B. NOS RECOMMANDATIONS

Vos rapporteurs ont élaboré huit séries de recommandations en réponse aux constats posés dans le rapport :

- sensibiliser, éduquer et impliquer les citoyens ;

- réduire la production de plastique ;

- prévenir la fuite des plastiques dans l'environnement ;

- favoriser le réemploi ;

- rendre le recyclage plus efficient ;

- soutenir l'acquisition de connaissances et la recherche ;

- évaluer et contrôler l'application des lois qui intègrent des dispositions relatives à la pollution plastique ;

- promouvoir de nouvelles actions à l'échelon européen et international.

1. Sensibiliser, éduquer et impliquer les citoyens

La lutte contre la pollution plastique est l'affaire de tous. Les solutions ne peuvent se limiter aux seules actions des pouvoirs publics et des acteurs économiques. Il est indispensable d'impliquer l'ensemble des citoyens, à tous les âges, dans leurs différentes responsabilités, en les aidant à adopter des modes de consommation moins utilisateurs de plastiques.

• Intégrer dans les parcours scolaires au moins une opération de ramassage de déchets plastiques (plages, bords de routes, berges de rivières) sous forme ludique et instructive pour éveiller les consciences ;

• Intégrer dans toutes les formations supérieures un module sur les matières plastiques et la pollution qu'elles peuvent engendrer ;

• Rendre obligatoire l'affichage en magasin de la possibilité pour le consommateur de laisser les emballages en caisse ;

• Multiplier les nudges « Ici commence la mer » aux abords des avaloirs des réseaux publics d'eau pluviale ;

• Rendre obligatoire, par voie d'étiquetage, l'affichage d'une mention « relargue des microfibres dans l'environnement » pour tous les textiles à base de fibres plastiques ;

• Associer davantage les citoyens à la définition des politiques de lutte contre la pollution plastique ;

• Informer les consommateurs sur les risques associés aux mésusages des contenants plastiques (risques de migration de perturbateurs endocriniens lorsque l'on utilise un contenant alimentaire en plastique en le détournant de la fonction pour laquelle il a été mis sur le marché).

2. Réduire la production de plastique

Pour lutter efficacement contre la pollution plastique, il faut infléchir l'explosion de sa consommation . S'il n'est pas question de supprimer tous les plastiques, l'objectif est de rationaliser leurs usages en les réservant aux applications où leurs performances leur confèrent une nette supériorité vis-à-vis des autres matériaux.

• Définir une liste des plastiques à réduire en considérant :

- leur qualité (conditionnée notamment par la toxicité de leurs additifs) ;

- leur évitabilité (certains usages du plastique sont par exemple sans intérêt particulier en dehors de la fonction marketing qui leur est associée) ;

- leur durée de vie (des plastiques ne sont utilisés que quelques minutes avant de devenir des déchets) ;

- leur risque de fuite vers l'environnement (les modes de consommation ou d'utilisation de certains plastiques conditionnent leur forte probabilité à se retrouver dans l'environnement) ;

- leur substituabilité (avec démonstration par l'analyse du cycle de vie de leur capacité à être remplacés par d'autres matériaux, sans impacts environnementaux plus importants).

• Accélérer l'interdiction des microplastiques intentionnellement ajoutés en les reconnaissant comme des polluants organiques persistants ;

• Utiliser le levier de la commande publique pour amplifier la réduction de la consommation de plastiques ;

• Développer et généraliser les accès à l'eau potable dans l'espace public de manière à réduire le recours aux bouteilles en plastique à usage unique ;

• Favoriser la réduction de la consommation de plastique par les entreprises par la coercition et l'incitation ;

• Accompagner la reconversion des entreprises qui seraient directement impactées par des interdictions de plastiques ;

• Imposer l'utilisation de plastiques biosourcés et compostables dans le secteur des films agricoles ;

• Interdire l'utilisation de polystyrène expansé pour l'emballage des colis, y compris pour les produits frais (poissons) et les objets fragiles.

• Promouvoir l'utilisation de masques en tissu par les citoyens.

