FEMMES ET MÉDIAS AUDIOVISUELS PENDANT LA CRISE SANITAIRE : L'EXEMPLE TYPE D'UNE VIGILANCE À MAINTENIR

La crise sanitaire liée à la pandémie mondiale de Covid-19, qu'a traversée la France à partir du mois de mars 2020, a dégradé - sur une période toutefois circonscrite correspondant aux premières semaines du confinement - la qualité de la représentation des femmes dans les médias audiovisuels.

Les conditions dans lesquelles les médias audiovisuels ont assuré le traitement de cette crise exceptionnelle ont en effet eu, essentiellement au cours du premier mois de confinement, un impact négatif sur la présence et la visibilité des femmes à l'antenne et leur place dans l'espace médiatique.

Si l'on a inévitablement assisté au retour des « mauvais réflexes » tendant à privilégier, par exemple, la parole d'experts masculins, en raison des contraintes de l'urgence, par manque de moyens ou faute d'un carnet d'adresses suffisamment étoffé, le constat d'une « confiscation » masculine de la parole publique officielle pendant cette crise relève également de facteurs extérieurs sur lesquels les médias audiovisuels n'avaient pas toujours prise .

La délégation considère, à beaucoup d'égards, que les conséquences, aussi brutales que rapides, de cette crise sur la place des femmes dans les médias audiovisuels doivent nous questionner collectivement sur les raisons pour lesquelles cette crise aura marginalisé la parole experte des femmes dans les médias, en tous cas pendant les premières semaines du confinement , surtout entre la mi-mars et la fin avril. On ne peut dès lors s'empêcher de penser à la célèbre citation de Simone de Beauvoir : « N'oubliez jamais qu'il suffira d'une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant ».

C'est bien de nécessaire vigilance qu'il est question aujourd'hui : la régression, en quelques semaines, de la représentation des femmes, relevant de certaines catégories clairement identifiées (expertes ou femmes politiques notamment), dans les médias audiovisuels, peut être considérée, en quelque sorte, comme un « dommage collatéral » de la crise sanitaire. Ce constat doit aiguiser notre conscience de la fragilité intrinsèque des progrès réalisés au cours des dernières années en la matière .

1. Le constat au cours des premières semaines de la crise : un recul significatif et symbolique de la représentation des femmes dans les médias

Le recul de la représentation des femmes dans les médias a, dans un premier temps, été constaté dans la presse écrite , notamment par des associations telles que Prenons la Une ! , dont la présidente Léa Lejeune avait été auditionnée par la délégation lors de sa table ronde du 27 février 2020.

Faisant référence à une photo parue dans l'hebdomadaire Paris Match le 2 avril 2020, légendée « Conseil de guerre » et qui montrait une écrasante majorité d'hommes réunis à l'Élysée autour du Président de la République dans le cadre de la gestion de la crise sanitaire, ou encore à la Une du Parisien du dimanche 5 avril 2020 titrée « Ils racontent le monde d'après » avec exclusivement quatre hommes en couverture, cette association a sonné l'alerte et appelé à une grande vigilance quant à la question du recul des femmes invitées dans les médias.

Parti de la presse écrite, le constat s'est très vite élargi à la presse audiovisuelle, surtout dans le domaine de l'expertise . En effet, au cours des premières semaines, le traitement médiatique de la crise sanitaire a fait une large place à la parole des experts médicaux, scientifiques et hospitaliers , très majoritairement masculins .

Le 6 mai 2020, le Haut Conseil à l'égalité (HCE) publiait son bulletin « Vigilance égalité » n° 2, intitulé « Les medias en temps de crise : un prisme déformant de la place et du rôle des femmes dans le monde ». Il estimait notamment que « la crise a exacerbé de façon dramatique le sexisme des médias. Elle a servi de miroir grossissant aux travers usuels qui commençaient à être masqués, essentiellement dans le service public, par des engagements contractuels sur la place des femmes et des expertes ainsi que sur le contenu des émissions, depuis la loi du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes ».

Pour le HCE, « la crise exigeait une parole d'autorité pour rassurer et sensibiliser : cette parole a été quasi exclusivement masculine ». Le HCE rappelait notamment la responsabilité incombant aux médias de « refléter de façon équilibrée la composition de la société elle-même et la place qu'y occupent les différents individus, femmes et hommes. (...) Et là, en temps de crise et donc d'attentes exacerbées des auditeurs et des lecteurs, la déception reste majeure ».

Il soulignait enfin qu' à ses yeux, « trois conditions d'une information juste n'ont pas été respectées » pendant cette crise :

- la représentativité des protagonistes de la crise d'abord, dans la mesure où la parole d'autorité a été recherchée essentiellement dans les viviers du « mandarinat » médical et scientifique ;

- l'absence de diversification des « récits de la crise » et des points du vue sollicités pour le traitement médiatique de la crise : « la crise n'a pas été et n'est toujours pas suffisamment montrée du point de vue de l'ensemble des acteurs qui participent à notre survie quotidienne et de l'ensemble des actions et énergies qui font tenir la société : dans les hôpitaux où 80 % du personnel soignant sont des femmes , et même 91 % des 600 000 aides-soignants, dans les commerces, dans les services aux personnes, notamment dans les Ehpad, dans les services d'entretien, parmi les éducateurs et ceux qui prennent soin de nos enfants » ;

- enfin, le choix contestable des « champs lexicaux de cette mobilisation collective contre le virus, celui de la guerre avec son cortège de postures viriles plus que celui de l'entraide ».

