Réponse de Michelle Perrot

Vos propos me touchent beaucoup, Madame la présidente.

Je suis vraiment très honorée d'être parmi vous ce soir : voici déjà plusieurs années que j'ai l'occasion, vous l'avez rappelé, de venir au Sénat participer aux événements que vous organisez. Vous avez mentionné la réunion du 8 mars 2018 avec des élues locales : bien avant cette date, grâce à Sylvie Nat ici présente, j'avais été entendue par des sénateurs qui, avant les lois sur la parité, réfléchissaient sur la place des femmes dans la vie publique 6 ( * ) .

J'ai toujours eu beaucoup de plaisir à participer aux réflexions du Sénat. J'apprécie à chaque fois l'excellente organisation de vos manifestations. La présence chaleureuse des élues que j'ai rencontrées ici le 8 mars 2018 est un très bon souvenir : c'était particulièrement agréable d'échanger avec elles.

Tout cela témoigne d'un changement dans l'histoire du Sénat, une institution qui pourtant n'a pas toujours été très féministe ! Nous savons qu'il s'est longtemps opposé au vote des femmes...

Maria Vérone 7 ( * ) , qui fut une grande avocate, était venue dans ces murs en 1922 pour tenter de défendre auprès des sénateurs la cause des femmes. En vain ! Elle s'était retirée en disant : « Vive la République quand même ! ».

Incontestablement, le Sénat a changé. Ce serait passionnant, d'ailleurs, de raconter cette histoire. Les femmes et le Sénat, le Sénat et les femmes : il y aurait beaucoup à dire, aussi bien sur l'arrivée des sénatrices que sur les préoccupations qui sont devenues les vôtres, à la délégation aux droits des femmes. Vous êtes l'illustration du fait que le Sénat s'est ouvert sur la société et sur le monde.

Autant que je le pourrai, je continuerai à vous accompagner et je vous remercie encore pour cette distinction.

Remise du prix de la délégation
à Luc Frémiot, magistrat honoraire

Chers collègues,

Monsieur le procureur, cher Luc Frémiot,

Chers lauréats,

Mesdames, Messieurs,

Pour la deuxième édition de son prix, la délégation a été unanime à choisir, parmi ses quatre lauréats, Luc Frémiot, magistrat honoraire, ancien procureur de la République de Douai.

Luc Frémiot est, en effet, un interlocuteur fidèle de la délégation dans le cadre de ses travaux sur les violences conjugales. Très récemment, le 28 mai dernier, il a bien voulu partager avec la délégation son expertise précieuse en matière de lutte contre les violences faites aux femmes, dans cette période si particulière marquée par la recrudescence des signalements de violences liées au confinement.

Lors de cette audition, M. Frémiot soulignait très justement - je le cite -  « Paradoxalement, le confinement que nous venons tous de subir a permis à l'opinion de mieux appréhender le vécu de toutes ces femmes enfermées à longueur de journée avec un agresseur physique ou sexuel. (...) La réalité, c'est que le confinement est la triste situation de femmes qui vivent dans la camisole de force de l'emprise psychologique, qui les empêche d'accéder à des institutions, entrave leur liberté et les maintient sous le joug quotidien d'un agresseur ».

Ce constat a accompagné nos réflexions sur la crise sanitaire : c'est bien un « confinement sans fin » que vivent les victimes de violences conjugales.

Luc Frémiot avait déjà, il y a quelques années, accompagné le travail de la délégation sur les violences conjugales : il avait été entendu le 29 janvier 2015 dans le prolongement d'une visite de la délégation, le 25 novembre 2014, au Home des Rosati d'Arras, structure pionnière où sont accueillis des auteurs de violences conjugales.

Lors de cette audition, Luc Frémiot avait notamment plaidé pour la prise en charge des auteurs de violences. Il nous avait alertés en ces termes : « Ce qu'il faut bien comprendre, c'est que la violence est un phénomène dynamique. Plus on attend pour la traiter, plus celle-ci va prendre des proportions telles qu'à un moment donné, plus personne ne pourra la maîtriser ».

Il était également parmi nous il y a près d'un an, le 10 octobre 2019, lors de la célébration de notre vingtième anniversaire.

Monsieur le procureur, nous connaissons, toutes et tous, votre engagement contre le fléau des violences conjugales, non seulement comme magistrat mais aussi comme écrivain. Votre expérience vous a en effet inspiré des essais, comme vos Confidences d'un magistrat qui voulait être libre , publiées en 2014 et qui retracent vos combats qualifiés de « solitaires ». Plus récemment, vous vous êtes tourné vers l'écriture de romans.

Vous avez toujours su exprimer, devant la délégation, de façon très explicite, pédagogique et documentée, les enjeux d'une politique pénale volontaire et efficace de lutte contre les violences.

Procureur à Douai, entre 2003 et 2010, vous aviez ainsi réussi à faire baisser le taux de récidive en matière de violences conjugales à 6 % en mettant en place des mesures innovantes pour lutter contre ces violences.

S'agissant plus particulièrement du fonctionnement de la chaîne judiciaire, vos alertes ont été très éclairantes pour nous, qu'il s'agisse des risques de la médiation pénale dans le contexte de violences ou de la nécessité de créer des unités de médecine légale au sein des juridictions. Vous vous êtes également prononcé en faveur de la suppression des « mains courantes », qui ne sont, je cite vos mots, que « des appels au secours qui restent sans écho ». Vous avez enfin défendu l'idée d'un contrôle judiciaire renforcé, intervenant à la fois sur les auteurs des violences et auprès des victimes.

C'est donc un immense honneur pour moi de vous remettre, Monsieur le procureur, cette médaille de la délégation, afin de saluer l'ensemble de votre engagement en faveur de la défense des femmes victimes de violences.


* 6 Voir le rapport d'information fait par M. Philippe Richert au nom de la Mission d'information sur la place et le rôle des femmes dans la vie publique, (n° 384, 1996-1997).

* 7 Maria Vérone (1874-1938), rédactrice à La Fronde , journal de Marguerite Durand, devint avocate en 1907 (elle fut l'une des pionnières de cette profession). Militante du droit de vote pour les femmes, elle présida la Ligue française pour le droit des femmes .

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page