3. Prévenir la fuite des plastiques dans l'environnement

La fuite des plastiques dans l'environnement est le point de départ d'une pollution qui va se disperser et s'amplifier avec la libération de particules de micro et de nanoplastiques. Il est nécessaire de contenir les différentes fuites, qu'elles concernent les granulés de polymères utilisés par l'industrie, les microplastiques ajoutés intentionnellement dans différents produits de consommation ou les objets en fin de vie.

• Renforcer la réglementation pour éviter les fuites de granulés industriels ;

• Imposer la géolocalisation des engins de pêche industrielle et de tous les conteneurs transportant des granulés ou des plastiques ;

• Favoriser le recours aux équipements de pêche et de conchyliculture en matériaux mono-matière et biodégradables ;

• Renforcer la règlementation sur la certification des pneus en l'élargissant à la prise en compte de l'abrasion des bandes de roulement ;

• Développer une procédure de test standardisé pour mesurer la dispersion des billes des gazons synthétiques et conditionner leur mise sur le marché au respect d'un seuil maximum de dispersion ;

• Interdire les lâchers de ballons ;

• Procéder à l'inventaire des décharges (actuelles et anciennes) ainsi que des lieux d'enfouissement sauvages et mettre en place un plan pour leur élimination progressive ;

• Interdire l'utilisation, dans la formulation de tout plastique, des substances utilisées comme additif ou charges dès lors qu'elles ont été classées par REACH comme substances toxiques, polluants très persistants et bioaccumulables.

4. Favoriser le réemploi

Avant le recyclage, le réemploi est une solution qui ne doit pas être négligée.

• Subventionner massivement le réemploi ;

• Inciter le développement de la consigne en verre pour les boissons (en particulier pour les productions de boissons locales), notamment en accélérant le développement d'infrastructures (verrerie, industrie du lavage, etc.) ;

• Élaborer une feuille de route nationale déclinée à l'échelle territoriale sur les contenants alimentaires dans d'autres matières que le plastique ;

• Augmenter au-delà des 2 % actuels la part des contributions perçues par les éco-organismes consacrée au développement du réemploi.

5. Rendre le recyclage plus efficient

La production de plastique est consommatrice de ressources non renouvelables. Il est indispensable de mener des actions pour renforcer l'efficience de la matière première (garantir sa réinjection dans le cycle de production le plus longtemps possible). Même si le recyclage ne constitue pas une solution miracle, il peut limiter la consommation de matière première vierge dans la logique de l'économie circulaire.

• Documenter les flux de déchets par résine en vue de la création de filières de recyclage lorsque les quantités les rendent pertinentes ;

• Interdire dès maintenant la mise en décharge des plastiques bénéficiant d'une filière opérationnelle de recyclage ;

• Imposer des taux de réincorporation par résine et par produit ;

• Imposer la transparence sur les additifs utilisés afin de garantir leur traçabilité pour la gestion de fin de vie (tri, recyclage et réincorporation) ;

• Mettre en place des incitations fiscales et réglementaires pour encourager l'incorporation de plastiques recyclés ;

• Garantir la traçabilité de l'incorporation des matières premières recyclées pour éviter les fraudes ;

• Conditionner la mise sur le marché de tout nouvel emballage plastique à son respect de critères environnementaux (recyclable, compostable ou réutilisable) ;

• Imposer pour le produit final un étiquetage indiquant le pourcentage d'incorporation de matières plastiques recyclées, y compris s'il n'en contient pas (mention « 0 % de plastique recyclé ») ;

• Généraliser l'écoconception de tout objet en plastique, notamment en lui intégrant une analyse technico-économique du recyclage pour en chiffrer le coût ;

• Faire appliquer la réglementation internationale sur les exportations de déchets plastiques vers les pays tiers en renforçant leur suivi et leur traçabilité.

6. Soutenir l'acquisition des connaissances et la recherche

L'arrivée massive des plastiques dans notre vie quotidienne est un phénomène récent qui s'accompagne de fuites de certains d'entre eux dans tous les compartiments de l'environnement. La recherche s'intéresse à la pollution plastique depuis une dizaine d'années et n'a pas encore exploré tous les domaines qui permettront de la comprendre et de trouver des solutions pour y remédier. Le soutien à l'acquisition des connaissances est essentiel et doit être encouragé.