Ce constat radical du Haut Conseil à l'égalité, exprimé dès le début du mois de mai 2020, a permis de pointer du doigt les errements médiatiques du traitement de la crise en début de période notamment, essentiellement entre la mi-mars et la fin avril 2020, et les défaillances initiales des médias audiovisuels en termes de juste représentativité des femmes à l'antenne. Il a participé à une prise de conscience par ces médias du recul de la place des femmes sur leurs antennes et leur a permis d'en tirer les conséquences pour la suite.

En outre, la délégation n'oublie pas que cette régression de la place des femmes dans les médias audiovisuels en temps de crise est aussi le reflet de déséquilibres à l'oeuvre au sein-même de notre société : déséquilibre de la représentation des femmes au sein des plus hautes fonctions médicales et hospitalières ; déséquilibre dans la prise de parole publique officielle, notamment politique.

Les différents médias auditionnés 10 ( * ) par la délégation lors de sa table ronde du 27 février 2020 ont bien voulu faire part à la délégation, au travers d'éléments transmis à son secrétariat au cours des mois de mai et juin 2020, de leurs « retours d'expérience », tentant d'analyser les raisons de la régression initiale constatée de la place des femmes sur leurs antennes .

En outre, sur cette question, deux rapports parus le mardi 23 juin 2020, le premier du CSA sur « la représentation des femmes dans les médias audiovisuels pendant l'épidémie de Covid-19 - mars à mai 2020 », le second, un rapport d'étape de la députée Céline Calvez, missionnée par le Premier ministre dans une lettre datée du 24 avril 2020, sur « la place des femmes dans les médias en temps de crise », soulignent que les femmes expertes ont moins eu accès à la parole pendant l'épidémie de coronavirus. Toutefois, le CSA ne conclut pas, pour autant, à une spécificité de la période globale étudiée (de mars à mai 2020) en matière de sous-représentation des femmes sur les antennes des médias audiovisuels, tout en soulignant la tendance à privilégier la parole experte des hommes.

Ø Les facteurs du recul initial de la place des femmes dans les médias audiovisuels pendant la crise

Des difficultés d'organisation de l'antenne liées au confinement engendrant un travail dans l'urgence et une résurgence de « mauvais réflexes »

Contactée au mois de mai 2020, la directrice de la RSE de France Télévisions a souligné les difficultés d'organisation de l'antenne au cours des premières semaines liées aux conséquences du confinement : l'obligation de continuité du service public combinée à celle de protéger la santé des salariés de France télévisions a ébranlé le fonctionnement de l'antenne pendant les premières semaines de confinement. L'effet de « sidération » face au caractère exceptionnel de la crise, couplé à la réduction des effectifs et aux conditions dégradées du fonctionnement de l'antenne ont eu un impact négatif significatif sur la place des femmes à l'antenne de France Télévisions au début de la crise.

Si, au cours des premières semaines après le début de la crise, aucun changement n'a été constaté s'agissant du pourcentage de femmes dans les catégories professionnelles à France Télévisions , en revanche un changement significatif dans la catégorie « invités » et notamment celle des experts est à déplorer .

Ainsi, les indicateurs habituels de présence des femmes à l'antenne des émissions de FTV ont significativement baissé, notamment s'agissant des émissions d'analyse de l'actualité.

Le constat a été globalement le même pour la rédaction de TF1 pour laquelle la crise sanitaire et le confinement ont constitué des périodes exceptionnelles en termes de traitement de l'information. Les interlocuteurs étaient très différents de ceux avec lesquels la rédaction traite habituellement ; l'information délivrée, surtout dans les premières semaines, étant « monothématique » : tous les sujets tournaient autour du coronavirus.

La plupart des sujets des journaux télévisés portaient sur des thématiques sanitaires. En outre, la parole politique relevait quasi exclusivement de l'exécutif avec un nombre restreint de ministres habilités à intervenir, pour la plupart masculins.

La réalisation des journaux télévisés s'est faite dans des conditions très dégradées au plus fort de la crise sanitaire et notamment pendant les deux mois de confinement, avec des moyens humains et techniques réduits : des effectifs restreints, pour beaucoup en télétravail, des journalistes continuant d'exercer leur métier avec des contraintes extrêmement fortes.

En outre, la rédaction a travaillé dans l'urgence et quasiment en continu (de 6h à 23h) : il fallait confectionner trois journaux par jour, parfois très longs.

Alors que les sujets traités nécessitaient un grand besoin d'expertise pointue, la rédaction de TF1 a rencontré plus de difficultés qu'habituellement à trouver des experts fiables et volontaires pour intervenir. Elle s'est adressée à des partenaires institutionnels réputés (INSERM ou Hôpitaux) pour leur panel d'experts et a, dans un premier temps, mis de côté ses exigences en termes d'équilibre femmes-hommes pour le choix des experts. La rédaction s'est toutefois très vite rendue compte du déséquilibre hommes/femmes des experts auxquels elle avait recours.

