femmes s'élève à 39 % entre 18 et 20 heures, mais tombe à 29 % entre 21 et 23 heures, aux heures de grande écoute. Les expertes sont 37 %, en moyenne - si le service public dépasse l'objectif, cela signifie que certaines chaînes sont à la traîne... Le temps de parole des femmes n'est que de 33 %. Non seulement les femmes sont moins présentes à l'antenne, mais on leur donne moins la parole ! ».

Ainsi, les critères à l'aune desquels est analysée la place des femmes dans les médias audiovisuels doivent encore être améliorés et tenir compte, par exemple, du différentiel entre leur temps de présence à l'antenne et leur temps de parole, de la qualité de la place et du statut qu'elles occupent à l'antenne, du contenu de leur prise de parole .

La production de chiffres permet certes d'objectiver la question de la représentation des femmes à l'antenne : compter est indispensable, mais il faut aller au-delà du simple comptage . Il importe également, de façon qualitative, d'analyser les « espaces » dans lesquels interviennent les femmes lorsqu'elles ont la parole. Et parmi ces espaces il est indispensable de porter une attention particulière à tout ce qui relève de l'information et de la circulation des compétences et des savoirs.

Ainsi que le formulait à nouveau très justement Sylvie Pierre-Brossolette lors de la table ronde de la délégation du 27 février 2020 : « il ne suffit pas d'afficher des moyennes satisfaisantes en demandant à des femmes de parler du Care à quatre heures de l'après-midi ou en fin de soirée, il faut que les femmes parlent de tout, à toutes les heures ! Et pas seulement de sujets associés aux femmes... Nous devons donc resserrer les mailles du filet, et exiger une progression annuelle, même minime, car les chaînes sont encore loin de la parité ».

De même, Léa Lejeune, présidente de l'association Prenons la Une ! , suggérait qu'il « serait bon aussi de mesurer la part des femmes dans les programmes aux heures de grande écoute , c'est à dire pendant les matinales et en prime time, mais aussi de procéder à une analyse plus qualitative : à propos de quels thèmes sont-elles représentées ? En général, il s'agit de sujets sur la culture, les thèmes de société ou les rôles de mère de famille ».

La délégation souscrit pleinement à ces arguments : seule une analyse qualitative poussée de la place des femmes dans les médias audiovisuels permettra in fine d'améliorer leur visibilité et leur représentation et de les libérer des rôles stéréotypés auxquels elles sont trop souvent assignées .


* 3 Référence au slogan du collectif « We are Sista ».

* 4 Rapport annuel du CSA depuis 2016 sur la représentation des femmes à la télévision et à la radio.

* 5 Le rapport de Michèle Reiser et Brigitte Grésy de 2008 sur L'image des femmes dans les médias analysait les programmes de six chaînes de télévision et six stations de radio diffusés le 15 mai 2008 et mesurait le taux de présence, le taux d'expression et les taux d'identification des femmes sur ces médias.

* 6 Rapport quinquennal du GMMP mesurant le taux de présence des femmes par catégorie d'intervenants et par sujet, en analysant un jour donné tous les cinq ans depuis 1995. La dernière étude s'appliquait à 114 pays.

* 7 Cf. infra, l'étude de l'INA, publiée en mars 2019, intitulée À la télé et à la radio, les femmes parlent deux fois moins que les hommes .

* 8 Dans un rapport sur la communication des élus, rendu public le 1 er juillet 2020, l'Observatoire de la vie parlementaire « Projet Arcadie » a analysé les interventions de 4 400 élus dans les médias audiovisuels (télévision et radio) entre juillet 2017 et juillet 2019 : il en ressort que seuls 26 % des intervenants politiques invités sur les plateaux étaient des femmes et que leur temps de parole se chiffrait à 2 043 heures contre 6 087 heures pour les hommes, soit un temps de parole d'environ deux tiers inférieur à celui des hommes.

* 9 Cf. infra : étude intitulée À la télé, près de neuf réalisateurs de fictions sur dix sont des hommes , publiée le 5 mars 2020.

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