• Poursuivre les recherches sur les sources des pollutions plastiques, leurs voies de transfert dans l'environnement, notamment dans le sol et dans l'atmosphère ; renforcer les connaissances sur le devenir des plastiques en étudiant leur vieillissement en conditions naturelles standardisées avec un accent particulier mis sur les microplastiques et les nanoplastiques ; cartographier la répartition des pollutions à l'échelle du globe ;

• Harmoniser les définitions des microplastiques et des nanoplastiques et standardiser les protocoles de collecte et de mesure des données sur les pollutions plastiques ;

• Mieux connaître les impacts toxiques des microplastiques et développer de nouvelles méthodes d'évaluation des risques intégrant les effets conjugués avec d'autres polluants ;

• Renforcer les recherches sur les transferts de micro et de nanoplastiques dans la chaîne alimentaire ;

• Renforcer le rôle de la science coopérative par le financement d'appels à projets impliquant des organismes de recherche et des associations ;

• Soutenir la recherche en sciences humaines et sociales afin de disposer de données quantitatives et qualitatives sur les pratiques de consommation et de production, sur la perception du risque, sur les mécanismes encourageant l'acceptation du changement, sur la formation et l'évolution des normes sociales, etc. ;

• Favoriser le mécénat d'entreprise en direction de l'environnement afin de faciliter l'augmentation des moyens de la recherche et des associations.

7. Évaluer et contrôler l'application des lois qui intègrent des dispositions relatives à la pollution plastique

De nombreuses lois comportent d'ores et déjà des dispositions qui concernent la pollution plastique, la dernière en date étant celle relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire. Il convient, par le contrôle de l'application des lois, de s'assurer de leur concrétisation, c'est-à-dire de leur transposition sous forme de décret dans le respect de l'esprit dans lequel elles ont été votées et dans un délai raisonnable.

Plus généralement, à court terme, trois dispositifs devront particulièrement retenir l'attention des parlementaires :

• la règlementation sur les cinq flux qui peine à être appliquée ;

• les mesures d'amélioration de la collecte (tarification incitative, extension de la consigne de tri ; tri à la source des biodéchets, harmonisation des couleurs des poubelles ;

• la mise en conformité des rejets des réseaux de collecte des eaux usées, importante voie de transfert dans l'environnement de produits plastiques à usage domestique.

Enfin, lors des débats des prochaines lois, il sera essentiel de s'assurer que les mesures votées ne soient pas contre-productives en termes de lutte contre la pollution plastique. À l'image de la volonté affirmée par de nombreux parlementaires d'inscrire les lois dans un principe de neutralité carbone, il faudra également les considérer sous l'angle de leur « neutralité plastique ». Plus généralement, comme il est d'usage dans de nombreux autres pays, les lois votées devraient être examinées selon le prisme des ODD 271 ( * ) afin d'identifier en quoi et comment elles respectent, ou non, ces objectifs arrêtés par la communauté internationale et que la France s'est engagée à atteindre.

8. Promouvoir de nouvelles actions à l'échelon européen et international

À l'instar de la question du réchauffement climatique, la pollution plastique est un problème global qui ne pourra être résolu qu'au niveau international. C'est la raison pour laquelle il est indispensable de fédérer la communauté internationale autour du sujet. En outre, certaines mesures ne seront efficaces que si elles sont prises au niveau européen. Il apparaît dès lors important de :

• Mettre en place, à l'image du GIEC, une plateforme scientifique européenne ou mondiale sur la pollution plastique pour permettre un accès partagé à des données normalisées ;

• Promouvoir un traité mondial visant à réduire la pollution plastique ;

• Faire évoluer la directive cadre sur l'eau afin de prendre en compte la problématique plastique et exiger, qu'à l'instar de la directive cadre « stratégie pour le milieu marin », les États membres prennent des mesures pour lutter contre les déchets plastiques dans les eaux de surface ;

• Renforcer la réglementation européenne afin de lutter plus efficacement contre les perturbateurs endocriniens.


* 271 Objectifs de Développement Durable des Nations Unies.

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