Enfin, il a fallu être très vigilant pendant toute cette période sur la rigueur des informations livrées aux téléspectateurs : les journalistes n'avaient pas le droit à l'erreur et la crédibilité des grands médias était en jeu d'où un recours à la « facilité » en se tournant vers des experts reconnus ou recommandés par le milieu scientifique et médical. Or ces experts étaient le plus souvent des hommes.

Pour Radio France également, la surreprésentation masculine des experts et invités politiques a été constatée pendant les premières semaines de la crise.

Radio France a dû adapter la configuration de ses antennes en seulement 24 heures. La direction de Radio France a alors pris une décision drastique, celle de recentrer l'ensemble des effectifs de l'entreprise sur ses trois antennes dites « d'intérêt vital » : France Inter , France Bleu et France Info . L'ensemble des autres antennes de Radio France a basculé dans un fonctionnement dit de « programmes automatiques ».

Très vite la question des invités potentiels s'est posée et avec elle celle des différentes catégories possibles d'invités ainsi que celle de leur genre.

Schématiquement, on peut ainsi distinguer deux périodes dans la gestion de cette crise sur les antennes de Radio France :

- entre la mi-mars et la mi-avril, l'antenne de Radio France a procédé à une gestion en urgence de la crise et a privilégié le recours à une parole politique « officielle », émanant de l'exécutif, et à une parole scientifique et médicale, deux viviers pour lesquels les hommes étaient surreprésentés ;

- entre la mi-avril et la mi-mai, d'autres types de question ont été abordés, notamment des questions d'ordre sociologique, culturel ou éducatif, pour lesquelles le vivier d'experts s'est élargi et qui ont permis de faire appel à plus de femmes expertes.

• Des facteurs extérieurs que les chaînes disent avoir subis

Les trois médias audiovisuels précités, France Télévisions , TF1 et Radio France ont fait part de constats convergents :

- une « inflation » de représentants masculins des professions médicales exerçant des fonctions d'autorité : parmi les professeurs de médecine praticiens hospitaliers (à savoir les chefs de service hospitalier), on ne compte que 19 % de femmes ;

- l'absence de réels débats politiques , au début de la crise notamment, sur les annonces du gouvernement, qui pourrait expliquer une diminution du nombre d'intervenants politiques, et par conséquent une moindre présence de femmes politiques à l'antenne ;

- une parole publique essentiellement masculine , en raison du fait que les responsables de l'exécutif appelés à s'exprimer étaient quasi-exclusivement des hommes et que le Conseil scientifique lui-même était également composé d'hommes à raison de 80 % (9 membres sur 11 à l'origine). D'où une surreprésentation des hommes dans la programmation des médias sans que ceux-ci n'aient complètement la main sur le choix de leurs invités.

Malgré cette réalité sociétale indéniable, certains médias audiovisuels s'en sortent toutefois mieux que d'autres pendant la crise, ce qui laisse à penser que féminiser la prise de parole sur les antennes était possible en menant une politique de diversification du recours aux experts et d'élargissement du champ des acteurs possibles.

Ø Des chiffres de représentation alarmants les premières semaines

France Télévisions a bien constaté une chute de la représentation des femmes au sein de la catégorie « experts » de ses invités au cours du premier mois de confinement notamment. Ainsi, dans les journaux télévisés, au cours du 1 er mois, on note un taux de 15 % seulement de femmes parmi les experts dits « pointus » intervenant à l'antenne .

Même une émission comme C'dans l'air , restée à l'antenne de façon quotidienne depuis le début de la crise, réputée pour la parité des experts invités en plateau et pour l'implication de Caroline Roux - journaliste en charge de l'émission - dans la défense de la représentation des femmes à l'antenne, a connu une baisse de la proportion de femmes en plateau le premier mois : alors que les femmes représentaient 50 % des invités en janvier/février 2020, ce taux est tombé à 40 % fin mars/début avril 2020.

Pour l'émission Le Magazine de la santé , ce taux a chuté à 18 % à la même date. Il est toutefois remonté à près de 40 % au mois de mai 2020.

France Télévisions a constaté le même type de « fléchissement » sur l'ensemble de l'antenne au cours du premier mois de confinement, plus ou moins prononcé selon les émissions .

Pour TF1 , pendant cette période, le « comptage » de la présence des femmes à l'antenne a continué : les chiffres enregistrés sont bons s'agissant de la présence des femmes journalistes (la parité a été respectée) ce qui a permis de compenser en partie les mauvais chiffres de la présence de femmes expertes à l'antenne .

Au début de la crise, la plupart des experts étaient masculins : seulement 15 % de femmes expertes en plateau dans les journaux télévisés de TF1 dans la première période de la crise et du confinement alors qu'habituellement le taux d'expertes est de 50 % (chiffres 2019) . D'où une vigilance de la rédaction s'agissant de la présence de journalistes femmes à l'antenne, issues des différents services de la rédaction.

Pour Radio France , sur l'antenne emblématique de France Inter , qui était par ailleurs une des radios les plus écoutées pendant le confinement, la parité des journalistes, chroniqueuses et animatrices présentes à l'antenne a été respectée . En outre la direction de l'antenne a veillé à la parité parfaite des « personnalités d'antenne ». Sur ces différentes catégories, la direction avait une maîtrise complète et a fait preuve d'une réelle vigilance.

S'agissant des invités, si l'on prend l'exemple de La Matinale de France Inter , émission la plus emblématique de Radio France et celle qui fait la plus grosse audience, Radio France note en effet une « surreprésentation » masculine dans la catégorie des invités politiques et des experts , et à l'inverse une « surreprésentation » féminine dans la catégorie des témoins .

En définitive, les chiffres de la représentation des femmes à l'antenne de Radio France devraient rester dans la moyenne annuelle de ce qui est généralement constaté, à savoir une présence féminine de l'ordre de 43/44 % au total, en comptabilisant les journalistes et les invités. Radio France a fourni des chiffres sur 4 journées complètes au CSA pour son étude spécifique sur « la représentation des femmes dans les médias audiovisuels pendant l'épidémie de Covid-19 » parue le 23 juin 2020 : France Inter arrive en bonne position sur ces 4 jours, avec 44 % de femmes à l'antenne au total.

Toutefois, on note, sur Radio France sur cette période, une grande majorité de femmes dans la catégorie « Témoins » et une grande majorité d'hommes dans la catégorie « Experts » : seulement 24 % de femmes parmi les invités politiques, 20 % de femmes parmi les experts, 14 % de femmes parmi les ministres interviewés .

La surreprésentation féminine dans le domaine « testimonial » s'est donc confirmée pendant cette période ainsi que la surreprésentation masculine dans le domaine de l'expertise et de la politique. S'agissant des journalistes et des professionnels présents à l'antenne, la parité a été respectée.

Sur l'antenne de France Médias Monde , dont la présidente directrice générale, Marie-Christine Saragosse a été auditionnée par la délégation le 15 juin 2020, le travail habituel de comptage exhaustif de la présence des femmes à l'antenne a été perturbé pendant la crise . La crise a en effet modifié les repères de grille habituels avec la suspension de certaines émissions et la mise à l'antenne de nouveaux rendez-vous. En outre, le logiciel de comptage de suivi de la présence des femmes à l'antenne n'a pas pu être, dans un premier temps, rendu opérationnel à distance.

Des efforts ont été entrepris par les rédactions de FMM pendant cette période (entre la mi-mars et début juin notamment) pour maintenir le taux de présence des femmes à l'antenne à un niveau comparable à celui affiché en temps normal : ainsi sur un panel d'émissions maintenues pendant la crise et représentatives des antennes de FMM, le taux de femmes présentatrices d'émissions était de 58 % sur RFI et 53 % sur France 24 .

S'agissant de la catégorie « invitées extérieures » (expertes et autres intervenantes), sur la période du 16 mars au 28 avril 2020, France 24 et RFI enregistrent un taux cumulé de 34 % de présence à l'antenne , dont 38 % pour RFI et 30 % pour France 24 , contre 36 % en moyenne globalement sur l'année 2019, soit une baisse de deux points . Concernant la catégorie « expertes » uniquement , ce taux est de 30 % sur la même période dont 26 % pour RFI et 32 % pour France 24 .

Le maintien initial sur les antennes de France Médias Monde d'un taux de présence des femmes globalement satisfaisant et significativement plus élevé que sur les autres médias audiovisuels précédemment cités n'a pas empêché la prise de conscience par les équipes de FMM du recul constaté et a incité une politique d'invitation volontariste afin d'améliorer les chiffres de présence des femmes à l'antenne notamment dans le courant du mois de mai 2020.

2. Une prise de conscience des médias audiovisuels ayant permis, en partie, de « rectifier le tir » après le premier mois de confinement

Les constats alarmants de début de période ont fait craindre une certaine régression de la place et de la parole des femmes dans les médias audiovisuels.

Les signaux d'alerte ont toutefois bien fonctionné car, après la période de « sidération » et de gestion dans l'urgence, les principaux médias audiovisuels ont pris conscience du danger de marginalisation de la parole des femmes expertes notamment et pris des mesures, au plus haut niveau, pour « redresser la barre ».

À France Télévisions , la gouvernance de FTV a rapidement soulevé la question, en premier lieu la Présidente directrice générale, Delphine Ernotte ainsi que la direction de la RSE. Une politique volontariste d'invitation d'expertes a été mise en place. Si les femmes sont faiblement représentées au sein de la catégorie « chefs de service hospitalier » (19 %), les cas de Karine Lacombe, cheffe de service des maladies infectieuses à l'hôpital Saint-Antoine, et d'Anne-Claude Crémieux, professeure en maladies infectieuses à l'hôpital Saint-Louis, montrent que les expertes dans ce domaine existent.

En outre, après les premières semaines de la crise, le champ d'expertise s'est élargi . Il ne s'agissait plus seulement de faire appel à l'expertise médicale, mais à une expertise de la crise sociale, économique, du contexte géopolitique, etc. L'élargissement du champ de l'expertise a permis de faire appel à un panel plus important d'experts et donc d'expertes et les chiffres de représentation des femmes « expertes » à l'antenne sont donc remontés.

Par exemple, le 18 avril 2020, une émission spéciale en plateau animée par le journaliste Julian Bugier, sur les conséquences de la crise du Covid, d'une durée de 2h30, affichait un taux de présence de 44,8 % de femmes. En outre, le niveau d'expertise était très élevé, avec notamment des femmes économistes ou spécialistes des questions géopolitiques.

L'émission C dans l'air est redevenue paritaire à partir de la fin du mois d'avril 2020, avec des plateaux à 50 % de femmes (toujours deux hommes et deux femmes invités).

S'agissant des journaux télévisés, les chiffres étaient les suivants à la fin du mois d'avril : 30 % de femmes pour les experts « en plateau » ; 40 % de femmes expertes dans l'ensemble des reportages diffusés dans les journaux. Pour Le magazine de la santé , les chiffres sont également remontés à 40 % de femmes.

Enfin, la délégation note avec satisfaction que, dans le cadre du dispositif Nation apprenante mis en place par le ministère de l'éducation nationale, les quelque soixante-dix émissions spéciales de la Maison LUMNI produites et diffusées dès le 23 mars sur les antennes de France Télévisions ( France 2 , France 4 , France 5 et la plateforme éducative Lumni ) ont veillé à une représentation paritaire des intervenant(e)s pour chaque émission. Une attention particulière a donc été portée à la féminisation des intervenants dès le début de la diffusion de ce programme éducatif spécifique à destination des jeunes publics .

Globalement, cette remontée des chiffres a demandé une grande vigilance et une alerte permanente sur cette question de la part de la gouvernance et des équipes de France Télévisions .

Sur TF1 , une synergie s'est mise en place entre les rédactions de TF1 et de LCI permettant d'élargir le vivier d'expertes dans la mesure où LCI , qui est une chaîne d'info en continu, fait appel à beaucoup plus d'invités en plateau.

Traditionnellement dans les journaux télévisés de TF1 , très peu d'invités interviennent en plateau, il y a donc peu d'occasions, dans ces conditions, d'avoir des expertes femmes. D'où l'initiative prise, pendant le confinement, d'avoir tous les soirs en plateau une journaliste femme répondant aux questions des téléspectateurs, considérée comme une façon de compenser l'absence d'expertes à l'antenne.

S'agissant du comptage et des statistiques, la direction de l'information de TF1 a été vigilante pour que la présence des femmes expertes à l'antenne, revienne au niveau antérieur de 50 %, soit une parité parfaite atteinte en 2019.

Début juin 2020, la représentation à part égale de femmes et d'hommes experts n'avait pas encore été rattrapée mais ce taux était remonté. D'ici la fin de l'année 2020, la rédaction espère avoir retrouvé la parité.

À Radio France , après un mois de crise, l'entreprise a cherché à procéder à un rééquilibrage de la présence des femmes à l'antenne.

Sur France Médias Monde , les chiffres fournis par Marie-Christine Saragosse lors de son audition par la délégation le 15 juin 2020, témoignent d'une amélioration du taux de présence des femmes à l'antenne au cours du mois de mai 2020, avec une hausse en moyenne d'un point pour la catégorie « invitées extérieures ». Ainsi, sur la période du 16 mars au 4 juin, le taux de femmes invitées (expertes et autres intervenantes) sur les antennes de RFI et France 24 était de 35 %, en hausse d'un point par rapport à la période précédente du 16 mars au 28 avril . Concernant les expertes uniquement, sur cette même période, le taux s'est élevé à 31 % (contre 30 % sur la période précédente) dont 27 % sur RFI et 34 % sur France 24.

3. Quels enseignements pour l'avenir ?

Ø Anticiper pour mieux prévoir les conséquences d'une future crise en incitant chaque média audiovisuel à se constituer un vaste vivier d'expertes

Le premier enseignement de cette crise pour les médias audiovisuels en termes de présence des femmes à l'antenne pourrait être qu'en temps de crise, face à des circonstances exceptionnelles et des conditions de travail dégradées, le travail dans l'urgence peut conduire à une moindre vigilance quant à la visibilité et la qualité de la représentation des femmes à l'antenne . D'où la nécessité impérieuse de pouvoir anticiper à l'avenir les conséquences d'une future crise potentielle sur cette représentation .

Il est donc temps pour les différents médias audiovisuels de se doter de réels outils de prospection afin de se constituer notamment un vivier de femmes expertes sur un spectre le plus large possible couvrant les domaines d'expertise les plus pointus.

Certes il existe aujourd'hui un « Guide des expertes », dont l'actualisation est toutefois aléatoire, comme le précisait Mme Léa Lejeune, présidente de « Prenons la Une », lors de la table ronde de la délégation le 27 février 2020 : « il existe en ligne un guide des expertes, qui recense un certain nombre de professionnelles - femmes politiques, chercheuses, représentantes d'associations - en indiquant leurs coordonnées. C'est un outil très utile pour les journalistes, qui avait été initialement cofinancé par France Télévisions et Radio France. Ces financements ont été abandonnés, et le site ne peut plus être mis à jour. ».

Marie-Anne Bernard, directrice de la RSE à France Télévisions , a pu constater, pendant la crise, que ce guide était très utile si l'on cherchait des expertes issues du milieu associatif. En revanche, pour certaines professions, notamment dans des domaines pointus d'expertise (dont les professions médicales pour lesquelles deux femmes seulement sont répertoriées parmi les praticiens hospitaliers chefs de service), le guide est lacunaire. Il n'est donc pas suffisant pour les médias. Par ailleurs, pour figurer dans ce Guide, il faut s'y inscrire ce qui sous-tend déjà une démarche « militante » et volontaire parmi les expertes répertoriées.

L'émission C dans l'air sur France 5 consacre un poste à temps plein à la recherche de femmes expertes dans tous les domaines, une sorte de « chasseur de têtes » qui constitue un répertoire de femmes pour l'émission, dans des domaines stratégiques majeurs (économie, santé, géopolitique, etc.). C'est une émission emblématique qui poursuit un objectif de parité absolue dans la constitution de ses plateaux d'experts. Elle constitue un modèle à suivre pour France Télévisions : les expertes existent, dans les domaines les plus pointus, il faut simplement aller les chercher et se constituer un nouveau vivier. La délégation considère cette démarche comme exemplaire et estime qu'elle mérite d'être reproduite .

Ø Une parole publique officielle principalement incarnée par des hommes

Le second enseignement des conséquences de cette crise sur la représentation des femmes dans les médias audiovisuels réside dans l'absence manifeste de valorisation de la parole publique de la femme, y compris dans le domaine politique . Cette crise a montré que la parole des femmes n'était pas considérée comme une parole universelle et abouti à la confiscation par les hommes, notamment politiques, et notamment ceux du pouvoir exécutif, de la prise de parole publique officielle.

La question de la féminisation de l'expertise et de la parole publique s'est posée à Radio France , ainsi que l'a formulé Bruno Laforestrie, président du comité « Diversité et égalité » : pendant cette période de crise, c'est d'abord la « parole officielle » qui devait primer sur le service public et pour incarner cette parole officielle ne leur étaient proposés quasiment que des hommes parmi les ministres et les membres du conseil scientifique notamment.

Le constat est le même pour la rédaction de TF1 dont les journaux télévisés se sont fait le relais des messages du gouvernement à destination du grand public, messages essentiellement délivrés par des hommes. La problématique s'est posée de la même façon avec les interventions des membres du conseil scientifique qui ne comptait initialement que deux femmes parmi ses onze membres.

Force est donc malheureusement de constater que le pouvoir politique n'a pas « joué le jeu » de la féminisation de la parole publique pendant cette crise .

Par exemple, pourquoi n'a-t-on quasiment jamais vu s'exprimer, au nom du Gouvernement, des femmes secrétaires d'État telles que Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé, ou Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, alors même que leur portefeuille ministériel respectif leur donnait toute légitimité pour le faire ?

La délégation estime regrettable que les femmes expertes en leur domaine n'aient pas eu davantage voix au chapitre pendant cette crise .

PRINCIPALES CONCLUSIONS DE L'ÉTUDE DU CSA SUR LA REPRÉSENTATION
DES FEMMES DANS LES MÉDIAS AUDIOVISUELS PENDANT L'ÉPIDÉMIE
DE COVID-19, PARUE LE 23 JUIN 2020

L'étude du Conseil supérieur de l'audiovisuel, réalisée à partir de données qu'il a collectées, a pour objectif de déterminer, en s'appuyant sur un panel de programmes, si les inégalités de représentation des femmes et des hommes dans les médias audiovisuels se sont accentuées pendant cette crise, à l'image de ce qui a pu être relevé dans le reste de la société.

Cette étude est fondée sur l'analyse de deux corpus de programmes :

- les journaux de TF1 , France 2 , BFMTV , LCI , France Inter et RTL qui ont traité des interventions du président de la République des 12, 16, 25 mars et 13 avril, qui ont été autant de moments clés liés à l'actualité de la pandémie ;

- les émissions spéciales liées au Covid-19 diffusées sur les chaînes TF1 , France 2 , M6 et France 5 , entre les mois de mars et de mai 2020 : programmes événementiels de première partie de soirée mais aussi programmes quotidiens, essentiellement en avant-première partie de soirée, qui se sont consacrés uniquement ou essentiellement à cette actualité.

Ainsi, 59 programmes, représentant un volume de près de 89 heures, ont été visionnés par le CSA. Tous les intervenants à l'antenne - plateaux, duplex et reportages - ont été indexés, soit 2 962 personnes.

Il ressort de cette étude que les tendances observées pendant la crise sont conformes à celles relevées par le CSA pour l'ensemble de l'année 2019 : la parité est presque atteinte pour les présentateurs (trices) et les journalistes mais des déséquilibres perdurent dans d'autres catégories, et en particulier dans celle des experts (es). En cela, les médias audiovisuels ont reflété, plutôt fidèlement même, la société et dès lors les disparités structurelles qui la caractérisent (ex : une incarnation masculine du pouvoir en termes de postes décisionnaires et honorifiques dans le milieu scientifique).

L'analyse des résultats du travail d'indexation des programmes sélectionnés par le CSA permet de dresser les principaux constats suivants :

une sous-représentation des femmes identique à celle constatée sur l'ensemble de l'année 2019 (41 % contre 59 % d'hommes) . La proportion de femmes est supérieure ou égale à 40 % pour cinq éditeurs : M6 (50 %), France Inter (44 %), France 5 (44 %), France 2 (41 %) et TF1 (40 %). Elle est en revanche plus faible pour les deux chaînes d'information en continu indexées - BFMTV (36 %) et LCI (34 %) - et pour RTL (34 %) ;

une majorité de femmes « témoins » (55 % contre 45 % d'hommes) et « témoins professionnels de santé » (52 % contre 48 % d'hommes) : les « témoins » sont entendus comme toutes les personnes qui sont intervenues à l'antenne pour évoquer la manière dont elles vivaient la crise sanitaire, les mesures de confinement, l'école à la maison, etc.

Parmi les témoins ayant été présentés comme des enfants, des mères ou pères de famille, des grands-parents (66 personnes), la plupart sont des femmes (73 %). Parmi ceux présentés comme parents, le déséquilibre est encore plus marqué puisque l'on retrouve 79 % de femmes contre seulement 21 % d'hommes.

Les « témoins professionnels de santé », sont considérés ici comme toutes les personnes qui intervenaient, principalement dans les reportages, pour rendre compte de leur quotidien professionnel. Sur l'ensemble des programmes visionnés, 305 personnes ont été indexées comme tels. Parmi eux, on compte 52 % de femmes.

Selon l'INSEE, les femmes représentent 46 % des médecins généralistes et spécialistes et, selon le Centre national de gestion des praticiens hospitaliers, 52 % des médecins hospitaliers. Or, elles ne représentent que 27 % des médecins interrogées dans les médias audiovisuels.

presque autant de femmes que d'hommes parmi les journalistes (47 % de femmes) et les présentateurs (trices) (45% de femmes) : seulement deux catégories présentent une proportion de femmes et d'hommes presque paritaire : « Journaliste » (47 %) et « Présentateur (trice) » (45 %). Ce constat est conforme à celui dressé par le CSA dans le cadre de ses rapports annuels sur la représentation des femmes et des hommes.

une sous-représentation des femmes dans certaines catégories : un constat préoccupant mais conforme à la réalité sociale : la présence des femmes ne dépasse pas la barre des 30 % dans cinq catégories de rôles sur dix : « Autre personnalité » (28 %), « Personnalité politique » (24 %), « Expert » (20 %), « Témoin représentant professionnel » (19 %) et « Représentant de l'État » (14 %).

La très faible part des femmes dans la catégorie des représentants de l'État (14 %) résulte des nombreuses interventions du président de la République, du ministre des solidarités et de la santé, du ministre de l'intérieur ainsi que du directeur général de la santé.

La part des femmes parmi les témoins représentants professionnels (19 %) est proche de la réalité sociale.

La catégorie des « Experts (es) » est au coeur des préoccupations du CSA ; depuis cinq ans, il mène un travail de sensibilisation des médias audiovisuels, qui porte ses fruits. Alors qu'en 2016, la part des expertes était la plus faible des cinq catégories déclarées par les chaînes de télévision et de radio, elle est devenue, en 2019, une des catégories comptant le plus de femmes, télévision et radio confondues, (38 %) et plus encore, elle n'a cessé de progresser depuis 2016 (+8 points).

Or, en cette période de crise sanitaire, la parole des expertes a été considérablement moins présente que celle des experts : 20 % de femmes contre 80 % d'hommes expert(e)s . La grande majorité des experts indexés dans les programmes analysés par le CSA se sont exprimés sur des sujets de santé (71 %).

Seuls 21 % des experts en santé présents à l'antenne sont des femmes. De surcroît, seuls 24 % des experts en santé invités en plateau et 15 % de ceux interrogés dans le cadre d'un reportage sont des femmes.

Cette faible proportion n'est toutefois pas sans lien avec la réalité du milieu médical. En effet, en 2016, les femmes ne représentaient que 19 % des professeurs des universités - praticiens hospitaliers (PU-PH) - et elles sont encore très peu à occuper des postes de haut niveau de responsabilités à l'hôpital (chef de service, de pôle, etc.).

Il est relevé par ailleurs que le conseil scientifique, installé le 11 mars 2020 pour éclairer la décision publique dans la gestion de la situation sanitaire liée au Covid-19, est composé à 80 % d'hommes. Ce sont d'ailleurs essentiellement des hommes membres de ce conseil qui ont été régulièrement interrogés ou conviés en plateau.

En revanche, alors qu'en 2013, « hommes et femmes [étaient] à parité parmi les chercheurs de l'Inserm, de l'Institut Pasteur et de l'Inra », seule une femme est intervenue parmi les quinze personnes travaillant à l'Institut Pasteur qui se sont exprimées dans les programmes analysés.

Cette étude, fondée sur un simple échantillonnage de la programmation des chaînes, ne conclut donc pas à une spécificité de la période en matière de sous-représentation des femmes sur les antennes des médias audiovisuels mais souligne particulièrement la tendance à privilégier la parole experte des hommes.

En cela, les médias ont reflété, plutôt fidèlement même, la société et dès lors les disparités structurelles qui la caractérisent (ex : une incarnation masculine du pouvoir en termes de postes décisionnaires et honorifiques dans le milieu scientifique).

La crise n'a ainsi pas mis à mal les progrès réalisés par les chaînes en matière de droits des femmes depuis cinq ans.

Source : Conseil supérieur de l'audiovisuel

PRINCIPAUX CONSTATS DU RAPPORT D'ÉTAPE SUR LA PLACE DES FEMMES
DANS LES MÉDIAS EN TEMPS DE CRISE DE CÉLINE CALVEZ, DÉPUTÉE,
PUBLIÉ LE 23 JUIN 2020

Dans une lettre qu'il lui a adressée le 24 avril 2020, le Premier ministre a confié à la députée Céline Calvez une mission permettant d'analyser selon tout critère jugé pertinent la place des femmes journalistes et des femmes expertes dans l'ensemble des médias en période de confinement et de crise sanitaire, de formuler des propositions pour s'assurer de leur représentativité et, plus largement, d'apprécier la place des femmes dans l'ensemble des médias.

Dans cette lettre, le Premier ministre écrivait notamment : « chaque jour, le débat public s'enrichit grâce aux médias de l'expression d'experts, de scientifiques et d'intellectuels qui nourrissent la réflexion de tout un chacun. Le rôle de ces experts qui éclairent la crise que nous traversons de leurs savoirs est essentiel au débat public ». Il ajoutait : « cette crise ne doit toutefois pas conduire à un abandon des objectifs de parité dans tous les médias. Les femmes représentent 52 % de la population et, durant la période que nous traversons, elles sont souvent au coeur de l'action. Or, elles doivent également être au coeur de la réflexion et des représentations publiques. Les experts doivent aussi être des expertes. On ne saurait analyser le monde, même et surtout en période de crise, sans la moitié de celui-ci, ou même avec une moindre participation et représentation des femmes ».

Au cours de sa mission, la députée s'est intéressée en particulier aux contenus d'information : audiovisuels (radio, télévision), presse écrite, numériques. Ce champ pourra, par la suite, être élargi à d'autres productions audiovisuelles diffusées par les médias (fiction, téléréalité, etc.) pendant la période. Une attention particulière a été portée à la place des femmes journalistes au sein des organisations et à la place des femmes expertes à l'antenne. En outre, le choix a été fait de se concentrer sur les mois de mars et avril 2020, ainsi que sur le début du mois de mai (fin du confinement), période où la crise a été plus aigüe.

Les premiers constats du rapport d'étape sur la place des femmes dans les médias en temps de crise sont les suivants :

- on constate globalement une baisse de la présence des femmes expertes dans les médias d'information en mars et avril 2020 . Par exemple, France Télévisions souligne un net décrochage dans les journaux télévisés de France 2 et France 3 , où le nombre d'expertes tombe à 9 % en mars et 20 % en avril au lieu de 40 % en moyenne. A contrario , on note une surreprésentation des hommes experts dans les médias d'information, de débats et une sur-légitimité de la parole masculine ;

- s'agissant des femmes journalistes pendant la crise : les auditions des médias menées par la députée ont permis de constater la mobilisation des femmes journalistes mais aussi de relever des difficultés liées au confinement et au cumul du télétravail avec les tâches domestiques et l'éducation des enfants ;

- l'INA a réalisé une étude sur les bandeaux apparaissant en bas des écrans et qui précisent les noms, titres, expertise des invité.e.s en analysant huit journées - entre le 17 mars et le 11 avril 2020 - sur cinq chaînes différentes ( BFMTV , Cnews , qui sont analysées toute la journée ; TF1 , France 2 et France 3 dont seuls les journaux télévisés sont analysés) : d'une façon générale, les femmes apparaissent comme largement minoritaires (28 %) dans l'information télévisée. En outre, la part des hommes interviewés ayant statut d'autorité est plus élevée que celles des femmes (77 % contre 55 %). L'INA souligne dès lors que la crise a conforté la place dominante accordée par les informations aux intervenants masculins ;

- dans les médias d'information, les femmes, qui ont disparu des débats (peu d'expertes), apparaissent davantage comme témoins . Les médias ont mis en lumière toutes ces femmes « sur le front » qui sont habituellement invisibles ou peu valorisées, reflétant une réalité peut-être méconnue ;

- les violences conjugales et intrafamiliales ont également fait l'objet d'une couverture médiatique régulière, mettant en avant la situation des femmes - et des enfants - victimes de violences, aggravée par le confinement ;

- dans le sport, on constate la disparition médiatique quasi-totale des femmes sportives et des enjeux liés au sport pratiqué par les femmes.

En outre, le rapport rend compte des résultats d'une analyse de l'interview phare des huit matinales les plus écoutées à la radio ( France Inter , RTL , Europe 1 , France Info , Radio Classique , RMC , Sud-Radio et RFI ) entre mars et mai 2020 : les femmes n'ont constitué que 23 % des invité(e)s et 16 % des expert(e)s du Covid-19.

À l'issue de ce constat, le rapport propose 21 « pistes de préconisation » pour rétablir la parité.

Source : Rapport d'étape du 23 juin 2020 sur la place des femmes dans les médias en temps de crise, remis à Franck Riester, ministre de la culture, et Marlène Schiappa, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, par Céline Calvez, députée.


* 10 Notamment France Télévisions , Radio France et TF1 .

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